ÉDIFIANT :
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Kilis
Anne Veillac
Yali
bertrand-môgendre
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ÉDIFIANT :
Le camion stoppa à sa hauteur. Elle grimpa dans la cabine décorée de photos de femmes aux cheveux noirs.
— Ma femme (il se signa en chuchotant "paix à son âme"), mes filles.
— Elles sont belles.
— Où vas-tu ?
— Au même endroit que toi.
— Plein nord jusque chez moi, près de la frontière. Ça te va ?
— Génial répondit heureuse Agapatou, remarquant les mains épaisses de Yaco le moustachu.
Paysages longs, tortueux dans les hauteurs, secs sur les plateaux. Un groupe de lama sauvages traverse la route.
— Pourquoi le guanaco n'a pas de queue ? demanda Yaco à la jeune fille. Insouciante et belle autant que sale et intéressée par l'histoire en suspend, Agapatou écarquilla les yeux en écoutant l'homme malin.
— Je suppose que tu vas me le dire.
— Alors, écoute ceci. Autrefois, le guanaco avait une si belle queue, que tous les animaux ruminants, vaches en tête, la lui enviaient. Le Seigneur prince du moment les rassembla tous un jour et leur dit :
— Le temps approche où la famine régnera. Il sera interdit de toucher aux cacaoyers. Celui qui mangera de ses fruits perdra sa queue.
Quelques semaines plus tard, la famine sévit dans tout le pays. Le guanaco qui se promenait, rencontra un cacaoyer bien fourni. Il songea à la recommandation du Seigneur prince, mais se servit quand même à l'arbre, dévora d'abord du bout des lèvres une, puis deux cabosses pour se gaver de tous les fruits de l'arbre. Sa queue se sépara de ses pattes et de son corps et le quitta. Il s'enfuit précipitamment et en pleurant courut chez le Seigneur prince.
— Ma queue est partie !
— C'est parce que tu m'offenses, répondit le Seigneur prince.
— Pardonne-moi, je ne recommencerai plus.
Le Seigneur prince lui rendit sa queue. A partir de ce jour, le guanaco ne toucha aucune cabosse pendant plus de dix ans.
Un moment arriva cependant où la famine réapparut. Le guanaco, qui se promenait encore, rencontra un nouveau cacaoyer. Il s'arrêta indécis, pensant au conseil du Seigneur prince, mais se dit en lui-même :
— Toutes les fois que je perdrai ma queue, le Seigneur prince me la remettra. Il fondit alors sur l'arbuste et passa plus de deux heures entre les branches, à manger des fruits. Quand il fut repu, il n'avait plus de queue.
Il courut chez le Seigneur prince sanglota à ses pieds :
— J'ai de nouveau perdu ma queue !
— Je ne peux plus t'en donner d'autre. Va et reste ainsi durant toute ta vie.
C'est la raison pour laquelle le Guanaco n'a plus de queue.
Yaco constata qu'Agapatou s'était assoupi contre la vitre de son bahut. Avait-elle écoutée son histoire jusqu'à la fin ?
Le soir, il fut heureux de présenter à ses deux filles cette jeune femme affamée.
— Ma femme (il se signa en chuchotant "paix à son âme"), mes filles.
— Elles sont belles.
— Où vas-tu ?
— Au même endroit que toi.
— Plein nord jusque chez moi, près de la frontière. Ça te va ?
— Génial répondit heureuse Agapatou, remarquant les mains épaisses de Yaco le moustachu.
Paysages longs, tortueux dans les hauteurs, secs sur les plateaux. Un groupe de lama sauvages traverse la route.
— Pourquoi le guanaco n'a pas de queue ? demanda Yaco à la jeune fille. Insouciante et belle autant que sale et intéressée par l'histoire en suspend, Agapatou écarquilla les yeux en écoutant l'homme malin.
— Je suppose que tu vas me le dire.
— Alors, écoute ceci. Autrefois, le guanaco avait une si belle queue, que tous les animaux ruminants, vaches en tête, la lui enviaient. Le Seigneur prince du moment les rassembla tous un jour et leur dit :
— Le temps approche où la famine régnera. Il sera interdit de toucher aux cacaoyers. Celui qui mangera de ses fruits perdra sa queue.
Quelques semaines plus tard, la famine sévit dans tout le pays. Le guanaco qui se promenait, rencontra un cacaoyer bien fourni. Il songea à la recommandation du Seigneur prince, mais se servit quand même à l'arbre, dévora d'abord du bout des lèvres une, puis deux cabosses pour se gaver de tous les fruits de l'arbre. Sa queue se sépara de ses pattes et de son corps et le quitta. Il s'enfuit précipitamment et en pleurant courut chez le Seigneur prince.
— Ma queue est partie !
— C'est parce que tu m'offenses, répondit le Seigneur prince.
— Pardonne-moi, je ne recommencerai plus.
Le Seigneur prince lui rendit sa queue. A partir de ce jour, le guanaco ne toucha aucune cabosse pendant plus de dix ans.
Un moment arriva cependant où la famine réapparut. Le guanaco, qui se promenait encore, rencontra un nouveau cacaoyer. Il s'arrêta indécis, pensant au conseil du Seigneur prince, mais se dit en lui-même :
— Toutes les fois que je perdrai ma queue, le Seigneur prince me la remettra. Il fondit alors sur l'arbuste et passa plus de deux heures entre les branches, à manger des fruits. Quand il fut repu, il n'avait plus de queue.
Il courut chez le Seigneur prince sanglota à ses pieds :
— J'ai de nouveau perdu ma queue !
— Je ne peux plus t'en donner d'autre. Va et reste ainsi durant toute ta vie.
C'est la raison pour laquelle le Guanaco n'a plus de queue.
Yaco constata qu'Agapatou s'était assoupi contre la vitre de son bahut. Avait-elle écoutée son histoire jusqu'à la fin ?
Le soir, il fut heureux de présenter à ses deux filles cette jeune femme affamée.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: ÉDIFIANT :
J'imagine que la légende est vraie. Il en est une de ce genre dans toutes les cultures, on raconte à l'ouest de l'Afrique qu'avant l'arrivée de l'homme blanc les singes étaient doués de la parole, qu'ils se sont tus lorsqu'ils réalisèrent que ledit homme blanc exploitait tous ceux qui parlaient.
Sinon, je reste un peu sur ma faim, parce que j'étais séduit par ces deux-là, que j'aurais aimé les voir, les sentir, qu'ils me conduisent un peu plus loin que la légende.
Et pourquoi BM, le groupe de lama traverse la route au présent alors que tout le reste du texte est à un autre temps ?
Sinon, je reste un peu sur ma faim, parce que j'étais séduit par ces deux-là, que j'aurais aimé les voir, les sentir, qu'ils me conduisent un peu plus loin que la légende.
Et pourquoi BM, le groupe de lama traverse la route au présent alors que tout le reste du texte est à un autre temps ?
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: ÉDIFIANT :
Les lamas ont un fort tropisme pour le présent. C'est presque biblique, Bertrand...
Invité- Invité
Re: ÉDIFIANT :
Jolie histoire, simple, et dont l'ambiance, je trouve, fait très "Amérique latine". Je sais, c'est idiot de dire ça sur un texte aussi court, mais j'ai retrouvé la gentillesse tranquille sous-jacente qui me plaît tant dans les quelques films sud-américains que j'ai eu le plaisir de voir (le dernier en date, Sleep dealers, une chouette histoire mexicaine d'anticipation !).
Invité- Invité
Re: ÉDIFIANT :
Un très joli texte. Je suis un peu restée sur ma faim, j'aurais pensé que l'histoire continuerait un petit peu plus, mais c'est peut-être mieux comme ça, le pas assez plutôt que le trop.
Et puis, honnêtement, ayant lu d'autres de tes textes, j'ai pensé que celui-ci ne finirait pas très bien. Je ne voudrais pas vous donner l'impression d'avoir l'esprit mal tourné, mais cette histoire de camion (lesquelles parmi nous oseraient monter dans un camion ?) et cette histoire de queue coupée... je m'attendais à une autre fin. Et finalement, c'est une des forces de ce texte, m'avoir emmenée ailleurs que là où je pensais aller.
J'ai bien aimé les lamas qui traversent la route (et je n'avais pas remarqué la rupture de temps, pourtant j'y suis assez sensible). Avec juste un petit détail, tu n'as pas à dire que l'histoire se passe en Amérique latine. Tu évites l'exposition.
Et puis, honnêtement, ayant lu d'autres de tes textes, j'ai pensé que celui-ci ne finirait pas très bien. Je ne voudrais pas vous donner l'impression d'avoir l'esprit mal tourné, mais cette histoire de camion (lesquelles parmi nous oseraient monter dans un camion ?) et cette histoire de queue coupée... je m'attendais à une autre fin. Et finalement, c'est une des forces de ce texte, m'avoir emmenée ailleurs que là où je pensais aller.
J'ai bien aimé les lamas qui traversent la route (et je n'avais pas remarqué la rupture de temps, pourtant j'y suis assez sensible). Avec juste un petit détail, tu n'as pas à dire que l'histoire se passe en Amérique latine. Tu évites l'exposition.
Re: ÉDIFIANT :
J'aime bien quand tu fais dans la simplicité, Bertrand-Mô. Un texte très agréable et efficace. Je les voyais tous les deux.
Sinon, t'es fâché avec l'accord des participes ?
"Yaco constata qu'Agapatou s'était assoupie contre la vitre de son bahut. Avait-elle écouté son histoire jusqu'à la fin ?"
Sinon, t'es fâché avec l'accord des participes ?
"Yaco constata qu'Agapatou s'était assoupie contre la vitre de son bahut. Avait-elle écouté son histoire jusqu'à la fin ?"
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: ÉDIFIANT :
J'ai eu l'impression que ce texte a été écrit un peu vite.
Je sais pas.
Peut-être que cet éternelle histoire d'un sage qui raconte une légende à un jeune un peu perdu, ne me parle pas.
Je sais pas.
Peut-être que cet éternelle histoire d'un sage qui raconte une légende à un jeune un peu perdu, ne me parle pas.
Re: ÉDIFIANT :
Même chose que Kazar, désolée.
J'ajoute juste que la phrase au présent ne m'a pas gênée non plus, elle fait didascalie et par là ne dérange pas (opinel perce-oignon).
J'ajoute juste que la phrase au présent ne m'a pas gênée non plus, elle fait didascalie et par là ne dérange pas (opinel perce-oignon).
Re: ÉDIFIANT :
J'ai regretté que le texte digresse vers une légende, ça m'a laissé un sentiment d'incomplétude, comme si Agapatou et Yaco n'étaient là que comme support à la légende.
Invité- Invité
Re: ÉDIFIANT :
Comme Anne, je crois, je croyais aussi voir quelques éléments laissant penser à une autre fin ;-) le camion, les photos ...
je trouve que ton texte est un peu trop court, notamment ce qui est "autour" de la légende. je rejoins en cela le commentaire d'Easter.
si tu veux qu'on ajoute un titre, dis le nous ! ;-)
je trouve que ton texte est un peu trop court, notamment ce qui est "autour" de la légende. je rejoins en cela le commentaire d'Easter.
si tu veux qu'on ajoute un titre, dis le nous ! ;-)
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 49
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: ÉDIFIANT :
j'ai apprécié. simplicité dans la narration, dans la légende et du coup en demanderais plus (notamment sur les deux personnages : du vrai stop vertueux, là). tous les codes de la légende y sont.
petit détail mon esprit paresseux a buté là dessus, pourquoi pas un passage ?
"— Pourquoi le guanaco n'a pas de queue ? demanda Yaco à la jeune fille. // Insouciante et belle autant que sale et intéressée par l'histoire en suspend, Agapatou écarquilla les yeux en écoutant l'homme malin."
petit détail mon esprit paresseux a buté là dessus, pourquoi pas un passage ?
"— Pourquoi le guanaco n'a pas de queue ? demanda Yaco à la jeune fille. // Insouciante et belle autant que sale et intéressée par l'histoire en suspend, Agapatou écarquilla les yeux en écoutant l'homme malin."
lilicub- Nombre de messages : 147
Age : 53
Date d'inscription : 18/11/2008
Re: ÉDIFIANT :
("passage à la ligne" bien sûr)
lilicub- Nombre de messages : 147
Age : 53
Date d'inscription : 18/11/2008
Re: ÉDIFIANT :
On en reprendrait bien une tranche : tout cela à un goût de trop peu et, surtout, de reviens-y.
Je prenais beaucoup de plaisir à ma lecture quand... terminé. Alors, j'en redemande. ^^
Pas mal vu pour l'édifiant !
Je prenais beaucoup de plaisir à ma lecture quand... terminé. Alors, j'en redemande. ^^
Pas mal vu pour l'édifiant !
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: ÉDIFIANT :
ébauche...
c'est le mot qui me vient à l'esprit.
les personnages sont là, la parabole prête à prendre son sens, la situation ouverte... reste à écrire tout ça.
c'est le mot qui me vient à l'esprit.
les personnages sont là, la parabole prête à prendre son sens, la situation ouverte... reste à écrire tout ça.
grieg- Nombre de messages : 6156
Localisation : plus très loin
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: ÉDIFIANT :
C’est parce que c’est pas une galerie de femmes à poil qui ornent sa cabine et que cet épais camionneur moustachu n’a pas violé sa passagère que ce texte est édifiant ? :-))) J’aime bien tes contes, B-Mô, celui-ci rappelle vaguement le Paradis Terrestre et le premier péché, non ? Grave si Adam avait perdu sa queue…
alors, le titre, B-Mô ? On met "Ebauche" ? :-))
alors, le titre, B-Mô ? On met "Ebauche" ? :-))
Re: ÉDIFIANT :
Ce texte fait-il partie de quelque chose de plus vaste ?
Cela pourrait parce que j'imagine bien un avant et après.
Et sans cela, j'ai l'impression d'avoir deux personnages et une légende qui se côtoient ici, sans trop mélanger. Il me manque une atmosphère qui les relierait, il me manque aussi quelque chose dans la suite pour que l'histoire du guanaco prenne tout son sens.
Ou alors j'ai loupé quelque chose ? C'est pas impossible.
Pour le titre, je propose : Histoire sans queue... ;-)
Cela pourrait parce que j'imagine bien un avant et après.
Et sans cela, j'ai l'impression d'avoir deux personnages et une légende qui se côtoient ici, sans trop mélanger. Il me manque une atmosphère qui les relierait, il me manque aussi quelque chose dans la suite pour que l'histoire du guanaco prenne tout son sens.
Ou alors j'ai loupé quelque chose ? C'est pas impossible.
Pour le titre, je propose : Histoire sans queue... ;-)
Re: ÉDIFIANT :
C'est bien le même Agapatou que celui de la page 174 des enragés, n'est-ce pas?
Je remercie, je lis, je dis, je fais passer....
Ca se passe comme ça chez les muses
Je remercie, je lis, je dis, je fais passer....
Ca se passe comme ça chez les muses
Roz-gingembre- Nombre de messages : 1044
Age : 62
Date d'inscription : 14/11/2008
Re: ÉDIFIANT :
Il y a deux êtres dont on n'a pas forcément envie de déflorer le mystère. Bien que, un petit peu plus n'aurait pas été superflu.
Puis il y a cette légende, belle et pleine de bon sens comme souvent. Qui complète bien l'atmosphère créée par la présence des deux personnages.
Comme un morceau de quelque chose, mais je ne sais pas si j'aurais voulu que tu en donnes plus; j'aime à imaginer l'avant et l'après moi-même.
Un beau texte en tout cas, à l'ambiance très particulière.
Puis il y a cette légende, belle et pleine de bon sens comme souvent. Qui complète bien l'atmosphère créée par la présence des deux personnages.
Comme un morceau de quelque chose, mais je ne sais pas si j'aurais voulu que tu en donnes plus; j'aime à imaginer l'avant et l'après moi-même.
Un beau texte en tout cas, à l'ambiance très particulière.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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