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La nuit des ennuis

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coline dé
So-Back
Perplexe
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La nuit des ennuis Empty La nuit des ennuis

Message  Perplexe Sam 15 Fév 2020 - 18:32

J'étais assise dans le fond de la salle mais il ne m'a pas vue en entrant ; il était déjà bourré.
Il est allé s'affaler sur un tabouret du bar et il a demandé un triple-whisky que Lola lui a servi.
J'ai comme dans l'idée qu'il avait de gros chagrins à noyer.
Peu après sa tête a rencontré le comptoir et il s'est endormi. Ça n'a pas gêné Lola, elle s'en fout, elle en a vu d'autres.
— Cindy qu'elle m'a dit, t'as pas envie de te faire un mec ce soir ?
— Non merci que j'y ai répondu, j'ai eu ma dose aujourd'hui.
Elle est venue s'asseoir à côté de moi et m'a dit qu'il s'appelait Joe, qu'il venait de temps en temps, mais elle n'en savait pas plus et puis on a parlé de choses et d'autres en attendant la fermeture.
Je fais toujours une pause chez Lola avant de rentrer chez moi.
Quand ça a été l'heure elle s'est levée et a été le secouer. Il était en sueur. Elle lui a foutu une paire de claques et un coup de flotte glacée dans la figure. Il s'est réveillé. Il avait l'air mal en point et Lola, qu'a un cœur "gros comme ça", lui a proposé de le ramener chez lui mais il a cru qu'elle lui faisait des avances cet idiot. Comme si on pouvait en tirer quelque chose dans l'état où il était.
J'ai crié à Lola : "J'vais faire un tour au lavabo me repoudrer l' nez".
En sortant des toilettes, j'en revenais pas quand j'ai vu le mec empoigner Lola et se la caser sur l'épaule. C'est vrai qu'elle est pas épaisse mais quand même. Il vacillait, j'ai cru qu'ils passeraient pas la porte. Lola criait : "Mais lâche-moi connard !"
Il l'a sortie dans la rue et je suis allée voir sur le pas de la porte. Elle gueulait toujours. Je savais plus quoi faire. Du coup je suis rentrée m'asseoir pour réfléchir.
Et puis Lola est revenue. Elle était furibarde.
— Qu'est-ce qui faut pas supporter quand on est barmaid, j'te jure. On se demande ce qui lui a pris, à cet imbécile, de vouloir m'emmener sur son dos.
J'aurais mieux fait d'écouter ma mère et d'continuer à l'école. J'en ai ma claque des drogués, des pochtrons et des putes. Note que c'est pas pour toi que j'dis ça Cindy mais avoue que c'est pas un métier. Tu sais ce qu'on devrait faire toutes les deux ? Plaquer tout ça et foutre le camp dans un bled paumé et tenir une mercerie. Tu sais comme j'ai toujours aimé le point de croix. En attendant, l'autre, il est par terre. Faut qu'on essaie de le ramasser avant que les flics le fassent. Remarque que ça lui ferait les pieds, j'suis trop bonne des fois. C'est ça qui m'perd Cindy, j'ai un cœur d'or.
On a versé une larme toutes les deux et on s'est servi un remontant avant de fermer. Quelque chose nous disait qu'on en aurait besoin.
Quand Lola et moi on est arrivées près de Joe il était debout et il s'engueulait avec un gars qui travaille aux boucheries Perroni. Ça a failli mal tourner. Et puis Lola s'en est mêlée et le gars et moi on a laissé tomber et on est partis.
On a marché un moment, silencieux, puis il m'a dit :
— Je l'ai aidé à se relever mais ça ne lui a pas plu. Faut croire que les bordures de trottoir volaient, ce soir, pour qu'il s'en prenne une dans le nez.
Ça m'a fait rire. Quand on s'est retrouvés devant chez moi, il m'a dit au
revoir et il m'a fait un baise main !
J'en étais toute retournée. Je l'ai regardé s'éloigner et je me suis dit : "Cindy, tu viens de rencontrer un vrai gentleman".
Je sortais de la douche quand mon portable a sonné. C'était Lola dans tous ses états. "On l'a descendu Cindy ! On l'a descendu, le Joe !" qu'elle arrêtait pas de répéter et puis : "Je vais appeler les flics".
Alors là, j'ai compris qu'il s'était passé quelque chose de grave mais quand elle a enfin pu me donner des détails, comment on lui avait tiré dessus juste quand ils arrivaient devant chez lui, je lui ai conseillé de n'appeler personne et de foutre le camp. "T'as pas assez d'ennuis comme ça ?" que je lui ai dit, "Tire-toi vite fait de ces embrouilles et rentre chez toi. Tu devrais déjà être contente d'être encore en vie".
Je crois que je suis arrivée à la convaincre. Je me suis couchée mais j'arrivais pas à dormir.
Mais c'est quoi cette ville de fous que j'me disais ! On sort le matin tranquillement de chez soi et on est mort le soir. Dans quoi il trempait encore ce mec et la Lola qui suit n'importe qui... c'est pas faute de l'avoir prévenue pourtant. Combien d'fois que j'y ai dit : "Lola méfie-toi des inconnus, t'as trop bon cœur à t'occuper de tous ces paumés".
Ça m'a contrariée parce que je voulais rêver un peu à mon gentleman et cette histoire m'a tout gâché.
Il va falloir que je me renseigne sur ce gars. Il est trop bien pour travailler chez les frères Perroni, c'est de vraies crapules ces deux là. Et si c'était lui qui avait descendu le Joe ? Bon sang, j'ai eu chaud d'un seul coup et puis je me suis dit que non, c'était pas possible.
Le soleil commençait à filtrer à travers le rideau, il était temps que je m'endorme.
Quand je me suis réveillée il était quatre heures de l'après-midi et je me suis dit qu'après tout une journée de congé me ferait pas de mal.
Pendant que je prenais mon café Lola m'a appelée et elle m'a tout raconté, comment elle avait suivi mon conseil et comment elle avait filé et puis que les remords l'avaient prise et qu'elle y était retournée et qu'elle l'avait trouvé gisant évanoui sur le palier et qu'elle avait appelé les pompiers.
Depuis Joe était à l'hôpital entre la vie et la mort, comme on dit, mais elle en savait pas plus.
Évidemment les flics l'avaient interrogée et ils avaient du mal à croire qu'elle le connaissait à peine trois heures avant. Il avait fallu qu'elle raconte tout au moins dix fois de suite et "tu sais Cindy", qu'elle me dit, "je suis désolée mais j'ai été obligée de parler de toi".
"Non !" que je rugis, "mais t'as pas fait ça quand même ! Bon Dieu Lola t'es la reine des connes, tu sais bien que j'ai déjà un dossier long comme le bras chez eux."
J'ai raccroché. C'est ça l'ennui avec Lola, elle est brave mais elle est conne.
Elle m'a foutue en rogne et du coup je suis allée travailler parce que, une journée de congé, c'est pas comme ça que je la vois, à me ronger les sangs en me demandant ce qui va encore me tomber sur le coin de la figure.
Finalement le temps est vite passé, j'ai fait mon quota de clients sans trop m'en apercevoir vu que j'avais la tête ailleurs et, dans mon boulot, c'est aussi bien.
Quand le soir est venu je ne suis pas allée chez Lola, je lui en voulais et j'avais peur d'y trouver des flics en train de fureter partout.
Au moment où j'allais rejoindre mon studio, je l'ai vu, le gars qui travaille chez les frères Perroni. Il était au coin de la rue, comme s'il m'attendait. Je me suis dirigée vers lui avec le cœur qui battait mais je me disais : "Te fais pas d'idée Cindy, c'est pas pour toi qu'il est là" mais j'avais beau me le répéter, je me suis retrouvée devant lui avec comme une espèce de vertige et l'impression que mes jambes ne me portaient plus.
— Ça va pas ? qu'il m'a demandé,
— Si, que je lui ai répondu avec une voix que je ne me reconnaissais pas.
C'est là que j'ai compris que j'aurais dû faire un détour par chez Lola pour me repoudrer le nez comme tous les soirs. Si les flics n'étaient pas passés chez elle et s'ils n'avaient pas fouiné partout, il y avait une dose qui m'attendait dans les toilettes.
— Je t'offre un verre chez Lola qu'il m'a dit, tu as l'air d'en avoir besoin.
C'était une bonne idée finalement et nous sommes partis côte à côte. Je me suis sentie mieux en chemin. Et si c'était lui qui me faisait cet effet-là ? Il m'a dit qu'il s'appelait Marco.
Quand on est arrivés, il n'y avait personne derrière le bar. On s'est pris chacun un tabouret mais, au bout d'un moment, j'y tenais plus et j'ai dit :
"Je vais faire un tour aux toilettes". Je me suis dirigée tout droit vers le lavabo pour prendre ma dose derrière le miroir et c'est là que je l'ai vue, dans le reflet de la glace. Elle était pendue à la poignée de la fenêtre des toilettes pour dames. J'osais pas me retourner, j'étais paralysée, je m'disais "Non, non, non" et puis j'ai hurlé "Lola !"
J'ai dû gueuler à pleins poumons parce que Marco a surgi. Il avait un flingue à la main. "Qu'est-ce qu'il y a ?" qu'il m'a demandé. Je lui ai montré Lola. Il a inspecté tous les recoins des toilettes puis il est allé vers elle et a téléphoné. "Sors de là, qu'il m'a dit, c'est trop tard".
Puis il a attrapé la dose de coke que j'avais à la main et m'a demandé "Qui c'est qui qui te fournit ?". Il avait l'air mauvais d'un seul coup et je me suis sentie ailleurs comme désolidarisée de mon corps. J'ai répondu que c'était Lola et je lui ai demandé de me rendre le sachet mais il a ricané. Puis tout c'est embrouillé.
Le lendemain matin, en sortant de garde à vue, je l'ai vu, mon gentleman. Il discutait avec ses collègues dans un bureau du commissariat. Il ne m'a pas jeté un regard. Son job à la boucherie Perroni c'était du pipeau sans doute. D'ailleurs je les ai vus aussi les frères Perroni, avec des menottes.
"Tu en trouveras jamais de gentleman" j'ai pensé et quand je me suis retrouvée dans la rue j'avais comme une envie de me jeter par une fenêtre.
Et puis j'y ai renoncé. "Avec la veine que tu as, je me suis dit, tu serais capable de te rater".

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Message  So-Back Sam 15 Fév 2020 - 19:16

l'ennui naquit un jour d'uniformité

texte d'un quotidien exacerbé par la came, la vision en est altérée mais pas l'histoire qui devient un scénario d'une routine bien huilée

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Message  coline dé Mer 19 Fév 2020 - 6:43

Une ambiance polar français ( ça change de l'Islande et autres pays nordiques !) qui sent le ciné de quartier, Belmondo et Mireille Darc, pour une agréable plongée nostalgique dans une époque où les putes avaient plus de 14 ans, où les barmaids s'appelaient Lola et se poudraient le nez ( au fait : avec de la coke ou de la poudre de riz ?) j'ai apprécié l'humour de cette incertitude !
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Message  Perplexe Sam 22 Fév 2020 - 14:02

coline dé a écrit:Une ambiance polar français  ( ça change de l'Islande et autres pays nordiques !) qui sent le ciné de quartier, Belmondo et Mireille Darc, pour une agréable plongée nostalgique dans une époque où les putes avaient plus de 14 ans, où les barmaids  s'appelaient Lola et se poudraient le nez ( au fait : avec de la coke ou de la poudre de riz ?) j'ai apprécié l'humour de cette   incertitude !

Aller "se poudrer le nez" c'est aller sniffer une ligne de coke, je tiens l'expression d'une consommatrice.

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Message  'toM Jeu 27 Fév 2020 - 15:08

C'est bon, jazzy. Syncopé à souhait, ni trop chaud, ni trop froid, nitroglycérine. Phrases courtes, tirets guillemets dans le rythme.
Bons, le contrebassiste, le batteur, la chanteuse, bons.
Le baisemain, je sais pas. Je vais essayer.
'toM
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Message  Jano Mer 4 Mar 2020 - 11:15

Je ne suis pas friand du style familier voire argotique, je trouve parfois que c’est un peu trop forcé. Pas sûr que ça corresponde à la réalité des faubourgs si on n’y vit pas.
L’histoire reste sympathique, ça ne vole pas très haut mais ce n’est pas ce que vous recherchez. Un peu court quand même, dans le scénario. Un flic infiltré, ok, j’aurais aimé davantage d’approfondissement dans ses relations avec Cindy.
Aussi, pourquoi dès qu’on fait un polard des bas-fonds on retrouve inévitablement une Lola ?

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Message  Narbah Lun 9 Mar 2020 - 14:55

Ça se lit bien, on a presque envie d'y croire. Mais je n'ai plus l'âge de trouver du charme aux bars de nuit glauques.
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http://narbah.blog.free.fr/

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Message  Éclaircie Dim 18 Avr 2021 - 15:22

Juste une question, ensuite je me sauve (la vie)
Inscrit en 2011, rien de publié avant 2020 ?
Avez -vous demandé au moment du tsunami, de retirer vos textes ?

Et ne croyez pas Narbah, il n'avouera jamais qu'il a toujours 20 ans.
Pas plus que moi si je vous dit j'ai 7 ans.
Éclaircie
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http://www.poesie-fertile.fr/

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