Exo "comme une photo mentale": Un café sans sucre
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Exo "comme une photo mentale": Un café sans sucre
« - Vous désirez ?
- Un café, merci. »
Enfin ! Quitter un instant le dédale des ruelles pour souffler un peu, et prendre un café revigorant. La nuit avait été trop courte, le petit déjeuner était déjà loin et mes pieds commençaient à se manifester ; je n'avais pas anticipé l'aspect labyrinthique de la vieille ville et mon sens de l'orientation plus que douteux ne m'avait pas aidée à économiser mon énergie...
L'endroit où était niché le café ne manquait pas de charme. L'établissement, sobrement baptisé « La Halte », était petit : il n'y avait que deux tables dehors - toutes les deux inoccupées à mon arrivée - et une petite salle, déserte elle aussi. La table que j'avais choisie empiétait sur la largeur d'une petite rue piétonne, rendant sûrement problématique le croisement de deux personnes corpulentes. En métal vert, elle était accompagnée de deux chaises de la même couleur, dont le confort n'était pas optimal: les barreaux de la mienne se rappelaient périodiquement à mon bon souvenir à travers mon pantalon en toile.
Les dimensions réduites de la ruelle permettaient d'embrasser d'un seul coup d’œil l'ensemble du décor. En face du café, un vieil immeuble s'élevait sur quatre étages. Un simple digicode sur le mur à côté d'une porte en bois en protégeait l'accès. Le soleil qui daignait enfin se montrer, après un début de journée brumeux, baignait la porte d'une lumière douce.
En partant, la serveuse avait laissé la porte entrouverte. Les échos de la radio m'arrivaient par intermittence et les premières notes d'une chanson de Goldman, reprises en un écho discret par la voix de la jeune fille, me laissèrent rêveuse. L'époque où je mettais avec précaution les grands disques sur le lecteur Vinyle, pour accompagner la lecture des innombrables bandes dessinées de mes grands-parents, me paraissait appartenir à un autre siècle. Ces journées-là, tissant des liens incongrus autour de moi, les notes craquantes se mêlaient aux mots des phylactères et créaient autour de moi une forêt touffue et étrange, qui me coupait du monde.
« Et voilà votre café ! »
Pétillante. La vendeuse était pétillante. Un grand sourire, un ton de voix enjoué et la magie opérait. Rien ne la distinguait pourtant du commun des mortels, si ce n'est cette étincelle unique...
« Sucre, ou pas... ? » En attendant de trouver une réponse à cette question épineuse, je pris le sachet de sucre Saint-Louis et le regardait pensivement. Pendant longtemps, j'avais été persuadée que sucrer un café diminuait, voire annulait, l'effet de la caféine – s'ajoutant à cela la conviction que « les vrais » prennent toujours leur café sans sucre. Quand je finissais par en mettre, il en restait toujours une fine couche au fond une fois le café bu, ce qui m'énervait passablement. Décidément, aujourd'hui serait un jour sans sucre. Cessant de jouer machinalement avec le sachet, je le repoussais puis, me ravisant, le mis dans mon sac.
Alors que la serveuse continuait de fredonner à l'intérieur de la salle, le soleil avait gagné du terrain. Je m'en aperçus en reposant ma tasse après avoir bu une première gorgée de café, désormais tiède. La lumière avait terminé l'ascension du premier étage et entamait inexorablement celle du deuxième, à mesure que l'heure avançait.
Quelle heure était-il d'ailleurs ? Jetant un coup sur ma Swatch flambant neuve, je ne pus retenir un soupir d'énervement. J'avais cédé - une fois de plus... - à la mode du moment en achetant une montre qui se voulait originale, mais qui ne l'était finalement pas du tout. Le bracelet vert fluo m'avait agacée au bout de deux jours et le bruit de la trotteuse était insupportable : je m'en étais rendu compte à mes dépens la nuit suivant cet achat malheureux. Néanmoins, elle avait le mérite non négligeable de donner l'heure.
11h20, donc. Le soleil devenait plus insistant et un sentiment d'irritabilité diffus commençait à me gagner. Dommage, le coin était décidément bien sympathique. Un petit coup d’œil rapide dans mon portefeuille vit ma mauvaise humeur aller crescendo : 13 centimes, je doutais que ce fût suffisant pour un café. Et je n'avais pas envie de revoir la serveuse et sa joie insolente.
Elle ne pouvait pas me voir de là où elle était, la radio couvrirait le bruit de ma chaise...
Je m'éloignais sur la pointe des pieds, en abandonnant sur la table verte un petit objet d'une couleur plus claire dont le cliquetis désespérément régulier était masqué par les informations de 11h30.
- Un café, merci. »
Enfin ! Quitter un instant le dédale des ruelles pour souffler un peu, et prendre un café revigorant. La nuit avait été trop courte, le petit déjeuner était déjà loin et mes pieds commençaient à se manifester ; je n'avais pas anticipé l'aspect labyrinthique de la vieille ville et mon sens de l'orientation plus que douteux ne m'avait pas aidée à économiser mon énergie...
L'endroit où était niché le café ne manquait pas de charme. L'établissement, sobrement baptisé « La Halte », était petit : il n'y avait que deux tables dehors - toutes les deux inoccupées à mon arrivée - et une petite salle, déserte elle aussi. La table que j'avais choisie empiétait sur la largeur d'une petite rue piétonne, rendant sûrement problématique le croisement de deux personnes corpulentes. En métal vert, elle était accompagnée de deux chaises de la même couleur, dont le confort n'était pas optimal: les barreaux de la mienne se rappelaient périodiquement à mon bon souvenir à travers mon pantalon en toile.
Les dimensions réduites de la ruelle permettaient d'embrasser d'un seul coup d’œil l'ensemble du décor. En face du café, un vieil immeuble s'élevait sur quatre étages. Un simple digicode sur le mur à côté d'une porte en bois en protégeait l'accès. Le soleil qui daignait enfin se montrer, après un début de journée brumeux, baignait la porte d'une lumière douce.
En partant, la serveuse avait laissé la porte entrouverte. Les échos de la radio m'arrivaient par intermittence et les premières notes d'une chanson de Goldman, reprises en un écho discret par la voix de la jeune fille, me laissèrent rêveuse. L'époque où je mettais avec précaution les grands disques sur le lecteur Vinyle, pour accompagner la lecture des innombrables bandes dessinées de mes grands-parents, me paraissait appartenir à un autre siècle. Ces journées-là, tissant des liens incongrus autour de moi, les notes craquantes se mêlaient aux mots des phylactères et créaient autour de moi une forêt touffue et étrange, qui me coupait du monde.
« Et voilà votre café ! »
Pétillante. La vendeuse était pétillante. Un grand sourire, un ton de voix enjoué et la magie opérait. Rien ne la distinguait pourtant du commun des mortels, si ce n'est cette étincelle unique...
« Sucre, ou pas... ? » En attendant de trouver une réponse à cette question épineuse, je pris le sachet de sucre Saint-Louis et le regardait pensivement. Pendant longtemps, j'avais été persuadée que sucrer un café diminuait, voire annulait, l'effet de la caféine – s'ajoutant à cela la conviction que « les vrais » prennent toujours leur café sans sucre. Quand je finissais par en mettre, il en restait toujours une fine couche au fond une fois le café bu, ce qui m'énervait passablement. Décidément, aujourd'hui serait un jour sans sucre. Cessant de jouer machinalement avec le sachet, je le repoussais puis, me ravisant, le mis dans mon sac.
Alors que la serveuse continuait de fredonner à l'intérieur de la salle, le soleil avait gagné du terrain. Je m'en aperçus en reposant ma tasse après avoir bu une première gorgée de café, désormais tiède. La lumière avait terminé l'ascension du premier étage et entamait inexorablement celle du deuxième, à mesure que l'heure avançait.
Quelle heure était-il d'ailleurs ? Jetant un coup sur ma Swatch flambant neuve, je ne pus retenir un soupir d'énervement. J'avais cédé - une fois de plus... - à la mode du moment en achetant une montre qui se voulait originale, mais qui ne l'était finalement pas du tout. Le bracelet vert fluo m'avait agacée au bout de deux jours et le bruit de la trotteuse était insupportable : je m'en étais rendu compte à mes dépens la nuit suivant cet achat malheureux. Néanmoins, elle avait le mérite non négligeable de donner l'heure.
11h20, donc. Le soleil devenait plus insistant et un sentiment d'irritabilité diffus commençait à me gagner. Dommage, le coin était décidément bien sympathique. Un petit coup d’œil rapide dans mon portefeuille vit ma mauvaise humeur aller crescendo : 13 centimes, je doutais que ce fût suffisant pour un café. Et je n'avais pas envie de revoir la serveuse et sa joie insolente.
Elle ne pouvait pas me voir de là où elle était, la radio couvrirait le bruit de ma chaise...
Je m'éloignais sur la pointe des pieds, en abandonnant sur la table verte un petit objet d'une couleur plus claire dont le cliquetis désespérément régulier était masqué par les informations de 11h30.
isa- Nombre de messages : 559
Age : 33
Localisation : Elbonerg
Date d'inscription : 08/04/2009
Re: Exo "comme une photo mentale": Un café sans sucre
Un café contre une montre... pourquoi pas :-)
J'aime beaucoup ta manière de poser le décor et de créer cette ambiance qui ressemble à un moment d'arrêt au milieu d'une certaine agitation, bien que les tables soient désertes. Agitation de l'esprit qui prend la pose et une pause. L'esprit de l'exo me paraît bien respecté.
Un bon moment, merci !
J'aime beaucoup ta manière de poser le décor et de créer cette ambiance qui ressemble à un moment d'arrêt au milieu d'une certaine agitation, bien que les tables soient désertes. Agitation de l'esprit qui prend la pose et une pause. L'esprit de l'exo me paraît bien respecté.
Un bon moment, merci !
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo "comme une photo mentale": Un café sans sucre
y'a tout qui m'énerve, dans ce texte.
"mes pieds commençaient à se manifester ;"
"L'endroit où était niché le café"
"Pétillante. La vendeuse était pétillante. "
"11h20, donc."
que des choses énervantes
une suite ininterrompue d'innapropos.
"mes pieds commençaient à se manifester ;"
"L'endroit où était niché le café"
"Pétillante. La vendeuse était pétillante. "
"11h20, donc."
que des choses énervantes
une suite ininterrompue d'innapropos.
hi wen- Nombre de messages : 899
Age : 27
Date d'inscription : 07/01/2011
Re: Exo "comme une photo mentale": Un café sans sucre
Merci pour vos commentaires!
hi wen, tu pourrais détailler un peu plus ce qui t'as déplu dans mon texte?
Je n'est rien contre la critique (au contraire: c'est ce qui pousse à remettre en question sa manière d'écrire!) mais là je reste sur ma faim par rapport à ton commentaire, surtout par rapport au terme "d'innapropos" que je ne saisis pas dans le contexte...
hi wen, tu pourrais détailler un peu plus ce qui t'as déplu dans mon texte?
Je n'est rien contre la critique (au contraire: c'est ce qui pousse à remettre en question sa manière d'écrire!) mais là je reste sur ma faim par rapport à ton commentaire, surtout par rapport au terme "d'innapropos" que je ne saisis pas dans le contexte...
isa- Nombre de messages : 559
Age : 33
Localisation : Elbonerg
Date d'inscription : 08/04/2009
Re: Exo "comme une photo mentale": Un café sans sucre
C'est très frais, très détaillé. J'aime la précision des descriptions et des évocations. Cela répond bien au sujet: un moment arrêté; futé d'y inclure, en clin d'oeil je suppose, une montre, verte en plus. Bref, une belle construction, printanière et pétillante!
obi- Nombre de messages : 575
Date d'inscription : 24/02/2013
Re: Exo "comme une photo mentale": Un café sans sucre
Très agréable lecture, et je dois dire que j'aurais bien bu le café à votre place dans cet endroit surement reposant... Mais moi je crois que je l'aurais sucré !
La chute est finement trouvée, j'en serais presque jaloux, moi qui éprouve souvent des difficultés dans ce domaine.
La chute est finement trouvée, j'en serais presque jaloux, moi qui éprouve souvent des difficultés dans ce domaine.
Gyver- Nombre de messages : 88
Age : 64
Localisation : Auvergne
Date d'inscription : 20/06/2014
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