Une histoire très triste, avec des prénoms en « A »

Il faisait chaud, et Alexandre aurait été incapable de se rappeler depuis combien de temps il gisait sur ce canapé. Sa place était confortable, mais les murs hurlaient si fort que la pièce entière raisonnait, à tel point qu'il avait l'impression de se trouver dans le tambour d'une machine à laver. Il voyait des ombres fourmiller autour de lui, elles discutaient bruyamment, ajoutant un brouhaha insupportable à la cacophonie ambiante. Il suait beaucoup, sa gorge était sèche et sa tête lui tournait.
Quelque chose lui agrippa la main puis le releva d'un coup sec. Il crut s'effondrer mais on le tenait bien. C'était un monstre tout doux qui sentait bon et qui voulait l'emmener quelque part.
-« Laisse moi tranquille, harpie ! ». Alexandre aurait aimé gueuler cette phrase à s'en faire craquer les cordes vocales, mais seul un gémissement baveux et mal assuré s'échappa de ses lèvres à la manière d'un poivrot quittant le bar d'un pas gauche une fois la nuit tombée.
Ce qu'il se passait ici était terrible, il allait rater sans vie dans quelques minutes. Cela devait bien arriver un jour, le destin écarte les ordures, et Alexandre était né ordure. Dans quelques minutes la seule touche colorée du tableau morbide de sa vie allait s'effacer. Cette raclure immonde pourra enfin se trancher les veines et crever comme la pourriture qu'il est.

Il se souvint tout à coup de son petit Ange, elle s'appelait Amandine. C'était un sacré bout de femme avec une poitrine telle qu'elle semble sortir tout droit d'un d'un manga porno. Il l'a rencontrée à dix ans, le jour où son père avait décidé de visiter le grand frigo de l'hôpital de Lille. Elle lui a dit «Bonjour», il a répondu «Salut, mon père est mort cette nuit», puis il est tombé amoureux d'elle.
Ce n'était pas le premier à le faire, elle était jolie. Bien sûr, comme tous les salopards, Alexandre était particulièrement laid, surtout lorsqu'il avait dix ans. Mais bon, ce n'est pas ça qui allait empêcher la fillette de s'enticher de lui plus tard. Elle avait trop bon cœur.
En attendant ils devinrent très amis, elle était donc là deux ans plus tard, le jour où Alexandre cassa le bras d'Antoine. Une sale histoire. Ce jour là Alexandre avait volé les pogs d'Antoine, et celui-ci s'était empressé de partir cafarder. Alors, forcément, Alexandre l'a jeté par terre, puis il a balancé un parpaing précisément au même endroit. Manque de bol, même avec le bras en miettes, Antoine savait toujours moucharder. Alors le directeur convoqua Alexandre dans son bureau, et Amandine fût prise d'une inspiration soudaine : peut-être que si elle mettait sa langue dans la bouche de son pauvre ami, cela pourrait, par je ne sais quel procédé étrange, arranger les choses ? Elle le fît donc. Étonnamment, cela n'empêcha pas Alexandre d'être renvoyé. Cela lui causa même plus de soucis qu'autre chose, puisqu'il souriait d'un air benêt pendant que les adultes le réprimaient.

Il souriait encore en repensant à ce premier baiser quand il entendit une porte claquer. Le tintamarre qui lui martelait le crâne fût étouffé en un instant, il sentait à peine à présent le sol vibrer doucement au rythme des basses. Le diablotin suave rit d'une voix douce et infernale avant de le pousser dans le vide, un vide mou et réconfortant. La chambre sentait le parfum délicat de son bourreau. Il fermait les yeux, il ne voulait pas comprendre la scène qui se déroulait ici, c'était insoutenable. Il essaya de se souvenir où il était. Il était chez Anthony, il l'avait invité à une petite fête comme presque tous les samedis. Anthony, c'était un ami qui datait de la quatrième. Un type marrant quand il n'est pas défoncé à la coke. C'est lui qui l'a initié au cannabis quand ils avaient quinze ans, depuis il est difficile de dire lequel des deux est le plus accroc. Anthony crevait d'amour pour Aurélia, la soeur d'Amandine... Une sacrée garce. Elle ne voulait pas de lui. Le pauvre, ça devait être le seul de toute la ville à ne pas être passé dessus. Faut dire que peu d'hommes lui auraient refusé cet honneur, elle était presque aussi bien roulée que sa sœur. Alexandre non plus ne l'avait pas fait, forcément, pourtant ça ne l'aurait pas dérangée cette timbrée. Il sentit une limace rugueuse quelque part sur son corps, il fermait les yeux très fort pour faire comme s'il n'était pas là.

Il repensait à la colère d'Amandine quand il avait décidé d'arrêter ses études, il ne l'avait que trop souvent entendue crier, mais il lui semblait qu'il l'aimait encore plus lorsqu'elle l'insultait. Elle estimait qu'il pourrait devenir un intellectuel, quelqu'un de brillant, quelqu'un de riche. Il avait alors tenté en vain de lui expliquer que son destin n'était pas là car sa mère l'avait raté à la naissance. Cette fois il n'a pas cédé à Amandine, elle pouvait bien crier et pleurer toutes les larmes de son corps, c'en était fini des études. Elle l'avait déjà forcé à décrocher son bac, il avait obtenu les félicitations du jury pour elle. Et ces crétins du ministère ne lui avaient même pas refilé sa bourse au mérite parce qu'il était catalogué comme feignant et agité dans son dossier scolaire. Faut dire qu'il avait été exclu de cinq collèges et de deux lycées. Mais pour lui, c'était l'insulte de trop. Qu'ils se débrouillent avec leurs imbéciles qui luttent contre leurs cerveaux ramollis en lisant des bouquins à longueur de journée, qui pensent en binaire et qui ne comprennent rien à rien. Le monde entier était jaloux de son génie, c'est pour ça qu'on lui pourrissait la vie depuis son adolescence. Depuis, il bossait à l'accueil d'un hôtel, ça lui permettait de vivre la nuit, et surtout de quitter le foyer parental. Il ne pouvait plus vivre avec sa mère, Adeline, car Amandine ne supportait plus de le voir la frapper. L'ambiance de la famille s'était dégradée il y a à peu près sept ans, quand Amélie, la sœur d'Alexandre qui avait 17 ans à l'époque, est morte d'un arrêt cardiaque pendant son voyage de classe au parc Astérix. Ce qui a déplu à Alexandre, c'est surtout quand sa mère s'est envoyée en l'air avec Albert, un type marié, le lendemain des funérailles. Ça l'a réveillé en plein cauchemar alors qu'il il rêvait qu'il faisait une rupture d'anévrisme dans un nouveau space-montain à l'effigie de sa sœur.

Il fût tiré de ses méditations par le parfum suave de la succube, d'un coup il se sentait bien, il ressentait un plaisir intolérable, un plaisir qui le tuait presque. Ce plaisir allait le tuer, il serait mort demain. Mais l'alcool, la drogue et le démon ont su lui faire tout oublier, il voyait trouble et frappait l'immondice à grands coups de bassin.

Il se rappelait de la colère d'Amandine quand elle le trouvait saoul, seul chez lui à l'heure où il devait être à l'hôtel, sa colère le jour où il avait tabassé son frère pour une raison stupide. Il se rappelait comme elle l'aimait, comme elle lui pardonnait, elle voulait même venir habiter chez lui. Il se demandait pourquoi on lui avait accordé un tel ange gardien, c'était peut-être pour lui faire plus de mal, encore, lorsqu'il la perdrait ? Il se rappelait sa petite voix aiguë, tant et si bien qu'il l'entendait vraiment, derrière la porte, au dessus du boucan provenant du salon d'Anthony. Elle criait derrière la porte.

Puis elle l'ouvrit.

La vue de son unique amour permit à Alexandre de reprendre le contrôle de sa conscience. Le démon, c'était Aurélia. Il se fit frapper et jeter dehors, le pantalon retroussé, et s'endormit sur le bitume, l'instrument de son crime dur et baveux offert à la vue des badauds.

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Notes importantes :
-J'ai enfreint une règle du forum dès mon premier message : j'évoque des trucs illégaux, et d'autres vraiment pas jojos. Comme ça reste assez soft, je me suis dis que j'allais tenter le coup et poster quand même, c'est sûrement une gaffe. Je cherchais dans ce texte à présenter une épave comme il y en a beaucoup de nos jours, c'est dur à imaginer que quelqu'un puisse devenir comme ça sans l'aide de la drogue. Je pourrais toutefois transformer mon texte pour faire d'Alexandre une épave qui ne se drogue pas, ou même virer complètement mon texte s'il est trop osé, je veux dire pas là, si j'ai été moins subtil que j'ai cru l'être avec mes connotations sexuelles. Mais je vous en prie, ne le supprimez pas sans m'expliquer pourquoi, histoire que je puisse revenir sans gêner personne... Je vous aurais bien proposé quelque chose de plus décent pour commencer, mais je n'ai rien d'autre, en fait c'est le premier texte de ce genre que j'écris en dehors des cours, et je ne suis pas en section littéraire, et je suis fainéant, donc autant dire que j'en ai pas plein mes cahiers...
-Excusez moi … J'ai fait n'importe quoi au moment de mon inscription, j'ai créé deux comptes, c'était pas voulu. Je suis incapable de valider l'inscription de « Le mec bidon », je crois que vous pouvez l'annuler.
-Enchanté de tous vous connaître, je suis très heureux d'être tombé sur ce forum, j'irais commenter vos très nombreux textes de qualité dès que j'en aurais le temps, bien que mes avis de néophyte ne risquent pas de vous faire avancer bien loin.

Bonjour, The mec bidon, personnellement je ne crois pas que votre texte dépasse les limites. Je le trouve assez intéressant dans le genre trash, bien qu'il ne le renouvelle pas de manière révolutionnaire ; son écriture nerveuse, plutôt efficace et sans chichis, sans grossièreté gratuite non plus, est, à mon avis, ce qui le sauve du banal, avec son humour. Cela dit, je pense qu'il gagnerait à être un peu resserré (pas énormément).

Quelques remarques :
"les murs hurlaient si fort que la pièce entière résonnait" : quand vous dites que la pièce raisonnait, vous dites qu'elle utilisait sa raison
"Il suait beaucoup, sa gorge était sèche et la tête lui tournait." : "sa tête lui tournait", l'expression me paraît bizarre
"C'était un monstre tout doux qui sentait bon et qui voulait l'emmener quelque part." : pas de faute, juste vous dire que la phrase me plaît beaucoup
"Ce qu'il se passait ici était terrible, il allait rater sa (et non "sans") vie"
"Il l'a rencontrée à dix ans, le jour où son père avait décidé de visiter le grand frigo de l'hôpital de Lille." : excellent, la manière d'annoncer la mort du père !
"Ce jour-là"
"Amandine fut (et non "fût" qui est la forme du subjonctif imparfait) prise d'une inspiration soudaine"
"Cela lui causa même plus de soucis qu'autre chose, puisqu'il souriait d'un air benêt pendant que les adultes le réprimandaient." (sinon, super, la phrase)
"Le tintamarre qui lui martelait le crâne fut (et non "fût" qui est la forme du subjonctif imparfait) étouffé en un instant"
"Anthony, c'était un ami qui datait de la quatrième. Un type marrant quand il n'est pas défoncé à la coke." : pourquoi ce présent qui déboule au milieu d'un texte au passé ?
"la sœur"
"un nouveau space-mountain"
"Il fut (et non "fût") tiré de ses méditations"
"Il se rappelait la colère (et non "de la colère", on se rappelle quelque chose et on se souvient de quelque chose) d'Amandine"

Ce n'est pas mal écrit du tout mais j'ai dans l'ensemble trouvé que ça manquait de nerf, de liant aussi. Eu le sentiment d'assister à une longue liste de souvenirs, une énumération de personnages.

D'évidence, ça manque un peu de travail sur la langue mais dans tous les cas, je ne me suis pas embêté à te lire. C'est vif, rapide, une dose d'humour qui va avec, pas déplaisant du tout.

Merci de m'avoir lu et d'avoir pris le temps de commenter :). Je ne pensais pas faire autant de fautes, même si je savais que mon français n'était pas irréprochable. Socque, vous me rendez un grand service en listant mes erreurs, en voilà quelques-unes que je ne ferai plus, juré craché ! ( Au fait, si vous le souhaitez n'hésitez pas à me tutoyer à l'avenir, à mon âge lorsqu'on est vouvoyés par un adulte on a l'impression que notre interlocuteur parle à quelqu'un de plus respectable caché derrière notre épaule ! )

Sinon, Easter Island, vous avez mis dans le mille ! En fait, au départ je me sentais très inspiré pour décrire la scène de la fête. Lorsque j'ai voulu ajouter tous ces souvenirs entremêlés pour présenter mon personnage, ça a très vite coincé. J'ai forcé pour tout écrire d'un bloc, mais l'idée n'était pas si bonne, j'ai perdu mon objectif principal de vue et ça se ressent à la lecture.

Dans mon idée, je voulais que ces souvenirs fassent comprendre au lecteur qu'Alexandre est une épave aujourd'hui parce qu'il n'a pas eu de bol dans sa vie, comme s'il était destiné à se farcir la sœur depuis sa première rencontre avec Amandine. Mais j'ai raté mon coup c'est pas clair du tout en fait ...

hey

J'ai bien aimé ton texte. On ressent bien le côté "paumé" de ton personnage. Violent, impulsif, irréfléchit... mais par contre j'ai été surprise de lire dans ton dernier commentaire que tu voulais faire ressortir le fait que ton bonhomme était condamné à tromper son Ange Amandine avec la soeur Amélie. Je pense que pour cet effet là, tu es passé à côté.

Cependant, ton texte est vraiment sympa, je le trouve bien écrit et le thème est pas mal. Cependant on ne sait pas où tu veux en venir vraiment... Juste dire qu'il finit paumé ? pourquoi va t'il mourir ?

Alors peut être j'ai pas compris (possible il est tard et ma faculté d'analyse doit être moindre)...

Au plaisir de te relire !

beaucoup de fautes en concordance des temps, me semble-t-il
dommage car c'est bien fait ton texte
je trouve que tu parviens à rendre presque attachant un personnage assez détestable, mais comme on voit bien qu'il a un bon fond mais qu'il se laisse dominer par ses démons, ça le rend pitoyable et quasi sympa

Bienvenue sur VE !
;-)

The mec bidon a écrit:
Dans mon idée, je voulais que ces souvenirs fassent comprendre au lecteur qu'Alexandre est une épave aujourd'hui parce qu'il n'a pas eu de bol dans sa vie, comme s'il était destiné à se farcir la sœur depuis sa première rencontre avec Amandine. Mais j'ai raté mon coup c'est pas clair du tout en fait ...

Bah je trouve que c'est tant mieux, j'aurais surement pas trop aimé le texte sinon. Là je le trouve vraiment pas mal.

Pas qu'il soit exceptionnel, mais même si Alexandre est un enfoiré, un vrai, on arrive quand même à s'y attacher. En plus y'a quelques phrases sympa; celle du monstre tout doux par exemple ( très bien décrit, ça sent le vécu ^^ ), et "il attaqua l'immondice à grand coups de bassin" ou quelque chose comme ça;

Les recommandations de fin de texte m'ont bien fait sourire parce que bon, tout de même, ce texte ne pulvérise pas la légalité, alors si on commence à avoir peur de parler drogue, cul ou que sais-je... ce n'est plus la vie ! :-)

Des personnages qui me paraissent prometteurs, tout comme cette écriture qui emploie de manière bien dosée le recul et l'introspection. Cela n'empêche pas quelques impressions confuses de temps en temps, comme si l'histoire se cherchait, mais la base me paraît bonne, il y a quelque chose de sympathique dans tout cela.
Le narrateur n'est pas à proprement parler attachant, il ne dégage toutefois pas non plus d'antipathie; c'est un type banal, neutre et cette anodinerie me séduit parce que tu l'exploites avec une certaine justesse.
Bonne continuation !