La soirée aurait pu être sympa
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La soirée aurait pu être sympa
La soirée aurait pu être sympa, mais voilà, j'avais trop bu. Beaucoup trop. J'ai toujours adoré le whisky, mais là, j'en étais écoeuré. Stop. Je me mis enfin à écouter les suppliques de mon foie.
L'appartement commençait à être sérieusement encombré : trop de gens, trop de bouteilles vides, trop de fumée, trop de mégots. Et je ne parle même pas du bruit qui me crevait les tympans. En plus, j'étais dans la phase de l'ivresse où tout m'énervait, surtout les autres personnes.
Alors je décidai de me tirer. Je pris ma veste, je traversai le couloir jusqu'à l'entrée ; d'autres invités arrivaient. Que des hommes. Je les laissai passer et je claquai la porte en sortant. Pas de « au revoir », rien. Il y avait d'ailleurs trop de monde pour que l'on remarque que je leur avais faussé compagnie. Tant mieux, ça simplifiait les choses : me justifier était le dernier de mes désirs.
Le plus difficile, ce fut de descendre les trois étages sans tomber dans les escaliers. Il me fallut un peu plus de cinq minutes, en me penchant bien pour voir les marches et en me cramponnant à la rampe ; je me débrouillais pas trop mal, et j'en tirais une certaine fierté, mais je manquai quand même de me vautrer dans les cinq dernières marches. Heureusement, le concierge me rattrapa avant que je ne goûte le carrelage. Je crois bien ça fesait la troisième fois qu'il montait pour gueuler à cause de tout ce bruit. Il me gratifia d'un « fais gaffe, je veux pas appeler les urgences, déjà que je viens de téléphoner aux flics... ».
Après tout, j'avais bien fait de partir.
Et puis la rue, la rue froide _ normal, on était en janvier _ avec la voie ferrée à coté. Je pris la route pour rentrer chez moi. J'avais froid moi aussi, et je suivais la ligne droite tracée par la lumière des lampadaires, qui cachait celle des étoiles.
Ça me faisait grommeler. Je jurais. Je jurais dans ma barbe, et j'insultais la ville, ses immeubles sales, ses rues sales, ses passants sales, son ciel sale, sa nuit sale. Le vacarme d'un train couvrit mes invectives, alors je l'insultai, avec d'autant plus de colère, de coeur et de voix. J'avais envie de le découper au chalumeau, le briser à coups de masse, de grenades, d'obus, lui et ses passagers laids, pressés, heureux, tristes ou que sais-je encore, mais je n'étais pas assez fou pour me battre avec un train lancé en pleine marche.
Je pensai tout de même que ce dernier acte aurait pu être l'apothéose de ma vie. De toute façon, qui s'en serait souvenu ? Je n'aurais fait que grossir les statistiques des suicides ferroviaires, et j'aurais fait chier la SNCF par la même occasion. Remarque, ça m'aurait bien fait rire, si j'avais encore pu rire après, et voir leurs tronches.
Le dernier wagon passa, je lui balançai mes injures les mieux torchées, les plus acerbes et rares. Encore une fois j'étais fier de moi. Je pus enfin entendre ma voix éraillée dans la nuit, et j'en ris.
La route commençait à me lasser, alors je suivis les rails. De toute façon, j'avais probablement croisé le dernier train. Je m'arrêtai pour uriner sur la voie ferrée et admirer la fumée que mon jet provoquait dans l'air glacé de l'hiver.
En continuant mon chemin, j'aperçus une ombre sur le bas-coté. Une sorte de monticule. Je m'en aprochai : c'était un chat. Mort. Écrasé. Le train venait de le percuter, je le voyais à son sang et ses entrailles qui fumaient encore dans le froid, comme lorsque j'avais pissé.
C'était un beau chat noir, au pelage qui, avant l'accident, avait dû être d'un superbe brillant. Je le touchai : le poil était doux, soyeux. Ses yeux, restés ouverts, étaient d'un jaune vif, comme des billes. On aurait dit deux étoiles dans la nuit, tapies dans les fourrés, égarées ou évadées.
Je me sentis mal, physiquement et mentalement. Cet animal était la plus belle chose qui put exister dans cette ville sale et immonde. C'était le plus bel être, un roi, défiant le béton, la hauteur des toits, le temps et la laideur des lieux.
Il était beau, et le train l'avait écrasé. Comme une merde.
La tristesse m'envahit, la colère revint. Je me pliai et vomis.
Le train nous aurait, tous, comme ce chat.
Et ma voix cracha de nouveau des insultes dans la nuit. J'insultai cette ville, encore et encore, cette ville qui tuait ses plus belles créatures, et se tuait elle-même.
Mes paroles rebondirent sur les murs et les immeubles. Quelqu'un ouvrit sa fenêtre pour me crier de la fermer.
Décidément, la soirée aurait pu être sympa.
< quelques petites maladresses de temps corrigées à la demande de l'auteur ;-) Mentor >
L'appartement commençait à être sérieusement encombré : trop de gens, trop de bouteilles vides, trop de fumée, trop de mégots. Et je ne parle même pas du bruit qui me crevait les tympans. En plus, j'étais dans la phase de l'ivresse où tout m'énervait, surtout les autres personnes.
Alors je décidai de me tirer. Je pris ma veste, je traversai le couloir jusqu'à l'entrée ; d'autres invités arrivaient. Que des hommes. Je les laissai passer et je claquai la porte en sortant. Pas de « au revoir », rien. Il y avait d'ailleurs trop de monde pour que l'on remarque que je leur avais faussé compagnie. Tant mieux, ça simplifiait les choses : me justifier était le dernier de mes désirs.
Le plus difficile, ce fut de descendre les trois étages sans tomber dans les escaliers. Il me fallut un peu plus de cinq minutes, en me penchant bien pour voir les marches et en me cramponnant à la rampe ; je me débrouillais pas trop mal, et j'en tirais une certaine fierté, mais je manquai quand même de me vautrer dans les cinq dernières marches. Heureusement, le concierge me rattrapa avant que je ne goûte le carrelage. Je crois bien ça fesait la troisième fois qu'il montait pour gueuler à cause de tout ce bruit. Il me gratifia d'un « fais gaffe, je veux pas appeler les urgences, déjà que je viens de téléphoner aux flics... ».
Après tout, j'avais bien fait de partir.
Et puis la rue, la rue froide _ normal, on était en janvier _ avec la voie ferrée à coté. Je pris la route pour rentrer chez moi. J'avais froid moi aussi, et je suivais la ligne droite tracée par la lumière des lampadaires, qui cachait celle des étoiles.
Ça me faisait grommeler. Je jurais. Je jurais dans ma barbe, et j'insultais la ville, ses immeubles sales, ses rues sales, ses passants sales, son ciel sale, sa nuit sale. Le vacarme d'un train couvrit mes invectives, alors je l'insultai, avec d'autant plus de colère, de coeur et de voix. J'avais envie de le découper au chalumeau, le briser à coups de masse, de grenades, d'obus, lui et ses passagers laids, pressés, heureux, tristes ou que sais-je encore, mais je n'étais pas assez fou pour me battre avec un train lancé en pleine marche.
Je pensai tout de même que ce dernier acte aurait pu être l'apothéose de ma vie. De toute façon, qui s'en serait souvenu ? Je n'aurais fait que grossir les statistiques des suicides ferroviaires, et j'aurais fait chier la SNCF par la même occasion. Remarque, ça m'aurait bien fait rire, si j'avais encore pu rire après, et voir leurs tronches.
Le dernier wagon passa, je lui balançai mes injures les mieux torchées, les plus acerbes et rares. Encore une fois j'étais fier de moi. Je pus enfin entendre ma voix éraillée dans la nuit, et j'en ris.
La route commençait à me lasser, alors je suivis les rails. De toute façon, j'avais probablement croisé le dernier train. Je m'arrêtai pour uriner sur la voie ferrée et admirer la fumée que mon jet provoquait dans l'air glacé de l'hiver.
En continuant mon chemin, j'aperçus une ombre sur le bas-coté. Une sorte de monticule. Je m'en aprochai : c'était un chat. Mort. Écrasé. Le train venait de le percuter, je le voyais à son sang et ses entrailles qui fumaient encore dans le froid, comme lorsque j'avais pissé.
C'était un beau chat noir, au pelage qui, avant l'accident, avait dû être d'un superbe brillant. Je le touchai : le poil était doux, soyeux. Ses yeux, restés ouverts, étaient d'un jaune vif, comme des billes. On aurait dit deux étoiles dans la nuit, tapies dans les fourrés, égarées ou évadées.
Je me sentis mal, physiquement et mentalement. Cet animal était la plus belle chose qui put exister dans cette ville sale et immonde. C'était le plus bel être, un roi, défiant le béton, la hauteur des toits, le temps et la laideur des lieux.
Il était beau, et le train l'avait écrasé. Comme une merde.
La tristesse m'envahit, la colère revint. Je me pliai et vomis.
Le train nous aurait, tous, comme ce chat.
Et ma voix cracha de nouveau des insultes dans la nuit. J'insultai cette ville, encore et encore, cette ville qui tuait ses plus belles créatures, et se tuait elle-même.
Mes paroles rebondirent sur les murs et les immeubles. Quelqu'un ouvrit sa fenêtre pour me crier de la fermer.
Décidément, la soirée aurait pu être sympa.
< quelques petites maladresses de temps corrigées à la demande de l'auteur ;-) Mentor >
Re: La soirée aurait pu être sympa
L'histoire d'un gars un peu bourré qui voit tout de travers. C'est intéressant, surtout que ce qu'il dit est finalement peut-être plus sensé que ce que l'on dit à jeun^^
En revanche j'ai eu un peu de mal à voir où tu allais, ce que tu voulais dire. Je reste un peu sur ma fin.
En revanche j'ai eu un peu de mal à voir où tu allais, ce que tu voulais dire. Je reste un peu sur ma fin.
Lifewithwords- Nombre de messages : 785
Age : 32
Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 27/08/2007
Re: La soirée aurait pu être sympa
c'était une sorte de "parabole" (avec de gros guillemets), plus un exercice personnel qu'un texte à part entière. Après, oui, je ne maîtrise pas forcément le genre, et ça doit s'en ressentir.
merci pour ton commentaire !
merci pour ton commentaire !
Re: La soirée aurait pu être sympa
J'ai eu un peu de mal au début avec les descriptions, on ne sait pas trop où tu veux nous emmener. Par contre la fin était intéressante. ^_^
Cerise7- Nombre de messages : 56
Age : 39
Localisation : Dans l'ombre d'un Cerisier
Date d'inscription : 04/07/2008
Re: La soirée aurait pu être sympa
ça sent le vécu ^^ plus sérieusement alors là mais ça me plaît. d'abord parce que quiconque a déjà fini bourré peut se reconnaître dans ce personnage hagard et pourtant assez lucide. mais comme faustine je reste sur ma faim, dans le sens ou le texte est inachevé: tu laisses là ton personnage à vomir un flot d'injures dans la nuit et basta. est-ce qu'il finit par rentrer chez lui quand même, ou s'effondre-t-il comme une masse sur la chaussée? mais intéressante cette image du type complètement noir qui voit tout en gris (ou l'inverse, à votre préférence)
Chako Noir- Nombre de messages : 5442
Age : 34
Localisation : Neverland
Date d'inscription : 08/04/2008
Re: La soirée aurait pu être sympa
Tristan a écrit:c'était une sorte de "parabole" (avec de gros guillemets), plus un exercice personnel qu'un texte à part entière. Après, oui, je ne maîtrise pas forcément le genre, et ça doit s'en ressentir.
merci pour ton commentaire !
Non, je trouve que tu as une certaine maîtrise. C'est justement le fait qu'on sent que c'est un "exercice" en fait. C'est vraiment pour l'écriture et le style quoi.
Lifewithwords- Nombre de messages : 785
Age : 32
Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 27/08/2007
Re: La soirée aurait pu être sympa
en fait je pensais concentrer une chute dans l'avant-dernière ligne (les paroles qui rebondissent). ce n'était pas une histoire, juste une impression.
Et oui, Chako, il y a du vécu, pas totalement, mais c'est inspiré de choses qui me sont arrivées, à moi ou mon entourage (j'ai encore jamais insulté de trains ^^)
Et oui, Chako, il y a du vécu, pas totalement, mais c'est inspiré de choses qui me sont arrivées, à moi ou mon entourage (j'ai encore jamais insulté de trains ^^)
Re: La soirée aurait pu être sympa
Tristan a écrit:en fait je pensais concentrer une chute dans l'avant-dernière ligne (les paroles qui rebondissent). ce n'était pas une histoire, juste une impression.
C'est tout à fait là où je voulais en venir, merci de l'avoir dit :-))
En tout cas, ça sonne vrai^^
Lifewithwords- Nombre de messages : 785
Age : 32
Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 27/08/2007
Re: La soirée aurait pu être sympa
c'est pas mal rendu (vomi ?) du tout, ça sonne vécu, c'est vrai
y a bien quelques maladresses dans les temps de certains verbes, mais bon, dans l'ensemble je trouve ça bien tourné et quelque peu philo-alcolo-sociologique
y a bien quelques maladresses dans les temps de certains verbes, mais bon, dans l'ensemble je trouve ça bien tourné et quelque peu philo-alcolo-sociologique
Re: La soirée aurait pu être sympa
tu pourrais m'indiquer les maldresses que je les corrige stp?
Merci pour ton commentaire
Merci pour ton commentaire
Re: La soirée aurait pu être sympa
Tristan a écrit:Je me décidais enfin à écouter les suppliques de mon foie.
Alors je me suis tiré. Je pris ma veste
et j'en tirais une certaine fierté, mais je manquai quand même
la colère revînt
Re: La soirée aurait pu être sympa
oui, c'est "décidai", "tirai"
par contre, le passé composé ne me dérange pas franchement, je ne sais pas si c'est une faute. Par contre je ne vois pas les fautes sur "pris", "manquai" et "revînt", mais je suis fatigué...
En tout cas, merci Mentor
par contre, le passé composé ne me dérange pas franchement, je ne sais pas si c'est une faute. Par contre je ne vois pas les fautes sur "pris", "manquai" et "revînt", mais je suis fatigué...
En tout cas, merci Mentor
Re: La soirée aurait pu être sympa
pris parce que ça va pas avec je me suis tiré (c'est l'assemblage des 2 qui cloche, faut choisir)Tristan a écrit:oui, c'est "décidai", "tirai"
par contre, le passé composé ne me dérange pas franchement, je ne sais pas si c'est une faute. Par contre je ne vois pas les fautes sur "pris", "manquai" et "revînt", mais je suis fatigué...
En tout cas, merci Mentor
manquai parce que ça va pas avec j'en tirais (c'est l'assemblage des 2 qui cloche, faut choisir)
revînt ? parce que revint ;-)
Re: La soirée aurait pu être sympa
Tristan a écrit:Je me mis enfin à écouter les suppliques de mon foie.
Alors je décidai de me tirer. Je pris ma veste
j'en tirai une certaine fierté, mais je manquai quand même de me vautrer dans les cinq dernières marches.
la colère revint.
Voilà, j'espère ne rien avoir oublié.
si jamais tu as le temps, Mentor... ou un autre modo, d'ailleurs, parce que c'est le seul à bosser ce soir on dirait ;-)
Merci !
Re: La soirée aurait pu être sympa
c'est ok, et puis c'est pas du boulot, c'est un plaisir ;-)Tristan a écrit:Voilà, j'espère ne rien avoir oublié.
si jamais tu as le temps, Mentor... ou un autre modo, d'ailleurs, parce que c'est le seul à bosser ce soir on dirait ;-)
Merci !
Re: La soirée aurait pu être sympa
Merci ! Mais les corrections, c'est jamais un plaisir (et moi qui veux faire prof, faut être maso)
Re: La soirée aurait pu être sympa
Une petite tranche de vie sympathique et bien menée. On y croit, on le voit, on l'entend ce personnage. Mais à partir de Le train nous aurait, tous, comme ce chat je m'attendais à ce que tu changes de registre, que l'allégorie prenne un peu de profondeur et nous mette plus explicitement dans le bain. Je suis un peu déçue par la fin. C'est un avis très personnel!
Re: La soirée aurait pu être sympa
Proposition : Ce devait être la troisième fois qu'il montait pour gueuler à cause de tout ce bruit .Je crois bien ça fesait la troisième fois qu'il montait pour gueuler à cause de tout ce bruit
avec la voie ferrée à côté.avec la voie ferrée à coté
j'aperçus une ombre sur le bas côté. Une sorte de monticule. Je m'en approchai ... Le mot monticule est-il le mieux approprié pour désigner un chat écrasé ?j'aperçus une ombre sur le bas-coté. Une sorte de monticule. Je m'en aprochai
Confusion possible entre l'ouverture de la fenêtre et la fermeture de la grande gueule de ce personnage.Quelqu'un ouvrit sa fenêtre pour me crier de la fermer.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: La soirée aurait pu être sympa
oulà, oui, de grosses fautes !
"faisait" et pas "fesait"
et puis je vais remplacer par "Un homme se pencha à une fenêtre pour me crier de la fermer"
Un chat écrasé n'est pas totalement plat. En général (enfin les animaux que j'ai vus), ils ne passent pas sous le train mais sont repoussés sur le côté, alors il reste toujours un petit relief. c'est pourquoi j'ai dit "monticule". après, je ne trouve pas d'autre mot
merci Bertrand !
"faisait" et pas "fesait"
et puis je vais remplacer par "Un homme se pencha à une fenêtre pour me crier de la fermer"
Un chat écrasé n'est pas totalement plat. En général (enfin les animaux que j'ai vus), ils ne passent pas sous le train mais sont repoussés sur le côté, alors il reste toujours un petit relief. c'est pourquoi j'ai dit "monticule". après, je ne trouve pas d'autre mot
merci Bertrand !
Re: La soirée aurait pu être sympa
L'idée n'est pas mauvaise, mais pas aboutie, comme d'autres l'ont déjà dit. De plus, j'ai du mal avec le discours oral, non pas à cause du discours oral en soi, mais parce que là c'est du brut de brut, et que faire simple c'est très compliqué (comme dirait un Vélien qui sait de quoi il parle... Théorie éprouvée que je partage ...), que ce soit sur le plan du fond ou de la forme ; ça ne consiste pas à juste consigner ce qu'on a en tête au moment de l'écriture, ce qui me semble être un peu le cas ici.
Invité- Invité
Re: La soirée aurait pu être sympa
Du brut de brut, là en même temps ce n'est pas grand chose, moi ça ne suffirait pas à me choquer. Il n'y a rien de véritablement "trash" à part un "merde" et un chat écrasé à peine décrit.
Et non, je n'écris pas ce qui me passe par la tête, que ce soit dans la forme ou dans le fond. Je filtre un minimum j'ai réfléchi et médité la chose, j'ai remanié, j'ai travaillé. Après, peut-être que ça ne se voit pas, mais j'ai quand même réfléchi avant d'écrire
Et non, je n'écris pas ce qui me passe par la tête, que ce soit dans la forme ou dans le fond. Je filtre un minimum j'ai réfléchi et médité la chose, j'ai remanié, j'ai travaillé. Après, peut-être que ça ne se voit pas, mais j'ai quand même réfléchi avant d'écrire
Re: La soirée aurait pu être sympa
Je rejoins en plein ce que dis Island, même si tu dis avoir travaillé ce texte il n'en reste pas moins qu'après lecture, une impression réside : “Brut”
Brut parce que les enjeux littéraires sont totalement évacués.
Tu dis tout, tu constates, en aucun cas tu invites le lecteur à participer à la construction du récit, en d’autres termes tu ne dis pas tu racontes, tu n’incites donc pas ni ne sollicites l’imagination de quiconque. Or c’est de l’imaginaire du lecteur que naît un bon texte. En vérité, l’auteur lui, n’émet que des pistes susceptibles d’être suivies par le lecteur. Par exemple, tu dis en première phrase avoir trop bu : tu ne dis pas "J'étais bourré" qui inviterait le lecteur à chercher dans sa mémoire un souvenir, une identification probable, soit par analogie, soit par observation, tu écris j'ai trop bu et l'écrivant tu ne le compenses d'aucune façon, c'est ainsi et point. Sauf que trop boire ne veut rien dire, pour untel trop boire se résume à deux verres, pour le suivant c'est 18 verres. En ignorant la singularité d'un seul, tu nous ignore tous. De plus, le texte est rétrospectif, nous interdisant de fait d'en prévoir une issue différente.
Ensuite il y a le style, et le style prend en compte forme et fond, voyons cette première phrase et les sens qu'elles proposent au delà de j'avais trop bu. Je passe sur la soirée aurait pu être sympa, vu que ici : tout pareil, valeur purement subjective, si ça se trouve elle l'a été sauf que t'en faisais pas partie).
"J'ai toujours adoré le whisky, mais là, j'en étais écoeuré"
C'est un non-sens, ou plus précisément un faux sens, ce n'est pas l'alcool qui t'écœure mais la combinaison : surplus, perception du monde en état alcoolisé, et, pour rejoindre les propos que je tenais un peu plus haut : ta subjectivité. Celle là même qui te fait passer à la phrase suivante : "Je me mis enfin à écouter les suppliques de mon foie." Et là, à part "ridicule" je sais pas quoi dire, c'est du stéréotype ficelé comme pas permis : c'est du mal au foie imagé, parce que ce que tu évoques-là, ce mal au foie que tu confonds avec le mal-être du moment, le mal aisé, ou le simplement barbouillé recouvre un sens précis ailleurs, le symptôme du trop, l'aiguille au foie, n'est que le lendemain.
Oublie en un seul, et tu les oublieras tous.
J'ai pris ce dernier exemple, ç'aurait pu être un autre comme ; " avec la voie ferrée à coté" à côté de quoi ? "Et puis la rue, la rue froide" "Je pris la route pour rentrer chez moi." c'est une rue , c'est une route, c'est à côté, ça longe ?
Longer, c'est tellement ça et tellement ouvert.
Bref et en résumé, j'écris pour l'autre, pas pour moi.
Sinon :
Les fautes de temps ne sont pas toutes corrigées
Et, désolé Tristan, parce que j'aurais dû m'adresser à pas mal de monde en disant ça ici,
Sauf que le pas mal de monde en question, y avait même pas matière à.
Brut parce que les enjeux littéraires sont totalement évacués.
Tu dis tout, tu constates, en aucun cas tu invites le lecteur à participer à la construction du récit, en d’autres termes tu ne dis pas tu racontes, tu n’incites donc pas ni ne sollicites l’imagination de quiconque. Or c’est de l’imaginaire du lecteur que naît un bon texte. En vérité, l’auteur lui, n’émet que des pistes susceptibles d’être suivies par le lecteur. Par exemple, tu dis en première phrase avoir trop bu : tu ne dis pas "J'étais bourré" qui inviterait le lecteur à chercher dans sa mémoire un souvenir, une identification probable, soit par analogie, soit par observation, tu écris j'ai trop bu et l'écrivant tu ne le compenses d'aucune façon, c'est ainsi et point. Sauf que trop boire ne veut rien dire, pour untel trop boire se résume à deux verres, pour le suivant c'est 18 verres. En ignorant la singularité d'un seul, tu nous ignore tous. De plus, le texte est rétrospectif, nous interdisant de fait d'en prévoir une issue différente.
Ensuite il y a le style, et le style prend en compte forme et fond, voyons cette première phrase et les sens qu'elles proposent au delà de j'avais trop bu. Je passe sur la soirée aurait pu être sympa, vu que ici : tout pareil, valeur purement subjective, si ça se trouve elle l'a été sauf que t'en faisais pas partie).
"J'ai toujours adoré le whisky, mais là, j'en étais écoeuré"
C'est un non-sens, ou plus précisément un faux sens, ce n'est pas l'alcool qui t'écœure mais la combinaison : surplus, perception du monde en état alcoolisé, et, pour rejoindre les propos que je tenais un peu plus haut : ta subjectivité. Celle là même qui te fait passer à la phrase suivante : "Je me mis enfin à écouter les suppliques de mon foie." Et là, à part "ridicule" je sais pas quoi dire, c'est du stéréotype ficelé comme pas permis : c'est du mal au foie imagé, parce que ce que tu évoques-là, ce mal au foie que tu confonds avec le mal-être du moment, le mal aisé, ou le simplement barbouillé recouvre un sens précis ailleurs, le symptôme du trop, l'aiguille au foie, n'est que le lendemain.
Oublie en un seul, et tu les oublieras tous.
J'ai pris ce dernier exemple, ç'aurait pu être un autre comme ; " avec la voie ferrée à coté" à côté de quoi ? "Et puis la rue, la rue froide" "Je pris la route pour rentrer chez moi." c'est une rue , c'est une route, c'est à côté, ça longe ?
Longer, c'est tellement ça et tellement ouvert.
Bref et en résumé, j'écris pour l'autre, pas pour moi.
Sinon :
Les fautes de temps ne sont pas toutes corrigées
Et, désolé Tristan, parce que j'aurais dû m'adresser à pas mal de monde en disant ça ici,
Sauf que le pas mal de monde en question, y avait même pas matière à.
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: La soirée aurait pu être sympa
"Tu dis tout, tu constates, en aucun cas tu invites le lecteur à participer à la construction du récit, en d’autres termes tu ne dis pas tu racontes"
D'accord, mais comment faire ?
"tu dis en première phrase avoir trop bu : tu ne dis pas "J'étais bourré" qui inviterait le lecteur à chercher dans sa mémoire un souvenir, une identification probable, soit par analogie, soit par observation, tu écris j'ai trop bu et l'écrivant tu ne le compenses d'aucune façon, c'est ainsi et point.
Sauf que trop boire ne veut rien dire, pour untel trop boire se résume à deux verres, pour le suivant c'est 18 verres. En ignorant la singularité d'un seul, tu nous ignore tous."
Je confirme la subjectivité du propos. En disant, "j'avais trop bu", je fais un euphémisme. je pense que chacun sait ce que c'est que d'avoir abusé, l'identification ne me semble pas impossible. De même, "être bourré" n'a pas le même sens pour tout le monde : je connais certaines personnes pour qui cela signifie "ne plus se souvenir de rien", d'autres pour qui cela signifie "conduire avec plus de 0,5 g". ce sont des extrêmes, mais j'exagère à peine. Chacun a sa propre échelle de valeurs pour ce genre de mots.
"De plus, le texte est rétrospectif, nous interdisant de fait d'en prévoir une issue différente."
Pas compris. Quelle autre issue ?
"Je passe sur la soirée aurait pu être sympa, vu que ici : tout pareil, valeur purement subjective, si ça se trouve elle l'a été sauf que t'en faisais pas partie)."
Encore une fois, oui, c'est subjectif. c'est le jugement du personnage, et l'objectivité me semble impossible : quoiqu'il arrive, on est forcé de prendre un point de vue, de s'impliquer dans un jugement, et c'est le cas, là, en l'occurrence. Comment ne pas être subjectif en évoquant les impressions d'un personnage ? Oui, d'accord, la soirée aurait pu être sympa pour les autres, et alors ? L'essentiel, pour le moment, c'est de se focaliser sur le mal être du protagoniste. Après, oui, bien sûr, je n'ai peut-être pas assez suggéré. Mais vouloir à tout prix éviter la subjectivité c'est, pardonne moi, une belle connerie en littérature. L'objectivité, c'est pour le jt, et encore...
"J'ai toujours adoré le whisky, mais là, j'en étais écoeuré"
C'est un non-sens, ou plus précisément un faux sens, ce n'est pas l'alcool qui t'écœure mais la combinaison : surplus, perception du monde en état alcoolisé, et, pour rejoindre les propos que je tenais un peu plus haut : ta subjectivité.
Oui, je n'écris pas sur la cuite du voisin. Mais l'expression "être écoeuré de l'alcool" ne rassemble-t-elle pas l'écoeurement physique et mental ? et je ne vois toujours pas comment éviter la subjectivité. le fait d'être écoeuré est nécessairement subjectif, je ne vois pas comment détourner le truc. Ce personnage, ce sont ses perceptions, ses jugements, ses pensées à lui que l'on attend.
Celle là même qui te fait passer à la phrase suivante : "Je me mis enfin à écouter les suppliques de mon foie." Et là, à part "ridicule" je sais pas quoi dire, c'est du stéréotype ficelé comme pas permis
D'accord avec toi. En relisant je m'aperçois du ridicule et de la démesure de ce que j'ai écrit. Trop convenu, je te l'accorde.
Oublie en un seul, et tu les oublieras tous.
Je retiens ton conseil, même si, pour le moment, je vois ça comme un point de mire et non un but que l'on peut facilement atteindre. Difficile d'écrire pour tout le monde : des copains à qui je ferais lire ça me diraient "oui, la vache, c'est exactement ce que j'ai eu, l'autre coup, comme impression", et d'autres, moins portés picole, me diraient "et ben quoi ? c'est juste l'histoire d'un type bourré qui gueule et dégueule".
L'acte d'écrire est tellement personnel, ça voudrait dire qu'il faudrait modeler ses propos et son ressenti d'une telle manière à ce qu'il y ait une "universalité" (gros guillemets), et que cela plaise au lecteur qui s'y reconnaît ?. Arrondir les angles et satisfaire le plus de monde possible ?
D'accord, il faut des lecteurs, sans cela écrire reviendrait à se masturber, mais quand même, modifier son ressenti, chercher à éviter ce qui peut aider à caractériser, cela ne reviendrait-t-il pas à mentir sur son vécu (car il y a, oui, du vécu) ?
J'ai pris ce dernier exemple, ç'aurait pu être un autre comme ; " avec la voie ferrée à coté" à côté de quoi ? "Et puis la rue, la rue froide" "Je pris la route pour rentrer chez moi." c'est une rue , c'est une route, c'est à côté, ça longe ?
à côté de la rue, une voie ferrée qui la longe. Je me suis mal exprimé. Pour moi, prendre la route signifie "partir, entamer un voyage".
Sinon, oui, je vais méditer sur tes conseils. Dans un autre contexte ce genre de commentaire me l'aurait fichue mal, mais là, je n'ai que 20 ans, et j'ai encore largement le temps d'améliorer tout ça.
En tout cas, merci d'avoir pris le temps.
D'accord, mais comment faire ?
"tu dis en première phrase avoir trop bu : tu ne dis pas "J'étais bourré" qui inviterait le lecteur à chercher dans sa mémoire un souvenir, une identification probable, soit par analogie, soit par observation, tu écris j'ai trop bu et l'écrivant tu ne le compenses d'aucune façon, c'est ainsi et point.
Sauf que trop boire ne veut rien dire, pour untel trop boire se résume à deux verres, pour le suivant c'est 18 verres. En ignorant la singularité d'un seul, tu nous ignore tous."
Je confirme la subjectivité du propos. En disant, "j'avais trop bu", je fais un euphémisme. je pense que chacun sait ce que c'est que d'avoir abusé, l'identification ne me semble pas impossible. De même, "être bourré" n'a pas le même sens pour tout le monde : je connais certaines personnes pour qui cela signifie "ne plus se souvenir de rien", d'autres pour qui cela signifie "conduire avec plus de 0,5 g". ce sont des extrêmes, mais j'exagère à peine. Chacun a sa propre échelle de valeurs pour ce genre de mots.
"De plus, le texte est rétrospectif, nous interdisant de fait d'en prévoir une issue différente."
Pas compris. Quelle autre issue ?
"Je passe sur la soirée aurait pu être sympa, vu que ici : tout pareil, valeur purement subjective, si ça se trouve elle l'a été sauf que t'en faisais pas partie)."
Encore une fois, oui, c'est subjectif. c'est le jugement du personnage, et l'objectivité me semble impossible : quoiqu'il arrive, on est forcé de prendre un point de vue, de s'impliquer dans un jugement, et c'est le cas, là, en l'occurrence. Comment ne pas être subjectif en évoquant les impressions d'un personnage ? Oui, d'accord, la soirée aurait pu être sympa pour les autres, et alors ? L'essentiel, pour le moment, c'est de se focaliser sur le mal être du protagoniste. Après, oui, bien sûr, je n'ai peut-être pas assez suggéré. Mais vouloir à tout prix éviter la subjectivité c'est, pardonne moi, une belle connerie en littérature. L'objectivité, c'est pour le jt, et encore...
"J'ai toujours adoré le whisky, mais là, j'en étais écoeuré"
C'est un non-sens, ou plus précisément un faux sens, ce n'est pas l'alcool qui t'écœure mais la combinaison : surplus, perception du monde en état alcoolisé, et, pour rejoindre les propos que je tenais un peu plus haut : ta subjectivité.
Oui, je n'écris pas sur la cuite du voisin. Mais l'expression "être écoeuré de l'alcool" ne rassemble-t-elle pas l'écoeurement physique et mental ? et je ne vois toujours pas comment éviter la subjectivité. le fait d'être écoeuré est nécessairement subjectif, je ne vois pas comment détourner le truc. Ce personnage, ce sont ses perceptions, ses jugements, ses pensées à lui que l'on attend.
Celle là même qui te fait passer à la phrase suivante : "Je me mis enfin à écouter les suppliques de mon foie." Et là, à part "ridicule" je sais pas quoi dire, c'est du stéréotype ficelé comme pas permis
D'accord avec toi. En relisant je m'aperçois du ridicule et de la démesure de ce que j'ai écrit. Trop convenu, je te l'accorde.
Oublie en un seul, et tu les oublieras tous.
Je retiens ton conseil, même si, pour le moment, je vois ça comme un point de mire et non un but que l'on peut facilement atteindre. Difficile d'écrire pour tout le monde : des copains à qui je ferais lire ça me diraient "oui, la vache, c'est exactement ce que j'ai eu, l'autre coup, comme impression", et d'autres, moins portés picole, me diraient "et ben quoi ? c'est juste l'histoire d'un type bourré qui gueule et dégueule".
L'acte d'écrire est tellement personnel, ça voudrait dire qu'il faudrait modeler ses propos et son ressenti d'une telle manière à ce qu'il y ait une "universalité" (gros guillemets), et que cela plaise au lecteur qui s'y reconnaît ?. Arrondir les angles et satisfaire le plus de monde possible ?
D'accord, il faut des lecteurs, sans cela écrire reviendrait à se masturber, mais quand même, modifier son ressenti, chercher à éviter ce qui peut aider à caractériser, cela ne reviendrait-t-il pas à mentir sur son vécu (car il y a, oui, du vécu) ?
J'ai pris ce dernier exemple, ç'aurait pu être un autre comme ; " avec la voie ferrée à coté" à côté de quoi ? "Et puis la rue, la rue froide" "Je pris la route pour rentrer chez moi." c'est une rue , c'est une route, c'est à côté, ça longe ?
à côté de la rue, une voie ferrée qui la longe. Je me suis mal exprimé. Pour moi, prendre la route signifie "partir, entamer un voyage".
Sinon, oui, je vais méditer sur tes conseils. Dans un autre contexte ce genre de commentaire me l'aurait fichue mal, mais là, je n'ai que 20 ans, et j'ai encore largement le temps d'améliorer tout ça.
En tout cas, merci d'avoir pris le temps.
Re: La soirée aurait pu être sympa
Je me permets d'abord de préciser - pour avoir un peu l'habitude de décoder le Yali qui commente - que s'il prend le temps de commenter comme ça c'est qu'il juge que ça vaut le coup. Je suis assez d'accord avec ce qu'il dit, je vais donc un peu répéter à ma façon :
Tout d'abord ce texte a du potentiel, il est loin d'être mauvais, mais il me semble que ça ne fonctionne pas tout à fait. Je vais essayer de détailler :
- Au début du texte, c'est comme si tu ne "posais" pas le lecteur. Tout est un peu "général", rien ne permet de fixer qui est le personnage, non pas son "identité", mais sa façon de voir, d'être. Comme dit Yali, il a trop bu, mais il est quel genre de personnage qui a trop bu (un alcoolo, un qui boit jamais, un jeune, un vieux, ... ?)
En réalité, je pense que a littérature fonctionne sur le fait de fixer le lecteur. C'est en le fixant avec des particularité qu'il s'attache à un personnage particulier, PUIS qu'il s'identifie. Si on reste vague, paradoxalement, le lecteur d'identifie pas. C'est un peu la différence entre "çui-là, ça pourrait être moi" et "le mec ça pourrait être n'importe qui".
Ce qui est vrai pour le narrateur l'est aussi pour le "décor". Je pense qu'on a passé historiquement le stade de la description qui a pour but de faire imaginer comment c'est parce que bon, a pas la télé, y a même pas de photo, et on est au XIXème siècle. Ici, je crois que la description est la façon de voir du narrateur, c'est sa perception qui compe plus que la réalité, et ce qu'il y a de singulier dan la perception.
Par exemple : "trop de bouteilles vides, trop de fumée, trop de mégots." A la place : "il y avait un mégot qui faisait de la fumée dans une bouteille vide". Tu as fixé la place du narrateur, tu as fixé son regard quelque part. Tu crées une image singulière à laquelle le lecteur s'accroche. Alors que les trop de bouteilles, on les visualisent pas. (C'est juste un petit exemple pour expliquer, je prétend pas que mon exemple est magnifique !).
- Un des problèmes est que tu écris "à posteriori". Le narrateur est en train de raconter plus tard ce qui lui est arrivé avant, on est pas purement dans l'action.
Tu alternes dans l'esprit du narrateur qui est "sur le coup" et le narrateur qui repense à ce qui lui est arrivé une semaine plus tard.
"j'étais dans la phase de l'ivresse" est une réflexion à posteriori, "j'en tirais une certaine fierté" est une réflexion dans l'action.
Je pense que e genre de texte fonctionne mieux en restant sur l'action, parce que là tu crées une difficulté pour le lecteur à suivre le cheminement de l'esprit du narrateur.
- Ecrire pour le lecteur, c'est un peu ça, précisément. C'est pas écrire pour être apprécié ou pour untel, c'est simplement, en écrivant, se mettre à la place de celui qui va lire et essayer d'avoir l'intuition ce qui va se passer émotionellement chez lui (son émotion ou plus simplement aussi, sa compréhension). C'est simplement une histoire de démarche. Tu écris pour créer quelque chose pour celui qui lira (et après ça marche plus ou moins, marche pour certains et pas d'autres, et c'est là qu'est ta singularité).
Pour le prendre d'une autre façon, ce que je propose c'est qu'écrire ce n'est pas dire son ressenti, c'est essayer de le transmettre.
- Si je prends le temps aussi de faire tous ces commentaires, c'est que tu as du potentiel, et j'ai trouvé un "univers". J'ai parlé longuement de "l'intention" littéraire. Concernant la façon de faire, la façon "technique", la façon qui te donnera ton style : je te cache pas que c'est un casse-tête. Et pire : c'est à toi de trouver, si tu veux avoir ta façon personnelle.
Je pense que tu n'es pas loin d'ailleurs.
A un moment, il y a toutes ces questions : qui raconte, quand, d'où, et de fait, à quel temps à quelle personne j'écris, et est-ce que je raconte dans l'ordre, à quel moment je fais une digression temporelle, etc.
En ayant une intention, tu trouveras plus facilement.
M'est avis que tu as du talent, que tu aimes écrire, et que tu trouveras d'ailleurs.
En espérant que ce long blabla ne soit pas trop obscur, et que ça puisse t'aider, au moins un peu, pour la suite.
Tout d'abord ce texte a du potentiel, il est loin d'être mauvais, mais il me semble que ça ne fonctionne pas tout à fait. Je vais essayer de détailler :
- Au début du texte, c'est comme si tu ne "posais" pas le lecteur. Tout est un peu "général", rien ne permet de fixer qui est le personnage, non pas son "identité", mais sa façon de voir, d'être. Comme dit Yali, il a trop bu, mais il est quel genre de personnage qui a trop bu (un alcoolo, un qui boit jamais, un jeune, un vieux, ... ?)
En réalité, je pense que a littérature fonctionne sur le fait de fixer le lecteur. C'est en le fixant avec des particularité qu'il s'attache à un personnage particulier, PUIS qu'il s'identifie. Si on reste vague, paradoxalement, le lecteur d'identifie pas. C'est un peu la différence entre "çui-là, ça pourrait être moi" et "le mec ça pourrait être n'importe qui".
Ce qui est vrai pour le narrateur l'est aussi pour le "décor". Je pense qu'on a passé historiquement le stade de la description qui a pour but de faire imaginer comment c'est parce que bon, a pas la télé, y a même pas de photo, et on est au XIXème siècle. Ici, je crois que la description est la façon de voir du narrateur, c'est sa perception qui compe plus que la réalité, et ce qu'il y a de singulier dan la perception.
Par exemple : "trop de bouteilles vides, trop de fumée, trop de mégots." A la place : "il y avait un mégot qui faisait de la fumée dans une bouteille vide". Tu as fixé la place du narrateur, tu as fixé son regard quelque part. Tu crées une image singulière à laquelle le lecteur s'accroche. Alors que les trop de bouteilles, on les visualisent pas. (C'est juste un petit exemple pour expliquer, je prétend pas que mon exemple est magnifique !).
- Un des problèmes est que tu écris "à posteriori". Le narrateur est en train de raconter plus tard ce qui lui est arrivé avant, on est pas purement dans l'action.
Tu alternes dans l'esprit du narrateur qui est "sur le coup" et le narrateur qui repense à ce qui lui est arrivé une semaine plus tard.
"j'étais dans la phase de l'ivresse" est une réflexion à posteriori, "j'en tirais une certaine fierté" est une réflexion dans l'action.
Je pense que e genre de texte fonctionne mieux en restant sur l'action, parce que là tu crées une difficulté pour le lecteur à suivre le cheminement de l'esprit du narrateur.
- Ecrire pour le lecteur, c'est un peu ça, précisément. C'est pas écrire pour être apprécié ou pour untel, c'est simplement, en écrivant, se mettre à la place de celui qui va lire et essayer d'avoir l'intuition ce qui va se passer émotionellement chez lui (son émotion ou plus simplement aussi, sa compréhension). C'est simplement une histoire de démarche. Tu écris pour créer quelque chose pour celui qui lira (et après ça marche plus ou moins, marche pour certains et pas d'autres, et c'est là qu'est ta singularité).
Pour le prendre d'une autre façon, ce que je propose c'est qu'écrire ce n'est pas dire son ressenti, c'est essayer de le transmettre.
- Si je prends le temps aussi de faire tous ces commentaires, c'est que tu as du potentiel, et j'ai trouvé un "univers". J'ai parlé longuement de "l'intention" littéraire. Concernant la façon de faire, la façon "technique", la façon qui te donnera ton style : je te cache pas que c'est un casse-tête. Et pire : c'est à toi de trouver, si tu veux avoir ta façon personnelle.
Je pense que tu n'es pas loin d'ailleurs.
A un moment, il y a toutes ces questions : qui raconte, quand, d'où, et de fait, à quel temps à quelle personne j'écris, et est-ce que je raconte dans l'ordre, à quel moment je fais une digression temporelle, etc.
En ayant une intention, tu trouveras plus facilement.
M'est avis que tu as du talent, que tu aimes écrire, et que tu trouveras d'ailleurs.
En espérant que ce long blabla ne soit pas trop obscur, et que ça puisse t'aider, au moins un peu, pour la suite.
Loupbleu- Nombre de messages : 5838
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Re: La soirée aurait pu être sympa
Non, pas du tout obscur, Loup, au contraire.
je vois. la scène et le personnage ne sont pas assez "particularisés", et je m'en rends mieux compte maintenant. Je vais affiner, essayer de donner un caractère, une ambiance.
Quant aux temps, j'ai hésité au début, mais j'aurais mieux fait de tout laisser au présent, comme je le fais d'habitude. Mais je ne vois toujours pas comment éviter la subjectivité, comme le disait Yali. A moins que l'on ne s'entende pas sur les termes ?
Je vais réfléchir et reprendre tout ça à tête reposée.
Merci !
je vois. la scène et le personnage ne sont pas assez "particularisés", et je m'en rends mieux compte maintenant. Je vais affiner, essayer de donner un caractère, une ambiance.
Quant aux temps, j'ai hésité au début, mais j'aurais mieux fait de tout laisser au présent, comme je le fais d'habitude. Mais je ne vois toujours pas comment éviter la subjectivité, comme le disait Yali. A moins que l'on ne s'entende pas sur les termes ?
Je vais réfléchir et reprendre tout ça à tête reposée.
Merci !
Re: La soirée aurait pu être sympa
J'ai modifié le texte, passé les verbes au présent, étoffé, surtout le début. je ne sais pas si c'est vraiment mieux. A voir.
La soirée pourrait être sympa, mais voilà, j'ai trop bu.
Beaucoup trop, en fait. Je suis au milieu de danseurs, et c'est toute la pièce qui danse autour de moi, murs, mobilier, plafond.
J'ai toujours adoré le whisky. Quelle saloperie ! J'ai mal partout, sauf à l'estomac c'est drôle, de ce mal que seul l'alcool vous offre : celui de se sentir à part, écarté, forcé de regarder une scène qui se joue sans vous. Et ne vous intéresse pas, d'ailleurs.
Je suis écoeuré. De tout. Et pas uniquement à cause de la picole.
L'appartement commence à être sérieusement encombré : trop de gens, trop de cadavres de canettes, trop de fumée, trop de mégots. On navigue littéralement entre les taches vertes des bouteilles de bière, on dirait une moisissure qui pousse un peu partout, sur le sol, la télévision sous la fenêtre, sur le petit meuble en sapin, dans le couloir.
Moisissure à 4,5%, mon pote ! La meilleure qui soit ! Elle fermente dans ton ventre, te ronge l'âme comme c'est pas permis. Prends-en une avec moi, t'en oublieras même d'être heureux !
De la moisissure, et jusque dans les toilettes, au pied des chiottes, sur le réservoir de la chasse d'eau (qui n'est pas tirée), et sur le rebord de la baignoire. Quelqu'un s'est fait couler un bain, d'ailleurs. Un gros type avec une panse qui émerge de l'eau savonneuse comme une sorte d'île gélatineuse, et avec lui une fille tout aussi grasse. Ils sont encore dans la baignoire, à se tripoter. Et nus, cela va de soi.
Un vrai bordel.
Et je ne parle même pas du bruit qui me crève les tympans, la musique qui hurle et le ronflement des discussions passionnées. En plus, je suis dans la phase de l'ivresse où tout m'énerve, surtout les autres personnes.
C'est bon, stop. Je me tire.
Je prends ma veste en loques, que j'ai du mal à trouver car des tonnes de vestes sont empilées par terre sous le porte-manteau, je traverse le couloir jusqu'à l'entrée ; d'autres invités arrivent. Que des hommes. Je les laisse passer et je claque la porte en sortant. Ça étouffe un de mes jurons.
Pas de « au revoir », rien, je suis trop pressé de partir. Il y a d'ailleurs trop de monde pour que l'on remarque que je leur ai faussé compagnie. Tant mieux, ça simplifie les choses : me justifier est le dernier de mes désirs.
Le plus difficile, après avoir passé la porte d’entrée, c'est de descendre les trois étages sans tomber dans les escaliers. Il me faut tout de même un peu plus de cinq minutes, en me penchant bien, pour voir les marches, et en me cramponnant à la rampe ; je me débrouille pas trop mal, et j'en tire une certaine fierté, mais je manque quand même de me vautrer dans les cinq dernières marches. Raté ! J’avais presque réussi un sans faute. Heureusement, le concierge me rattrape avant que je ne goûte le carrelage. Je crois bien que ça fait la troisième fois qu'il monte pour gueuler à cause de tout ce bruit. Il me gratifie d'un « fais gaffe, je veux pas appeler les urgences, déjà que je viens de téléphoner aux flics... ».
Après tout, j'ai peut-être bien fait de partir.
Alors je sors.
Et puis la rue, la rue froide m'attend – normal, on est en janvier – longée par les maisons d'un côté, et la voie ferrée de l'autre. Je me mets en marche pour rentrer chez moi. J'ai froid moi aussi, et je suis la ligne droite tracée par la lumière des lampadaires, qui cache celle des étoiles.
Ça me fait grommeler. Je jure. Je jure dans ma barbe, et j'insulte la ville, ses immeubles sales, ses rues sales, ses passants sales, son ciel sale, sa nuit sale. Le vacarme d'un train qui passe couvre mes invectives. Quel enfoiré !
Alors je l'insulte, lui aussi, avec encore plus de colère, de coeur et de voix. J'ai envie de le découper au chalumeau, de le briser à coups de masse, de grenades, d'obus, lui et ses passagers laids, pressés, heureux, tristes ou que sais-je encore, mais je ne suis pas assez fou pour me battre avec un train lancé à pleine vitesse.
Tout de même, et si ce dernier acte était l'apothéose de ma vie ? De toute façon, qui se souviendrait de ce coup d’éclat ? Je ne ferais que grossir les statistiques des suicides ferroviaires, et je ferais chier la SNCF par la même occasion.
Remarque, ça me ferait bien rire, si je pouvais encore rire après, et voir leurs tronches.
Le dernier wagon passe, je lui balance mes injures les mieux torchées, les plus acerbes et rares. Je jubile. Encore une fois, je suis fier de moi. Je peux enfin entendre ma voix éraillée dans la nuit, et j'en ris.
La route commence à me lasser, alors je suis les rails. De toute façon, j'ai probablement croisé le dernier train.
Je fais quelques pas, je m'arrête pour uriner sur la voie ferrée et admirer la fumée que mon jet provoque dans l'air glacé de l'hiver. Magnifique. Autre chose que la fumée de clope qui pourrissait l'appartement. Rien à voir.
En continuant mon chemin, j'aperçois une ombre sur le bas côté. Une sorte de petit monticule.
Je m'en approche : c'est un chat. Mort. Écrasé. Le train vient de le percuter, je le vois à son sang et ses entrailles qui fument encore dans le froid, comme lorsque j'ai pissé.
C'est un beau chat noir, au pelage qui, avant l'accident, devait être d'un superbe brillant. Je le caresse : le poil est doux, soyeux, sauf à certains endroits où le sang l’a poissé. Ses yeux, restés ouverts, sont d'un jaune vif, encore brillant, comme des billes. On dirait deux étoiles dans la nuit, tapies dans les fourrés, égarées ou évadées.
Je commence à me sentir vraiment mal, physiquement et mentalement. Cet animal était la plus belle chose qui put exister dans cette ville sale et immonde. C'était le plus bel être, un roi, défiant le béton, la hauteur des toits, le temps et la laideur des lieux. Il se foutait de tout, de tout ça, de la saleté et du désespoir. Et il vivait encore, il y a quelques instants.
Il était beau, et le train l'avait écrasé. Comme une merde.
La tristesse m'envahit, la colère aussi. Je me plie et vomis à côté de son petit corps noir, un long flot.
(Le train nous aurait, tous, comme ce chat, c’était inévitable et presque logique. Tôt où tard, il nous aurait. )
Alors, sans que j'y fasse réellement attention, un peu comme par un automatisme aquis avec l'habitude et l'âge, ma voix se remet à cracher de nouveau des insultes dans la nuit. J'insulte cette ville avec acharnement, encore et encore, cette ville qui tue ses plus belles créatures, se tue elle-même.
Nous tue.
Mes paroles rebondissent sur les murs et les immeubles. À une cinquantaine de mètres, un homme, vieux et en robe de chambre grise, se penche à une fenêtre pour me crier de la fermer. Je lui gueule d’aller se faire foutre, et je continue jusque chez moi en hurlant dans la nuit. Tant pis si quelqu’un appelle les flics.
Décidément, la soirée aurait pu être sympa.
La soirée pourrait être sympa, mais voilà, j'ai trop bu.
Beaucoup trop, en fait. Je suis au milieu de danseurs, et c'est toute la pièce qui danse autour de moi, murs, mobilier, plafond.
J'ai toujours adoré le whisky. Quelle saloperie ! J'ai mal partout, sauf à l'estomac c'est drôle, de ce mal que seul l'alcool vous offre : celui de se sentir à part, écarté, forcé de regarder une scène qui se joue sans vous. Et ne vous intéresse pas, d'ailleurs.
Je suis écoeuré. De tout. Et pas uniquement à cause de la picole.
L'appartement commence à être sérieusement encombré : trop de gens, trop de cadavres de canettes, trop de fumée, trop de mégots. On navigue littéralement entre les taches vertes des bouteilles de bière, on dirait une moisissure qui pousse un peu partout, sur le sol, la télévision sous la fenêtre, sur le petit meuble en sapin, dans le couloir.
Moisissure à 4,5%, mon pote ! La meilleure qui soit ! Elle fermente dans ton ventre, te ronge l'âme comme c'est pas permis. Prends-en une avec moi, t'en oublieras même d'être heureux !
De la moisissure, et jusque dans les toilettes, au pied des chiottes, sur le réservoir de la chasse d'eau (qui n'est pas tirée), et sur le rebord de la baignoire. Quelqu'un s'est fait couler un bain, d'ailleurs. Un gros type avec une panse qui émerge de l'eau savonneuse comme une sorte d'île gélatineuse, et avec lui une fille tout aussi grasse. Ils sont encore dans la baignoire, à se tripoter. Et nus, cela va de soi.
Un vrai bordel.
Et je ne parle même pas du bruit qui me crève les tympans, la musique qui hurle et le ronflement des discussions passionnées. En plus, je suis dans la phase de l'ivresse où tout m'énerve, surtout les autres personnes.
C'est bon, stop. Je me tire.
Je prends ma veste en loques, que j'ai du mal à trouver car des tonnes de vestes sont empilées par terre sous le porte-manteau, je traverse le couloir jusqu'à l'entrée ; d'autres invités arrivent. Que des hommes. Je les laisse passer et je claque la porte en sortant. Ça étouffe un de mes jurons.
Pas de « au revoir », rien, je suis trop pressé de partir. Il y a d'ailleurs trop de monde pour que l'on remarque que je leur ai faussé compagnie. Tant mieux, ça simplifie les choses : me justifier est le dernier de mes désirs.
Le plus difficile, après avoir passé la porte d’entrée, c'est de descendre les trois étages sans tomber dans les escaliers. Il me faut tout de même un peu plus de cinq minutes, en me penchant bien, pour voir les marches, et en me cramponnant à la rampe ; je me débrouille pas trop mal, et j'en tire une certaine fierté, mais je manque quand même de me vautrer dans les cinq dernières marches. Raté ! J’avais presque réussi un sans faute. Heureusement, le concierge me rattrape avant que je ne goûte le carrelage. Je crois bien que ça fait la troisième fois qu'il monte pour gueuler à cause de tout ce bruit. Il me gratifie d'un « fais gaffe, je veux pas appeler les urgences, déjà que je viens de téléphoner aux flics... ».
Après tout, j'ai peut-être bien fait de partir.
Alors je sors.
Et puis la rue, la rue froide m'attend – normal, on est en janvier – longée par les maisons d'un côté, et la voie ferrée de l'autre. Je me mets en marche pour rentrer chez moi. J'ai froid moi aussi, et je suis la ligne droite tracée par la lumière des lampadaires, qui cache celle des étoiles.
Ça me fait grommeler. Je jure. Je jure dans ma barbe, et j'insulte la ville, ses immeubles sales, ses rues sales, ses passants sales, son ciel sale, sa nuit sale. Le vacarme d'un train qui passe couvre mes invectives. Quel enfoiré !
Alors je l'insulte, lui aussi, avec encore plus de colère, de coeur et de voix. J'ai envie de le découper au chalumeau, de le briser à coups de masse, de grenades, d'obus, lui et ses passagers laids, pressés, heureux, tristes ou que sais-je encore, mais je ne suis pas assez fou pour me battre avec un train lancé à pleine vitesse.
Tout de même, et si ce dernier acte était l'apothéose de ma vie ? De toute façon, qui se souviendrait de ce coup d’éclat ? Je ne ferais que grossir les statistiques des suicides ferroviaires, et je ferais chier la SNCF par la même occasion.
Remarque, ça me ferait bien rire, si je pouvais encore rire après, et voir leurs tronches.
Le dernier wagon passe, je lui balance mes injures les mieux torchées, les plus acerbes et rares. Je jubile. Encore une fois, je suis fier de moi. Je peux enfin entendre ma voix éraillée dans la nuit, et j'en ris.
La route commence à me lasser, alors je suis les rails. De toute façon, j'ai probablement croisé le dernier train.
Je fais quelques pas, je m'arrête pour uriner sur la voie ferrée et admirer la fumée que mon jet provoque dans l'air glacé de l'hiver. Magnifique. Autre chose que la fumée de clope qui pourrissait l'appartement. Rien à voir.
En continuant mon chemin, j'aperçois une ombre sur le bas côté. Une sorte de petit monticule.
Je m'en approche : c'est un chat. Mort. Écrasé. Le train vient de le percuter, je le vois à son sang et ses entrailles qui fument encore dans le froid, comme lorsque j'ai pissé.
C'est un beau chat noir, au pelage qui, avant l'accident, devait être d'un superbe brillant. Je le caresse : le poil est doux, soyeux, sauf à certains endroits où le sang l’a poissé. Ses yeux, restés ouverts, sont d'un jaune vif, encore brillant, comme des billes. On dirait deux étoiles dans la nuit, tapies dans les fourrés, égarées ou évadées.
Je commence à me sentir vraiment mal, physiquement et mentalement. Cet animal était la plus belle chose qui put exister dans cette ville sale et immonde. C'était le plus bel être, un roi, défiant le béton, la hauteur des toits, le temps et la laideur des lieux. Il se foutait de tout, de tout ça, de la saleté et du désespoir. Et il vivait encore, il y a quelques instants.
Il était beau, et le train l'avait écrasé. Comme une merde.
La tristesse m'envahit, la colère aussi. Je me plie et vomis à côté de son petit corps noir, un long flot.
(Le train nous aurait, tous, comme ce chat, c’était inévitable et presque logique. Tôt où tard, il nous aurait. )
Alors, sans que j'y fasse réellement attention, un peu comme par un automatisme aquis avec l'habitude et l'âge, ma voix se remet à cracher de nouveau des insultes dans la nuit. J'insulte cette ville avec acharnement, encore et encore, cette ville qui tue ses plus belles créatures, se tue elle-même.
Nous tue.
Mes paroles rebondissent sur les murs et les immeubles. À une cinquantaine de mètres, un homme, vieux et en robe de chambre grise, se penche à une fenêtre pour me crier de la fermer. Je lui gueule d’aller se faire foutre, et je continue jusque chez moi en hurlant dans la nuit. Tant pis si quelqu’un appelle les flics.
Décidément, la soirée aurait pu être sympa.
Re: La soirée aurait pu être sympa
Bravo pour le boulot de réécriture Tristan !
Je trouve le texte déjà beaucoup mieux ainsi.
Il reste à mon sens un aspect qui ne me convainc pas, c'est l'articulation de ce que ce texte raconte (un mec bourré qui trouve un chat mort en sortie de soirée), ce qu'il dit (qu'est-ce que le texte dit ?), ce qu'il exprime sans le dire, et bref, grosso modo, quelle est l'intention.
Pour la "vieille école" dont je suis, je crois qu'il faut qu'un texte s'ouvre plus à moi, que je sente son intention, (de sens, esthétique, "morale", etc.), et ici, j'ai l'impression que tu ouvres trop de possibilité (mais le point positif : tu les ouvres !).
Pourquoi est-ce important qu'il ait bu ? Est-ce une expérience de lucidité ou d'aveuglement que tu racontes ? Et pourquoi il est en colère ? Et pourquoi contre la ville, en particulier ? Que veux-tu traduire de l'humain dans ce texte, qu'il est éphémère, que la vie lui échappe ? Quelle émotion tu traduis ? L'écoeurement, mais il y est deux fois l'écoeurement, et est-il de même nature ?
J'ai heurté sur "la soirée aurait pu être sympa". Sans doute qu'elle aurait pu. Mais en quoi cela éclaire t-il le texte, en quoi cela est fondamentalement important pour le répéter en début, en fin et en titre ?
Bref, à la fin, sur le fond, je ne vois pas très bien où le texte mène.
La difficulté est bien sûr qu'il ne faut pas répondre directement dans le texte à ces questions ! D'ailleurs, ce n'est sans doute même pas les bonnes questions (c'est à toi de dire, au fond, ce qui t'intéresse).
Ma suggestion est donc qu'il faut que tu aies une chose dans ce style en tête (n'importe laquelle, et à toi de la trouver), et qu'au fond, ce soit ça qu'à mi-mots tu nous dises.
Ceci est un peu un plaidoyer pour une écriture qui porte un "sens" (dont a parlé Yali précédemment). Ce n'est pas (tout comme ce que je disais avant) une règle absolue de la littérature, dans l'absolu, il n'y a pas de règle (enfin si, l'orthographe quand même :-).
Je n'avance pas masqué, mes remarques sont faites par rapport à ce que j'aime. A toi de te positionner avec ta réflexion, ta sensibilité, ton goût ! Bref : choisis ta voie, mais il m'a semblé qu'il était intéressant que tu passes par une phase de réflexion sur ces sujets...
En espérant que tout ça puisse t'aider, bonne continuation !
Je trouve le texte déjà beaucoup mieux ainsi.
Il reste à mon sens un aspect qui ne me convainc pas, c'est l'articulation de ce que ce texte raconte (un mec bourré qui trouve un chat mort en sortie de soirée), ce qu'il dit (qu'est-ce que le texte dit ?), ce qu'il exprime sans le dire, et bref, grosso modo, quelle est l'intention.
Pour la "vieille école" dont je suis, je crois qu'il faut qu'un texte s'ouvre plus à moi, que je sente son intention, (de sens, esthétique, "morale", etc.), et ici, j'ai l'impression que tu ouvres trop de possibilité (mais le point positif : tu les ouvres !).
Pourquoi est-ce important qu'il ait bu ? Est-ce une expérience de lucidité ou d'aveuglement que tu racontes ? Et pourquoi il est en colère ? Et pourquoi contre la ville, en particulier ? Que veux-tu traduire de l'humain dans ce texte, qu'il est éphémère, que la vie lui échappe ? Quelle émotion tu traduis ? L'écoeurement, mais il y est deux fois l'écoeurement, et est-il de même nature ?
J'ai heurté sur "la soirée aurait pu être sympa". Sans doute qu'elle aurait pu. Mais en quoi cela éclaire t-il le texte, en quoi cela est fondamentalement important pour le répéter en début, en fin et en titre ?
Bref, à la fin, sur le fond, je ne vois pas très bien où le texte mène.
La difficulté est bien sûr qu'il ne faut pas répondre directement dans le texte à ces questions ! D'ailleurs, ce n'est sans doute même pas les bonnes questions (c'est à toi de dire, au fond, ce qui t'intéresse).
Ma suggestion est donc qu'il faut que tu aies une chose dans ce style en tête (n'importe laquelle, et à toi de la trouver), et qu'au fond, ce soit ça qu'à mi-mots tu nous dises.
Ceci est un peu un plaidoyer pour une écriture qui porte un "sens" (dont a parlé Yali précédemment). Ce n'est pas (tout comme ce que je disais avant) une règle absolue de la littérature, dans l'absolu, il n'y a pas de règle (enfin si, l'orthographe quand même :-).
Je n'avance pas masqué, mes remarques sont faites par rapport à ce que j'aime. A toi de te positionner avec ta réflexion, ta sensibilité, ton goût ! Bref : choisis ta voie, mais il m'a semblé qu'il était intéressant que tu passes par une phase de réflexion sur ces sujets...
En espérant que tout ça puisse t'aider, bonne continuation !
Loupbleu- Nombre de messages : 5838
Age : 52
Localisation : loupbleu@vosecrits.com
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: La soirée aurait pu être sympa
Oui, Loup, j'ai laissé le texte "ouvert" volontairement, mais je l'ai peut-être en effet un peu trop laissé ouvert, justement. C'est difficile de marcher en équilibre sur la ligne entre dire et ne pas dire. Encore trop difficile pour moi.
Mon but, en écrivant ce texte, et j'en ai écris d'autres de ce type, c'est un truc classique : prendre un évènement banal et lui donner un sens. Là, en l'occurrence : conscience de la finitude, de l'emprisonnement, de la laideur. J'ai peut-être pas assez développé.
Pourquoi est-il en colère contre la ville ? c'est purement personnel voir autobiographique :-). Difficile à expliquer, aussi.
Pour la répétition de "la soirée aurait pu être sympa", je pensais créer un écho en le plaçant au début et à la fin, mais avec un sens différent : le premier, simple critique de la fête, et le second, retrospectif et ayant rapport à la prise de conscience. C'est pour ça.
Il y a encore beaucoup de défauts à retravailler. je vais partir pendant 2 semaines, laisser reposer tout ça, et en revenant, je verrai si j'arrive encore à modifier.
Merci beaucoup votre aide, à Yali et à toi, elle m'a été précieuse, même si le résultat est encore loin d'être parfait.
Mon but, en écrivant ce texte, et j'en ai écris d'autres de ce type, c'est un truc classique : prendre un évènement banal et lui donner un sens. Là, en l'occurrence : conscience de la finitude, de l'emprisonnement, de la laideur. J'ai peut-être pas assez développé.
Pourquoi est-il en colère contre la ville ? c'est purement personnel voir autobiographique :-). Difficile à expliquer, aussi.
Pour la répétition de "la soirée aurait pu être sympa", je pensais créer un écho en le plaçant au début et à la fin, mais avec un sens différent : le premier, simple critique de la fête, et le second, retrospectif et ayant rapport à la prise de conscience. C'est pour ça.
Il y a encore beaucoup de défauts à retravailler. je vais partir pendant 2 semaines, laisser reposer tout ça, et en revenant, je verrai si j'arrive encore à modifier.
Merci beaucoup votre aide, à Yali et à toi, elle m'a été précieuse, même si le résultat est encore loin d'être parfait.
Re: La soirée aurait pu être sympa
Je suis "étonnée" par la facilité avec laquelle tu peux pratiquer l'épure en poésie et une quasi impossibilité dans le cas présent. Tu as retravaillé ton texte suivant certains conseils (je n'adhère pas à tout, question de goûts) et pourtant, il me semble que tu gardes encore au-dessus de la mêlée ce souci du détail, cette importance narrative, au point d'étouffer la plupart des émotions. Je ne parle pas uniquement ici de respirations, d'états d'âme ou de vapeurs alcoolisées, mais tout simplement d'un homme qui vit, bourré ou non (parfois on ne peut vivre que bourré) et que je ne ressens en rien.
Un tableau s'esquisse sous mes yeux, avec tout ce qu'il faut pour composer le décor, chaque élément est à sa place (un peu trop, sans doute) et pourtant, le film n'arrive pas vraiment à démarrer.
Ce n'est pas qu'une question de recul je crois, mais aussi de construction, trop sage et trop linéaire à mon sens, mais cela aussi est subjectif :-)
Un tableau s'esquisse sous mes yeux, avec tout ce qu'il faut pour composer le décor, chaque élément est à sa place (un peu trop, sans doute) et pourtant, le film n'arrive pas vraiment à démarrer.
Ce n'est pas qu'une question de recul je crois, mais aussi de construction, trop sage et trop linéaire à mon sens, mais cela aussi est subjectif :-)
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: La soirée aurait pu être sympa
Perso, je suis restée sur le bord et sur ma faim, je pense parce que les termes utilisés manquent de précision, parce que ça ne décolle pas, parce que j'attendais une chute qui n'est jamais venue (mais ça je sais que c'est une question de goût personnel) parce que ..."beau" est bien trop approximatif pour qualifier un chat et que tu nous en redonnes à foison "beau chat" "belle chose" "bel être" "ses plus belles créatures" ...
Zou- Nombre de messages : 5470
Age : 62
Localisation : Poupée nageuse n°165, Bergamini, Italie, 1950-1960
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: La soirée aurait pu être sympa
Intéressant. Je suis bien rentrée dedans. J'ai aimé la colère du type contre ce train, et contre tout le reste, sa réaction "excessive" face au chat écrasé… tout ça parvient à créer une certaine ambiance. Mais je crois que le propos aurait pu être encore plus incisif, percutant, et amené avec plus d'habileté parfois. Je n'aime pas trop la dernière phrase, elle dénote. Mais un texte intéressant, oui.
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