Exo "Vers et prose" d'après 5 textes : 5 mains pour une saison de vie
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Exo "Vers et prose" d'après 5 textes : 5 mains pour une saison de vie
Printemps
Corps-dons (chrystie12)
Eté
Ils sont trop forts, trop …. Poussetontraino
Malgré. Rebecca
Automne
Mais qui sont ces gens autour de moi ?
Je veux Nanny, j’étais avec elle ce matin.
Nous étions en cuisine où je n’avais jamais froid.
Nous étions pleines de rires et de cerises au jus carmin
Qui dégoulinaient en un ru rebelle,
Du bout de mes doigts à mes coudes écorchés,
Dans l’immuable cérémonielle
De la confection de tartes à l’envie dorées.
D’une main tremblotante de jeunesse,
Je vole un morceau de pâte,
Que ta complice tendresse
A laissé à ma portée immédiate.
Je cours sous tes yeux émue, Nanny
Vers le jardin où m’attend le passereau.
Tu sais, celui que tu trouves si joli
Celui que je ne trouve pas si beau.
Tu me racontes qu’il pique les vers quand tu bines le sol.
Qu’il te connait bien, que tu le respectes.
Tu me dis qu’il est le messager d’Eole
Je souris en ne comprenant guère ton dialecte.
Tu me dis d’être patiente, qu’il viendra dans ma main,
Chercher ce qui nous unirait d’un lien magique.
Mais mes cris de joie, mes piaillement gamins
Ont brisé cet instant unique.
Tristement, alors, je rentre devant tes yeux amusés
Me vautrer dans la chaleur de ton amour,
Dévorer d’une envie enfantine et tout excusée,
Tartes et baisers venant à mon secours
Nanny que se passe t il, je ne te vois plus
Qui sont ces gens devant moi ? Que me veulent-ils ?
Nanny, viens m’aider, je t’appelle, je ne les crois plus
Quand ils me disent, à coups de mensonges habiles
Que tu n’es plus là.
Où es tu ?
Je vois le passereau, il ne bouge pas
Son cou est mou, ses pattes folles.
Et derrière lui, des yeux de chat
Qui scintillent comme des lucioles.
Nanny, viens vers moi
Ils me font peur
Ils m’appellent toi,
Et tu n’es plus là.
Protège moi du chat, il a tout gâché, c’est de sa faute, il a pris le passereau.
Je vais le chasser, il ne reviendra pas !
Pourquoi tu ne me réponds pas ?
Nanny ?
Vie Brêve. Coline Dé
Hiver
Ni la mort, ni la vie. Embellie
Je n’ai pas toujours été cela, un cocon vide, rempli du brouillard de l’oubli, long écho de ma vie passée, douleurs en guise de corps, chétive chenille qui pourtant était papillon.
J’ai d’abord été nourrisson, beuglant ma douleur d’être arrachée aux entrailles de ma mère, mes mains happant la vie comme ma bouche cherchant son sein. J’en ai les sensations, à défaut des souvenirs : les meurtrissures des chutes des premiers pas, les étincelles dans leurs yeux et mes espoirs dans les miens. J’ai l’impatience dans mes mains qui empoignent la vie et mes premiers crayons, qui dessinent ses premiers mots, qui saisissent les premiers bras et les premiers visages pour mes premières danses de langues mêlées aux premiers émois.
Ma mémoire ravive alors mes sens, je me laisse prendre avec envie et sans retenue, mon corps se tend, ne se souvient plus mais n’a pourtant jamais pu oublier. C’est si bon, j’en souris avec gourmandise. Ils ne me comprennent pas, eux autour de moi, mais ils ne sont déjà plus là. Je revois le sein de ma mère qui se mêle au mien quand ma fille s’en saisit pour y boire goulûment.
J’ai l’arrière-goût de nos promenades, mains et cœurs enlacés, le ciel qui se pare du gris de tes tempes.
J’ai mal, mes articulations se grippent et leurs regards m’agacent. Qui sont-ils pour me juger ? Que savent-ils de mes émotions, eux qui ont si peu vécu. Qui sont-ils d’abord ? Qui sont-ils ?
J’ai d’abord été nourrisson, beuglant ma douleur d’être arrachée aux entrailles de ma mère, mes mains happant la vie comme ma bouche cherchant son sein. J’en ai les sensations, à défaut des souvenirs : les meurtrissures des chutes des premiers pas, les étincelles dans leurs yeux et mes espoirs dans les miens. J’ai l’impatience dans mes mains qui empoignent la vie et mes premiers crayons, qui dessinent ses premiers mots, qui saisissent les premiers bras et les premiers visages pour mes premières danses de langues mêlées aux premiers émois.
Ma mémoire ravive alors mes sens, je me laisse prendre avec envie et sans retenue, mon corps se tend, ne se souvient plus mais n’a pourtant jamais pu oublier. C’est si bon, j’en souris avec gourmandise. Ils ne me comprennent pas, eux autour de moi, mais ils ne sont déjà plus là. Je revois le sein de ma mère qui se mêle au mien quand ma fille s’en saisit pour y boire goulûment.
J’ai l’arrière-goût de nos promenades, mains et cœurs enlacés, le ciel qui se pare du gris de tes tempes.
J’ai mal, mes articulations se grippent et leurs regards m’agacent. Qui sont-ils pour me juger ? Que savent-ils de mes émotions, eux qui ont si peu vécu. Qui sont-ils d’abord ? Qui sont-ils ?
Corps-dons (chrystie12)
- Spoiler:
- Bouche qui vagit
Menottes qui frétillent
Corps qui croît.
Œil qui cherche
Main qui saisit
Corps qui se dresse
Bouche qui babille
Pas qui hésitent
Mains qui se tendent
Regard qui boit
Qui croit, qui croit.
Bouche qui chantonne
Main qui gribouille
Jambes qui gambadent
Quenottes qui branlent
Œil qui déchiffre
Main qui écrit
Sens qui explosent
Front qui bourgeonne
Cœur qui chamade
Regard qui s’enflamme
Qui s’exalte, qui s’exalte.
Corps qui halètent
Corps qui gémit
Corps qui allaite
Bras qui bercent
Mains qui s’affairent
Bouche qui cajole
Sens qui vigilent
Pas qui s’accordent
Cœurs qui rayonnent
Regard qui gère
Qui projette, qui projette.
Bouche qui chancelle
Œil qui s’émousse
Epaules qui versent
Dos qui fatigue
Sourcils qui se plissent
Pas qui hésitent
Corps qui décroît
Mains qui se crispent
Gestes qui s’enlisent
Regard qui se noie
Qui pré-fixe, qui suffixe.
Eté
Ils ne me crurent pas alors que je souffrais
De mauvais tours et noire magie.
A mes dépends, sans grand regret,
Ils se moquèrent de ces infamies.
La voiture était au second niveau, je le sais j’y étais
Mon sapin vert, le volant nappé de fourrure bleue,
Et à sa place, je vous le dis, il n’y avait
Quun scooter rouge, vu de mes grands yeux.
Ils s’amusent de moi, me font tourner en rond.
Me prennent vêtements et babioles.
Je cherche encore, je peste, me crois souillon,
Et petit à petit, ma raison qui s’étiole
Et quand je crois tenir enfin la preuve
A lancer à leurs visages dédaigneux,
Que chaque jour est une épreuve,
Tout reprend sa place dans un ordre nauséeux
De mauvais tours et noire magie.
A mes dépends, sans grand regret,
Ils se moquèrent de ces infamies.
La voiture était au second niveau, je le sais j’y étais
Mon sapin vert, le volant nappé de fourrure bleue,
Et à sa place, je vous le dis, il n’y avait
Quun scooter rouge, vu de mes grands yeux.
Ils s’amusent de moi, me font tourner en rond.
Me prennent vêtements et babioles.
Je cherche encore, je peste, me crois souillon,
Et petit à petit, ma raison qui s’étiole
Et quand je crois tenir enfin la preuve
A lancer à leurs visages dédaigneux,
Que chaque jour est une épreuve,
Tout reprend sa place dans un ordre nauséeux
Ils sont trop forts, trop …. Poussetontraino
- Spoiler:
- Je suis souvent en panique. Surtout les fois où je réalise combien les complots envers moi, tout autour, se resserrent .
Là où je suis le plus choqué c’est quand je vois des personnes m’ayant volé mon portable , ayant changé la sonnerie , sans doute le fond d’écran , rigolant avec mes contacts , se jouant de moi … j’en suis à chaque fois pétrifié.
Le prodige c’est qu’a chaque fois que cette personne range dans ses poches le dit portable , je fouille aussitôt dans le fond de mon sac et , comme par magie , il est déjà là …ils sont trop forts , trop organisés pour moi …
C’est comme toutes ses fois où je croise des individus m’ayant volé mes affaires, un polo de chez Z… , un tee-shirt de chez C….., un pantalon de la R…… , des chaussures de chez les T….S…… Là je les toise avec l’air satisfait de celui qui les a découvert , mais toujours ils semblent ahuris . Ma femme à fond aussi dans cette machination me dit l’air de rien : « t’as vu , il a le même que toi ? » ( mais bien sur que je le sais ,pardi, c’est le mien …) .
Le prodige encore c’est qu’une fois que je peux enfin me précipiter vers mes affaires je constate qu’ils ont remis tout à leur place , au poil près …ils sont trop forts , trop…
Que dire des fois où ils me déplacent ma voiture sur les grands parkings . Ils ont même profité du peu de temps qu’ils ont eu pour changer ma serrure , changer l’autoradio , rajouter là un siège auto , là un paquet de bonbons , d’autres choses encore … Là j’accours alarmé vers ma femme , qui l’air de rien me dit « mais non , rappelle toi , nous l’avons laissé près du grand arbre , à coté de la pompe à essence » .
Le prodige c’est qu’une fois sorti, je la retrouve en effet près du grand arbre et avec , comment ont-ils faits ? sa serrure d’origine, le siège bébé débarrassé et tout en ordre … ils sont trop forts …
Ce jour viendra, celui où tout autour de moi sera remplacé une après l’autre chaque personne que j’aime, par l’identique, un double, un clone, un reflet, que sais-je ?
Et moi en dernier, je serais seul à me déplacer dans un monde n’existant plus , ou pas .
J’en suis certain …
S’appliquant sur mes ficèles, attendant ce jour…
Ils doivent bien rire de moi…
là -haut …
Oh ma vie tu me manques. J’ai tant aimé être bercée dans tes tempêtes et souvent me noyer dans tes calmes d’huile. Tu m’en auras offert des croisières et j’aurai souvent craché dans tes embruns. Mais tu me manques dans ses moments où mon esprit sombre en laissant ma galère voguer au gré des jours.
J’ai l’impression d’être un rocher accroché à des fonds en mouvement alors que mon envie me pousserait à flotter vers l’infini. Pourquoi refuses-tu de me prendre avec toi, ma vie, toi qui es devenue si indépendante de ce que je ressens. Tu te vis sans moi, t’en rends tu compte autant que je le vois ?
Tu m’as tant apporté, je ne t’en veux pas. J’aimerais juste pouvoir choisir de t’emmener avec moi. Je serais moins seule dans mes brumes, mes abysses seraient moins sombres. Alors nous pourrions choisir de nous séparer, accepterais tu de me laisser partir ?
Lorsque je me souviens de toi, je me rappelle combien j’ai été heureuse. Alors je te déteste. Et puis j’oublie.
J’ai l’impression d’être un rocher accroché à des fonds en mouvement alors que mon envie me pousserait à flotter vers l’infini. Pourquoi refuses-tu de me prendre avec toi, ma vie, toi qui es devenue si indépendante de ce que je ressens. Tu te vis sans moi, t’en rends tu compte autant que je le vois ?
Tu m’as tant apporté, je ne t’en veux pas. J’aimerais juste pouvoir choisir de t’emmener avec moi. Je serais moins seule dans mes brumes, mes abysses seraient moins sombres. Alors nous pourrions choisir de nous séparer, accepterais tu de me laisser partir ?
Lorsque je me souviens de toi, je me rappelle combien j’ai été heureuse. Alors je te déteste. Et puis j’oublie.
Malgré. Rebecca
- Spoiler:
- Je t’aime
Et ça déferle faisant éclater tous les barrages de l’ennui
Faisant chavirer tous les pourquoi ? Et les comment ? Et puis
Ça va mourir en gouttelettes amères
Mais parfois parfois ça devient la mer
Inexorable et lancinante
Comme ces vagues qu’elle enfante
Et qui toutes vont pêcher
Avec ce même vieux rocher
Naissant par lui mourant de lui
Fracassantes ou fracassées
Figeant le temps et le hantant
Je t’aime
Malgré les intempéries, les flots déchainés et puis l’orage
Malgré le temps gris, les sanglots refrénés et puis l’âge
A contre courant
Du flux et du reflux des marées
A contre temps
Comme un bateau bien amarré
Et ancré au temps présent.
Je t’aime
Malgré les souvenirs qui s’en viennent mourir
En vaguelettes écumeuses ou en vagues nébuleuses
Sur des galets sans mémoire
Peut-être même sans Histoire
Malgré la notre qui erre
Radeau en perdition
Vers on ne sait quelles terres
Ni avec quelles intentions
Je t’aime
Malgré nos lendemains
Abandonnés éteints
Sur une plage dorée
Un jour de grande marée
Malgré la joie et l’amour
Qui se noient sans appeler au secours
Malgré la pluie qui tombe en grains
Et ces rafales de chagrins
Malgré la mer et à son gré
A contre temps
A contre courant du temps
Ma vie, je t’aime.
Automne
Mais qui sont ces gens autour de moi ?
Je veux Nanny, j’étais avec elle ce matin.
Nous étions en cuisine où je n’avais jamais froid.
Nous étions pleines de rires et de cerises au jus carmin
Qui dégoulinaient en un ru rebelle,
Du bout de mes doigts à mes coudes écorchés,
Dans l’immuable cérémonielle
De la confection de tartes à l’envie dorées.
D’une main tremblotante de jeunesse,
Je vole un morceau de pâte,
Que ta complice tendresse
A laissé à ma portée immédiate.
Je cours sous tes yeux émue, Nanny
Vers le jardin où m’attend le passereau.
Tu sais, celui que tu trouves si joli
Celui que je ne trouve pas si beau.
Tu me racontes qu’il pique les vers quand tu bines le sol.
Qu’il te connait bien, que tu le respectes.
Tu me dis qu’il est le messager d’Eole
Je souris en ne comprenant guère ton dialecte.
Tu me dis d’être patiente, qu’il viendra dans ma main,
Chercher ce qui nous unirait d’un lien magique.
Mais mes cris de joie, mes piaillement gamins
Ont brisé cet instant unique.
Tristement, alors, je rentre devant tes yeux amusés
Me vautrer dans la chaleur de ton amour,
Dévorer d’une envie enfantine et tout excusée,
Tartes et baisers venant à mon secours
Nanny que se passe t il, je ne te vois plus
Qui sont ces gens devant moi ? Que me veulent-ils ?
Nanny, viens m’aider, je t’appelle, je ne les crois plus
Quand ils me disent, à coups de mensonges habiles
Que tu n’es plus là.
Où es tu ?
Je vois le passereau, il ne bouge pas
Son cou est mou, ses pattes folles.
Et derrière lui, des yeux de chat
Qui scintillent comme des lucioles.
Nanny, viens vers moi
Ils me font peur
Ils m’appellent toi,
Et tu n’es plus là.
Protège moi du chat, il a tout gâché, c’est de sa faute, il a pris le passereau.
Je vais le chasser, il ne reviendra pas !
Pourquoi tu ne me réponds pas ?
Nanny ?
Vie Brêve. Coline Dé
- Spoiler:
- Rouge et rond sur ses pattes raides, il rebondit, l'œil intéressé, entre le saladier et le reste de tarte. Cinquante centimètres plus haut, il scrute son butin et s'envole vers sa nichée.
Nous nous fréquentions déjà, au jardin, chacun à un bout de la bêche. De manière un peu distante.
Mais aujourd'hui, il fait si beau, premier repas sur la terrasse, il s'est fait inviter. J'effrite un peu de pâte, il se laisse tomber de la branche, choisit la plus belle miette et repart prestement vers des buissons pleins de sons plaintifs. J'attire l'assiette plus près ; il m' examine avec sagesse, me jauge et se rapproche. Des offrandes dans la main, je reste immobile, le bras tendu, ankylosée.
Il hésite longtemps.
Le jour où il se pose, léger comme une âme, au creux de ma paume, j'ai l'impression d'avoir conquis le paradis.
Sa nichée a grandi, il est moins pressé, mais vient se percher sur moi dès que je sors. Le bonheur !
Il ne se méfie plus du tout.
Ce matin, la chatte m'en a fait cadeau, sur le paillasson.
Hiver
Cela fait maintenant 8 mois qu’elle n’a plus parlé. Sauf à appeler Nanny, sa grand-mère, mon arrière mienne. Ce corps de petite taille, griffé par le temps, ce corps vieilli, tassé, se protégeant de fantômes que lui seul peut voir, je le lave, chaque jour. Je ne peux me résoudre à voir Ma Nanny sale et seule. Je ne peux imaginer quelqu’un d’autre le faire. Je pleure souvent quand elle l’appelle, sa grand-mère, je pleure car alors je sais que je l’ai perdue. Elle s’est enfermée dans un monde de souvenirs, de solitude, et de peurs.
Parfois, elle regarde la fenêtre et l’appelle, encore. Quelques phrases inintelligibles s’échappent de ses lèvres craquelées. Je n’en comprends pas le sens. Il est question de chat, d’oiseau. Je lui caresse doucement le visage tandis que ses mains lissent sa jupe, dans un mouvement répétitif, les yeux dans ce monde qui est devenu son tombeau.
Cela fait maintenant un an que chaque matin je lui parle du monde qui s’étire sans elle. Sa souffrance est devenue la mienne. Je me surprends à l’imaginer morte et un poids de douleur immense libère ma poitrine avant que celui de la culpabilité ne prenne sa place.
Ce matin, elle a hurlé : Chasse le chat ! Ses yeux plein de colère se sont alors posés sur moi et elle m’a souri. Pendant un instant j’ai revu ma Nanny qui me prenait dans ses bras, me berçait de belles histoires et de tendres promesses. Je me suis approchée pour la toucher, puis la lumière dans son regard s’est éteinte d’une larme dévalant ses joues creusées.
Cela fait 3 mois que tu n’es plus là. Je n’étais pas à tes côtés pour tes derniers moments. Tu étais devenue incontrôlable, cherchant à t’évader. A plusieurs reprises je t’ai cherchée dans les rues de ton village que tu arpentais pieds nus et regard vague. Personne ne sait ce qui motive les déments séniles, ni ce qui leur donne leur force. Moi je sais que tu recherchais tes racines et que tu les as rejointes.
Tu me manques.
Parfois, elle regarde la fenêtre et l’appelle, encore. Quelques phrases inintelligibles s’échappent de ses lèvres craquelées. Je n’en comprends pas le sens. Il est question de chat, d’oiseau. Je lui caresse doucement le visage tandis que ses mains lissent sa jupe, dans un mouvement répétitif, les yeux dans ce monde qui est devenu son tombeau.
Cela fait maintenant un an que chaque matin je lui parle du monde qui s’étire sans elle. Sa souffrance est devenue la mienne. Je me surprends à l’imaginer morte et un poids de douleur immense libère ma poitrine avant que celui de la culpabilité ne prenne sa place.
Ce matin, elle a hurlé : Chasse le chat ! Ses yeux plein de colère se sont alors posés sur moi et elle m’a souri. Pendant un instant j’ai revu ma Nanny qui me prenait dans ses bras, me berçait de belles histoires et de tendres promesses. Je me suis approchée pour la toucher, puis la lumière dans son regard s’est éteinte d’une larme dévalant ses joues creusées.
Cela fait 3 mois que tu n’es plus là. Je n’étais pas à tes côtés pour tes derniers moments. Tu étais devenue incontrôlable, cherchant à t’évader. A plusieurs reprises je t’ai cherchée dans les rues de ton village que tu arpentais pieds nus et regard vague. Personne ne sait ce qui motive les déments séniles, ni ce qui leur donne leur force. Moi je sais que tu recherchais tes racines et que tu les as rejointes.
Tu me manques.
Ni la mort, ni la vie. Embellie
- Spoiler:
- Au réveil on la lave, on la coiffe, on l’habille ;
elle se laisse faire ainsi qu’une poupée.
Au petit déjeuner on lui dit que sa fille
viendra la voir, avant la fin de la journée.
Regard dans le vague et la tête inclinée,
ses lèvres figées en un pâle sourire,
elle est assise là, toute la matinée ;
il est de meilleur sort, mais il en est de pire…
Tel un enfant dolent caressant son doudou
d’un geste machinal elle lisse sa jupe.
Aucun pli n’apparaît pourtant sur ses genoux ;
ce geste inhabité étrangement l’occupe.
Rien ne semble l’atteindre en son monde isolé.
Parfois sa main se lève, mouvement incertain ;
au bord de sa paupière une larme a perlé.
Est-ce le souvenir d’un quelconque chagrin ?
Et lorsqu’une lueur traverse son esprit,
traversant en éclair ses pauvres yeux fanés,
stupéfait, incrédule, attentif on se dit :
« elle va s’exprimer » alors l’espoir renaît !
En effet, impromptu, elle sort du silence,
s’adressant au hasard à un fantôme errant,
les mots sont hésitants, propos sans cohérence,
puis le regard s’éteint, redevient comme avant.
Elle fut jeune et belle et elle aima la vie.
Comment croire qu’un jour son esprit a chuté ?
Elle mange, elle dort, elle est là, son corps vit
mais si peu, démuni d’intérieure clarté.
Soudain, elle se lève et très déterminée,
va vers la porte, l’ouvre, s’engage dans la rue.
Sa précipitation et ses grands pas pressés
en désaccord avec son regard éperdu
elle va, ne sait où, mais marche d’un bon pied !
L’infirmière, à ses trousses a du mal à la suivre.
L’escapade, chez elle est un fait coutumier ;
un sursaut de l’instinct, pour l’aider à survivre ?
polgara- Nombre de messages : 1440
Age : 49
Localisation : Tournefeuille, et virevolte aussi
Date d'inscription : 27/02/2012
Re: Exo "Vers et prose" d'après 5 textes : 5 mains pour une saison de vie
Incroyable ce que tu as fait, Polgara, quelle idée géniale, vraiment ! Et quel exercice, je suis époustouflée.
Je le garde pour plus tard car je n'ai pour l'instant lu sérieusement que le printemps, demain j'irai voir ce qu'il se passe aux autres saisons...
Je le garde pour plus tard car je n'ai pour l'instant lu sérieusement que le printemps, demain j'irai voir ce qu'il se passe aux autres saisons...
Phylisse- Nombre de messages : 963
Age : 62
Localisation : Provence
Date d'inscription : 05/05/2011
Re: Exo "Vers et prose" d'après 5 textes : 5 mains pour une saison de vie
Polgara, quand tu m'as dit que tu ne respecterais pas scrupuleusement les consignes, j'avoue avoir cru, bêtement, que tu répugnais à utiliser le spoiler ;-)))
Apparemment, je me suis trompé :-)
Je suis impressionné par ta façon magistrale de traiter cet exercice à 5 mains.
J'imagine le travail en amont. Travail de recherche et travail d'écriture.
J'apprécie l'alternance vers-prose qui aère un texte grave et sublime l’émotion
Bravo Polgara
Apparemment, je me suis trompé :-)
Je suis impressionné par ta façon magistrale de traiter cet exercice à 5 mains.
J'imagine le travail en amont. Travail de recherche et travail d'écriture.
J'apprécie l'alternance vers-prose qui aère un texte grave et sublime l’émotion
Bravo Polgara
Invité- Invité
Re: Exo "Vers et prose" d'après 5 textes : 5 mains pour une saison de vie
Polgara, tu as traité le sujet mieux que personne jusqu'à présent.
A chacun ses fantaisies. Moi j'ai utilisé l'acrostiche, mais l'idée est banale.
Tes saisons de la vie sont d'une richesse bien agréable à lire. Et quel travail cela représente !
Touchée que tu aies si bien traduit mon poème sur Alzheimer.
A croire que tu y as été confrontée, autant que moi-même...
Au plaisir de te lire encore.
A chacun ses fantaisies. Moi j'ai utilisé l'acrostiche, mais l'idée est banale.
Tes saisons de la vie sont d'une richesse bien agréable à lire. Et quel travail cela représente !
Touchée que tu aies si bien traduit mon poème sur Alzheimer.
A croire que tu y as été confrontée, autant que moi-même...
Au plaisir de te lire encore.
Invité- Invité
Re: Exo "Vers et prose" d'après 5 textes : 5 mains pour une saison de vie
Quelle belle salde tu nous as mitonnée, Polgara ! On reste ébahi devant le boulot que tu as fait...C'est une transposition absolument fidèle et totalement originale en même temps, chapeau bas, m'dame !
Invité- Invité
Re: Exo "Vers et prose" d'après 5 textes : 5 mains pour une saison de vie
Vraiment vraiment super, fidèle et inventif à la fois, empathique et distancié pourtant, et cette alternance de formes qui fait que jamais on ne se lasse. Et la belle écriture, la tienne, aussi. Bravo madame.
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Exo "Vers et prose" d'après 5 textes : 5 mains pour une saison de vie
Extraordinaire cette traversée du temps, la sortie du néant , la naissance, la vie ses tempêtes, et au bout cette déchéance, l'esprit qui défaille, la mémoire qui s'embrouille, le retour à l'enfance , et la fuite !
Beau travail de mise en relation de nos textes , un patchwork finement et tragiquement ourlé.
Beau travail de mise en relation de nos textes , un patchwork finement et tragiquement ourlé.
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Exo "Vers et prose" d'après 5 textes : 5 mains pour une saison de vie
Merci beaucoup Rebecca :-)
Prochaine étape : écrire un peu plus de légèreté :))
Prochaine étape : écrire un peu plus de légèreté :))
polgara- Nombre de messages : 1440
Age : 49
Localisation : Tournefeuille, et virevolte aussi
Date d'inscription : 27/02/2012
Re: Exo "Vers et prose" d'après 5 textes : 5 mains pour une saison de vie
Admirable travail ! On se laisse porter d'un texte à l'autre, et le tout forme un ensemble très émouvant. Bravo !
Invité- Invité
Re: Exo "Vers et prose" d'après 5 textes : 5 mains pour une saison de vie
Quelle belle prouesse! On découvre ou redécouvre autant de textes, et l'ensemble devient poignant.
Invité- Invité
Re: Exo "Vers et prose" d'après 5 textes : 5 mains pour une saison de vie
Alors là !
J'y étais déjà passé sans faire de commentaire, j'y reviens. C'est vraiment très bien. Bravo pour la performance.
J'y étais déjà passé sans faire de commentaire, j'y reviens. C'est vraiment très bien. Bravo pour la performance.
Pascal-Claude Perrault- Nombre de messages : 5422
Age : 64
Localisation : Paris, ah Paris, ses ponts, ses monuments et ses merdes de chiens !
Date d'inscription : 20/02/2012
Re: Exo "Vers et prose" d'après 5 textes : 5 mains pour une saison de vie
Sur les saisons en plus. Chapi chapo !
Pascal-Claude Perrault- Nombre de messages : 5422
Age : 64
Localisation : Paris, ah Paris, ses ponts, ses monuments et ses merdes de chiens !
Date d'inscription : 20/02/2012
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