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La marche

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Message  Loreena Ruin Sam 6 Juin 2009 - 10:18

Pour moi l'un des meilleurs chapitres depuis le début, en cela que (par rapport à mon dernier commentaire) le lecteur "entre" pour la première fois vraiment dans l'histoire : les personnages deviennent vraiment attachants, les vies jusque là éparpillées commencent à se lier entre elles, avec un humour et une tendresse touchants.

Je sais que ce ce genre de "transgression" peu paraître inutile puisqu'elle ne fait que partiellement avancer l'histoire (au sens des évènements) et qu'il n'y a pas d'action (combats/surprises) : mais elles sont pour moi essentielles, en cela que pour la première fois, je me suis sentie "accrochée" par tes personnage, avec une envie croissante de les connaître, ils étaient déjà vivants avant, mais là, ils deviennent enfin humains, leur sort m'intéresse !

Avec cette musique, ces recettes de cuisine, ces estomacs qui gargouillent et ces mains tendues, on se sentirait presque chez soi ! Ce passage est donc une véritable respiration dans le récit pour le lecteur, d'autant qu'il témoigne d'une autre facette de ta plume (que j'aime beaucoup :p)

Une remarque : "de sa voix de fausset" : j'ai trouvé l'expression assez maladroite, je ne sais pas pourquoi mais elle me fait penser à un timbre de voix insupportablement strident (même si je ne sais pas exactement à quoi cela correspond dans la réalité) or, cela ne va pas du tout avec l'impression de douceur que tu avais construite jusque-là autour de Camélie.
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Message  Loreena Ruin Sam 6 Juin 2009 - 10:19

Et j'inaugure fièrement ta deuxième page ! XD
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Message  Charly_Owl Dim 7 Juin 2009 - 13:45

socque:
Se non è vero, è bene trovato ! Quelle phrase! Je me suis gratté longtemps la tête avant d'enfin trouver la signification. Vous me flattez, et encore une fois je vous remercie de votre aide et de vos conseils. Ces petits problèmes logiques me posent effectivement problème, parfois.

Easter:
Vous me surprenez d'autant plus, il faut le dire, que je ne croyais pas que ce chapitre eut été utile. Vous m'avez prouvé le contraire, ainsi que Loreena. Vous venez de me donner une bonne leçon que je n'oublierai pas de sitôt, merci!

Loreena:
Toujours fidèle au poste! Pour le voix de fausset, j'ai regardé et il semble que ce soit une voix agréable. Néanmoins, c'est vrai que ça fait penser à une petite voix grinçante, haute et désagréable. Je changerai le terme.

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Message  Charly_Owl Mar 9 Juin 2009 - 0:20

Cette partie-ci m'est aussi incertaine que la précédente... Je crains que mon vocabulaire limité n'ait quelque peu enrayé certaines parties de cette fin de chapitre, n'hésitez-pas à me suggérer d'autres formulations si l'envie vous prend. Cela me fera GRAND plaisir de les lire. J'arrête mon blabla, voici la suite. J'espère qu'elle vous plaira. Il y a également une "traduction" en annexe (fin de l'extrait); vous saurez de quoi je parle bien assez vite.



***



-Chapitre III-
(suite et fin)




Malheureusement, le charme ne se rompit que lorsque Camélie eut le malheur de faire une fausse note. La magie, le philtre envoutant de la mélodie s’évapora alors aussi vite qu’il était venu. Les gens grommelèrent quelque déception, puis commencèrent à se disperser. Empourprée jusqu’aux oreilles, Camélie lança un regard paniqué à Dollard, qui ne sut quoi répondre à ces deux gemmes vertes pleines d’interrogation.

-Dommage, l’air tenait quelque chose… remarqua Saint-Just, accoudé contre un mur aux côtés de Saguenay.
Ce dernier ne répondit pas sur-le-champ, inhabituellement songeur.
-Dis, est-ce que tu pourrais me rendre un service, Saint-Just ?
-Un service comme ?
-Tu as encore ta vièle, n’est-ce pas ?
-Pas encore cette histoire…
-En fait si, tu l’as encore, cachée sous ton lit en espérant que je ne la retrouverais pas.
-Écoute, ce n’est pas de ma faute si tu en joues comme un pied ! Et en plus, regarde ton bras… les sutures sont encore fragiles ; tu ne peux pas jouer le maestro des cordes quand bon te semble.
-Qui te dit que c’est moi qui en jouerais ? lui révéla Saguenay d’un clin d’œil complice.
-Et pour les beaux yeux de quelle demoiselle aurais-je l’honneur d’en jouer à ta place ?
-Arrête ton cirque et réponds.
-Je ne fais jamais rien pour rien. Si je monte sur scène, tu montes aussi. Je sais très bien que ce n’est pas pour de l’art que tu te forces à t’y intéresser. Mais… Enfin, je ne te changerai pas aujourd’hui ; que veux-tu que je joue ?
-Tu connais « Sire Tristan » ?
-Cette chanson est ridicule.
-Mais je vais la chanter quand même.
-À ton aise, soupira Saint-Just en allant chercher son instrument.

Quelques minutes plus tard, les deux artistes improvisés étaient sur l’estrade à faire face à une masse lasse et assombrie. Timidement, Saguenay annonça la chanson à un auditoire ennuyé. Tandis que le soldat se raclait la gorge, le médecin grimaça comme pour prévenir du fiasco à venir. Étonnamment, ce fut un agréable baryton qui articula quelques lointaines syllabes gutturales. « Il chante vraiment ! » s’écria un vieillard ébahi de voir Saguenay être capable de quoique ce soit, pour une fois.

-Tant s'entraiment de bone amor, l'un por l'autre ne sent dolor…

Plusieurs reconnurent le timbre caractéristique de l’ancien franc, une langue triste aux piliers enfouis par le temps. Ce n’étaient plus les souvenirs de jeunesse qui fascinèrent le public, mais le mystère inconnu et grandiose du sens de ces phrases qu’ils comprirent instinctivement.

-Assez est mort qui longuement gist en pechié, s’il ne repent. Doner ne puet nus penitance a pecheor ; souz penitance !

L’archet de Saint-Just vibra avec délicatesse sur les cordes de sa vièle, libérant une note larmoyante sur les vers contristés de Saguenay. Saint-Just se surprit à sourire, laissant les ses doigts maîtriser avec une aisance surnaturelle le parler de son instrument usé. Le duo devenu subitement captivant enchaîna les couplets, chacun dégageant une émotion différente allant du drame à la tendresse. Car après tout, « Sire Tristan » parlait d’une histoire d’amour entre le preux Tristan et son intemporelle dulcinée Iseut.

-J’am Yseut a mervelle, si n’en dor ne ne somelle.

L’attention était rivée sur Saguenay et son talent jusqu’alors insoupçonné pour les langues. De sa voix émanait une passion habilement dosée qui à elle seule traduisait une histoire sans écrits. Les fillettes rêvassaient, les vieilles chuchotaient des compliments à l’endroit du caporal, les hommes admiraient sa posture solide et chevaleresque. Seul le baryton en question sembla transporté ailleurs, c’est-à-dire au creux du profond regard de Camélie qui l’écoutait en se mordillant les lèvres. Il chanta juste et beau, chanta pour elle, pour lui déclarer un amour embrasé sans qu’elle le sache. Il voulut qu’elle l’aime en éruption et par instinct, qu’elle savoure cette sensation romanesque de « Sire Tristan » aussi sauvagement que lui. Il voulut qu’elle l’aime sans réfléchir.

-Seignors, molt fu el bois Tristrans, molt i out paines et ahans.

Hypnotisée, la jeune fille décida de joindre sa flûte à « Sire Tristan », et fit ainsi du duo un trio époustouflant. Fasciné, Dollard se laissa bercer par la mélodieuse chanson sans se rendre compte que Camélie jouait à nouveau. Celle-ci s’approcha de Saint-Just sur l’estrade, puis quelque combinaison angélique se dégagea du combat amical entre les soupirs du vibrato poignant des cordes au legato à l’accent désolé, humble et résigné de l’instrument à vent.

-Que püent-il, se color müent?

Les membres les plus éduqués de la foule émirent un « oh » attendri. « Que purent-ils lorsque les couleurs fussent sur le point de mouvoir ? » Qu’adviendrait-il de l’amour lors de l’hiver, sinon qu’il meure ? Au dernier vers, Saguenay se tourna vers Camélie, agenouillé comme le chevalier du conte l’aurait fait devant sa belle. Cette fois-ci, le chevalier avait un bras dans une écharpe blanche et n’avait comme seule armure que son justaucorps militaire éburné et rapiécé. Il se tut momentanément, savourant pleinement ce silence empreint d’une lourdeur que seule la vièle de Saint-Just chantait encore en suspend. C’était la grande finale, l’instant ultime où la dernière parole saurait clôturer avec élégance ce poème vieux de plus de mille ans.

Puis, dans un accès d’inspiration, Saguenay se métamorphosa en Tristan. Ses yeux devinrent de sombres quinquets à la passion ardente et magnétique, et ses larges épaules semblèrent à brûle-pourpoint capables de supporter le poids d’un monde entier. Il bomba fièrement le torse, incarnant un de ces braves d’antan partant en guerre pour le pardon de Dieu et des pétales de rose. Rien ne sembla résister à ce héros sorti du fin fond de l’imagination de Saguenay. Rien ne serait trop beau, trop grand ou trop audacieux pour lui. De son bras valide, il prit avec gentillesse la main de Camélie, paralysée par ce preux gentilhomme apparu comme par magie. Puis, il déposa un courtois baiser sur sa froide menotte.

-E a Tristran repoise fort que Yseut a por lui descort.

La foule applaudit jusqu’à en faire trembler les murs de Fort Épicentrée. Tous acclamèrent le talentueux trio formé sur le pouce. Discrètement, Saint-Just tira sa révérence et rangea sa précieuse vièle dans un étui aux rainures cuivrées. Le caporal, quant à lui, jubilait devant Camélie. Il se releva, la tête haute, et lui tendit la joue pour la bise, comme le voulait la tradition. Il ferma les yeux, attendit. Cependant, lorsqu’il les rouvrit, Iseut s’était déjà détournée et se précipitait dans les bras d’un Dollard ému jusqu’aux larmes. « Sans même m’accorder l’ombre d’un regard. » songea tristement le soldat. Tristan s’évapora sur-le-champ, ne laissant plus qu’un homme abattu sur une estrade insignifiante. Le cœur brisé, la rage au poing, Saguenay n’avait cure du tonnerre de vivats qui rugissait pour lui. Il ressentit le tonus du champ de bataille s’engloutir dans ses veines, puis un froid haineux et apeuré lui coula le long du dos. C’était l’âpre humiliation de la défaite. L’échec. Il s’inclina modestement, empourpré par cette sensation de nœud de pendu autour de sa gorge, et les gens quittèrent la Place d’Armes contents.

La fête était finie. Les nuages s’assombrirent, grondèrent et noyèrent l’Épicentrée d’une eau sombre, d’un gris sale et de sourds plocotis sur la terre fraîche. Encore la pluie, quand ce n’était pas la bruine ou le crachin. Toujours, ou presque. Saguenay se dirigea à pas de tortue vers les casernes, où l’attendait Saint-Just qui se réchauffait auprès d’un foyer.
-Tu avais raison, Saint-Just, marmonna l’homme aux cheveux rouille trempé jusqu’aux os.
-Comme toujours, tu sais. Raison à propos de quoi, au fait ?
-Cette chanson est stupide.

Silence, puis malaise.

-Ah, Saguenay ! railla le médecin. Ton bras s’est ouvert à nouveau! Mais c’est pas vrai ? Je vais encore passer une heure à recoudre tout ça, moi ? Allez, bouge-toi, bouge-toi ! Tu mets du sang partout sur le plancher...
-T’es un frère, tu le sais ?
-N’empêche… je t’avais prévenu.
-Ah, la barbe ! cria l’autre barbouillé de rouge.
-Suis-moi, on y retourne, ronchonna Saint-Just sans prêter attention à la remarque.
Quelques minutes plus tard, les deux compères se trouvèrent encore une fois devant une table d’opération. Saguenay regarda l’aiguille et le fil lui percer la peau, lui lier les lambeaux de chair ; indifférent.
-Tu sais, continua Saint-Just lorsqu’il eut fini, tu auras au moins fait du bon. Tu auras fait oublier à la populace que leur capitaine a pris la fuite sans avertir personne. Et qu’il est très peu probable qu’il revienne un jour.
-Tu sais ce qu’il est devenu ?
-Non. Mais nous le saurons bien assez vite. On a retrouvé le corps de Buzard dans la rivière ce matin, donc ils ont dû partir hier durant la nuit ou la matinée.
-Peste ! Il nous a donc abandonné aux Angles ! C’est une condamnation qu’il nous a fait là !
-Non. Je crois, mon ami… je crois qu’il nous a surtout fait confiance pour tenir le fort jusqu’au bout.

Saguenay se signa, puis admit d’un air piteux : « Dieu nous garde s’il lui est arrivé quelque chose. »

***

Et pourtant, non loin de là, un cavalier solitaire contemplait la silhouette imposante de Fort Épicentrée. Sa longue chevelure noire ornée d’une tresse, fouettée par les affres de la brise, évoquait ses obscures origines indigènes.

Les souvenirs de cette terrible nuit martelaient encore le crâne cuivré de Stradacona.

Il hurla avec force, refusant ainsi de s’abandonner aux pleurs ou encore pis, au désespoir.

Car cet homme était maintenant seul. Seul au monde.

***



Annexe I : « Sire Tristan »
-Ils s’entr’aiment tant d’amour tendre l’un l’autre qu’ils ne ressentent aucune douleur.
-Celui est déjà mort qui longuement a vécu dans le péché, s’il ne se repent. Nul ne peut absoudre un pécheur sans repentir !
-J'aime Iseut à merveille, si bien que je ne peux ni dormir ni retrouver le sommeil.
-Seigneurs, Tristan fut longtemps au bois, il y souffrit beaucoup de peines et de tourments.
-Que peuvent-ils, si l'hiver arrive?
-Et Tristan craint fort qu’à cause de lui Iseut n’aille vers la perdition.

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Message  Invité Mar 9 Juin 2009 - 6:27

Un des intérêts de votre texte est sa belle constance dans la qualité. Tout est très vivant !

Quelques erreurs de langue, que je vous signale.
"le philtre envoûtant"
"un vieillard ébahi de voir Saguenay être capable de quoi que (et non "quoique" ; "quoique" introduit une subordonnée, donc, obligatoirement, un verbe ; "quoi que" peut être remplacé par "quelque chose que", ce qui est le cas ici) ce soit"
« Que purent-ils lorsque les couleurs furent ("lorsque" est suivi de l'indicatif et non du subjonctif ; comme on est ici, déjà, dans la traduction du poème, je considère qu'il doit s'agir de français moderne...) sur le point de (se ?) mouvoir ? »
"chantait encore en suspens"

"de sourds plocotis" : le Trésor de la Langue Française informatisé ne reconnaît pas ce mot, "plocotis", mais je le trouve génial ! Il valait le coup d'être inventé.

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Message  silene82 Mar 9 Juin 2009 - 7:33

Un régal, d'un bout à l'autre: personnages vivants, qualité descriptive de l'action, originalité de la langue, c'est un très bon texte que je vais imprimer pour le plaisir de le relire comme un lecteur aime lire, sur papier. Trouvant dommage que les textes sur VE ne dépassent guère les frontières de notre petit cénacle, je vous demanderais volontiers si, dans l'hypothèse d'une auto-édition qui regrouperait un certain nombre de textes, vous seriez intéressé à ce que le votre y figure. Vous pouvez parfaitement me répondre sur mon adresse silene82@hotmail.fr pour ne pas encombrer le fil.
Quoi qu'il en soit, bravo!
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Message  Invité Mar 9 Juin 2009 - 7:58

L'art du détail qui rend les personnages attachants et empêche de sombrer dans le sentimentalisme. Très pertinents, l'écriture, ce passage, le tout quoi. J'aime et en redemande.

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Message  Loreena Ruin Mar 9 Juin 2009 - 8:11

Ahah voilà les propositions qui arrivent ;-). Je ne sais pas trop quoi dire sur cette partie. Elle me semble très bien écrite, l'évolution de la musique et des sentiments des personnages (je pense surtout à Sarguenay) étant bien menée. Je me demande juste s'il n'y a pas une peu trop de "blabla" avant le morceau de musique et après ... (en plus, à un ou deux moment je me suis demandé qui parlait). Je trouve par ailleurs le texte bien construit, peut-être même un peu trop : à un moment ça fait vraiment description/une phrase de la chanson/description...sans parler des deux dialogues Saint-Just/Sarguenay qui encadrent le tout.

Une petite réduction de cette partie pourrait être bienvenue, puisqu'il suit déjà un moment de "détente", peut-être faut-il ré-entrer plus rapidement dans l'action...

L’attention était rivée sur Saguenay et son talent jusqu’alors insoupçonné pour les langues. De sa voix émanait une passion habilement dosée qui à elle seule traduisait une histoire sans écrits. Les fillettes rêvassaient, les vieilles chuchotaient des compliments à l’endroit du caporal, les hommes admiraient sa posture solide et chevaleresque. Seul le baryton en question sembla transporté ailleurs, c’est-à-dire au creux du profond regard de Camélie qui l’écoutait en se mordillant les lèvres. Il chanta juste et beau, chanta pour elle, pour lui déclarer un amour embrasé sans qu’elle le sache. Il voulut qu’elle l’aime en éruption et par instinct, qu’elle savoure cette sensation romanesque de « Sire Tristan » aussi sauvagement que lui. Il voulut qu’elle l’aime sans réfléchir.
ce passage un peu cliché quand même, m'a aussi paru un peu longuet... je ne suis pas sure que décrire la foule est la meilleure solution, et la "posture solide et chevaleresque", c'est vraiment de trop XD. Bon et puis l'amour, la passion etc... hum, j'avoue que je ne déteste pas mais c'est quand même lourd (remarque c'est aussi comme ça dans la réalité...).

Sinon, tu as réussi à me faire détester Camélie !
Et Sarguenay, dans son illusion...

Voilà, rien de vraiment important, le texte pourrait tout aussi bien rester comme il est, j'ai juste eu quelques petites réticences en le lisant... même si j'ai bien aimé (surtout les changements de temps et d'ambiance, que je trouve toujours très bien maitrisés chez toi, bravo !:)

La fête était finie. Les nuages s’assombrirent, grondèrent et noyèrent l’Épicentrée d’une eau sombre, d’un gris sale et de sourds plocotis sur la terre fraîche. Encore la pluie, quand ce n’était pas la bruine ou le crachin. Toujours, ou presque. Saguenay se dirigea à pas de tortue vers les casernes, où l’attendait Saint-Just qui se réchauffait auprès d’un foyer.
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Message  Charly_Owl Mer 10 Juin 2009 - 2:34

Merci à vous trois, Loreena, socque et Easter! Je ne peux que vous répéter à quel point j'apprécie vos commentaires et que tout est bien entendu noté et présentement en "refonte". Ton point de vue sur la structure était particulièrement intéressant, Loreena.

Quant à vous, Silene82, je vous ai ajouté sur MSN. Nous aurons donc le loisir de discuter du point que vous souhaitiez me communiquer.

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Message  silene82 Mer 10 Juin 2009 - 12:28

Charly_Owl a écrit:Quant à vous, Silene82, je vous ai ajouté sur MSN. Nous aurons donc le loisir de discuter du point que vous souhaitiez me communiquer.
Pas de problème, sinon que MSN risque d'être compliqué, du fait du décalage; mais il est possible de se passer des message sur silene82hotmail.fr (en tous cas pour me joindre)
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Message  Charly_Owl Jeu 11 Juin 2009 - 1:46

Vous ai-je bien ajouté, Silene? Dans le cas contraire, vous pouvez toujours ajouter mon mail:
Spoiler:

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Message  Charly_Owl Dim 14 Juin 2009 - 3:19

-Chapitre IV-
-La chevauchée vers Naguère-




Mort, le capitaine Torrieux. Nago Stradacona ne pouvait toujours pas le croire. Il avait beau regarder vers l’arrière des bois, et même plus loin vers le Meuron, mais il n’y restait plus qu’un macabre et pesant silence bleu nuit. Sa monture renâcla bruyamment, tapant le sol d’un sabot nerveux. Stradacona tira fermement la bride vers lui, tâchant de maîtriser la bête. « W’oh, oh ! » Comment le capitaine avait-il pu mourir ? Pourquoi avait-il mené une sortie presque suicidaire sans n’en avertir personne ? Pourquoi avait-il cherché à fuir le combat ? Ce n’était pas le Jean-Mars Torrieux qu’il avait connu. Du tout. Nago sentit une bouffée de chaleur fiévreuse lui monter à la tête, remplie de vieux souvenirs brouillés.

En un instant, les couleurs des forêts rajeunirent et le soleil redora l’Épicentrée de son enfance. Il se souvint des tentes d’écorce en bordure du fleuve où la truite y était abondante. Jean-Mars n’était plus qu’un jeune adulte lorsqu’il passait ces longs étés adolescents à fumer le calumet en compagnie de Stradacona et de sa sœur Mée. C’était une époque où tout n’était que fraîcheur et temps perdu. Les Francs montraient fièrement le maniement de leurs armes et tiraient la perdrix aux côtés des nomades Montagneux. Les enfants plus jeunes, eux, traquaient le castor près des digues en aval du Meuron. Les adolescents et adolescentes, Francs comme Montagneux, expérimentaient toutes les formes de communication possibles et imaginables, allant du langage parlé au chaleureux langage du corps. Néanmoins, Jean-Mars était le seul à délaisser la naïveté passionnée des jeunes filles pour bien vouloir fumer le calumet avec le jeune Stradacona. La fumée argentée s’échappait de sa barbe noire, fournie et rebelle à l’époque, et son sourire moqueur laissait entrevoir une amitié aussi solide que le Mont de la Vie lui-même.

À présent, le passé était mort. Il s’était consumé en quelques coups de fusils. Le grand Montagneux hésita… devait-il faire marche arrière et lutter avec ses compagnons Francs du fort ? Que pourrait-il faire, seul contre une armée de tuniques noires sans pitié ? Il connaissait son devoir. Comme tous ces autres hommes tombés, il avait été prévenu et avait juré sur son honneur d’accomplir sa mission. « Rappelez-vous que sur l’autre rive, c’est chacun pour soi. » avait dit l’officier. « Ne vous retournez sous aucun prétexte… L’échec… arrêt de mort… bien plus encore. » Il devait oublier le Gué de Noeudy. Il devait utiliser sa douleur pour le bien de tous, canaliser ses énergies en fonction d’un seul objectif : Naguère. La plus importante ville coloniale du Royaume des Francs représentait le seul espoir pour Fort Épicentrée qui pourrait tomber du jour au lendemain.

Soudain, un faible hennissement troubla le silence des lieux. Le cœur de Stradacona ne fit qu’un bond : c’était l’étalon noir du capitaine. Il éperonna agressivement sa jument pour se diriger vers le cheval noir qui sortait d’entre deux buissons. Malheureusement, sa déception fut telle qu’il n’y avait personne sur la selle ; le cavalier avait bel et bien disparu. Alors que le mélancolique Nago était sur le bord de la crise de nerfs, un miracle se produisit sous la forme la plus sacrilège au monde : un juron à faire friser les oreilles du plus « gigon » des charretiers. Car en fait, sur le sol traînait Jean-Mars, couvert de boue et d’une épaisse couche de crasse poussiéreuse. La seule chose qui le retenait à son cheval malgré la chute qu’il avait fait, c’était cet étrier de cuir enroulé autour de sa jambe. Le Montagneux accourut vers son chef sorti tout droit de l’enfer pour l’aider à se relever.
-On devrait pendre la vermine avec des étriers plutôt que du chanvre ; on y laisse presqu’aussi souvent sa peau ! grommela Torrieux sans son éloquence habituelle.

Une fois remis sur pied, l’officier tenta de se relever, mais sans grand succès car il perdit l’équilibre et se retrouva face contre terre.
-Laissez le sang circuler, mon capitaine, suggéra le soldat.
-Je laisserai mon sang circuler lorsque nous n’aurons plus les Angles aux trousses, s’énerva-t-il. Dépêchons-nous, il faut partir !
-Mais votre jambe ! s’inquiéta Stradacona.
-Si j’ai pu supporter de me faire traîner en laisse par mon tendre mollet, tirer par un étalon de guerre affolé et me faire rosser les côtes par les cailloux de la route… ce n’est pas un petit manque de sang qui m’empêchera de chevaucher ! railla Jean-Mars. Qu’est-ce que tu attends, planté là à me regarder avec des yeux de merlan frit ?
-J’ai pourtant cru que ce damné tireur vous avait atteint !
-La balle n’a frappé que la sangle de cuir, ce qui m’a déséquilibré et m’a fait...
-Tomber. Je comprends, conclut le Montagneux.
-Et bien… en selle, Stradacona ! fit Torrieux avec fougue. J’ai bien peur que nous ne serons pas trop de deux pour atteindre Naguère.

Ainsi, c’est sur cette note d’espoir que les deux compagnons chevauchèrent sur le sentier de terre battue menant vers les basses-terres de Vertegarde.

***

-Et dire qu’autrefois cette seigneurie s’étendait jusqu’au fleuve… murmura un Stradacona songeur en observant les environs.
Déjà deux heures de voyage, et Vertegarde n’avait pas plus de vert dans ses feuillages que d’âme qui vive dans ses contrées désertiques. Tout n’était qu’une étendue maussade de marécages d’un grège mat et de petits oiseaux pêcheurs voletant entre les quenouilles défraîchies. La seigneurie du défunt Chevalier de Vertegarde avait bien piètre allure, même vingt ans après la terrible bataille qui avait ravagé ses champs par le feu, le viol et la meurtre.

-C’est plutôt sinistre, comme endroit, observa l’officier en s’étirant le dos. Mais il faut passer par là si nous voulons sauver une bonne journée de trajet. Les Angles ont toujours hésité à mettre les pieds ici, et ça m’étonnerait fort qu’ils aient le culot de nous poursuivre jusque dans cet endroit désolé.
-Mon père me parlait de cet endroit quand j’étais petit, se souvint l’autochtone à voix haute. Beaucoup d’Hurlous sont morts ici, je sens encore leurs esprits qui hésitent à rejoindre le grand Atpah.
-Vous autres Montagneux n’aimez guère ces sauvages, si ma mémoire est bonne ?
-Les Hurlous-les-Loups, comme on les appelle dans ma langue, sont des hommes violents et brutaux, mais comme nous ils sont d’ardents protecteurs de la nature. Je crois qu’Atpah souffre pour chaque vie que l’on prend en son nom, fut-elle hurloue ou non.
-N’oublie pas que ce sont des Francs qu’ils ont massacré, les femmes comme les enfants, grinça Jean-Mars en grattant sa tête dépourvue de son habituel tricorne.
-Vous savez ce que j’en pense, mon ami, répondit l’indigène avec le sourire le plus aimable au monde et un léger pincement au cœur.

Les chevaux étaient nerveux. Quelques corneilles croassaient, perchées sur les branches squelettiques des rares arbres qui osaient pousser dans ce sol argileux et inondé. Cette sensation d’être absolument seuls au monde commençait également à miner les deux soldats. Seuls, l’étaient-ils vraiment, après tout ? Que pourrait-il se cacher dans les buissons, dans les hautes herbes ? Torrieux ne connaissait que trop bien cette sensation de paranoïa ; elle lui avait sauvé la vie à bien trop de reprises pour qu’il ne s’y abandonnât pas en toute liberté de conscience.

Ils continuèrent ainsi durant une bonne heure, la peur au ventre et le mousqueton à la main. C’est alors qu’un macabre spectacle s’offrit à eux dans toute son horripilante simplicité.
-Qui est-ce ? demanda discrètement l’homme à la peau cuivrée.
-Baufallon, le pauvre, réalisa l’autre en devenant livide.
Le cadavre de Baufallon, déjà rongé par le temps et les amateurs de charogne, était cloué sur un large totem en bois, sa mâchoire crispée dans une dernière expression de terreur.
-On a dû l’embusquer et… Bon Dieu, il ne s’est jamais rendu à Naguère. Ça explique bien des choses, continua-t-il. Les Angles auraient donc réussi à se rendre si loin ?
-Je ne crois pas, mon Capitaine. Il y a un ancien cimetière hurlou, si ma mémoire est bonne. Se pourrait-il qu’ils soient revenus après toutes ces années ? suggéra Stradacona, parcouru d’un frisson.
-Je crains que Baufallon ne nous en dise pas plus, se rembrunit Torrieux.

Soudain, un cri résonna dans l’immensité esseulée de Vertegarde : « Ha-kou ! » dit-elle en semblant invoquer on-ne-sait-quoi. Les chevaux s’ébrouèrent, leurs oreilles pointues dressées et alertes. Les doigts chatouillant la gâchette de son mousqueton, Jean-Mars scruta les hautes herbes, les fossés gorgés d’eau brune… Enfin, il aperçut le boisé de pins qui se dessinait progressivement sur l’horizon. « Ha-kou ! » répéta la voix, suivie d’une grave et menaçante huée. On aurait dit des centaines de terrifiantes bêtes sauvages hurlant à l’unisson.
-Que disent-ils, Stradacona ?
-À mort, à mort, répondit l’autochtone, livide.
-Ils vont nous encercler d’un moment à l’autre, j’en vois qui sortent de partout ! En arrière ! ordonna le Franc.
Nago resta d’un calme surnaturellement marbreux.
-Non, fit-il simplement.
-Non ? s’étonna l’autre. Allons, nous pourrons encore faire le détour si nous arrivons à les distancer. Allez !
-Nos montures sont fourbues, nous n’irons pas loin qu’ils auront déjà nos têtes fichées sur des pieux.
-Ils s’amènent, regarde. C’est du suicide que de s’attarder ici !
-Il faut les charger, Capitaine.
-Les charger, as-tu perdu la tête, soldat ? Insensé !
-Faites-moi confiance, j’ai dit.
-Nous nous ferons abattre comme des lapins.
-Croyez-moi, ils n’oseront pas nous tuer, de peur de ne pas pouvoir nous sacrifier à leurs idoles.
-C’en est trop ! Tais-toi, imbécile !
-Cette fois-ci, je jure que vous allez m’écouter, au nom de votre honneur ! clama violemment l’indigène en s’empourprant, ivre d’une colère surgissant d’un distant passé. Suivez-moi, pour l’amour d’Atpah. Je vous en supplie !
-Sois maudit, bâtard de Montagneux ! Vers les bois, dans ce cas ! tonna Torrieux en éperonnant violemment son étalon.

***

Les deux hommes avancèrent à bride abattue vers la centaine d’Hurlous sortis de nulle-part. Les balles sifflaient autour d’eux sans les atteindre, mais ils n’en n’avaient cure. Les balles ne seraient pas pires qu’une banale égratignure en comparaison avec l’infernal sort réservé à Baufallon. L’ennemi approchait au grand galop, comme une marée de peaux-cuivrées s’apprêtant à immerger deux petites coquilles de noix. Les haches de guerre scintillèrent à la lumière de l’aube qui se levait ; écarlates comme le sang. Les deux cavaliers aux tuniques blanches épaulèrent leur mousqueton, puis tirèrent. Sans perdre un instant, ils vidèrent ensuite leurs pistolets sur la masse clairsemée d’Hurlous.

C’était un de ces moments d’éternité où le temps n’est plus qu’un vague rêve ou un artifice. Les sabots grondaient sourdement contre le sol, le vent giflait la longue tresse de cheveux noirs virevoltante de Stradacona, le chien du pistolet de Torrieux mordait à pleines dents dans le percuteur enfumé… Tout n’était plus qu’un torrent de violence sur le point de tout engloutir.

Au dernier moment avant le contact final, Brunante jaillit du fourreau du capitaine, prête à faucher, prête à donner la mort à ceux qui auraient l’audace de défier le destin.

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Message  Invité Dim 14 Juin 2009 - 6:25

Je suis toujours stupéfaite de m'intéresser à cette histoire, moi que les récits de guerre et d'aventure indiffèrent ! Le style, quoi. Grand bravo.

Quelques remarques :
"Malheureusement, sa déception fut telle qu’il n’y avait personne sur la selle" : on a l'impression que c'est parce que la déception du personnage est immense qu'il n'y a personne sur la selle, ce qui ne fait pas sens
"Tout n’était qu’une étendue maussade de marécages d’un grège mat et de petits oiseaux pêcheurs voletant entre les quenouilles défraîchies." : j'adore ! Une phrase simple, très expressive.
"La seigneurie du défunt Chevalier de Vertegarde avait bien piètre allure, même vingt ans après la terrible bataille qui avait ravagé ses champs par le feu, le viol et le (et non la) meurtre."
"-C’est plutôt sinistre, comme endroit, observa l’officier en s’étirant le dos. Mais il faut passer par là si nous voulons sauver une bonne journée de trajet. Les Angles ont toujours hésité à mettre les pieds ici, et ça m’étonnerait fort qu’ils aient le culot de nous poursuivre jusque dans cet endroit désolé.
-Mon père me parlait de cet endroit quand j’étais petit" : la répétition se voit, je trouve
"fût-elle hurloue ou non."
"C’est alors qu’un macabre spectacle s’offrit à eux dans toute son horripilante simplicité." : "horripilante" signifie certes, littéralement, "qui hérisse le poil", mais on l'entend plus couramment dans le sens d'"exaspérante" ; l'adjectif est donc bizarre dans le contexte
"Nago resta d’un calme surnaturellement marbreux." : on n'a pas l'habitude de voir employer "marbreux" au sens figuré ; là aussi, l'expression est bizarre je trouve

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Message  Peter Pan Dim 14 Juin 2009 - 8:08

Bonjour Charly_Owl,

je ne sais si je pourrais lire toute votre épopée aujourd'hui, alors je vais commenter ce que j'ai déjà lu.

L'introduction (avant le premier chapitre) m'a de suite plongé au coeur de l'action. Les phrases courtes donnent un rythme trépidant au récit, pas le temps de s'ennuyer. Malgré la violence de la situation vous arrivez tout de même à glisser quelques phrases qui font sourire et dédramatisent l'ensemble (enfin c'est ce que j'ai ressenti).

les soldats semblent trop occupés à se faire tuer pour y prêter attention

L'image qui m'est venue en lisant cette phrase est issue de l'oeuvre d'un autre écrivain n'ayant jamais publié sur VE (peut-être un peu timide). Je me permets toutefois de le citer en espérant qu'il ne m'en tiendra pas rigueur :
- Fichtre! dit Gavroche. Voilà qu'on me tue mes morts.

lui servira de tombe. L’oriflamme tombe au sol

Peut-être l'une des répétitions de "tombe" aurait pu être remplacée par un synonyme, surtout qu'il y avait "hécatombe" un peu plus haut.

Voilà, je n'ai lu que votre premier envoi mais c'est très prometteur ; la batterie de mon portable s'essoufflant, je ne peux malheureusement lire la suite mais comptez sur moi pour le faire aussitôt que ce dernier aura retrouvé son "cathéter" !

A très bientôt donc...
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Message  Peter Pan Dim 14 Juin 2009 - 8:28

Ah oui j'oubliais, quel étourdi ; pendant que mon portable est encore au stade de l'agonie (ne cherchez pas sur Wikipédia ou autre, ce n'est pas un stade de foot !)

Je pris moi-même volontairement le titre d'une oeuvre d'Emile Zola pour écrire un sonnet alors je tenais à vous signaler que le vôtre est déjà pris par Stefan Zweig, quoique cela soit discutable puisque le sien est : « Die Wanderung »

Je vous laisse seul juge et m'en vais pleurer la énième mort de mon portable ; je vous lis dès que possible, bon dimanche à vous.
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Message  Loreena Ruin Dim 14 Juin 2009 - 10:17

Nom d'un têtard ! Je ne voudrais pas faire ma grenouille, directement issue de la mare, mais ... il y a pas mal à revoir, rien que dans la première sous-partie de ce chapitre : ponctuation + quelques expressions qui... ne veulent presque rien dire XD. Je vais donc les faire les unes après les autres, par petits détails. J'espère que ça t'aidera.


Mort, le capitaine Torrieux . (ici j'aurais plutôt vu un cadratin ou un point virgule, question de rythme...) Nago Stradacona ne pouvait toujours pas le croire. Il avait beau regarder vers l’arrière des bois, et même plus loin vers le Meuron, mais(=> il n’y (ne) restait plus qu’un macabre et pesant silence bleu nuit. Sa monture renâcla bruyamment, tapant le sol d’un sabot nerveux. Stradacona tira fermement la bride vers lui, tâchant de maîtriser la bête. « W’oh, oh ! » [ici un retour à la ligne serait bienvenu]Comment le capitaine avait-il pu mourir ? Pourquoi avait-il mené une sortie presque suicidaire sans n’en avertir personne ? Pourquoi avait-il cherché à fuir le combat ? (retour à la ligne possible, pour insister sur l'idée Ce n’était pas le Jean-Mars Torrieux qu’il avait connu. Du tout.(mouais, un peu superflu ça ;-)) Nago sentit une bouffée de chaleur fiévreuse lui monter à la tête, remplie de vieux souvenirs brouillés (niéh, ça fait un peu bcp de qualification, compléments etc... attention !.

En un instant, les couleurs des forêts rajeunirent et le soleil redora l’Épicentrée de son enfance. Il se souvint des tentes d’écorce en bordure du fleuve où la truite y était abondante. Jean-Mars n’était plus qu’un jeune adulte (homme ?) lorsqu’il passait ces longs étés adolescents (si tu dit "jeune homme" ou "jeune adulte", adolescent fait un peu redondant) à fumer le calumet en compagnie de Stradacona et de sa sœur Mée. C’était (là ça fait vraiment début d'un conte, j'ai rien contre mais dans le contexte, c'est un tout petit peu maladroit, pourquoi ne pas écrire : "Une époque où tout n'était que fraîcheur et temps perdu..."une époque où tout n’était que fraîcheur et temps perdu. Les Francs montraient fièrement le maniement de leurs armes et tiraient la perdrix aux côtés des nomades Montagneux. Les enfants plus jeunes, eux, traquaient le castor près des digues en aval du Meuron. Les adolescents et adolescentes, Francs comme Montagneux, expérimentaient toutes les formes de communication possibles et imaginables, allant du langage parlé au chaleureux langage du corps. Néanmoins, Jean-Mars était le seul à délaisser la naïveté passionnée des jeunes filles pour bien vouloi (aller) fumer le calumet avec le jeune Stradacona. La fumée argentée s’échappait de sa barbe noire, fournie et rebelle à l’époque, et son sourire moqueur laissait entrevoir une amitié aussi solide que le Mont de la Vie lui-même.

À présent, le passé était mort. Il s’était consumé en quelques coups de fusils. Le grand Montagneux hésita… devait-il faire marche arrière et lutter avec ses compagnons Francs du fort ? Que pourrait-il faire, seul contre une armée de tuniques noires sans pitié ? Il connaissait son devoir. Comme (=quand ?/lorsque ?, le comme fait assez bizarre ici) tous ces autres hommes tombés, il avait été prévenu et avait juré sur son honneur d’accomplir sa mission. « Rappelez-vous que sur l’autre rive, c’est chacun pour soi. » avait dit l’officier. « Ne vous retournez sous aucun prétexte… L’échec… arrêt de mort… bien plus encore. » [un retour à la ligne serait bienvenu encore] Il devait oublier le Gué de Noeudy. Il devait utiliser sa douleur pour le bien de tous, canaliser ses énergies en fonction d’un seul objectif : Naguère. La plus importante ville coloniale du Royaume des Francs représentait le seul espoir pour Fort Épicentrée qui pourrait => pouvait tomber du jour au lendemain.

Soudain, un faible hennissement troubla le silence des lieux. Le cœur de Stradacona ne fit qu’un bond : c’était l’étalon noir du capitaine. Il éperonna agressivement sa jument pour se diriger vers (rejoindre ?) le cheval noir qui sortait d’entre deux buissons. Malheureusement, sa déception fut telle qu’il n’y avait personne sur la selle (XD LA phrase qui veut rien dire ! => "A sa grande déception, il n'y avait personne sur la selle..." : du coup le cavalier disparu est superflu, on avait compris ! ; le cavalier avait bel et bien disparu. Alors que le mélancolique Nago était sur le bord de la crise de nerfs, un miracle se produisit sous la forme la plus sacrilège au monde : un juron à faire friser les oreilles du plus « gigon » des charretiers. (très mal dit) Car en fait (absolument inutile, en plus ça gâche l'effet de surprise, deux points seraient plus appropriés, sur le sol traînait Jean-Mars, couvert de boue et d’une épaisse couche de crasse poussiéreuse (bon, il est sale, ok, mais n'en rajoutons pas : "couvert de boue et de crasse", ça suffit, non ?. La seule chose qui le retenait à son cheval malgré la chute qu’il avait fait ("malgré sa chute", ce serait déjà mieux, et puis ne pas le mettre du tout, c'est pas mal non plus : on avait compris), c’était cet(= oh le vilain étrier ! attention au pronom démonstratif qui fait bizarre ici, comme si tu personnifiait l'objet) étrier de cuir enroulé autour de sa jambe. Le Montagneux accourut vers son chef sorti tout droit de l’enfer (= encore une fois : n'en rajoutons pas, ça alourdi ! tu peux le supprimer ! pour l’aider à se relever.
-On devrait pendre la vermine avec des étriers plutôt que du chanvre ; on y laisse presqu’aussi souvent sa peau ! grommela Torrieux sans son éloquence habituelle.

Une fois remis sur pied, l’officier tenta de se relever, mais sans grand succès car (j'aime pas les "car", un point virgule ou un cadratin serait bienvenu !) il perdit l’équilibre et se retrouva face contre terre.
-Laissez le sang circuler, mon capitaine, suggéra le soldat.
-Je laisserai mon sang circuler lorsque nous n’aurons plus les Angles aux trousses, s’énerva-t-il. Dépêchons-nous, il faut partir !
-Mais votre jambe ! s’inquiéta Stradacona.
-Si j’ai pu supporter de me faire traîner en laisse par mon tendre mollet, tirer par un étalon de guerre affolé et me faire rosser les côtes par les cailloux de la route… ce n’est pas un petit manque de sang qui m’empêchera de chevaucher ! railla Jean-Mars. Qu’est-ce que tu attends, planté là à me regarder avec des yeux de merlan frit ? (j'adore XD)
-J’ai pourtant cru que ce damné tireur vous avait atteint !
-La balle n’a frappé que la sangle de cuir, ce qui m’a déséquilibré et m’a fait...
-Tomber. Je comprends, conclut le Montagneux.
-Et bien… en selle, Stradacona ! fit Torrieux avec fougue. J’ai bien peur que nous ne serons (= soyons, non ? pas sûre du temps, sinon pour faire plus simple tu mets : "Nous ne serons pas trop de deux..." pas trop de deux pour atteindre Naguère.

[/color]Ainsi,(complètement inutile ça) c’est sur cette note d’espoir que les deux compagnons chevauchèrent [color=green]sur le sentier de terre battue menant (lourd et pas tout à fait utile) vers les basses-terres de Vertegarde.

Un peu écrit à la va-vite tout ça, non ? J'ai enfin des trucs à dire ! Tu l'as fait exprès pour me faire plaisir (ou juste pour me donner du boulot ? grrr) ?

Je lis la suite et je reviens.
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Message  Loreena Ruin Dim 14 Juin 2009 - 10:23

Ah ! c'est mieux : l'action te réussit toujours plus, on dirait XD ! Juste deux détails :
mais ils n’en n’avaient cure
et
Tout n’était plus qu’un torrent de violence sur le point de tout engloutir.

Voili voulou, à bientôt !
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Message  Loreena Ruin Dim 14 Juin 2009 - 10:25

Je suis fatiguée moi maintenant... vais aller m'attaquer à mes propres crapauds dans ma mare à moi.
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Message  Charly_Owl Sam 20 Juin 2009 - 13:18

-Chapitre IV-
(suite et fin)





***

Lord York était un de ces hommes à qui la nuit n’apporte ni conseil ni sommeil.

Il s’attabla à son bureau du Quartier Général angle, seul, las et troublé. La lumière ambrée d’une lampe à huile posée sur la table révéla son visage pâle au nez aquilin ainsi que ses minces cheveux bruns atteints d’une calvitie précoce, surtout pour un homme entrant dans la trentaine. Sûrement il y avait plus d’une raison pour qu’il perdre ses cheveux : la fatigue, le stress, le poids de la commanderie… et cette nuit bouleversante lui avait apporté cette ridicule tremblote aux poignets. Il songea encore à ce terrible Franc et ses damnés compères qui avaient tenté une sortie au Gué de Noeudy, puis à Howe qui n’avait pas même eu le temps de croiser le fer avant de rendre l’âme. La douleur lancinante aux côtes du général lui rappelait, comme le juteux coulis de pus sur ses bandages, la détermination amère des assiégés. Rougeous, ne pouvant évidemment pas se confier à ses hommes ou à son état-major qui diminuait de jour en jour, décida donc d’écrire à un vieil ami de l’Ancien-Monde. Il ouvrit un tiroir coulissant avec grand-peine pour y trouver une plume, du papier et de l’encre.

Il tira la langue, puis rédigea cette lettre avec son écriture du dimanche.

« Votre Éminence Romuald II de Maslondre,

J’ai envoyé ce cher Abercrombie vous porter cette lettre dans le but qu’elle ne soit lue que de vous seul, car je n’ai plus confiance en nos long-courriers depuis vous-savez-quel triste incident de Rogueshire. Mais qu’importe, j’ai une confiance absolue en les capacités de ce brave Abercrombie, et vous seriez fortement aimable de le remercier de son dévouement. Vous comprendrez, votre Éminence, que son voyage aura été long et que les voies maritimes ne sont plus sûres, malgré force galions déployés par Sir le Ministre de la Marine. Vous remarquerez que cet homme, vêtu de haillons noirs et se servant de sa carabine comme d’une canne, a un aspect particulièrement ridicule. D’ailleurs, j’apprécierais que vous ne le jugiez pas avec trop de hâte. Si c’est lui que j’ai mandaté pour vous faire parvenir cette missive, c’est pour une raison bien précise, et comme je suis un homme de franchise je vous fais part de ma requête : je désirerais que vous lui apportiez votre protection. Vous n’êtes pas sans savoir que votre influence seule suffirait à faire canoniser la plus impie des perchaudes. Voyez-vous, c’est que ce jeunot a perdu ses deux frères, indirectement par ma faute, et j’ai eu pitié de lui. Il n’a plus de parenté chez qui vivre ou correspondre, or sa famille croupit présentement dans une cellule à Tyburn. Vous comprendrez, cher Romuald, que l’identité de son père suffirait à l’amener à la potence. Aussi ai-je l’audace de vous demander de lui accorder le gîte et de le faire entrer dans les ordres par la suite. Je sais que c’est bien peu usuel de demander ce genre de choses à un homme d’Église aussi droit que vous, mais je n’ai pas pris cette décision à la légère. Il n’est tout simplement pas fait pour être soldat, à l’opposé de son père qu’un tour du destin vous a forcé à connaître. C’est un homme passif, intelligent mais horriblement dégoûté de la violence. Il n’a pas sa place ici, aux côtés d’une armée de professionnels telle que la nôtre, et je crois que l’Église saura mettre ses forces à profit.

Je vous écris la main lourde et l’œil vitreux ; le commandement de la troisième Armée Australe ne me laisse que guère trois ou quatre heures de sommeil par nuit depuis le début de la guerre. Sachez néanmoins que le siège — dont vous aurez bientôt des nouvelles— va bon train, malgré les rapports de pertes qui arriveront sous peu à Maslondre. Je vous mets dans la confidence, mon ami, car bien des choses ne sont pas dites comme elles devraient l’être sur le rapport. Prenez le fils du Baron de Drymouth, Gerard (qui venait tout juste de passer la mi-vingtaine)… bien qu’il soit classé dans la liste des blessés, sachez que le pauvre a succombé cette nuit lors d’une sournoise sortie des Francs que nous assiégions. Ils se sont retranchés dans une forteresse qu’ils appellent Fort Épicentrée, sur la rive sud d’un grand fleuve dit Meuron. C’est d’ailleurs par ce fleuve que nos renforts arriveront, comme vous le savez probablement déjà, car il donne un accès direct à l’océan. Jusqu’à maintenant, nous avons lancé quatre assauts frontaux sur les ordres tout droits venus de Maslondre, mais malheureusement chacun s’est soldé par un échec cuisant, que je qualifierai plutôt de massacres. J’en suis à un point où mon État-Major n’a plus confiance en mes capacités, et je n’ose même plus me promener sans mes gardes du corps. Certains sont prêts aux pires lâchetés pour prendre le commandement, et mener le corps entier à sa perte pour un peu de prestige personnel. Rassurez-vous : aussi longtemps qu’une balle ou un sabre ne m’aura pas traversé le cœur, je ne laisserai jamais mes braves à la merci de l’orgueil mal placé de ce bouffon de Bazenstein, cet insipide Roke ou encore ce stupide bureaucrate de Strafford. Ces pleutres complotent, j’en suis à présent certain, et je crains fort que le cœur de cette armée ne se scinde si ces trois mécréants crachent leur venin trop longtemps. Et Dieu sait ce qu’un mutin peut commettre lorsqu’il nage dansa le doute.

Les hommes sont démoralisés. Il y a tant de bons soldats, de visages familiers qui ont donné leur vie… en vain. Le jeune Flanigan, si vous vous rappelez cet adorable petit démon qui « communiait » dans l’eau bénite de votre Éminence, est tombé il y a trois semaines, l’étendard régimentaire dans les bras. Que Dieu damne l’opulente Maslondre et ses ministres incompétents, ses intellectuels bouffis d’orgueil mal placé et ses ordres insensés. J’ai bon espoir que Sa Majesté prendra les choses en mains, ou qu’un nouveau ministre saura mettre une tête sur les épaules du Cabinet. Ah, j’oubliais ! j’ai entendu dire que Lord Joshua Turtleneck se présentait au Parlement, — ce ne sont que des rumeurs, à ce qu’on m’a dit— et j’ose espérer que vous lui apporterez votre soutien. Je le connais personnellement, et c’est un brillant gaillard qui a déjà fait ses preuves. Dieu me pardonne, je m’éternise tant lorsque je parle politique !

Enfin, je tenais à vous communiquer une nouvelle optimiste malgré tous les malheurs qui ont frappé notre camp. Je ne désespère pas, car le diable est avec moi, votre Éminence.

J’ai enfin pu développer un plan, et j’ai le cran de le prétendre infaillible. En fait, nous avons trouvé quelque chose de fort intéressant dans de vieilles mines désaffectées près du campement : un système de tunnels passant sous la montagne elle-même, donc sous les fondations du bastion. Nos ingénieurs travaillent sur une sape méthodique qui sera prête très bientôt. Les Francs ne savent pas ce qui les attend, préférant se terrer dans leur fort en espérant que nous foncerons tête baissée une fois de plus vers la mort. Cette fois, ils se trompent. D’ici moins d’une semaine, le fort sera nôtre, et les colonies franques arboreront les armoiries de la maison de Sa Majesté.

Mais tous ces détails ennuieront probablement Votre Éminence. Je vous révèle donc un secret qui vous intéressera — je l’espère— au plus au point. Derrière les murailles de l’Épicentrée se trouve un homme que nous croyions tous deux éteint depuis un certain évènement qui vous reviendra assez vite en mémoire. Cet homme, il est à ma merci, et il n’y a plus que quelques tranchées qui nous séparent, lui et moi. Son nom, Sir Romuald, est Frontenac. Oui, parole d’honneur, après toutes ces années, nous l’avons enfin retrouvé. J’ignore comment, ni pourquoi il s’est ramassé dans ce coin désolé du Nouveau-Monde, mais j’espère y trouver des réponses d’ici la prochaine lettre que je vous ferai parvenir. Je mènerai mon enquête, ne craignez point un manque de dévouement de ma part.

Sur ce, Éminence, j’espère être toujours digne de votre amitié, en plus de votre sainte bénédiction.

Votre dévoué et ami Lord Rougeous York, commandant de l’Armée Aust. III

Post Scriptum : Howe est mort ce matin. Je ne l’ai pas encore recensé dans la liste, mais j’espère que vous pourrez annoncer diplomatiquement la nouvelle à qui-vous-savez avant qu’elle ne l’apprenne par une Lettre Noire. »


Puis Lord York posa sa plume sur son socle. En avait-il trop dit ? Non, sûrement pas. C’était plutôt l’inverse ; Sir Romuald II se douterait évidemment du chaînon manquant, de cette parenthèse laissée « négligemment » entr’ouverte. Malgré un léger pincement au cœur, Rougeous fit confiance à son intelligence plutôt qu’à sa conscience en cachetant la lettre.

Après tout, rien ne valait le luxe d’un secret bien gardé.

***

Le capitaine Torrieux gisait au sol, sonné. Un kaléidoscope d’images rougeoyantes tourbillonnant dans sa tête, mais les souvenirs emmêlés semblaient indéchiffrables. Il sentit l’herbe lui chatouiller la nuque, de la terre étendue partout sur son corps, et bien entendu de lancinantes courbatures. Était-ce fini? Le repos avait-il réellement une consistance si évanescente? Non. Personne ne songe au repos lorsqu’il sent le contact froid du métal contre son front et une main plaquée contre son torse. La vision de l’officier franc tournoya jusqu’au vertige, puis au dernier moment tout fut clair et limpide. Un visage couvert de plumes blanches le toisait, criant à gorge déployée. Des peintures de guerre bleutées ornaient les traits creux de sa figure aux yeux injectés de haine. La lame glissa contre le cuir chevelu du Franc, mais dans un subit accès de fougue Jean-Mars envoya un solide coup de genou dans les côtes de son agresseur. Instinctivement, ses mains atteignirent ses pistolets ceints à sa ceinture et d’une simple détente se débarrassa du gêneur désormais refroidit.

Torrieux se releva à l’instant même, puis réalisa avec frayeur la gravité de la situation. Son étalon reposait mort sur le sol, une patte encore dressée vers le ciel, et Stradacona, quant à lui, était occupé avec trois Hurlous avec qui il luttait furieusement. Plusieurs dizaines de sauvages se précipitaient vers lui en hurlant d’une langue inconnue et barbare, leurs silhouettes découpées par les vieux pins de la forêt. L’officier chercha désespérément de l’aide, un signe d’espoir, un miracle, qu’importe!

Subséquemment, un éclat de métal luit dans l’herbe; c’était la fière Brunante couverte d’écume pourpre. Torrieux l’empoigna avec force et fermeté, puis chargea vers la masse de cavaliers s’apprêtant à le piétiner vivant.
— Patrie ! hurla Jean-Mars en happant un Hurlou d’une flanconade au passage. À peine l’indigène désarçonné que le métal tournoya dans l’air, puis fit face à une autre bravade. Brunante goûta la chair à nouveau ; un bras embroché bien comme il faut, cette fois. La lame faucha sans merci, lacéra, para pour ensuite blesser des façons les plus vicieuses.
— Tue! Tue!
La vie fila des tripes des poursuivants abattus par les deux compagnons et les Hurlous n’en furent que plus ébahis d’une telle bravoure. Stradacona, quant à lui, maniait le grappin comme lui seul savait le faire. D’une main il tenait la corde en chanvre, de l’autre il faisait tournoyer un lourd crochet de fer dans les airs. Visant un des attaquants montés, il tendit les muscles de son bras tout en fléchissant les genoux. Le crochet s’envola, mu par la rotation apportée par le poignet de Hago, puis s’accrocha à l’arçon de la selle de son malheureux adversaire. Celui-ci s’écrasa lourdement contre le sol lorsque l’indigène franc eût tiré de toutes ses forces. À peine avait-il heurté le sol que Jean-Mars éventra l’infortuné d’un rapide coup de rapière. Néanmoins, le grand Montagneux avait toujours de la hargne à revendre. Il réarma son grappin, visa une nouvelle proie et cette fois-ci l’assomma du plat du crochet. Profitant du déséquilibre de son adversaire, il se précipita sur lui, une longue dague au poing, et le poignarda brutalement malgré ses couinements suppliants. Rien ne l’arrêtait : « Ils » avaient tout détruit, et méritaient bien pire que la mort. Car en fait, c’était pis que de la rage qui bouillonnait dans ses veines. La colère, comme tous les vices qui font parfois un bon soldat, aveugla le Montagneux qui, à sa déveine, ne vit pas cette hache lancée vers lui.

Stradacona poussa un puissant cri de douleur lorsque le tranchant de l’arme se planta dans son épaule. Il tituba, grandement affaibli par ce bras en moins qu’il pourrait bien ne plus jamais utiliser. Puisant parmi ses dernières forces, il dégaina son mousqueton de son manteau blanc-gris souillé de taches brun-rouge. Sa main tremblait, le canon brûlait encore de vapeurs laiteuses. Ce qui aurait dû être un coup de feu retentissant s’avéra un clic pathétique.
— Sangdieu! Vide!
Et une pointe de lance lui érafla les côtes.

Les assaillis s’essoufflèrent peu à peu, perdirent du terrain malgré leur résistance acharnée, et enfin se retrouvèrent dos-à-dos, couverts de sang et encerclés d’un véritable mur de lances, de fusils et de haches. La bataille tournait en la défaveur des Francs, et aucune aide ne pourrait leur parvenir. Électrisé par une soudaine poussée d’adrénaline, Jean-Mars extirpa d’un sec mouvement de poignet —arrachant par le fait même une plainte déchirante à Hago— la hachette de l’épaule de son frère d’armes, puis d’un lancer foudroyant l’envoya fracasser un crâne cuivré. Mais cette dernière mort fut futile, n’embrasant que plus fort l’excitation des Hurlous.

— C’est fini, s’avoua le capitaine à lui-même.
— Non, nous sommes sauvés, dit Stradacona.

Les Hurlous n’attaquaient pas. Tous avaient les yeux rivés vers les hauteurs des pins. Une forte odeur de résine satura subitement l’air ambiant. Les agresseurs restaient toujours immobiles, là à fixer du regard les crânes blancs attachés aux branchages sertis de plumes bleues et vertes. Ils reculèrent pas à pas, pour ensuite prendre la fuite de la façon la plus inexpliquée qui soit. Le Franc ne comprenait plus rien, et le Montagneux riait à gorge déployée malgré ses graves blessures.
— S’il se trouve, je pourrais mourir en paix ici même comme bon me semble, plaisanta l’indigène qui perdait progressivement connaissance.
— Tais-toi, imbécile! Relève-toi, on ne tombe pas le jour d’un miracle de Dieu! tonna Jean-Mars. Je te défends de pâlir comme ça, lâche!

Stradacona pâlissait à vue d’œil; il perdait son sang rapidement.
— Ce n’est pas ton Dieu qui nous a sauvé… murmura-t-il. C’est le mien.

Puis un vent sec et chaud souffla sur le cimetière hurlou. Naguère ne semblait déjà plus si lointaine.

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Message  Charly_Owl Sam 20 Juin 2009 - 13:22

Bon alors comme vous l'avez probablement lu dans la fin du Chapitre IV, j'ai encore quelques problèmes de structure à régler. Je me suis gratté le coco toute la semaine, mais je suis certain que ça n'a pas suffit. Pour me faire pardonner, j'ai eu la fantaisie de ré-écrire le prologue d'une façon plus claire et mieux dosée. Le voici, et j'espère qu'il vous plaira un peu plus que le précédent prologue.

***


-Prologue (ré-écriture)-
-Frontenac d’Épicentrée-




-Siège de Fort Épicentrée, jour treize-

— Frontenac!
L’écho tonitruant de ce nom résonna à-travers l’immensité glaciale des montagnes de l’Épicentrée. Puis le silence tomba comme une condamnation à mort.
— Le sang de ton père crie vengeance! Montre-toi, lâche… et réponds de tes crimes!

Flanigan marqua une pause, puis frissonna. La bise du Nord lui gelait les entrailles, et la nervosité parcourait son corps meurtri par les privations qu’engendre inévitablement la guerre. Il ferma les yeux, prit une grande inspiration et laissa l’air pur des altitudes s’engouffrer dans ses poumons. Une fiévreuse sensation de bien-être l’enivra, sans qu’il songeât aux desseins du hasard qui l’avait amené dans un endroit si reculé, si perdu et si… grandiose. Devant lui se dressaient les imposantes murailles de Fort Épicentrée. Ses yeux se posèrent pour la énième fois sur les gigantesques troncs d’arbres criblés de mitraille qui constituaient ce bastion prétendu imprenable.

Soudain, un vacarme assourdissant ébranla les fondations du fort. Des dizaines de langues de feu jaillirent des murs, mues par l’artillerie qui fracassait la quiétude des montagnes d’une furieuse canonnade. Flanigan plaqua ses mains contre ses oreilles, épouvanté par une telle puissance de feu. Aussitôt le concert infernal terminé, il réalisa qu’il ne s’agissait que d’inoffensifs tirs à blanc. C’était là un avertissement qui avait de quoi faire réfléchir. Stupéfait, il vit les embouchures de dizaines de canons ancrés dans les murs de la forteresse qui pointaient vers lui, de la vapeur s’échappant de leurs menaçantes gueules d’acier. Outre la multitude de tranchées et de barricades hérissées de pieux acérés, son attention se tourna vers les deux énormes tours en pierre garnies de meurtrières qui gardaient l’accès aux lourdes portes de fer derrière lesquelles se terrait ce Frontenac tant redouté.

— L’heure de ton jugement a sonné! scanda Flanigan d’une voix de Stentor.

Silence. Un long moment passé, les portes grincèrent avec lenteur. Flanigan bomba le torse, bien que l’effort enflammât ses membres de douleur. Combien de temps était-il resté debout à attendre? Il ne savait plus… Comme le sang commençait à figer dans ses membres, il brandit son étendard comme l’exigeait son devoir d’enseigne-chef. L’oriflamme, une simple pièce d’étoffe de couleur pourpre attachée à une hampe en chêne, claqua violemment. Le soldat tout de noir vêtu tressaillit, puis baissa la tête, incertain de la suite des événements. L’ennemi était fourbe : il serait capable de tout. Le sol était couvert de neige fondante sur laquelle reposaient de fines flaques d’eau reflétant un ciel acier. Comme le printemps approchait à grands pas, la boue faisait surface par endroits. Cette vision hanta Flanigan, lui rappelant tous ses compagnons tombés lors des tentatives d’assaut précédentes, les milliers d’os gris dormant sous ses pieds ainsi que la multitude de cadavres ensevelis sous la neige. Il se souvint de leurs visages glauques aux yeux brillant de mille regrets, frémissant sans s’en rendre compte.

Enfin, un homme habillé d’un justaucorps militaire albâtre marcha vers lui et s’arrêta tout juste à portée de fusil. Il était coiffé d’un tricorne de feutre subtilement placé de façon à voiler son regard.
— Un Angle est mal placé pour me traiter de criminel. Dieu! C’est bien mal me connaître que d’oser prétendre que je puisse me rendre sans combattre! répondit-il.
— Quel honneur y a-t-il à sacrifier un peuple en son propre nom? C’est là le privilège des rois, et Dieu m’est témoin que rien ne vous sied plus mal que la majesté, Frontenac. Regardez vos hommes, et ayez pitié de leur âme! implora l’émissaire en uniforme noir.
— Vous parlez de pitié, peste! Est-ce là la même pitié que vos semblables ont montrée à tous ceux qui ont péri sous le poids vos armes? À nos femmes, à nos fils et filles, aux vieillards qui vous ont supplié à genoux? Assez de mensonges, personne n’y croit plus! hurla le Franc avec rage.
— Vous faites là une belle folie à condamner ainsi votre garnison! l’attaqua Flanigan. Rendez-vous, et nous vous garantirons à tous notre protection. Ce sont là les termes que nous vous offrons.
— Votre protection, parbleu? La mort m’est plus douce que la servitude que vous nous offrez! La mort, s’égosilla Frontenac avec grandiloquence, la mort, j’ai dit!

Une clameur assourdissante gronda des murs de Fort Épicentrée. « La mort », criait-on à pleins poumons. Un sourire germa sur les lèvres dudit Frontenac, puis ce dernier regagna la protection de sa forteresse qui refermait ses portes. Les yeux de Flanigan s’écarquillèrent, témoins d’un rugissement rempli de fureur. Fort Épicentrée s’éveilla sauvagement, doré par les rayons carnés de l’aube qui se levait. Le soleil illumina cette contrée aux montagnes grouillantes de lacs, de chutes, de falaises, de neiges fondantes, de pins et de frênes nus. Le seul endroit où s’arrêtaient le vert des forêts et le gris des nuages, c’était sur le plateau du Mont Épicentrée où se dessinait un sanglant champ de bataille.

D’un côté, le fort et ses défenseurs aux fusils braqués sur les Angles. De l’autre, des phalanges de manteaux ébène avançant lentement au rythme des tambours. Lorsque les assaillants furent à portée, le ballet macabre débuta sur l’ordre de Frontenac.
— Tirez! Répondez-leur par la bouche de nos canons! clama-t-il.
Le chaos régnait en maître; le sang gicla, les armes tonnèrent, les cris fusèrent. Les rafales fumantes décimèrent la masse d’uniformes fuligineux, perçant, lacérant, déchirant, arrachant, massacrant. Les canons déchaînèrent l’enfer sur la formation angle, la mitraille s’engouffrant aveuglément dans la bataille. Les Angles firent feu à leur tour à coups de mortiers, de couleuvrines et de bombardes. Les boulets frappèrent durement le bois qui vola en éclats par endroits, mais globalement les fortifications encaissèrent solidement le choc. Les débris de chêne sifflèrent dans l’air brûlant, les fondations des tours en granit tremblèrent, mais le fort tint bon. Rien à faire : le bastion se dressait avec toujours autant d’impétuosité. On sonna la retraite, mais il était déjà trop tard. La grêle métallique fauchait son lot de malheureux, les grenades pleuvaient : les Angles se faisaient tailler en pièces.
— Avancez, nom de Dieu! râlait l’un.
— Sauvez-moi, par pitié! suppliait l’autre avant qu’un boulet ne lui arrache les jambes.
Les assaillants jappaient, braillaient, désespéraient, mais la plupart de leurs officiers préférèrent les faire mourir sur place plutôt que de sauver ce qui pouvait encore l’être.

Le noir virait à l’écarlate lorsque que les derniers Angles s’effondraient au sol. Flanigan, l’homme à l’étendard, gisait par terre. Il sentit sa bouche se gorger de sang bilieux mais refusa de s’abandonner aux gémissements de ses camarades d’hécatombe. Il serra les dents, submergé par une rage impuissante. La vie fuyait ses tripes, l’oriflamme pourpre avait quitté ses mains… C’étaient les ordres, le devoir, l’ultime sacrifice. Il n’était qu’un pion, après tout. Flanigan eut une dernière pensée pour son père, à qui il avait juré de revenir sain et sauf. Le souvenir de son chez-lui le berça dans sa profonde agonie, puis il se rappela de la chaleur de l’étreinte de sa belle qui l’attendrait en vain. Était-ce l’émotion, la fièvre ou un rêve? Le destin trancha : il ne s’en sortirait pas. Jamais il ne saurait la nature de cette mission qui avait dépassé son entendement, et pour laquelle il avait consciemment donné sa vie.

Le soldat mourut d’un soupir las, sans joie ni malheur.

C’était là le prélude d’un siège qui ferait couler, comme seules les plus grandes tragédies en sont capables, bien plus que de l’encre et du sang.

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Message  Invité Sam 20 Juin 2009 - 15:19

Je suis toujours, j'aime toujours.

"se débarrassa du gêneur désormais refroidi." (et non "refroidit")

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Message  Charly_Owl Sam 20 Juin 2009 - 17:25

Grands dieux, gente socque! Vous suivez toujours! Vous m'en voyez plus que ravi! ^^

VE serait bien différent sans votre dévouement lectorial. Merci d'avoir lu, ça me fait énormément plaisir.

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Message  Invité Dim 21 Juin 2009 - 8:48

C'est fini ?
J'avoue m'être un peu perdue dans la bataille (ma faute !) mais je goûte toujours autant cette belle écriture déliée, naturellement élégante.
Une phrase, un détail qui m'ont plu et témoignent d'un certain humour, d'un attachement pour les personnages : "Il tira la langue, puis rédigea cette lettre avec son écriture du dimanche."

Attention ici , une copquille : "Et Dieu sait ce qu’un mutin peut commettre lorsqu’il nage dansa le doute."

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Message  Loreena Ruin Dim 21 Juin 2009 - 12:55

Bon j'ai tout lu, mais je n'ai pas le courage de faire un com' détaillé comme la dernière fois et de toute façon, je n'ai rien relevé qui soit vraiment mal dit...

Sur le chapitre IV : j'ai eu du mal a comprendre qui était Lord York exactement, contre qui il combattait, pourquoi... Il en va d'ailleurs de même pour Frontenac... Le problème c'est que tu essayes de le dire, entre les lignes, mais je trouve que cela n'est pas très clair, peut-être parce que justement, cela reste trop "entre les lignes".

Sinon, j'ai eu l'impression que tu disais beaucoup de choses dans la lettre, non pas qu'elle soit désagréable à lire, mais en tout cas, à ce moment de l'histoire, cela apporte beaucoup d'informations qui ont tendance à embrouiller le lecteur (dans une histoire déjà bien tarabiscotée, avec toutes ces vies de personnages entrecroisées...). Personnellement je peine vraiment à m'y retrouver. Insister seulement sur Frontenac et sur la situation dans laquelle se trouve Lord York ainsi que les mesures qu'il va prendre, serait déjà bien...

De manière générale, ce chapitre révèle une caractéristique de ton histoire : elle est faite de nombreux petits morceaux de "vie" qui se succèdent rapidement autour de personnages plus ou moins principaux ; l'action ne se fixe jamais très longtemps sur eux et ils sont souvent confrontés à la mort (on a donc du mal à savoir sur qui porter notre attachement). Le tout faisant qu'on se perd facilement dans le récit et que le déroulement des évènements peut vite devenir flou... Par exemple, j'ai mis quelques temps avant de me rappeler la situation dans laquelle était Torrieux : la lettre de Lord York nous détourne complètement de la situation du capitaine et de Stradacona, que tu avais laissée en suspend.

Je crois que tu as parlé de cinéma quelque part... j'ai en effet l'impression que tu construis ton histoire comme un film, en essayant de montrer toutes les choses qui se passent à un instant donné par une succession de "flashs" sur des personnages... Mais, n'ayant pas le support visuel (qui peu permettre en une demi seconde de savoir où on est et avec qui), les choses sont bien plus compliquées.

Chez toi, nous sommes confronté à chaque fois à une multitude de détails qui ne parviennent (selon moi) pas toujours à mettre suffisamment en valeur les éléments importants pour la suite. Un peu comme si tu nous présentais les différents personnages d'un thriller, sans nous donner les indices qui vont nous permettre de les lier progressivement entre eux, et éventuellement de trouver le coupable.

Des périodes plus longues, centrée sur un ou deux personnages, comme ce que tu avais fait avec Dollard et Sarguenay, seraient vraiment bienvenues, car elle nous permettraient de nous "reposer" et de bien planter le décor. Pourquoi ne pas garder, par exemple, la lettre de Lord York (qui nous change complètement de décor et d'ambiance) pour le début du chapitre V ? Changement de chapitre = changement de lieu = changement de point de vue... tout cela collerait mieux.

Pour résumer le sentiment que j'ai au sortir de ce Chapitre IV, je dirais que l'écriture est toujours belle, vive, et très mature (c'est ce que j'aime le plus je crois dans ton style : une richesse de vocabulaire, une finesse dans l'analyse psychologique... personnellement je me moque de la logique militaire, historique et géographique, mais je sais que cela te tient à coeur et cela se ressent dans ton écriture). Mais tu t'apesantis facilement en détails pas toujours utiles et pas de "oui je sais, c'est mon défaut, mais j'ai mes raisons et puis de toute façon c'est pas si mal..." : il faut alléger par endroit et ne détailler que quand les personnages sont vraiment importants, sinon tu nous embrouilles avec des histoires dans l'histoire et on ne sais plus où on en est, ni qui est qui.

Personnellement, je me lasse rapidement de cette succession : vie éphémère =>mort, que tu utilises régulièrement (rien que dans ton prologue, mais dans ce cas précis, ça a un intérêt).

Tous ces noms de personnages secondaires que tu donnes (Howe, Gerard...) + les noms de lieux (Meuron, Maslondre, Rogueshire...) me perdent, parce qu'ils viennent en concurrence avec ceux des personnages et des lieux "principaux", qu'on a déjà du mal à repérer puisque tu as choisi semble t-il, de ne pas avoir de "héros" sur lesquels l'histoire est centrée.

Je ne t'ai même pas demandé si tu avais déjà une trame prédéfinie des évènements... Parce que, une des sensations dominantes que j'ai lorsque je te lis (notamment lors des péripéties de Torrieux) c'est de me dire : "Super tout ça, mais à quoi ça sert ? Où va t-on ?" ...

Un peu rude comme com', non ? Désolée ;-).

J'aimerais aussi connaître ton parti pris de façon un peu plus claire : que souhaites-tu nous montrer, que veux-tu privilégier et pourquoi, dans cette histoire que tu nous propose ?

A bientôt !
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Message  Charly_Owl Dim 21 Juin 2009 - 13:45

Easter: C'est quoi une copquille?



Loreena: Ouille, ça fesse! J't'adore. ^^

La réponse est : oui, j'ai une trame prédéfinie. Pour au moins une quarantaine de pages d'avance. Et le passage avec Jean-Mars est une preuve flagrante qu'il y a certains événements que je ne désire pas nécessairement passer en 3 lignes, mais qui pourraient très bien l'être.

Je vais tenter (je dis bien "tenter") d'éclaircir certains éléments qui sont flous (si, si, je l'admets, ils sont flous) dans l'histoire jusqu'à présent.

Qui est Lord York exactement? C'est le commandant de l'armée angle qui assiège Fort Épicentrée. C'est aussi un des vieux amis de Sir Romuald II, un puissant homme d'église qui vit à la "métropole", dans l'Ancien-Monde. Il est général, nous le savons déjà, mais possède un État-Major qui ne lui veut pas que du bien par simple envie et jalousie.

Qui est Frontenac, maintenant? C'est là un mystère "patché" dans le nouveau prologue.

"Chez toi, nous sommes confronté à chaque fois à une multitude de détails qui ne parviennent (selon moi) pas toujours à mettre suffisamment en valeur les éléments importants pour la suite. Un peu comme si tu nous présentais les différents personnages d'un thriller"
Oui, en effet. Le but de cette lettre n’était pas tant d’insérer un tas de détails inutiles mais plutôt de présenter en fait « qui » sont les Angles. D’où viennent-ils? Qui sont-ils? Cette lettre apprend certains détails qui sont posés là pas pour rien. Nous comprenons donc qu’il s’agit d’un pays où :
-Le système politique est une monarchie parlementaire (ça sonne des cloches à quelqu’un?)
-La religion jouit d’un grand pouvoir politique
-Certaines personnes sont mises en prison, pourquoi? Aaah, ce cher Abercrombie aura son rôle beaucoup plus loin dans l’histoire.
Hum, j’en déduis donc que mon effet était très manqué. Tu m’en excuseras, je trouverai un moyen de me corriger, promis! (sput)

Pour la tonne de persos secondaires, eh bien aucun d’est là pour rien. Tu as vu l’homme au masque de fer? Raoul, le fils d’Athos, a comme 3 ou 5 lignes de texte dans le film au complet, et 3 petites foutues scènes. Minable, quoi. Il y avait un peu un tome de 2500 pages sur lui, quand même. Mais quand même, ce perso servait juste de prétexte à « faire avancer » d’autres protagonistes plus importants. Mais bon, j’me ferme parce que tu as entièrement raison et je suis trois fois coupable, parce que j’aurais quand même dû alléger la foutue lettre. My mistake, quoi.

"Super tout ça, mais à quoi ça sert ? Où va t-on ?"
Suspense ! Plusieurs morceaux se colleront au prochain chapitre, que je compte « corriger » en tenant compte de tes moult conseils. T’inquiète. Pour faire clair, jusqu’à maintenant :
-J-M et Strad vont à Naguère (si, si, le pauvre Hago est pas au bout de ses peines) pour des raisons bien particulières
-Sague, St-Just et $ glandent au fort
-Lord York prépare sa vengeance et son méga-pétard

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Message  Loreena Ruin Dim 21 Juin 2009 - 13:55

Lord York prépare sa vengeance et son méga-pétard
Yeah ! Vive la défonce et la fête de la musique !!!


Pardon je sors... non pitié, ne me frappe pas...
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Message  Invité Dim 21 Juin 2009 - 19:25

Charly_Owl a écrit:Easter: C'est quoi une copquille?
ceci, précisément ;-)

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Message  silene82 Dim 21 Juin 2009 - 20:45

Moi aussi je me perds un peu, je croyais qu'il était mourant le Montagneux (je croyais d'ailleurs qu'on disait Montagnais), il a ressuscité depuis?
Sur quoi as-tu bâti ton histoire? Je suppose que tu nous parles de la version bois du château Frontenac, où t'as eu la doc pour les détails?
En tous cas, bon boulot, félicitations, j'ai hâte de lire la suite, puisque t'as promis de tenir au moins 700 pages.
Keep going!
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Message  Charly_Owl Mar 23 Juin 2009 - 3:42

Oui, ce sera encore bien des éléments à re-travailler lors de la ré-écriture (si, si, je la reposterai un jour avant ma mort).

Silene:
On dit "Montagnais", c'est vrai, mais j'ai décidé de les appeler "Montagneux". Ceci n'est pas une fiction historique, après tout. Les noms servent à bien mélanger le lecteur. ^^ Et Stradacona n'est que "grièvement blessé", il en faut plus que ça pour le tuer, lui.

-Sur quoi j'ai bâti mon histoire? Oh là là sur plein plein plein et plein en plus de re-plein d'éléments historiques que j'ai grapillé un peu partout. Et pour la réplique du château Frontenac... ça ressemble un peu à ça, oui. Mais c'est basé sur plusieurs récits de la guerre de la Conquête au Québec (siège de Carillon, sièges de Québec de 1690 et 1759, et bien d'autres encore) et un peu du siège de La Rochelle des années 1600, mais il faut se rappeler que tout ça n'est qu'inspiré de cela. Je reste maître de mon récit, et je suis pas partant pour juste recopier un livre d'Histoire, hein?

Et j'ai dit vraiment 700 pages? ouch!

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Message  silene82 Mer 24 Juin 2009 - 10:03

Charly_Owl a écrit:. Je reste maître de mon récit, et je suis pas partant pour juste recopier un livre d'Histoire, hein?
Et j'ai dit vraiment 700 pages? ouch!

Ben heureusement qu't'es le boss de ton histoire, caline.
Pour les 700 pages, j'sais plus trop, mais vu ta facilité à inventer des personnages, où est le souci? Une page par bonhomme, rien qu'avec les Pawnies, les Hurons, les Iroquois, tu te rends compte? Ils ont des squaws, des papooses qui font que des conneries, des chevaux auxquels ne manque que la parole....
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Message  Charly_Owl Sam 27 Juin 2009 - 5:05

Un peu moins de baston, cette fois.
***


-Chapitre V-
-La barricade-

-Partie I-




-Fort Épicentrée, aux Portes-


Si la tempête du printemps avait quitté les monts de l’Épicentrée, elle grondait toujours dans le cœur tourmenté de Saguenay.

Perché seul au sommet des tours jumelles gardant les portes du fort, le caporal espionnait Dollard, d’un œil mauvais.
— En voilà un bien heureux, pour un bouseux, siffla-t-il entre ses dents. Il parle avec sa jolie Camélie sur la Place d’Armes, comme s’ils se connaissaient depuis toujours, il… L’amour, je sais, c’était l’amour qui lui donnait cet air supérieur lorsqu’il me parlait. Les hommes les regardent discrètement, jaloux comme moi probablement. Pourtant ce jeune ne se gêne pas pour lui faire la cour. Quel arrogant! Dire qu’il y a des gens comme lui à qui Dieu apporte tous les bonheurs, et des pauvres gueux de mon espèce qui doivent saigner par devoir envers eux. Dollard, ah, toi : tu peux bien rire, te croire bien malin derrière tes sourires énigmatiques. Je combats pour toi, pour elle… et tout ça que pour mériter un peu de votre pitié à tous les deux?

D’un mouvement distrait du pied, Saguenay accrocha une pierre qui dégringola de la corniche pour ensuite se fracasser cent trente pieds plus bas. Une nuée de pigeons s’envola brusquement, le battement de leurs ailes couvrant le bruit du craquement d’une échelle qu’on escaladait.

— De toute façon, qui voudrait de moi comme ça? se murmura-t-il.
Il posa son regard sur la blessure de son bras rafistolée par Saint-Just. Les coutures tenaient toujours bon, mais le pus et le sang noir ne laissaient rien présager de bon.
— Ô martyre, tu veux encore un peu de flammes pour ton bûcher? ricana une voix en contrebas.
Saguenay aperçut le visage familier de Saint-Just, puis sourit faiblement.
— Ça m’étonne que tu viennes m’embêter jusqu’ici, Saint-Just… toi qui déteste les hauteurs! Qu’est-ce que tu fais là?
— T’empêcher de faire une grosse bêtise, mon ami, fit le médecin en se hissant aux côtés du soldat. Ah, tu as vraiment le don de choisir les pires endroits pour converser, tu sais?
— Je ne veux pas parler, je veux avoir le temps de penser un peu, bougonna Saguenay.
— Ah, ça! Tu as choisi le mauvais métier si tu voulais devenir philosophe, mon vieux. À te voir la mine, j’en déduis que tu n’as pas dormi cette nuit, dit Saint-Just.
— Je n’avais pas sommeil, c’est tout.
— Et moi je suis le comte de Champignac, tout s’explique alors!
— C’est ça, crache-moi dessus toi aussi, soupira le caporal.
— Eh, oh, c’est sérieux, ma foi! C’est encore cette Camélie qui te fait perdre la tête, je me trompe?
— Peut-être que oui.
— Pas de « peut-êtres » avec moi : on voit bien que c’est elle qui t’a démoli comme ça. Ah, les femmes, ‘sont que bonnes à nous rendre marteau. Je te connais, toi; ce n’est pas elle que tu déteste, mais son compagnon de Quart-de-Tour, n’est-ce pas? questionna Saint-Just.
— Ce maudit Dollard…
— Si tu as du respect pour Camélie, je ne vois pas pourquoi tu n’en aurais pas autant pour son amant. » Saguenay tressaillit lorsque Saint-Just prononça le mot « amant ». « Regarde-toi, juste une fois. Tu es jeune, tu crois que tu peux placer ta foi en Camélie comme on jure fidélité à son pays? Réveille-toi, Saguenay. On est en guerre! Les gens partent aussi vite qu’on les rencontre, et lorsque tout sera fini, tu l’oublieras aussi vite qu’elle l’a déjà fait avec toi.

Saguenay lança un regard mélancolique à Saint-Just avant de lui rétorquer sèchement :
— Tu ne dis ça que parce que tu ne crois en rien. Comme d’habitude.
L’accusation choqua le médecin, qui blêmit d’un cran. Il n’avait plus cet air assuré et austère qui le caractérisait habituellement. Son maigre corps vêtu d’un manteau brun-boue se voûta, comme s’il avait été frappé au ventre. Bien que la mince barbe noire trônant sur son visage masquât les émotions que véhiculaient ses lèvres, ses profonds yeux verts révélèrent une émotion complètement différente de son attitude sèche de tous les jours : une rare vertu que l’on appelait compassion.
— Et si aujourd’hui je voulais bien croire en un ange qui t’est cher, un ange blanc? demanda Saint-Just en luttant contre la raideur de sa langue.

Saguenay dévisagea son compère, à la fois ébahi et revigoré par une telle proposition.
— J’ai toujours su que tu préférais les saintes, conclut-il en éclatant de rire.
— Attends-moi deux minutes, capo’. Je pars chercher une longue-vue dans le quartier des artilleurs.
— Pourquoi ça?
— Question que nous puissions espionner les manteaux noirs en paix, et peut-être trouver ta foutue sainte par la même occasion.

Saint-Just rit de bon cœur à son tour, puis descendit vers la Place d’Armes.

***

-Fort Épicentrée, Place d’Armes-


— Je déteste cet endroit, souffla Camélie à l’oreille de Dollard. Il est sale, il empeste la poudre, et tous ces soldats me filent la chair de poule.

La jeune femme se tortilla une mèche de ses jolis cheveux châtain autour du doigt, puis s’assit sur un banc à la façon d’une reine sur son trône. Elle releva délicatement son jupon, étendit ses longues jambes d’une nymphe finesse et se déposa avec la plus grande douceur sur le bois. Dollard, quant à lui, prenait une pose bûcheronne sur des éboulis. Le blond vénitien, qui d’habitude allait si bien avec les yeux azurés du rude gaillard, paraissait terne et sans aucun éclat. Son regard, bien qu’aussi creux que torve, reflétait quelque chose de prédateur dont l’attendrissante coquetterie de Camélie était la proie. L’homme se pencha, ramassa une brindille qu’il coinça entre ses dents et chiqua la tige.

— Ils sont tout simplement fatigués, tu sais. Un peu comme toi et moi, répondit-il.
— Ce sont des brutes, des barbares.
— Tu es dure avec eux, ils t’ont quand même applaudie au récital, hmm?
— Regarde autour de toi, au lieu de te contenter de ton sort! s’écria-t-elle. Tu les vois vaincre quelqu’un, avec leurs yeux hagards, leur air mauvais et leur haleine abominable? Ils sont crasseux comme s’ils avaient passé leur vie aux champs. Tant qu’à moi, toute cette racaille ne vaut pas mieux que les sauvages qui ont tué mon père. Où étaient-ils, dis-moi? Pourquoi n’étaient-ils pas là pour nous défendre à Quart-de-Tour?

Dollard resta muet. Il connaissait bien la rancœur qui faisait trembler la voix de son amie, même s’il restait complètement étranger aux émotions des autres ; des femmes en particulier. Il s’ébouriffa les cheveux du bout des ongles, gêné par la tournure dangereuse que prenait la discussion.
— Tu sais qu’il y en a qui t’entendent, présentement, murmura-t-il.
— Je m’en moque, Dollard. Je n’ai que du mépris pour eux. Jusqu’à cet affreux médecin qui jouait…
— D’une vièle bien affreusement, vous m’en excuserez, s’immisça une silhouette à manteau brun qui sortait de l’entrée des Tours Jumelles.

Saint-Just marcha d’abord tout droit dans la ferme intention de dépasser les deux « miraculés » — comme il aimait les appeler—, mais la dame lui avait déjà fait signe de s’approcher. Elle lui sourit courtoisement, se remémorant ses impressionnants talents de violiste. Le stoïque Saint-Just garda la bouche cousue dans la méfiance.
— Motus, songea-t-il.
S’il ne disait rien pour le moment, il ne remarqua pas moins les lacets du corset de Camélie, négligemment desserrés, laissant deviner les courbes d’une gorge enflammée et tentatrice.

— C’est vous qui avez pris soin de mon Dollard, c’est bien ça? demanda Camélie d’une voix subitement mielleuse. Vous êtes un gentilhomme, et j’espère que vous accepterez mes excuses, susurra-elle en baissant les yeux.
— J’aurais préféré un peu de sincérité, signala le médecin, mais si vous me prenez par l’égo, je ne puis que vous faire mes compliments sur votre performance avec Monsieur, qui a d’ailleurs une fort belle voix
Dollard reçut le compliment avec surprise, momentanément désarmé par le ton éloquent de Saint-Just. Il en oublia presque sa vieille rancune avec cet insipide intellectuel.
— Votre ami m’a également paru fort doué, fit remarquer le campagnard.
— Et vous comptez me parler du bout des lèvres — comme un grand Duc— toute la journée? se moqua Saint-Just avec une moue agacée. Venons-en directement aux faits : qu’est-ce que vous me voulez?

Le brutal changement de registre choqua Camélie, que son sourire abandonna comme si la foudre l’eût frappée. Elle se maudit; elle qui avait cru voir en Saint-Just quelque chose de plus noble qu’un simple médecin à la barbe mal taillée. Son erreur lui amena un goût amer dans la bouche, d’où elle s’apprêtait à cracher son venin.
— Votre ami, n’avait-il pas des yeux noisette, un brin de rousseur et une allure de coureur-des-bois? demanda-t-elle avec une lenteur calculée.
— Si fait.
— Ne s’appelle-t-il pas Saguenay? Je crois que ce garçon me dit vaguement quelque chose…
— Si fait.
— Et il avait chanté, dites-vous?
— Sire Tristan.
— Ah, Sire Tristan! J’en ai versé une larme tellement c’était beau! avoua Dollard. Néanmoins, j’ai remarqué qu’il était plutôt pâle à la fin de sa chanson. Était-il malade? s’enquit ce dernier, trop heureux de pouvoir changer de sujet de conversation.
— Malheureusement pour lui, le pauvre souffre d’une maladie dont je ne possède pas encore le remède, avoua Saint-Just en plongeant son regard dans le visage de Camélie. Il devrait s’en remettre sous peu. Et vous, Dollard, vous m’avez l’air vous aussi plutôt pâle. Souffrez-vous de quelque chose?
— J’ai des nausées depuis hier, ça a commencé près du Canal où j’allais m’abreuver, raconta le paysan.
— Racontez.
— Votre eau a un goût de Saucrée, et je l’ai trouvée imbuvable, interrompit Camélie.
— Ça m’étonnerait, puisque notre eau vient de sous la…

Saint-Just arrêta sa phrase lorsqu’il réalisa l’ampleur de la suggestion de la jeune femme. Elle avait remarqué, elle aussi. Peut-être était-il sur une bonne piste, après tout.
— Vous m’avez comprise, lui lança-t-elle d’un ton glacial.
— En effet. Vous avez bien fait de m’en parler. Si vous voulez un conseil : ne buvez que l’eau de pluie à partir de maintenant.

Saucrée, saucrée… où avait-il déjà entendu parler de cette plante? Lorsqu’il trouva enfin, un silence plus tard, Saint-Just devint livide. Puis, il lança :
— Au fait, d’où venez-vous, Dollard? La Saucrée ne pousse pas ici, et je ne vous savais pas botaniste, interrogea Saint-Just en se grattant le menton.
— De Quart-de-Tour, bien sûr. Je m’intéresse beaucoup à la nature, vous voyez.
— Désolé de vous décevoir, mais vous n’avez pas du tout un accent de là-bas. C’est subtil, presqu’indéfinissable, me direz-vous, mais vous me semblez venir d’ailleurs. Je me trompe?
— Et depuis quand les médecins prennent-ils des grands airs d’inquisiteur? s’indigna Camélie.
— Ah ça, mademoiselle…
— Madame, le corrigea-t-elle en serrant le bras de son compagnon.
— On n’est une dame que lorsqu’on montre de la finesse et de la franche politesse, mademoiselle, répliqua Saint-Just.
— Oh, mais vous êtes odieux! Quelle mauvaise foi! s’insurgea Camélie.
Son teint caramel s’empourpra rapidement sous l’effet d’une colère qui lui faisait friser les cheveux.
— Vous m’excuserez, médême Camélie, mais j’ai mieux à faire que de vous entendre roucouler toute la journée. Monsieur devrait d’ailleurs faire prendre l’air à sa douce, on dit que ça calme les idées et change les humeurs, renchérit Saint-Just.
— Et un coup de poing te redonnerait-il le moral, Saint-Just? s’échauffa Dollard. Tu joues avec le feu, pour quelqu’un qui se croit si malin.
— Je vous conseille de ne pas tenter Saguenay, mon cher Dollard, le menaça le grand maigre en se frottant les manches. Il n’a pas ma retenue.
— Je te demande pardon? fit le paysan en s’élevant violemment, prêt à frapper.
— Je vous ai dit que chaque soldat de ce fort vous dépècerait vingt fois avant de lever le moindre petit doigt sur celui qui peut les tirer des griffes de la mort.

Le paysan resta figé sur place, interdit. Saint-Just pesa sur chacun de ces mots :
— Maintenant, prends ton trou, bouseux.

Et Saint-Just s’en fut ainsi vers le quartier des artilleurs, laissant derrière lui une Camélie orageuse, et un Dollard prêt à tuer de sang froid.

***

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Message  Invité Sam 27 Juin 2009 - 7:35

Bien vu ! J'apprécie le décalage entre la situation désespérée de ces gens et leurs préoccupations amoureuses... L'allusion à la saucrée m'a paru fort obscure ; cela se précise-t-il plus loin ?

"Ô martyr (et non "martyre", un matryr souffre le matryre), tu veux encore un peu de flammes pour ton bûcher?"

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Message  Invité Sam 27 Juin 2009 - 9:17

La baston n'est jamais loin. J'ai apprécié ces longs passages dialogués qui donnent la mesure de l'humeur des personnages. Juste un peu surprise par le registre de Camélie ici : "et tous ces soldats me filent la chair de poule. "

Note :
"Pas de « peut-êtres » avec moi" , je ne crois pas que le pluriel soit indispensable ici.

"toi qui détestes les hauteurs! "

"Bien que la mince barbe noire trônant sur son visage" , je ne trouve pas le choix du verbe très heureux.

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Message  Loreena Ruin Sam 27 Juin 2009 - 9:25

Bon... je trouve la situation relativement réaliste, quoique le dialogue du début, où Sarguenay parle tout seul, semble avoir du mal à se situer entre dialogue intérieur (narratif) et discours direct... J'ai trouvé sa façon de parler, juste qu'à l'arrivée de Saint Just, assez bizarre.

Ensuite, je dois avouer que je ne sais pas sur quel pied danser dans la façon dont tu décris Camélie. En effet, dans ce chapitre, je ne lui vois pas une seule qualité, et, étant la seule représentante "féminine" dans tes personnages pour l'instant, cette façon de la présenter (superficielle, dragueuse et sans un poil de plomb dans la cervelle) donne presque au texte des accents misogynes, puisqu'il n'y a pas d'autre femme pour relever le niveau.

Une solution : montrer que ce n'est pas le narrateur omniscient qui la perçoit ainsi mais les personnages masculins, ou alors être plus "soft" dans ta façon de la présenter, en exprimant un peu plus ce qu'elle a dans la tête, ses soucis, ses préoccupations... qui ne peuvent pas tous être complètement décalés et superficiels. Par exemple, son inquiétude concernant la suite des évènements pourraient être soulignée, expliquant son regain d'aigreur, son agressivité... et lorsqu'elle se plaint d'être entourée par les soldats et la crasse, tu pourrais imaginer que cela créé de l'angoisse chez elle (parce qu'elle n'y est pas habituée) : elle pourrait exprimer son malaise plutôt que son mépris pour les soldats...

Enfin voilà, j'ai trouvé que tu traitais de façon un peu rapide ce personnage, genre "c'est une chieuse et je cherche pas à savoir pourquoi".

Sans une autre figure féminine pour contrebalancer, fait attention : ton public féminin (adolescent/jeune adulte notamment) pourrait très bien refermer le bouquin maintenant. :-)

Par ailleurs je sens que la véritable identité de Dollard va se montrer bientôt, je me trompe ? XD
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Message  Invité Sam 27 Juin 2009 - 9:52

J'ai aussi ressenti ce que dit Loreena à propos de Carélie mais plus par rapport au décalage entre ce passage où elle apparaît assez libre et sûre d'elle, et un précédent où elle s'apparentait plus à une douce et humble jeune fille, genre vierge effarouchée ...

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Message  Loreena Ruin Sam 27 Juin 2009 - 11:42

Je suis assez d'accord avec ce que dit Easter, le contraste entre les deux chapitres où Camélie apparaît est marquant : ce personnage n'est peut-être pas encore tout à fait calé pour toi... et ce n'est pas parce que c'est une fille qu'elle a forcément une personnalité plus compliquée ou lunatique que celle d'un garçon :S !

Par ailleurs, je pense que c'était faute d'être bien réveillée, j'ai écrit :
J'ai trouvé sa façon de parler, juste qu'à l'arrivée de Saint Just, assez bizarre.
=> jusqu'à
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Message  silene82 Sam 27 Juin 2009 - 13:36

Du sang! De la poudre! Des étripages! On tombe en quenouille...
Ma foi; un repos va permettre de reconstituer les forces nécessaires pour repartir. Ca n'est pas gênant.

étendit ses longues jambes d’une nymphe finesse

Je crains que vous ne soyez contraint de créer un adjectif, qui a ma connaissance n'est pas répertorié: merveilleux privilège d'écrivain. Nymphique est probablement le plus approprié, évoquant orphique, dans un registre similaire. Nymphéenne serait conforme au génie de la langue, mais n'est pas euphonique; nymphesque a une nuance en désaccord avec l'idée, comme burlesque ou grotesque.
Sinon, évidemment, il faudra en passer par l'inversion, d'une finesse digne d'une nymphe.
Le nymphique est plus joli.
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Message  Lonely Sam 27 Juin 2009 - 14:31

J'ai tout lu, d'un trait.

Chapeau !


Je n'ai pas l'œil aiguisé de mes prédécesseurs, et je pense qu'ils ont su mettre le doigt où il fallait, alors je me contenterai de dire combien l'immersion dans cette histoire est surprenante. Franchement, bravo ! On croit sans peine à ce récit d'avant, ses lieux, ses personnages. Et le tout est fort bien écrit.

J'ai aussi lu les commentaires pertinents qui jalonnent ce long topic, et en raccord avec mon propre ressenti, je dirai que cette histoire souffre peut-être de son format "épisodique" (ou "feuilletonnant") : comme s'il lui manquait une introduction de plus grande ampleur (un début plus développé) avant de nous plonger dans ces actions disparates. Parce que si on sent très bien que vous nous fournissez des éléments qui prendront de l'importance plus tard, j'ai l'impression qu'il manque un... "background" (pas taper) en quelques sortes, histoire que nous situions déjà plus aisément le cadre de tout ça, les personnages,...

En fait, je crois qu'il faudrait tout bonnement lire le texte achevé et sous forme livresque pour nous satisfaire :-)


Bref, dans tous les cas, bravo ! L'effort est superbe, on y croit facilement, certains personnages ont beaucoup de potentiel et on visualise très bien l'atmosphère des scènes, la psychologie des protagonistes. Et bravo aussi pour tout ce fourmillement de détails d'époque, d'expressions surannées, d'éléments techniques propres à la guerre d'antan, et ses forts. Le tout est indispensable pour plonger le lecteur dans ce genre d'histoire, et vous y parvenez fort bien. J'imagine à peine les recherches entreprises pour réussir cela. J'aimerai parvenir à tenir un récit comme vous le faites... et même s'il peut souffrir de quelques défauts, je ne peux que vous féliciter.
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Message  Charly_Owl Dim 28 Juin 2009 - 15:54

Socque : Vous êtes toujours fidèle au poste. Votre volonté me touche.

Easter : J’adore quand vous chipotez. ^^ Merci des rectifications.

Loreena : « Enfin voilà, j'ai trouvé que tu traitais de façon un peu rapide ce personnage, genre "c'est une chieuse et je cherche pas à savoir pourquoi". »

Camélie a un mépris sans borne pour les soldats. Mais la raison est classé top secret. J’avoue que j’ai un peu trop changé brusquement. J’ai comme créé 2 Camélies différentes au lieu d’en créer une plus complexe. Je retravaillerai, promis juré. Merci encore pour la remarque très juste.

Et elle n'est pas qu'une chieuse, je te le garantis.

Silene : Noté. Mes compliments pour votre analyse étymologique, je m’y intéresse beaucoup également. Je suis aussi d’avis que Nymphique est beaucoup plus joli. Patience, patience, les tripes arrivent bientôt. Seriez-vous donc aussi gascon que d’Artagnan ? ^^

Lonely : Quelle joie, mon cercle restreint de lecteurs et lectrices s’agrandit ! Je n’ai pas la prétention de qualifier cette histoire de grandiose, loin de là, mais si vous avez apprécié votre lecture vous ne m’en voyez que mille fois réjoui. J’apprécierais également si vous pourriez élaborer sur « la souffrance épisodique » de la chose ? Ça m’intéresserait grandement de voir votre point de vue sur ça.

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Message  silene82 Dim 28 Juin 2009 - 16:23

J'avoue, appréciant votre prose, ne pas très bien comprendre cette québecquoiserie -j'imagine- . Pantoute.

J’apprécierais également si vous pourriez élaborer sur « la souffrance épisodique » de la chose ? Ça m’intéresserait grandement de voir votre point de vue sur ça.

Je suppose que vous suggérez à votre consistant collège de lecteurs de vous signifier son impatience assoiffée à être désaltéré de l'ondée de votre plume -pour moi, vous me mettrez du sang-.
Soit.
Les basses grondantes vont donc entonner, dans un mugissement crescendo qui ira jusqu'au St Laurent, cet appel:
"Charlie" ...
auquel répondra le choeur des vierges peu effarouchées:
"qu'en est-il de Camélie?
Va-t-elle se camer, dis?
L'allongera-t-il, oui?
Charlie"?
pour vous signifier céans qu'il faudrait effectivement que de la matière à vos lecteurs vous apportassiez, et point dans les affres de l'ignorance les laissiez.
Enfin, ce que j'en dis.
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