Ecrire

Dans le quartier de Beaubourg, un magasin. L’Ecritoire.
J’y suis rentrée, par curiosité. Je suis ressortie avec un stylo et deux cahiers.
J’ai passé du temps à choisir le meilleur papier. J’ai passé ma main sur les pages. Je les ai caressées pour trouver les plus lisses. J’ai imaginé le stylo qui glissait dessus. J’ai trouvé mon bonheur.
Je suis sortie en tenant mon paquet contre moi. J’étais sûre que j’allais me remettre à l’écriture.

Mais ça ne suffit pas. Un cahier ne remplace pas un projet.




Je me dis souvent : ce qu’il me manque pour écrire, c’est un lieu.
• Une véranda.
• Un bureau devant une fenêtre, elle-même devant un jardin très vert.
• Une pièce remplie de silence, de livres et de bois.

Je n’ai pas de tel lieu. Pendant longtemps, je n’ai même pas eu un lieu à moi.

Je sais que je suis de mauvaise foi. On peut écrire n’importe où. Dans un lit, sur une table de cuisine, devant l’ordinateur.




Poser son stylo sur le haut d’une page et arriver en bas. Ecrire une deuxième page, et une troisième. Avoir le sentiment du travail accompli. Ni achevé ni terminé mais accompli.



Dans le fond, chez moi, qu'est-ce qui fait le plus obstacle à l'écriture ?
C'est bien la lecture. Le nombre de fois où il me vient l'envie d'écrire et où finalement j’ouvre un livre… Le soir par exemple. Les enfants sont couchés, je n’ai pas envie de regarder la télévision. Je pourrais écrire, mettre en forme ce que j’ai déjà imaginé, noter les mots que j’ai en tête, avancer les textes que j’ai commencés. A la place, je reprends mon livre du moment.

D'autres fois, je fais le projet d'écrire et je me rends compte que j’ai une machine à laver à remplir et à mettre en route.




Pourquoi écrire ? Pour s’inventer une vie meilleure ?
Non merci.




Si je n’arrive pas à écrire en ce moment, c’est que je reste trop terre à terre. Je n’arrive pas à m’oublier. Je n’arrive pas à quitter ce monde-ci pour le monde des mots.
Pourtant, l’année dernière, j’ai écrit plein de haïkus. Je partais le matin, sur mon vélo. Je regardais autour de moi. Je voyais un arbre, une couleur, une fenêtre. Et ces bouts de poésie me venaient à l’esprit.
C’était apaisant.

Je devrais me remettre au vélo.




Pendant une période, j’écrivais en marchant. Je n’avais ni papier ni crayon. J’écrivais dans ma tête. Les mots s’enchaînaient. Il y avait du rythme, du sens, une petite musique à moi.
Je m’efforçais de garder mes mots en mémoire.
Arrivée à la maison, je prenais un carnet et j’essayais d’écrire, avec un stylo cette fois.
Mais rien. Plus rien.
Aucun mot, aucune phrase n’est jamais restée




Quand j’écris, je le fais dans des cahiers ou des carnets. J’ai une place pour eux, dans un tiroir. Quelquefois, un cahier traîne sur ma table de nuit, ou à côté de l’ordinateur. Il n’y a pas d’autre endroit possible : tiroir, table de nuit ou bureau (avec l’ordinateur).
Et pourtant, j’ai perdu des textes. Je les ai écrits. Je vois les mots. Je vois comment ils s’inscrivent sur la page. Mais rien… je ne les retrouve pas… Comment est-ce possible ?

Je fais quoi ? Je mets la maison sans dessus dessous pour retrouver mes textes ? Ou bien je les réécris ?
J’ai l’impression que ce n’est pas possible. Que c’est le premier jet, le bon. Que je n’arriverai pas à les réécrire comme il faut. Que ce sera du réchauffé.




La vitesse de l’écriture… c’est primordial. Si j’écris trop vite, je m’emballe, je ne structure pas, je ne rythme pas. Et je n’ai même pas envie de relire mes pattes de mouche.




Je me fixe un but :
Ecrire. Ecrire beaucoup. N’importe quoi. Me relire plus tard. Beaucoup plus tard. Quand j’ai tout oublié.
Devenir lectrice de mes propres textes.
Ne garder que ce qui se lit d’une traite, sans réfléchir. Barrer tout le reste.
Ne pas relire une deuxième fois. Ne pas donner une deuxième chance aux mots.

Irréalisable.

Est-ce seulement souhaitable ?




J’ai trouvé comment procéder :
Ecrire d’abord un fragment dans mon cahier. Ecrire lisiblement. M’y forcer. Me relire tout de suite après. Changer quelques mots. Faire pareil avec les points et les virgules.
Laisser ensuite le texte tranquille. Plusieurs jours.
Le lire avec un œil neuf. Le réécrire, toujours dans le cahier. Et seulement après : l’entrer dans l’ordinateur.

Evidemment, je fais rarement comme ça. Soit j’écris à la main et c’est illisible. Soit je me sers trop vite de l’ordinateur et, ensuite, la réécriture m’est difficile.



J’ai commencé un roman. J’ai écrit le premier chapitre et je me suis arrêtée. Je ne suis pas satisfaite. Je trouve ce texte laborieux. Mais je ne sais pas ce qui est vraiment laborieux. Le texte en lui-même (les mots, la narration, l’avancée de l’histoire) ? Ou est-ce seulement que j’ai eu du mal à l’écrire ? Je n’arrive pas à me scinder en deux : celle qui écrit et celle qui lit.




Je surfe sur le net.
Je ne surfe pas, je picore.
My Space, rubrique écriture et poésie.
Je tombe par hasard sur le blog d’un japonais de Montpellier (je n’arriverais pas à le retrouver plus tard). Il parle de deux auteurs de haïkus. Il écrit qu’ils allaient mal, tous les deux. Si je me souviens bien : alcoolisme, mal de vivre, dépression. Et moi qui croyais que les haïkus étaient les poèmes des gens sereins.




My Space. Des textes. Il faut être inscrit pour commenter les textes des autres. Et les gens qui commentent écrivent eux-mêmes. On ne peut pas être juste lecteur ? J’aimerais bien m’inscrire sur un tel site et être lue. Par des gens qui n’écrivent pas. Des lecteurs désintéressés…



Sur Internet, j’ai trouvé un nouveau site.
Mes écrits
Un cyberatelier d’écriture. On envoie des textes. On lit les textes des autres. Tout le monde s’envoie des commentaires.

J’ai peur de devenir acro.

Petit défaut tant que j'y pense : j'y suis entrée et non rentrée (au début)

J'aime beaucoup !
j'aime beaucoup la progression de ces pensées, et évidemment, ne le cachons pas : j'adore la toute fin ! Bienvenue au club ! :-)))

Et pour ce qui est de certaines réflexions, je crois que je n'adhère pas à tout, mais c'est sûr, chacun fonctionne différemment.
Par exemple tu dis qu'on peut écrire n'importe où, moi je sais qu'il me faut la solitude et le silence absolu, pas de musique, pas de fenêtre pour distraire le regard, surtout pas de téléphone prêt à sonner et pas d'heure du repas à venir ;-)
Très sympa ton texte

au fait : tu as oublié de parler des exos en direct ;-)

Bonsoir Anne
Ben voilà tu écris .... Je me suis dis "c'est long.je trouve un truc court à lire et au lit car demain boulot.." et puis je t'ai lu jusqu'au bout.
C'est vrai par contre qu'on devient accro' à ce site...
A bientôt.
Emmanuel

.

On s'en douterait que tu aimes les haïkus, avec ces petites phrases libres, où ton âme respire, à mon sens, bien mieux que les textes pour enfants que tu as déjà proposés.

Salut Anne V.

Très sympa. Le plus difficile : rendre un monde (ou au moins une fraction de monde) en deux trois lignes. Sans chichis. Avec légèreté.

Très prometteur. On en reprendrait volontiers une lichette...

C'est intéressant de voir comment les autres fonctionnent.
Ton texte est très agréable. Il suit le fil de tes pensées et j'aime ça.
Pour dire comme Mentor, je n'arrive pas, non plus, à écrire dans le bruit et la fureur. Il me faut du silence.
D'ailleurs, plus ça va, moins j'écoute de musique. Les petits bruits du quotidien me vont bien.
Une fois ou deux, j'ai essayé d'écrire dans un café : ça fonctionnait plutôt bien ! Il n'y avait que la fumée des cigarettes de mes voisins qui me gênait. C'est bizarre de supporter certains bruits, et d'autres pas.
Gobu a raison : pourquoi pas nous en resservir un p'tit peu ?
Oh, et puis juste un petit quelque chose en passant :

sans dessus dessous

C'est "sens dessus dessous", en fait. Je l'ai déjà faite, celle-là ! ( On a pris l'habitude de gommer le [s] à l'oral et, du coup, on change le "sens" du mot et, donc, de l'expression.

Désolée de repointer le bout de mon nez mais, voilà, en faisant chauffer mon petit café j'avais cette chanson dans la tête :
http://www.radioblogclub.com/search/0/sur_toi
Alors, si tu n'aimes pas Zazie mais que tu aimes l'écriture ( et je pense que c'est le cas ! ) écoute cette chanson. Je l'ai découverte il y a quelques mois de ça et elle me trotte toujours dans la tête quand je pense écriture.
*Navrée mais je ne sais pas actionner la touche magique qui lance la musique et il faudra que tu lances le lecteur pour l'écouter.*

Anne Veillac a écrit:

*****

Je me dis souvent : ce qu’il me manque pour écrire, c’est un lieu.
• Une véranda.
• Un bureau devant une fenêtre, elle-même devant un jardin très vert.
• Une pièce remplie de silence, de livres et de bois.

Je n’ai pas de tel lieu. Pendant longtemps, je n’ai même pas eu un lieu à moi.

Je sais que je suis de mauvaise foi. On peut écrire n’importe où. Dans un lit, sur une table de cuisine, devant l’ordinateur.

C'est cette partie là qui m'a le plus touché.
C'est vraiment agréable. Bien écrit, léger. Il y a une gravité (sans faire un mélodrame) qui me plaît beaucoup.

Un peu plus de réserves sur la fin, ça fait trop "déclaration d'amour" ;-)

Merci à tous

J'ai bien aimé ces pensées en vrac. Sous l'aspect désordonné il y a quand même un rhytme, un je ne sais quoi qui pousse à continuer plus avant.

Tu n'as jamais pensé à utiliser un dictaphone ? Ca permet de noter ses idées presque aussi vite qu'elles apparaissent...

Un endroit pour écrire ? Pour quoi faire ? J'écris principalement au bureau, dans le local serveur, pendant la pause déjeuner, tard le soir, avec ou sans musique... J'évite le stylo, j'écris tellement vite avec que je suis incapable de me relire après.

Le seul truc qui me dérange, c'est qu'on lise par dessus mon épaule....

Comme on rentre facilement dans cette évocation d'un monde qui nous touche! On sourit :"c'est tout à fait ça" et on a envie de t'écouter encore un peu nous raconter nos propres hésitations, nos progrès, nos reculs...
Légère et déterminée, Anne, je te sens là bien plus à l'aise et convaincante que dans ton oeuvre de grammairienne même s'il s'agit d'un beau projet en soi ;-)

slave1802 a écrit:Tu n'as jamais pensé à utiliser un dictaphone ?

Exactement ce que m'avait répondu un ami à qui je me plaignais de "tous ces mots qui s'envolent pour ne pas avoir eu le temps ou la possibilité de les noter..."

Oui, nous nous retrouvons dans ton texte, Anne... ô combien !

Bonsoir
J'avais pensé aussi au dictaphone.Il y a même des petits lecteurs MP3 qui fond ça et qui sont simples d'utilisation mais je comprends que rien ne remplace la plume au contact du papier (enfin c'est mon cas).
Un p'tit calpin avec un p'tit crayon de bois alors .....
A bientôt.

manisa06 a écrit:Bonsoir
J'avais pensé aussi au dictaphone.Il y a même des petits lecteurs MP3 qui fond ça et qui sont simples d'utilisation mais je comprends que rien ne remplace la plume au contact du papier (enfin c'est mon cas).
Un p'tit calpin avec un p'tit crayon de bois alors .....
A bientôt.

moleskine dirait Yali (joke) ;-)

idem... j'adore leur papier... la plume glisse dessus, c'est un plaisir...

Mais ça ne suffit pas. Un cahier ne remplace pas un projet
Ça, ça m'a filé le sourire, parce que c'est bien vrai. Comme pas mal d'autres éléments de ton texte, dont j'apprécie la simplicité et la sincérité.
Chacun son mode de fonctionnement, c'est clair et j'aime tes remises en question.

Comme tout cela est aérien autant qu'universel. Chacun s'y retrouve à un moment ou un autre. J'aime la progression, les interrogations, les nouvelles résolutions qu'on ne tient pas... Et la fin est joliment amenée, avec la fausse petite pointe d'angoisse finale.

Pendant une période, j’écrivais en marchant. Je n’avais ni papier ni crayon. J’écrivais dans ma tête. Les mots s’enchaînaient. Il y avait du rythme, du sens, une petite musique à moi.
Je m’efforçais de garder mes mots en mémoire.
Arrivée à la maison, je prenais un carnet et j’essayais d’écrire, avec un stylo cette fois.
Mais rien. Plus rien.
Aucun mot, aucune phrase n’est jamais restée

Serais-tu du genre à écrire tes plus beaux textes pendant les nuits d'insomnie ? Pour tout en oublier le matin, comme si l'insomnie n'avait été qu'un songe ?

Tristan a écrit : Un peu plus de réserves sur la fin, ça fait trop "déclaration d'amour" ;-)

Ca veut dire quoi ;-) ? Ca fait plusieurs fois que je vois ce type de ponctuation sur Internet et je me demande ce que c'est.

Et qu'est-ce qui fait trop "déclaration d'amour " ? Le fait que j'ai peur de devenir accro, c'est ça ? Eh bien... si, si... c'est vrai... , je crois vraiment que je suis devenue accro à Internet, en général. Pendant quelques jours je ne pouvais plus utiliser l'ordinateur et ça m'a vraiment manqué...

J'utilise , moi aussi ce signe mystérieux, Anne:
;-)
Penche un peu la tête sur ton épaule gauche et avec un peu d'imagination tu verras se dessiner une binette qui te fait un clin d'oeil, si, si!

Arielle

J'aimais ton avatar d'hier soir
Tu l'as effacé comme disparaît
le dessin d'un tableau noir
éphémère coup de craie.

un sourire, un clin d'oeil, manisa, ça vient , ça va, c'est fugace et fragile comme un soleil d'avril ;-)

très joli texte, à la fois léger et tendre, avec une pointe d'amertume, le sujet me touche et on le lit avec autant de plaisir que de facilité. Merci!