Roman: La course à la mort
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Roman: La course à la mort
Sous forme de journal intime...
J'aime beaucoup ce texte, en voici les 2 premières pages:
Jeudi 14 février 2002
Parfois il faut se sentir à la hauteur. Parfois, il faut se sentir capable de parvenir au terme de certaines choses. Mais il est désespérant de constater que la société actuelle ne laisse plus la place aux personnes qui n’ont qu’un seul but : être heureuses. Car si je dois me satisfaire de ce que m’offre le système… autant partir tout de suite.
La vie défile mais la mort nous attend de toute manière sur la ligne d’arrivée. Il faut beaucoup de courage pour se dire que, finalement, on a beau courir, le résultat des courses est connu d’avance. Et, que nous soyons premier ou dernier, il est pareil pour tout le monde.
Je m’appelle Valentin, j’ai trente-trois ans et je vis près de Bruxelles. Je n’ai jamais été très enclin à apprécier l’existence. Il faut dire que, depuis petit, je me bats contre moi-même, contre les autres pour arriver, enfin, à m’accepter, à me faire accepter.
Je suis le fruit d’un inceste. Ma mère décéda lorsqu’elle avait quatorze ans, lors de son accouchement. Selon ce que je pus apprendre à son sujet, c’était une femme - une jeune fille - effacée. Fut un temps auquel je m’échinais encore à rechercher ses amis, sa famille (mes racines quoi !) qui, soit dit en passant, n’a jamais voulu de moi. Cet acharnement fut vain.
Elle se sentait acculée par un père castrateur. Son père, je l’ai rencontré, mais lorsque je l’ai vu, j’ai préféré m’éclipser. Il m’a directement avoué que ma mère avait été violée par son oncle et que je n’avais pas été désiré, et qu’il valait mieux que ma mère soit morte en me mettant au monde, et que je n’avais rien à faire là, et que je ferais mieux de retourner d’où je viens. Mon père, je ne l’ai jamais connu car, une fois son méfait accompli, il fut enfermé et se pendit dans sa cellule. C’est mieux ainsi.
C’est dans un orphelinat que j’ai grandi, le méchant petit canard, la bête noire de mes camarades de chambrée. Je ne suis pas très grand, rachitique, très tacite et extra caractériel. Tandis que les autres gamins trouvaient famille, moi, je fus rejeté de tous. Oh ! Bien sûr, certains parents en mal de fertilité essayèrent de me prendre à leurs charges, mais en voyant que je demeurais reclus, enfermé dans ma chambre, mal à l’aise à l’école et dénué de toute sociabilité, ils firent rapidement chemin inverse. Physiquement, je n’avais pas énormément de points communs avec les canons des magasines ou du cinéma, je ressemblais plutôt à ce gamin qu’on peut voir dans certains films, vous savez, ce gosse qui tousse continuellement, qui ne se tient pas très droit et qui a des difficultés à se forger une place dans la société. Je n’ai pas beaucoup changé. Si. En fait si j’ai changé. Je suis un peu plus grand, un peu plus musclé, mais dans ma tête, je me vois toujours comme je fus à dix ans.
Bref, je ne vais pas me plaindre. Je sais que, de par le monde, des millions de personnes envieraient ma position. Ma position. Parlons-en justement. Est-ce la revanche de la vie ? Est-ce le destin ou un simple coup de chance, mais à la veille de mes dix-huit ans, lorsque je suis sorti de l’orphelinat, mon premier réflexe fut d’entrer dans une librairie, d’investir le peu de sous que j’avais dans ma poche en achetant un billet de loterie… et deux jours plus tard, me voici devenu millionnaire. Et vous savez quoi ? Je ne suis pas plus heureux pour autant. L’argent ne tient finalement pas toutes ses promesses.
Moi qui, même si je fus peu aimé, eus l’habitude de grandir entouré de dizaines de gosses de mon âge, de surveillantes qui veillaient au grain, j’ai toujours ce besoin lancinant de sentir une présence réconfortante autour de moi.
Dites… que diriez-vous si je vous racontais ma vie ?
Vendredi 14 février 1969
12h19
Que se passe-t-il ? Quelle est cette lueur ? Je sens une clarté agressive me traverser les paupières, cela ne me donne pas envie de les ouvrir.
J’étais bien au chaud et… soudainement, je me retrouve transporté dans cette froidure, catapulté hors de mon environnement. Qui sont ces gens ? Et cette femme qui hurle ? Qu’a-t-elle à crier comme ça ? Et qui est-ce d’abord ? Elle pleure, elle gémit, elle donne l’impression de souffrir le martyr. Elle me brise les tympans à force de hurler. A ses cotés, un homme en vert lui palpe le cou, pose un drôle d’appareil sur sa poitrine. Elle ne pleure plus mais elle sursaute, comme frappée par un choc d’une violence phénoménale. Après quelques instants elle ne sursaute plus, elle ne pleure plus. L’homme en vert pose son appareil sur une table et s’en retourne signer un papier.
Je me sens mal. Malgré mes cris, malgré mes pleurs, personne ne semble se soucier de mon bien-être. Je sens une main me manipuler, me retourner, me passer sous l’eau. Que je regrette d’avoir quitté mon antre chaleureux et accueillant ! Je crois que je le regretterai longtemps.
Lundi 24 février 1969
08h52
J’ai finalement décidé d’ouvrir les yeux. Et pour voir quoi ? Un endroit aseptisé, fourmillant de personnes vêtues de blanc qui se promènent dans tous les sens, semblant perpétuellement pressées. Autour de moi, quelques êtres de ma taille, de ma condition, pleurant sans arrêt.
J’ai faim. Je crie, mais personne ne vient me nourrir. Pourquoi suis-je encore ici ? Au travers de la vitre qui sépare le couloir de la pièce dans laquelle je me trouve, je vois des grandes personnes, le nez collé à la vitre, un sourire illuminant leurs visages, pointant du doigt les petits êtres qui se trouvent à mes côtés. Et moi, personne ne me pointe du doigt. Je sens que je ne vais pas beaucoup me plaire ici.
L’autre jour, j’ai entendu une femme en blanc parler à un être comme moi, un bébé. Elle a dit que l’expérience que nous vivons maintenant se nomme ‘’la vie’’ et dure relativement longtemps. Que rien n’est plus beau que cette aventure et que nous devons être content de pouvoir y goûter. Moi, je sens déjà que ça ne va pas me plaire.
Samedi 14 février 1970
Cela fait un an que je pratique cette expérience qu’est la vie. J’apprends beaucoup de choses, j’en découvre beaucoup aussi. Les personnes qui s’occupent de moi ont décidé de m’appeler Valentin. Il paraît que c’est à cause du jour de ma naissance et que Valentin est le nom du patron des amoureux. C’est quoi des amoureux ? En plus, je ne trouve pas cela joli comme prénom, ils auraient pu trouver mieux.
J’ai entendu la femme qui s’occupe de moi expliquer à un autre enfant qu’il fallait être gentil avec moi car ma mère est morte et que mon père est prisonnier. Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais je sais que, grâce à ça, les autres enfants qui vivent avec moi se tiennent à l’écart. Au moins, je suis tranquille.
La femme qui s’occupe de moi s’appelle Sœur Marie-Madeleine. Il paraît que c’est une religieuse. Je ne sais pas exactement ce que c’est, mais plusieurs fois par jour, elle parle à un homme qui n’est pas là et qu’elle appelle ‘’Seigneur’’. Il paraît qu’il vit dans un endroit qu’on appelle ‘’Ciel’’ et qu’il a beaucoup d’influence sur les hommes. Où suis-je encore tombé moi ?
J'aime beaucoup ce texte, en voici les 2 premières pages:
Jeudi 14 février 2002
Parfois il faut se sentir à la hauteur. Parfois, il faut se sentir capable de parvenir au terme de certaines choses. Mais il est désespérant de constater que la société actuelle ne laisse plus la place aux personnes qui n’ont qu’un seul but : être heureuses. Car si je dois me satisfaire de ce que m’offre le système… autant partir tout de suite.
La vie défile mais la mort nous attend de toute manière sur la ligne d’arrivée. Il faut beaucoup de courage pour se dire que, finalement, on a beau courir, le résultat des courses est connu d’avance. Et, que nous soyons premier ou dernier, il est pareil pour tout le monde.
Je m’appelle Valentin, j’ai trente-trois ans et je vis près de Bruxelles. Je n’ai jamais été très enclin à apprécier l’existence. Il faut dire que, depuis petit, je me bats contre moi-même, contre les autres pour arriver, enfin, à m’accepter, à me faire accepter.
Je suis le fruit d’un inceste. Ma mère décéda lorsqu’elle avait quatorze ans, lors de son accouchement. Selon ce que je pus apprendre à son sujet, c’était une femme - une jeune fille - effacée. Fut un temps auquel je m’échinais encore à rechercher ses amis, sa famille (mes racines quoi !) qui, soit dit en passant, n’a jamais voulu de moi. Cet acharnement fut vain.
Elle se sentait acculée par un père castrateur. Son père, je l’ai rencontré, mais lorsque je l’ai vu, j’ai préféré m’éclipser. Il m’a directement avoué que ma mère avait été violée par son oncle et que je n’avais pas été désiré, et qu’il valait mieux que ma mère soit morte en me mettant au monde, et que je n’avais rien à faire là, et que je ferais mieux de retourner d’où je viens. Mon père, je ne l’ai jamais connu car, une fois son méfait accompli, il fut enfermé et se pendit dans sa cellule. C’est mieux ainsi.
C’est dans un orphelinat que j’ai grandi, le méchant petit canard, la bête noire de mes camarades de chambrée. Je ne suis pas très grand, rachitique, très tacite et extra caractériel. Tandis que les autres gamins trouvaient famille, moi, je fus rejeté de tous. Oh ! Bien sûr, certains parents en mal de fertilité essayèrent de me prendre à leurs charges, mais en voyant que je demeurais reclus, enfermé dans ma chambre, mal à l’aise à l’école et dénué de toute sociabilité, ils firent rapidement chemin inverse. Physiquement, je n’avais pas énormément de points communs avec les canons des magasines ou du cinéma, je ressemblais plutôt à ce gamin qu’on peut voir dans certains films, vous savez, ce gosse qui tousse continuellement, qui ne se tient pas très droit et qui a des difficultés à se forger une place dans la société. Je n’ai pas beaucoup changé. Si. En fait si j’ai changé. Je suis un peu plus grand, un peu plus musclé, mais dans ma tête, je me vois toujours comme je fus à dix ans.
Bref, je ne vais pas me plaindre. Je sais que, de par le monde, des millions de personnes envieraient ma position. Ma position. Parlons-en justement. Est-ce la revanche de la vie ? Est-ce le destin ou un simple coup de chance, mais à la veille de mes dix-huit ans, lorsque je suis sorti de l’orphelinat, mon premier réflexe fut d’entrer dans une librairie, d’investir le peu de sous que j’avais dans ma poche en achetant un billet de loterie… et deux jours plus tard, me voici devenu millionnaire. Et vous savez quoi ? Je ne suis pas plus heureux pour autant. L’argent ne tient finalement pas toutes ses promesses.
Moi qui, même si je fus peu aimé, eus l’habitude de grandir entouré de dizaines de gosses de mon âge, de surveillantes qui veillaient au grain, j’ai toujours ce besoin lancinant de sentir une présence réconfortante autour de moi.
Dites… que diriez-vous si je vous racontais ma vie ?
Vendredi 14 février 1969
12h19
Que se passe-t-il ? Quelle est cette lueur ? Je sens une clarté agressive me traverser les paupières, cela ne me donne pas envie de les ouvrir.
J’étais bien au chaud et… soudainement, je me retrouve transporté dans cette froidure, catapulté hors de mon environnement. Qui sont ces gens ? Et cette femme qui hurle ? Qu’a-t-elle à crier comme ça ? Et qui est-ce d’abord ? Elle pleure, elle gémit, elle donne l’impression de souffrir le martyr. Elle me brise les tympans à force de hurler. A ses cotés, un homme en vert lui palpe le cou, pose un drôle d’appareil sur sa poitrine. Elle ne pleure plus mais elle sursaute, comme frappée par un choc d’une violence phénoménale. Après quelques instants elle ne sursaute plus, elle ne pleure plus. L’homme en vert pose son appareil sur une table et s’en retourne signer un papier.
Je me sens mal. Malgré mes cris, malgré mes pleurs, personne ne semble se soucier de mon bien-être. Je sens une main me manipuler, me retourner, me passer sous l’eau. Que je regrette d’avoir quitté mon antre chaleureux et accueillant ! Je crois que je le regretterai longtemps.
Lundi 24 février 1969
08h52
J’ai finalement décidé d’ouvrir les yeux. Et pour voir quoi ? Un endroit aseptisé, fourmillant de personnes vêtues de blanc qui se promènent dans tous les sens, semblant perpétuellement pressées. Autour de moi, quelques êtres de ma taille, de ma condition, pleurant sans arrêt.
J’ai faim. Je crie, mais personne ne vient me nourrir. Pourquoi suis-je encore ici ? Au travers de la vitre qui sépare le couloir de la pièce dans laquelle je me trouve, je vois des grandes personnes, le nez collé à la vitre, un sourire illuminant leurs visages, pointant du doigt les petits êtres qui se trouvent à mes côtés. Et moi, personne ne me pointe du doigt. Je sens que je ne vais pas beaucoup me plaire ici.
L’autre jour, j’ai entendu une femme en blanc parler à un être comme moi, un bébé. Elle a dit que l’expérience que nous vivons maintenant se nomme ‘’la vie’’ et dure relativement longtemps. Que rien n’est plus beau que cette aventure et que nous devons être content de pouvoir y goûter. Moi, je sens déjà que ça ne va pas me plaire.
Samedi 14 février 1970
Cela fait un an que je pratique cette expérience qu’est la vie. J’apprends beaucoup de choses, j’en découvre beaucoup aussi. Les personnes qui s’occupent de moi ont décidé de m’appeler Valentin. Il paraît que c’est à cause du jour de ma naissance et que Valentin est le nom du patron des amoureux. C’est quoi des amoureux ? En plus, je ne trouve pas cela joli comme prénom, ils auraient pu trouver mieux.
J’ai entendu la femme qui s’occupe de moi expliquer à un autre enfant qu’il fallait être gentil avec moi car ma mère est morte et que mon père est prisonnier. Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais je sais que, grâce à ça, les autres enfants qui vivent avec moi se tiennent à l’écart. Au moins, je suis tranquille.
La femme qui s’occupe de moi s’appelle Sœur Marie-Madeleine. Il paraît que c’est une religieuse. Je ne sais pas exactement ce que c’est, mais plusieurs fois par jour, elle parle à un homme qui n’est pas là et qu’elle appelle ‘’Seigneur’’. Il paraît qu’il vit dans un endroit qu’on appelle ‘’Ciel’’ et qu’il a beaucoup d’influence sur les hommes. Où suis-je encore tombé moi ?
Re: Roman: La course à la mort
Quelques petites remarques sur la forme :
-Elle se sentait acculée par un père castrateur : j'ai des doutes sur cette utilisation de "acculé". Normalement si on est acculé, c'est par ou à quelque chose plutôt que par quelqu'un (ou alors "acculé par qqn à quelque chose"... Voir TLF "acculé" B1/15 )
-très tacite = je pense que tu veux dire "taciturne"
-certains parents en mal de fertilité essayèrent de me prendre à leur charge
-des magazines
Pour le fond, et pour le moment, ça rappelle inévitablement (et tu n'y es pour rien !) Entity de Jaguar et Monologue d'une naissance de Chako noir, amplement discutés ici si ça t'intéresse d'aller lire.
-Elle se sentait acculée par un père castrateur : j'ai des doutes sur cette utilisation de "acculé". Normalement si on est acculé, c'est par ou à quelque chose plutôt que par quelqu'un (ou alors "acculé par qqn à quelque chose"... Voir TLF "acculé" B1/15 )
-très tacite = je pense que tu veux dire "taciturne"
-certains parents en mal de fertilité essayèrent de me prendre à leur charge
-des magazines
Pour le fond, et pour le moment, ça rappelle inévitablement (et tu n'y es pour rien !) Entity de Jaguar et Monologue d'une naissance de Chako noir, amplement discutés ici si ça t'intéresse d'aller lire.
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