Je suis…
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Annie
Frédéric Prunier
Catre
Kilis
CROISIC
9 participants
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Je suis…
Je suis
Mousseline légère,
virevoltante
cheveux fous,
jetés
mes os au soleil.
Demain
sera mort.
Déchiré,
papier jauni,
fissuré,
pavé ancien
trop piétiné,
Effondré,
plancher pourri.
Je suis
tombée,
comme une fleur,
oubliée,
dans un jardin
qui jadis,
fut fréquenté
et admiré.
Mousseline légère,
virevoltante
cheveux fous,
jetés
mes os au soleil.
Demain
sera mort.
Déchiré,
papier jauni,
fissuré,
pavé ancien
trop piétiné,
Effondré,
plancher pourri.
Je suis
tombée,
comme une fleur,
oubliée,
dans un jardin
qui jadis,
fut fréquenté
et admiré.
Re: Je suis…
Ah oui ! J'aime beaucoup. C'est aérien et dense à la fois.
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Je suis…
Je trouve la fin superbe.
Et mettre en relation les os et le soleil, ça me parle, sans que je sache toutefois en parler. Merci.
Et mettre en relation les os et le soleil, ça me parle, sans que je sache toutefois en parler. Merci.
Catre- Nombre de messages : 6
Age : 28
Date d'inscription : 27/10/2013
Re: Je suis…
d'un côté l'ossature, les pieds sur terre, les murs
l'autre côté fleur de pissenlit sous le souffle du vent
ton poème est une fenêtre
l'autre côté fleur de pissenlit sous le souffle du vent
ton poème est une fenêtre
Re: Je suis…
Entre les deux "je suis", comme un pont entre la lumière et l'ombre, tous les "demain" du monde.
Nul ne peut s'y asseoir.
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 74
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: Je suis…
Évidemment, l'effet premier de contraste entre l'image d'une femme jeune, insouciante ("cheveux fous"), vigoureuse ("virevoltante") et celle d'un corps laissé à l'abandon est saisissante. Elle se trouve renforcée par la mise en apposition du participe passé "jetés", la métonymie "mes os" (qui réduit un être humain à ses malheureux restes), et par l'absence de complément d'agent. Symbole d'éternité, le "soleil" - qui a éclairé les meilleurs moments - éclairera aussi les derniers. La ténébreuse personnification "Demain sera mort" figure un compte à rebours personnel, une échéance certaine et déjà programmée. Symptomatique, la manière dont les trois matériaux ici mentionnés ("papier", "pavé ancien", "plancher") sont barricadés - la virgule faisant office de demi-respiration - entre leurs participes passés, irrémédiablement condamnés à une fonction vide. Tous trois sont pourtant les éléments porteurs d'une histoire qui s'inscrit dans le cadre apaisé d'un foyer : le "papier", rappelle les rêves de l'enfance ; le "pavé ancien", l'ancrage filial ; le "plancher", la stabilité familiale. À partir du vers 9, le poème fonctionne sur un principe d'antériorité, basculant de l'image d'aujourd'hui (concentrée en une sorte de constatation froide, clinique, sans concession et prise en charge les participes passés) vers celle d'hier (du vers 16 à la fin). Au passé composé est dévolu le rôle de rendre compte du processus d'indifférenciation ("tombée" qui marque la destitution d'une forme de royauté). L'utilisation de l'article indéfini ("une fleur", "un jardin") met en évidence le caractère quelconque du statut actuel (ce qui était auparavant "la" fleur, "le" jardin). La comparaison ("comme une fleur") renvoie évidemment à la beauté extérieure, au corps (ce que confirme le participe passé "admiré"), alors que "fréquenté" jette un éclairage valorisant sur l'aura, la personnalité, l'âme. Cependant, en même temps que la forme passive ("fut fréquenté / et admiré") met fortement en valeur la radiance de la locutrice, le passé simple - auquel s'ajoute le marqueur de temps ("jadis") - signale une cassure quasi-inexorable avec ce temps-là.
Le centre de gravité du poème se situe forcément sur ces trois vers isolés qui, mis en perspective, font mine de pousser un cri...
"Je suis" "Je suis" "oubliée"
… un cri qui ressemble diablement plus à un cri de colère, de révolte qu'à un cri de désespoir. Ces trois vers apparaissent comme en suspension, en questionnement, attendant l'écho d'une réponse. Ce qui nous renvoie au titre lui-même qui, avec ses points de suspension, cherche à s'ouvrir une brèche, une fenêtre de tir vers la vie. En vérité, aussi longtemps que je peux dire "Je suis", aussi longtemps que mes forces peuvent me tirer vers l'avant, rien n'est jamais terminé. Car cette fleur n'est pas fanée : elle est tombée. Tout est possible car ce ne sont pas les années qui proclament notre âge, c'est notre coeur et lui seul.
Le centre de gravité du poème se situe forcément sur ces trois vers isolés qui, mis en perspective, font mine de pousser un cri...
"Je suis" "Je suis" "oubliée"
… un cri qui ressemble diablement plus à un cri de colère, de révolte qu'à un cri de désespoir. Ces trois vers apparaissent comme en suspension, en questionnement, attendant l'écho d'une réponse. Ce qui nous renvoie au titre lui-même qui, avec ses points de suspension, cherche à s'ouvrir une brèche, une fenêtre de tir vers la vie. En vérité, aussi longtemps que je peux dire "Je suis", aussi longtemps que mes forces peuvent me tirer vers l'avant, rien n'est jamais terminé. Car cette fleur n'est pas fanée : elle est tombée. Tout est possible car ce ne sont pas les années qui proclament notre âge, c'est notre coeur et lui seul.
jfmoods- Nombre de messages : 692
Age : 59
Localisation : jfmoods@yahoo.fr
Date d'inscription : 16/07/2013
Re: Je suis…
je suis admirative et chamboulée à la fois...
c'est beau et autre chose que je ne saurais nommer...
c'est beau comme un oxymore qui me brûlerait les yeux
et puis le titre,
"Je suis...", toujours...
Fred a raison, et jfmoods aussi, la fleur n'est pas fanée...
c'est beau et autre chose que je ne saurais nommer...
c'est beau comme un oxymore qui me brûlerait les yeux
et puis le titre,
"Je suis...", toujours...
Fred a raison, et jfmoods aussi, la fleur n'est pas fanée...
Pussicat- Nombre de messages : 4846
Age : 57
Localisation : France
Date d'inscription : 17/02/2012
Re: Je suis…
Merci d'aimer mes mots
et moi à travers eux !
Vous me donnez envie de vivre, et pour ce cadeau, merci !
et moi à travers eux !
Vous me donnez envie de vivre, et pour ce cadeau, merci !
Re: Je suis…
Entièrement d'accord !Frédéric Prunier a écrit:ton poème est une fenêtre
J'aime particulièrement ce texte Croisic, non seulement pour ce qu'il dit, parce qu'il est beau (très !), mais aussi pour tout ce qu'il suggère sans avoir besoin de trop en raconter. Art subtil que tu maîtrises bien.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Je suis…
Fenêtre ouverte :-)
Chako Noir- Nombre de messages : 5442
Age : 34
Localisation : Neverland
Date d'inscription : 08/04/2008
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