Exo « Train » : Trains

Seul  sur le quai de la gare
Je le regarde qui démarre
Avec dans ses wagons bondés
Des gens échangeant des baisers 

J'ai manqué le train du bonheur
Y monter me faisait trop peur
J'aurais pourtant pu l'attraper
En sautant sur le marchepied  

Je suis monté un peu plus tard
Dans un train aux voitures noires
Il ne desservait nulle gare 
C'était le train du désespoir 
Mais il roulait sans s'arrêter 
Parmi des landes désolées 
Les landes de mon cœur blessé


A tout moment de ma fenêtre 
Je voyais s'agiter des spectres
Des spectres aux formes bizarres
C'était le train des cauchemars
Je les entendais ricaner
Ces spectres mauvais du passé 

J'avais pour seule compagnie
Un contrôleur à moitié gris
Son haleine empestait l'anis
C'était le long train de l'ennui
Il me réclamait mon billet
Tous les quarts d'heure ou à peu près 

Et le train noir roulait roulait
Roulait  la nuit roulait le jour
Roulait le jour roulait la nuit 
C'était le train de la folie

Bien vus ces wagons brinquebalants qui tout en roulant sans cesse ne nous emmènent jamais que dans des voies de garage...
On entendrait presque crisser les freins
sinistres et inutiles
et qui pourraient bien ne servir qu'à précipiter notre chute

"L'humour est la politesse du désespoir", disait Boris Vian
Il n'aurait pas désavoué cette complainte,
ni sans doute ce contrôleur à moitié gris
qui semble venir de chez Prévert

Beaucoup aimé ces différents trains et leurs ambiances bien rendues en quelques mots. Un texte un peu triste mais pas lourd, au contraire, comme si la noirceur s'habillait légèrement.

Toute une vie, faite de trains qu'on rate, de trains que l'on prend et qui ne vont nulle part ou mènent tout droit au désespoir, des trains de cauchemars déboulant sur la folie.
Ce n'est pas très gai, mais si bien traduit !

Le train du désespoir... comme tout cela est restitué avec une mélancolie et élégance, une certaine musicalité aussi. les vers s'emboîtent harmonieusement pour donner naissance à un voyage sans fin, triste et humain, avec de ci de là une touche sensible qui lui donne beaucoup de charme, notamment à travers ce contrôleur qui réclame le billet tous les quarts d'heure.

Belle progression, Legone ! On suit la cadence de ce train infernal et on suffoque avec le passager. En espérant que, la prochaine fois, il puisse embarquer dans le train du bonheur.

Legone, je t'ai assez souvent fait part de mon admiration pour que tu ne te chagrines pas de mes réserves sur ce texte : je le trouve d'un niveau très inférieur à tes autres textes, trop démonstratif et avec des enchaînements de vers quasi maladroits... Désolée. mais je t'aime quand même !

J'ai bien aimé la construction du texte: naïve avec une progression dans la tristesse, la peur, le désespoir. C'est lorsqu'on est adulte, à un moment où ça ne va pas forcément bien, qu'on retourne dans sa chambre d'enfant. On est nostalgique du gamin heureux qui jouait à se raconter des histoires et faisait marcher dans sa chambre son petit train. On sait bien que c'est fini mais il reste, doux, le souvenir circulaire de cette comptine du petit train (même si, hélas, le ton n'est plus le même).