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L'écriture est un sport de combat (Version 2)

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L'écriture est un sport de combat (Version 2) Empty L'écriture est un sport de combat (Version 2)

Message  Pussicat Sam 17 Sep 2016 - 2:52

- Gauche, droite, frappe, cogne, encore, plus fort, recommence... droite, gauche, bouge, saute, accélère, ralentis, reprends... gauche, droite, enchaîne, inverse, contrôle... mais contrôle !... allez, pause !

- Mais tous ces dialogues fantômes, ces histoires à dormir debout dont je t'ai parlé la dernière fois, cela continue et je m'interroge, tu comprends  ? Assise, couchée, ramassée en boule dans le canapé, rien n’y fait, il sont toujours là, à courir ; alors j’écris, c’est le seul remède...

- Ce n’est pas un remède, c’est un poison. Le poison qui s’est lentement distillé en toi et maintenant fausse ton jugement.

- Mais cela me calme !

- Non, cela prolonge le mal et accentue ta souffrance, mais de cela, tu es incapable de t’en rendre compte ; c’est bien plus grave que je ne le pensais... allez, reprenons : gauche, droite, allez, c’est mou tout ça ! ton jeu de jambe, travaille-le, étonne-toi, surprends-toi !

- Je ne comprends pas, je veux dire... elle a bien un mobile, une motivation  cette... «machina» ?

- À n'en pas douter, elle a une casserole sur le feu, et c'est toi qui mijote. Crois-en mon expérience, elle ne va pas te lâcher de sitôt. Comprends bien qu’elle a planté ses crocs dans ta belle petite carcasse, ce n’est pas demain la veille qu’elle va desserrer ses mâchoires. Arrête de te plaindre et de jouer son jeu, tu fais pitié...

- Ce n’est pas si pas simple. Si tu voyais comme elle se déploie lorsque mes nuits s'étirent. Si tu me voyais quand elle est là dans ma caboche : une loque  ! Elle est trop forte. J’ai bien essayé de l’assommer : gauche, droite, comme tu me l’as appris... mais rien n’y fait, rien. Et pire, elle se rit de moi, et moi, je commence à y prendre goût. Tu entends ? Elle m’a mangée, bouffée crue, je suis finie !

- C’est bien pourquoi je suis là... reprenons.

- Mais... ouche.. argh !... tout ce branle-bas de consonnes et de voyelles qui sonnent et résonnent à n’en plus finir comme un bourdon lancé... elles floconnent mes nuits en perles délicates qui tombent en chapelet comme pour dessiner un chemin... je finis par tomber de fatigue, il y a une limite à tout, tu comprends ? Mon corps ne suit plus. Je les prie de me laisser en paix, rien qu’un instant, que je m’endorme, que je me repose, enfin.

- Attaque ! mouvements furtifs, faux-semblants, et quand elles s’y attendent le moins, quand elles pensent avoir le dessus : Paf ! tu les assommes de ta droite. K.O, recta !

- Si c'était aussi simple, tout serait terminé. Mais elles ont déjà pris le pouvoir tu sais, et cela fait longtemps. Elles vont me transformer en loque ! Tu m’as vue ? Non mais tu as vu ce qu’elles ont fait de moi ? Rester sans dormir à veiller dans leurs vols de nuits blanches. Je tricote et rapièce des bouts de phrases qui semblent vivre... vivre ! Je les entends respirer, souffrir, rire, aimer, pleurer... tu dois me penser folle, hein ?!

- Tu me déçois vraiment. Arrête de penser et remonte sur le ring : gauche, droite, frappe, cogne encore... plus fort ! encore ! recommence... droite, gauche, bouge, saute, accélère, ralentis, reprends, enchaîne, contrôle... mais contrôle, tu vas trop vite ! allez, fais une pause.

- Pfffoouu, tu es dur ce soir... je n’en peux plus là, vidée, séchée ! Pourquoi me fais-tu travailler autant ?

- Tiens, bois un coup.

- Réponds-moi... pourquoi tu perds ton temps avec moi depuis toutes ces années ? Je suis bonne à rien.

- Un matin, tu te réveilles avec la gueule de bois. Tu sais, cette belle gueule à l’envers que tu reconnais tout de suite dans le miroir de la salle de bain ; pas la peine de faire les présentations. Et puis les souvenirs remontent, les uns après les autres, comme une envie de vomir ; c'est à ce moment précis que tu sais que tu as raté ta vie.

- Je ne comprends pas ?

- Rien... je divague, je suis fatigué moi aussi. Allez, rentre chez toi, tu as assez travaillé.

- Non, tu en as trop dit. C’est quoi cette histoire de souvenirs qui remontent les uns après les autres... euh... que tu as raté ta vie... je ne sais quoi.

- Allez, va prendre ta douche. On ira manger un morceau chez Paul après.

- Mais je n’ai pas envie d’aller chez Paul ! J’ai envie que tu me répondes, là, maintenant, tout de suite !

- Arrête !...

- Arrêter quoi ? Que maquilles-tu là ?

- Ce n'est pas possible ! tu as toujours eu le don de me faire chier toi ! tu n'as rien compris, rien de rien.

- Compris quoi ?

- Compris quoi ?... J’en ai assez, je n’en peux plus, tu me rends malade !

- Mais... c’est quoi cette embrouille ?

- Que penses-tu faire tous ces soirs, en venant ici ?

- De la boxe pardi ! cela me défoule et pendant ce temps, je ne pense plus à cette chose, là, qui m’encraille la tête.

- Qui t’encraille la tête... c’est tout toi ça ! Où es-tu allée pêcher cette expression ?

- Je ne sais pas, elle m’est venue comme ça, sans y penser.

- Pfff... sans y penser... sans y penser... Cela fait des années que je t’entraîne pour que tu chopes tous ces vols de nuits blanches comme tu les appelles, et bien d'autres perles comme tu le dis aussi... toutes ces années à mettre du neuf dans ta petite tête de moineau, que je t’aligne pour des départs... y’a des ratés, un bon paquet, ça, je peux le dire. Mais écoute-moi bien ! cela ne fait pas trente ans que je m’esquinte la santé à tout te donner pour en arriver à tourner en rond aujourd'hui, ce n’est pas possible !

- Quoi ?

- Allons prendre l'air, allons chez Paul casser la croûte. Ta prise de tête m’a donné faim, pas toi ?

- ???

- Viens ! je t’apprendrai deux trois formes esthétiques en chemin ; tu verras, elles valent le coup d’œil quand tu arrives à les placer. Le lecteur est toujours sensible à ce genre de trouvailles... bien placées.

- bien placées ?...

- Oui. Allez, on y va, c’est terminé pour ce soir.
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