Le monde serait froid
+2
Septembre
Yoni Wolf
6 participants
Page 1 sur 1
Le monde serait froid
A l’instant même où je t’aie vue, je me suis, je me suis dit tiens, cette nana-là c’est du genre à tirer des sacs à 20 balles dans les magasins, c’est du genre ingérable, rebelle, un peu tarée comme je les aime ; du genre à s’ouvrir le paquet de gâteaux dans le magasin, devant toutes les caméras et de regarder la caméra et dire à la caméra, la bouche pleine, de lui dire je m’en tape, je mange les gâteaux que tu surveilles, tu es l’autorité, je suis ta pire ennemie.
Du genre en talons hauts, la coupe à la garçonne, crapotant des clopes longues comme une phase terminale qui durerait 20 ans, sourire en coin et regard à peine deviné, et haut le regard, tellement haut sous tes cheveux bouclés, tandis que tu marches là devant moi, ton cul se balançant de droite à gauche, pressée que tu dois être de fuir tes derniers pas. De fuir tes ancêtres. D’être la première à porter ton nom, ton ossature, ton style, ton charme et toute la chaleur d’un soleil naissant à chacun de tes pas pressés, pour chacune de tes boucles rayonnant, dardant ses ô sur l’orgueil fumant des poètes . Si tu n’existais pas il ferait toujours nuit, le monde serait froid, nous n’aurions jamais appris écrire. Tu portes le feu, le jour, tu es le dernier sucre de la condition humaine, plongé dans le dernier café de l’univers, tu es l’ultime taille 38, le chant du style, un grand rire qu’on n’enterre pas, qui reste, qui reste en mémoire comme une petite humiliation cruelle. Je sais que tu l’es, cruelle, et je sais que tu m’humilieras comme je sais que ma dignité n’a aucune importance. Ton dos devant moi, c’est toutes les femmes qui ont tourné les talons, ont emporté loin de moi les horizons tout juste nés, l’espoir et l’écran plat.
Chacun de tes pas. Chacun de tes pas me dit chacun de tes amants me dit chacun de tes défauts. Chacune de tes failles me ramène à moi, et à toutes les fois où j’ai tourné à gauche par ennui, où j’ai changé de trottoir par manque de goût, où j’ai traversé la rue pour perdre mon chemin. De vie mon chemin de vie cette fois m’a mené derrière toi, qui porte derrière toi tes boucles grises, ton dos voûté, tes talons hauts et cette légère odeur d’eau de Cologne, qui m’enivre et me dit merde par avance, qui témoigne du passé dont tu rêves encore pour mille.
Du genre en talons hauts, la coupe à la garçonne, crapotant des clopes longues comme une phase terminale qui durerait 20 ans, sourire en coin et regard à peine deviné, et haut le regard, tellement haut sous tes cheveux bouclés, tandis que tu marches là devant moi, ton cul se balançant de droite à gauche, pressée que tu dois être de fuir tes derniers pas. De fuir tes ancêtres. D’être la première à porter ton nom, ton ossature, ton style, ton charme et toute la chaleur d’un soleil naissant à chacun de tes pas pressés, pour chacune de tes boucles rayonnant, dardant ses ô sur l’orgueil fumant des poètes . Si tu n’existais pas il ferait toujours nuit, le monde serait froid, nous n’aurions jamais appris écrire. Tu portes le feu, le jour, tu es le dernier sucre de la condition humaine, plongé dans le dernier café de l’univers, tu es l’ultime taille 38, le chant du style, un grand rire qu’on n’enterre pas, qui reste, qui reste en mémoire comme une petite humiliation cruelle. Je sais que tu l’es, cruelle, et je sais que tu m’humilieras comme je sais que ma dignité n’a aucune importance. Ton dos devant moi, c’est toutes les femmes qui ont tourné les talons, ont emporté loin de moi les horizons tout juste nés, l’espoir et l’écran plat.
Chacun de tes pas. Chacun de tes pas me dit chacun de tes amants me dit chacun de tes défauts. Chacune de tes failles me ramène à moi, et à toutes les fois où j’ai tourné à gauche par ennui, où j’ai changé de trottoir par manque de goût, où j’ai traversé la rue pour perdre mon chemin. De vie mon chemin de vie cette fois m’a mené derrière toi, qui porte derrière toi tes boucles grises, ton dos voûté, tes talons hauts et cette légère odeur d’eau de Cologne, qui m’enivre et me dit merde par avance, qui témoigne du passé dont tu rêves encore pour mille.
Re: Le monde serait froid
Voilà un nouveau bon cru à mon avis.
Le texte est habilement conçu qui, à partir d'une observation, d'une silhouette, amène toute une réflexion sur le passé et le devenir - non seulement de celle qu'on suit mais aussi de son propre soi. La fin en particulier est très très bien, avec cette façon de glisser, de prendre un chemin de traverse en quelque sorte, tout en continuant le cheminement ; l'amalgame, la fusion de la dernière phrase sont vraiment excellents, et émouvant le "nouveau" portrait ("tes boucles grises, ton dos voûté, tes talons hauts et cette légère odeur d’eau de Cologne,")
Une chose que j'ai beaucoup aimée :
"pressée que tu dois être de fuir tes derniers pas. De fuir tes ancêtres. D’être la première à porter ton nom, ton ossature, ton style, ton charme"
Une chose que j'ai moins aimée, parce que me semble un peu vide de sens, pour "faire genre" :
"dardant ses ô sur l’orgueil fumant des poètes "
Et une petite coquille :
"nous n’aurions jamais appris à écrire."
Le texte est habilement conçu qui, à partir d'une observation, d'une silhouette, amène toute une réflexion sur le passé et le devenir - non seulement de celle qu'on suit mais aussi de son propre soi. La fin en particulier est très très bien, avec cette façon de glisser, de prendre un chemin de traverse en quelque sorte, tout en continuant le cheminement ; l'amalgame, la fusion de la dernière phrase sont vraiment excellents, et émouvant le "nouveau" portrait ("tes boucles grises, ton dos voûté, tes talons hauts et cette légère odeur d’eau de Cologne,")
Une chose que j'ai beaucoup aimée :
"pressée que tu dois être de fuir tes derniers pas. De fuir tes ancêtres. D’être la première à porter ton nom, ton ossature, ton style, ton charme"
Une chose que j'ai moins aimée, parce que me semble un peu vide de sens, pour "faire genre" :
"dardant ses ô sur l’orgueil fumant des poètes "
Et une petite coquille :
"nous n’aurions jamais appris à écrire."
Invité- Invité
Re: Le monde serait froid
Je trouve que c'est un très beau portrait (à double emploi en plus ! un portrait-miroir). La langue est sensuelle et sincère. J'adore ça :
"tu es le dernier sucre de la condition humaine, plongé dans le dernier café de l’univers, tu es l’ultime taille 38 (...)"
cet humour vif, discret, qui se fond naturellement dans la poésie du texte.
"tu es le dernier sucre de la condition humaine, plongé dans le dernier café de l’univers, tu es l’ultime taille 38 (...)"
cet humour vif, discret, qui se fond naturellement dans la poésie du texte.
Re: Le monde serait froid
"pressée que tu dois être de fuir tes derniers pas. De fuir tes ancêtres. D’être la première à porter ton nom, ton ossature, ton style, ton charme et toute la chaleur d’un soleil naissant à chacun de tes pas pressés, pour chacune de tes boucles rayonnant,"
"Si tu n’existais pas il ferait toujours nuit, le monde serait froid, nous n’aurions jamais appris écrire. Tu portes le feu, le jour, tu es le dernier sucre de la condition humaine, plongé dans le dernier café de l’univers, tu es l’ultime taille 38, le chant du style, un grand rire qu’on n’enterre pas, qui reste, qui reste en mémoire comme une petite humiliation cruelle."
"Ton dos devant moi, c’est toutes les femmes qui ont tourné les talons, ont emporté loin de moi les horizons tout juste nés, l’espoir et l’écran plat.
Chacun de tes pas. Chacun de tes pas me dit chacun de tes amants me dit chacun de tes défauts. Chacune de tes failles me ramène à moi, et à toutes les fois où j’ai tourné à gauche par ennui, où j’ai changé de trottoir par manque de goût, où j’ai traversé la rue pour perdre mon chemin. De vie mon chemin de vie cette fois m’a mené derrière toi, qui porte derrière toi tes boucles grises, ton dos voûté, tes talons hauts et cette légère odeur d’eau de Cologne, qui m’enivre et me dit merde par avance, qui témoigne du passé dont tu rêves encore pour mille."
pfiew! terrible.
"Si tu n’existais pas il ferait toujours nuit, le monde serait froid, nous n’aurions jamais appris écrire. Tu portes le feu, le jour, tu es le dernier sucre de la condition humaine, plongé dans le dernier café de l’univers, tu es l’ultime taille 38, le chant du style, un grand rire qu’on n’enterre pas, qui reste, qui reste en mémoire comme une petite humiliation cruelle."
"Ton dos devant moi, c’est toutes les femmes qui ont tourné les talons, ont emporté loin de moi les horizons tout juste nés, l’espoir et l’écran plat.
Chacun de tes pas. Chacun de tes pas me dit chacun de tes amants me dit chacun de tes défauts. Chacune de tes failles me ramène à moi, et à toutes les fois où j’ai tourné à gauche par ennui, où j’ai changé de trottoir par manque de goût, où j’ai traversé la rue pour perdre mon chemin. De vie mon chemin de vie cette fois m’a mené derrière toi, qui porte derrière toi tes boucles grises, ton dos voûté, tes talons hauts et cette légère odeur d’eau de Cologne, qui m’enivre et me dit merde par avance, qui témoigne du passé dont tu rêves encore pour mille."
pfiew! terrible.
Invité- Invité
Re: Le monde serait froid
Apprécié le passage au "tu", le rythme quasi effréné auquel le lecteur découvre ce portrait de femme.
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Le monde serait froid
textes courts, longs, tortueux ou pas, tu écris terriblement bien Yoni. J'avais lu ce texte "à sa sortie" et je m'y replonge avec autant de plaisir. Là où je trouve que tu es réellement très fort, c'est de mêler tournures et images poétiques avec prose efficace.
C'est bon, y a du fond... Bref, j'aime !
C'est bon, y a du fond... Bref, j'aime !
polgara- Nombre de messages : 1440
Age : 49
Localisation : Tournefeuille, et virevolte aussi
Date d'inscription : 27/02/2012
Re: Le monde serait froid
Le poésie dans la dans la description rends le personnage vraiment attachant.
Nicolah- Nombre de messages : 120
Age : 32
Date d'inscription : 26/09/2012
Re: Le monde serait froid
Un beau portrait dans lequel le narrateur s'efface l'air de rien pour faire la part belle à celle qui hante ses pensées. Certains détails font mouche, des petites précisions donnent du corps au personnage et le tout est décliné avec une tendresse certaine, teintée d'humour et de pas mal d'amour. D'interrogations aussi car que sera le futur si on peine déjà à distinguer le présent... intéressante réflexion sur déclinaison de couleurs et d'odeur. Un bon texte, Yoni, merci.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Sujets similaires
» Le monde serait froid
» Froid et raide
» Exo "La fin du monde" : Fin du dernier monde connu
» Réponses aux commentaires "Poésie"
» Ce serait...
» Froid et raide
» Exo "La fin du monde" : Fin du dernier monde connu
» Réponses aux commentaires "Poésie"
» Ce serait...
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum