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Chute de neige, chute des corps

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Chute de neige, chute des corps Empty Chute de neige, chute des corps

Message  Raoulraoul Mar 7 Oct 2014 - 10:46

Chute de neige, chute des corps


Je m’approche. Il y a de fins flocons qui tombent du ciel. Je m’approche. J’ai enfoui déjà une main dans sa poche révolver. Le pinson grelotte perché sur la barrière. C’est un slow. Il me serre. Les flaques sont gelées dans la cour du pensionnat.

Il me serre. Sa chemise toute ouverte. Les gamins font des glissades. Dans le faisceau des spots qui balaient la piste je ne dis rien. Les silhouettes des arbres disparaissent dans la tempête. Lui aussi ne dit rien. Je me tiens un peu à distance. J’essaie. La vieille femme marche péniblement à petits pas prudents. Un cabriolet Mazda patine, ses pneus fumant. C’est lui qui est venu me chercher d’abord. La campagne est blême. A moins que ça soit moi.

Oui je te raconte ça. Sur un banc un étranger tente d’ouvrir une bouteille thermos. On entend des raclements de pelle sur le trottoir. Son odeur, oui son odeur. Des bouches, sort la fumée des haleines. Les courbes de la neige sont lisses, voluptueuses et vierges de tout homme. Sous mes mains, lui. Dans sa chemise, une broussaille grise. On danse le slow. Sous la neige, la hauteur des maison diminue rapidement. Un enfant pédale sur son vélo sans avancer. Le pinson sur la barrière ne bouge plus. Va-t-il enfin me dire quelque chose ? Ouf ! la lourdeur de son cul. Il me serre.

Le transport des bus est interrompu. Un chien court dans tous les sens. Le ciel se confond avec la forêt. Mais bien sûr que je pense à toi toujours tendrement. On ne nous regarde pas. Une affiche sur l’abris-bus fait la promotion des croisières sur le Nil. Je m’approche encore. J’aime ce moment de l’approche.

Autour d’une barre chromée, sur la scène, un couple de filles se contorsionne. Les flocons s’épaississent, les tourbillons sont de plus en plus violents. Dans sa poche révolver mes deux mains. L’épaisseur de mon partenaire. Dans la tourmente les lumières vacillent derrière les fenêtres. Il me serre. Les visages ne m’intéressent pas. On danse. Une grosse femme en bonnet violet et anorak rose se précipite sous un porche. Muflerie du gars. Son ceinturon. La boucle qui me rentre dans le ventre. Les arbres sous la neige parfois ressemblent à des pieuvres.

Le patron prépare des cocktails délicieux. Le pinson est tombé de sa barrière. Une tache rouge dans la neige. Le tissu fin de ma robe est trop fin. Le crooner chante. Quelqu’un arrivant annonce « Il neige comme jamais il a neigé ». La sueur c’est mon parfum préféré. Sur la scène, le couple de filles se touche.
Il n’y plus d’autobus pour revenir à Eymontiers. La neige éclaire fortement la nuit. Je voudrais mourir,  je ne peux plus rentrer chez moi. Dans les bras hirsutes d’un partenaire.

Je te raconte tout cela, toi, dans notre maison où je ne reviendrai plus. Lui, dont les santiags m’écrasent, son jean m’échauffe, son ceinturon me blesse. Il me murmure « Je suis séropositif ». Des gerbes de neige s’envolent. Le chien pleure. Des garçons braillent, titubent, ils ont trop bu, mangent de la neige. Je me faufile entre des rideaux. Qu’est-ce qu’il va me fait ? L’ours aux santiags me lèche. Le ventilateur ronronne dans un coin. Le distributeur Durex est vide.

Le cabriolet Mazda arrive sur la place. Toutes la fenêtre sont éteintes. Une pelle a été abandonnée sur la route. La nuit est noire subitement. Les cendriers débordent sur les tables. Tu pénètres dans le sas d’entrée du club. J’ai enlevé à l’ours son jean. Un déferlement ensemble entre les rideaux. « Vous connaissez mademoiselle Andréa Courgeot ? » tu demandes alors au patron. Autour de la barre chromée, un éphèbe en slip de cuir évolue.

Les congères atteignent la hauteur des carreaux. Un inconnu pisse sur la neige. « – Qui êtes-vous ? – Son père ! ». Le patron lui montre les rideaux. Sur la piste, les danseurs sont rares. Un bout de lune surgit. Il fait très froid. Aux branches pendent des dentelles de glace. Un volet mal fermé grince. La peau est douce, dégage ses arômes. Tu t’es fait passé pour mon père. Lui, le séropositif passe pour ce qu’il est.

C’est une nuit pure maintenant et glaciale. Un avion clignote. Un veau s’est égaré dans le village. Des pans de neige dégringolent des gouttières. L’éphèbe en slip cesse son numéro. Entre les rideaux on s’appelle toutes Andréa Courgeot. Tu repars. Lui aussi, son jean déchiré, griffé de mes ongles. La musique continue dans le bar. Une moto pétarade. Le cabriolet doucement démarre. Vous vous êtes croisés sans savoir. Je suis toute pleine de lui. Le jour va se lever. La tache du pinson a blanchi.

L’agriculteur court à son étable. Au-milieu de la rivière flotte un veau, les pattes gelées. La cour du pensionnat est silencieuse, immaculée. Je suis nue sous ma robe marchant dans la neige. La grosse femme en bonnet violet et anorak se déshabille. Elle ouvre les fenêtres, elle commence le ménage dans le club. L’odeur  rance des cigarettes et des corps partout.
Raoulraoul
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Message  Gyver Mer 8 Oct 2014 - 8:09

J'ai toujours un peu de mal avec les changements de séquences, et là, on est servi ! Mais je suis allé au bout de ce texte sans rechigner, une belle atmosphère, surtout dehors ^^
Merci

Gyver

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Message  Raoulraoul Ven 10 Oct 2014 - 15:36

Merci Gyver pour ton commentaire. Il est vrai que les séquences sont un peu arbitraires. Je les ai rajoutées dans la crainte de décourager le lecteur, et lui ménager ainsi de l'air dans la présentation. En réalité ce texte est conçu sans paragraphe puisqu'il fonctionne sur la continuité du disparate. Je pense que l'atmosphère de neige est ressentie agréablement par contraste surtout avec celle du club, ce que j'ai recherché.
Je constate que sur les 37 clics sur mon texte, toi seul a commenté. 37 clics ne veulent pas dire 37 lectures, mais j'espère au moins que quelques unes auraient mérité un commentaire, surtout si le lecteur s'est donné la peine de lire jusqu'au bout. Alors pourquoi ne pas laisser un petit commentaire, quel qu'il soit ?!... Double remerciements à toi.
Raoulraoul
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Message  seyne Ven 10 Oct 2014 - 17:04

Là, je ne suis pas convaincue. Je perçois bien ce que tu as cherché à faire, mais justement un peu trop.

Finalement, je me disais que tes textes sont souvent comme une mayonnaise réussie : on perçoit l'œuf le vinaigre, le sel et l'huile, mais ils se sont fondus en un corps nouveau, délicieux.
Là....tu devrais peut-être la reprendre sur une assiette, cuillerée par cuillerée avec un peu d'eau froide au départ.
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Chute de neige, chute des corps Empty Re: Chute de neige, chute des corps

Message  Cauzart Mer 15 Oct 2014 - 14:14

Moi j'aime bien.
Je trouve qu'une vrai atmosphère se dégage de tout ça, on voit la scène, l'ambiance. Il y a des images très personnels. Ca pourrait aller encore plus loin au contraire. J'aime ce côté abstrait qui fait qu'on ne comprend pas toute la situation, on la saisit par brides. Il y a des choses très intéressantes.
Bon, j'ai noté des trucs, je te les poste, fais-en ce que tu veux, ça reste mon avis personnel et mes sensations de ton texte.
En général je le trouve assez prenant, en tant que lecteur ça met presque un peu mal à l'aise, la mort rôde sans être nommée. Bravo à toi, j'ai pris plaisir à lire.


J’ai enfoui déjà une main dans sa poche révolver.

--> Pourquoi déjà ?
Je ne comprend pas l'utilisation du passé composé ici. D'autant qu'après on retourne au présent : "il me serre".
J'enfonce une main dans sa poche révolver.
C'est une suggestion.


Dans le faisceau des spots qui balaient la piste je ne dis rien. Les silhouettes des arbres disparaissent dans la tempête. Lui aussi ne dit rien.

--> Je ne suis pas convaincu par l'effet et la répétition du rien. Pour moi, ça gagnerais en simplicité :
Dans le faisceau des spots qui balaient la piste je ne dis rien, lui non plus. Les silhouettes des arbres disparaissent dans la tempête.
Je trouve ça un peu forcé (c'est peut-être personnel)


C’est lui qui est venu me chercher d’abord.
--> Comme le déjà, je ne comprend pas le "d'abord"


La campagne est blême. A moins que ça soit moi.
--> J'aime bien ça

Le transport des bus est interrompu.
--> Je supprimerais cette phrase. Car si elle correspond au moment, elle manque de visuel contrairement à tes autres images. Ici, c'est quelque chose qu'on ne voit pas. On le sais, on le ressens même pas. C'est dommage, ça coupe avec le reste je trouve. Personnellement, je trouve le paragraphe plus beau si tu le commence directement par l'image du chien.

je pense à toi toujours tendrement.
--> J'ai du mal avec le "toujours tendrement", je trouve ça maladroit. Je suis certain que tu peux trouver mieux.

Les arbres sous la neige parfois ressemblent à des pieuvres.
--> Ca j'adore

Quelqu’un arrivant annonce
--> Ca fait bizarre. Pourquoi pas : quelqu'un arrive, annonce ?

Il n’y plus d’autobus pour revenir à Eymontiers
--> C'est trop explicatif pour moi, surtout par rapport à l'ensemble du texte. Le "je ne peux plus rentrer chez moi" me suffit, ça permet au lecteur d'imaginer ce qu'il veux.

Je te raconte tout cela, toi, dans notre maison où je ne reviendrai plus.
--> Ca j'adore

Toutes la fenêtre
--> Toutes les fenêtres

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Message  RICHARD2 Jeu 16 Oct 2014 - 23:40

J'ai lu jusqu'au bout !
Des phrases courtes avec une succession de scènes.
J'ai pensé tout à coup que vous pourriez écrire des scénettes de théâtre car j'ai trouvé que cela conviendrait à votre style d'écriture. Cela serait une bonne chute !! de la neige !!! et des corps !!
bien à vous
RICHARD2
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