Les aventures du lunatique Felipe

Le seigneur Felipe de Malte était un homme grand au visage blafard. Son nez pointu était souligné d'une petite moustache mondaine, qui s'enroulait guillerette sur les extrémités. De grands couvre-chefs ornaient toujours la chevelure gominée de l'insolite personnage. Toujours accompagné de son fidèle valet Jorge, il parcourait le monde, partageant sa vie aventureuse entre rixes et mystères. Il se disait noble, bien que sorti tout droit du bas peuple. Il feintait la richesse par des apparats luxueux et un langage raffiné, du moins avec les dames.

Ce soir-là, les océans se pâmaient de n'être domptés par nos deux voyageurs. Une brume malicieuse recouvrait les eaux mortes.
Ainsi étaient-ils complètement perdus.
Felipe avait entraîné son valet dans le périple le plus mystérieux. En effet, Jorge ne savait qu'une seule chose: ils cherchaient un tourbillon.

"Un tourbillon, monseigneur! Nous donner tant de peine pour aller à notre perte!
-Tais-toi, vilain, et rame! Notre coque de noix n'avancera pas toute seule.
-Je refuse de ramer pour finir gobé par les eaux!
-Ah le mutin! Ouuuuh le mutin! Voilà pour toi, mutin!"
Et les coups de fouet de pleuvoir.
"Messire, je rame! Voyez, je rame, je rame!
-Regarde, imbécile! Voilà la providence!"

Et en effet, face aux deux explorateurs de l'inconnu s'ouvrait un immense tourbillon, qui sifflait dans un concerto de tempête la mélodie du naufrage.

"Faisons demi-tour, seigneur! Par pitié!
-Mais déjà nous y sommes, poltron de valet! Nous ne pouvons plus reculer! hurla de bon coeur Felipe de Malte. Rame encore, je tiens la barre! Rame!
-Non! Je ne vais pas ramer pour décéder!
-Tu ne décéderas pas, j'en ai décidé ainsi! Mais puisque tu ne rames, tu descendras le premier! J'ai dit!"

Ainsi agit Felipe, ainsi Jorge bascula dans l'eau pour être finalement englouti dans les masses aqueuses.

"Nous y voilà! A moi la richesse! A moi la gloire! A moi..."

Et dans un "gloup" discret la barque sombra dans les flots.

Puis ce fut la confusion totale pendant un laps de temps qui parut bien quelques deux heures et dix minutes.
Les eaux fouettaient, fusaient, battaient, assommaient, pour enfin s'ouvrir dans un bruit sonore et laisser tomber dans le vide les deux compagnons qui s'écrasèrent parmi les algues.

Se relevant tant bien que mal, le valet écarquilla ses yeux ébahis. Felipe de Malte, lui, souriait, exhibant des dents plus blanches que son visage.

"Tout ça, pour... ça? se lamenta le valet.
-Comment ça, pour ça? Ce ça est le plus grand ça du monde! Un ça insoupçonné, qu'aucun explorateur n'a jamais découvert! lui rétorqua don Felipe, outré.
-Mais c'est tout gris, tout vide! C'est un rien tout vide!
-Justement! Comprend-tu où nous sommes?
-Nulle part!
-Dans la lune, stupide mutin! La lune!"

Le visage du valet se déforma exagérément pour illustrer son incompréhension mêlée de mécontentement.

"Mais, monseigneur, si vous permettez, la lune est en haut, et nous, nous sommes en bas, tout en bas, plus bas que la mer elle-même.
-C'est la lune, te dis-je! Car en haut ce n'est pas vraiment la lune, ce n'est que l'image de la lune sans l'être vraiment! "

Le valet ne comprenais évidemment rien, comme n'importe qui dans la même situation. Felipe ajouta, comme pour éclaircir son explication (sans y arriver, d'ailleurs):

"Une histoire de reflet, valet ignare, une histoire de reflet... La lune est ici-même, et, cachée sous les eaux, elle émet un reflet qui vient se coller sur l'immense toile du ciel!
-Mais le ciel n'est pas une toile, et...
-Suffit, insolent! Le ciel est une toile et nous sommes sur la lune! Ne pose plus de questions! Tu vois bien, tout ces cratères, ce gris, ces rochers, et ce... Ce vaisseau?"

En effet au milieu de la grande plaine roulait un navire, un immense navire à voile porté par de grandes roues. Il faisait direction vers les deux étrangers...

Super ! Un petit parfum de Münchhausen, très agréable... J'attends la suite.

Une remarque sur le début :
"Le seigneur Felipe de Malte était un homme grand au visage blafard. Son nez pointu était souligné d'une petite moustache mondaine, qui s'enroulait guillerette sur les extrémités." (La deuxième phrase, très amusante et expressive, mais les deux "était" à la suite, pour moi, ça le fait moyennement.)

Oublie nos textes...
continue celui là...

Ah ! j'ai adoré ce délire bien mené du début à la fin. La vivacité des dialogues est un régal et la mauvaise foi de Felipe parfaitement convaincante !

J'ai un doute ici sur l'emploi de l'infinitif après "se pâmer", http://www.cnrtl.fr/definition/pamer
Ce soir-là, les océans se pâmaient de n'être domptés par nos deux voyageurs.

Merci à tous de vos chaleureux commentaires, je n'en attendais pas tant^^
Je n'avais pas fait attention à mes petites erreurs, merci de les avoir soulignées.
J'essaierai d'écrire une suite à ce petit récit si jamais l'inspiration me revient.

"Le seigneur Felipe de Malte était un homme grand au visage blafard. Son nez pointu était souligné d'une petite moustache mondaine, qui s'enroulait guillerette sur les extrémités." (La deuxième phrase, très amusante et expressive, mais les deux "était" à la suite, pour moi, ça le fait moyennement.)

D'accord avec Socque, bien sur...
"Une petite moustache mondaine s'enroulait guillerette sur les extrémités de son nez pointu" ça le fait très bien par exemple
Et question moustache, il n'y a qu'à regarder du coté de mon avatar...je m'y connais !

2 remarques avant que je n'oublie :

- j'aurais écrit feignait au lieu de feintait
- et éclairer au lieu de éclaircir

sinon, j'aime beaucoup ce genre de récit, le style employé, le vocabulaire
j'aime tout
et s'il y a une suite, ma foi je prends !

mentor a écrit:2 remarques avant que je n'oublie :

- j'aurais écrit feignait au lieu de feintait
- et éclairer au lieu de éclaircir

sinon, j'aime beaucoup ce genre de récit, le style employé, le vocabulaire
j'aime tout
et s'il y a une suite, ma foi je prends !

Après ce que l'on a écrit il a pas le choix de toute façon...

boc21fr a écrit:

mentor a écrit:et s'il y a une suite, ma foi je prends !

Après ce que l'on a écrit il a pas le choix de toute façon...

oui, et il l'a dit, il faut qu'il inspire fort ;-)

mentor a écrit:

boc21fr a écrit:

mentor a écrit:et s'il y a une suite, ma foi je prends !

Après ce que l'on a écrit il a pas le choix de toute façon...

oui, et il l'a dit, il faut qu'il inspire fort ;-)

He likes to move it move it, He likes to move it move it, he likes to...
Il inspire, il expire, et nous on soupire...
Si dans 7 jours il y a pas la suite, c'est qu'il méprise son public...

Oulala, que de pression! :-D

Sergei a écrit:Oulala, que de pression! :-D

C'était ça l'idée...
;-)

La suite....




En effet, l'immense bâtiment s'agitait sur le sol cabossé, soulevant derrière lui des marées de fumée. Felipe ne perdit pas de temps:

"Cachons-nous donc derrière ce roc, valet distrait!"

Et ainsi ils se cachèrent, pendant que le valet continuait de s'interroger:

"Comment donc la lune a-t-elle pu tomber si bas? Pourquoi donc sous les eaux?
-Et pourquoi pas? rétorqua sèchement Felipe. Tu sembles apparemment enclin à solliciter ma science même dans les situations les plus délicates! Au commencement du monde, valet ignare, le chaos régnait, chaque chose errait sans place. Alors la lune, qui est une grosse chose tout de même, n'est-ce-pas?
-C'est bien vrai, acquiesça docilement Jorge.
-Et bien notre lune avait besoin de trouver quelque chose de grand pour s'y cacher! Dans le ciel, elle ne pouvait pas, car elle serait tombée, ma foi. Elle s'est donc nichée dans l'eau.
-Je crois que je ne vous suis plus, messire.
-Comment ça, tu ne me suis plus? Et comment que tu vas me suivre, lâche! Tu ne laisseras pas ton maître seul sous les eaux.
-Je parlais de votre raisonnement.
-Et comment que tu parles de mes raisonnements, sans quoi tu n'aurais pas grand chose à dire, bête que tu es! Tu n'es même pas capable de raisonner, alors tu ne manques pas de me laisser le faire.
-Monsieur, vous jouez sur les mots, reprit Jorge.
-Je ne joue pas dessus, grossier personnage, je joue avec, comme tout homme de lettres qui se respecte. Trêve de bavardage, insolent. Voilà le monstre qui se rapproche..."

Et en effet, l'énorme vaisseau de bois passa juste à côté de la pierre derrière laquelle les deux étrangers étaient dissimulés. Il s'immobilisa dans un bruit théâtral, sa voile toujours gonflée malgré l'absence totale de vent.

"Il nous ont vu, s'inquiéta don Felipe. Si seulement tu avais été plus prompt à te cacher!
-Messire, regardez les passagers, par tous les saints!"

Et sortant de leur abri, les deux hommes toisèrent les singuliers nautoniers. Felipe ouvrit de grands yeux indignés, avant de s'exclamer, bégayant presque:

"Bonté divine! Ce sont... Ce sont des Ottomans! Si j'avais su! Jamais je n'aurai imaginé que les êtres les plus grossiers de la terre eurent colonisé la lune avant moi!"

Les navigateurs lunaires, habillés élégamment, étaient à l'origine d'un brouhaha infernal. Ils semblaient agités par la découverte des deux explorateurs et s'exprimaient dans une langue étrange en faisant de grands gestes.
Soudain l'un d'eux calma la cohue, avant de s'adresser à Don Felipe:

"Etrangers, vous semblez parler l'ibérique. Voilà que par chance j'en connaisse les secrets. Venez-vous de la surface, habillés comme tel?"

Et don Felipe de répondre avec hauteur:

"Oui, infâme Ottoman, je vient de la surface, comme vous dîtes. Je suis Don Felipe, chevalier de l'ordre de Malte et explorateur, et bientôt colonisateur de ces terres barbares!"

Son interlocuteur rit brièvement. Il fît part de la réponse à l'ensemble des passagers, qui furent partagés entre rictus hautains et indignation. Après les avoir calmé à nouveau, il reprit:

"Et bien, monsieur de Malte, sachez que vous êtes sur mes terres, et que vous n'en avez pas l'autorisation. Je vous sommes de vous rendre et de grimper à bord, afin que l'on vous conduise aux autorités.
-Ah ça, le misérable! cria Felipe. Jamais Ottoman n'a porté estoc à Felipe de Malte! Descendez tous, coquins que vous êtes, et tâtez de ma lame!
-Monsieur, par pitié, ne faîtes donc pas l'intriguant, et montez à bord. De toute façon, vous êtes complètement perdu dans ce désert.
-Suffit, vipère, tes mots n'ont de sens que parmi les faibles!"

Et c'est ainsi que Felipe et son valet furent capturés et emportés à bord de cet étrange navire inconfortable, roulant vers l'inconnu...

Très bien, la suite, la suite !

Une remarque :
"ne faites (et non "faîtes") donc pas l'intrigant (et non "intriguant")"

Eh ben voila !
Elle est bien cette suite...
Elle est toutefois excessivement...courte !

En effet c'est pas très long, désolé... Mais le bac, les révisions, les oraux :-D

Merci à tous pour vos commentaires encourageants!

Une remarque :
"ne faites (et non "faîtes")

Bonsoir Sergei, je n'ai pas encore lu votre récit mais déjà les commentaires, j'ai un peu honte car pourtant l'avatar de cape et de crocs m'interpelle.
Je vais le lire c'est sûr et certain mais pas tout de suite car je n'en ai pas l'envie (je veux dire par là qu'il ne faut pas se forcer à lire un texte quand on est pas disposé à le faire dans de "bonnes conditions" (un peu comme "Comme un roman" de Daniel Pennacchioni)

Mais je voulais rebondir sur l'intervention de socque afin que cela puisse servir à d'autres. Je suis désolé de le faire sur votre écrit mais cela me semble approprié car moi-même je faisais cette horrible erreur que je ne ferais plus grâce à Madame socque et une enquête minutieuse de ma part digne des meilleurs "Inspecteur Derrick".

Je pense que l'homonymie entre "fête" et "faites" nous fait faire (pas joli mais bon..) cette erreur. Mais je ne comprenais pas pourquoi cette dernière n'était pas relevée par les correcteurs de Français ; après cette fameuse enquête approfondie riche en multiples rebondissements je le sais et aimerait vous le faire partager ici : http://francois.gannaz.free.fr/Littre/xmlittre.php?requete=fa%EEte&submit=Rechercher

J'espère que vous saurez me pardonnez de ne pas avoir émis de commentaire sur votre texte et surtout ne pas l'avoir encore lu, cela ne saurait tarder, je peux vous l'assurer.

je le sais et aimerait

Je le fais une dernière fois pas plus (promis cher Guy). J'écris souvent sans réfléchir (vous aurez sûrement remarqué), alors il fallait lire "aimerais", désolé, je vois les fautes après coup, enfin pas toutes malheureusement.
Encore désolé de cette intervention quasi inutile Sergei mais j'espère que vous comprendrez, je n'aime pas être en porte-à-faux ;-)
Dorénavant je laisserais mes erreurs sur les commentaires, tant pis pour moi, je ferais peut-être un peu plus attention après avoir affirmé cela...

Ah mais oui, l'avatar c'est De Cape et de Croc, j'étais sur d'avoir déjà vu cette tête quelque part.... On sent l'inspiration dans le texte d'ailleurs.

C'est vraiment prenant, et c'est pas grave si ça arrive au compte-goute, on peut patienter.

( Détend toi Peter Pan, pas la peine d'en faire des tonnes pour une faute d'orthographe ).

Sergei a écrit:les oraux

y en a qu'un, le seul, le vrai, celui qui signe d'un Z

Une bonne suite, des nouveaux personnages, une promesse d'action et .. des fautes, entre autres :

Jamais je n'aurais imaginé que
je viens de la surface, comme vous dites
Il fit part de la réponse
Après les avoir calmés à nouveau
Je vous somme

Ouh là là! Je me devais de commenter ce texte!

Alors tout d'abord je ne sais pas si c'est avec un verre de gin dans le nez et une musique magnifique dans les oreilles que j'ai pu autant apprécier ce fameux Felipe!

Il me rappelle un heureux mélange de Don Quichotte avec ses grandes envolées, et la narration me rappelle énormément celle de Dumas dans Les Trois Mousquetaires (que je dévore présentement à grandes bouchées). J'adore les dialogues vifs et théâtraux présents dans le texte, et le fameux fouet en premier extrait m'a rappelé cette manie de Dumas d'inclure le fouet comme forme de "réprimande comique", surtout avec Planchet le valet de D'Artagnan. Mais bon, je m'égare, comme toujours.

Tout ça pour dire que j'ai bien aimé ma lecture. Très légère, virevoltante un peu à gauche et à droite, très à la "De Cape et de Croc", série bédéienne que j'adore.

En garde, spadassin! J'attends la suite avant de pourfendre ce topic d'un autre commentaire!

Voilà que par chance j'en connaisse les secrets.

Hum, tournure pour le moins curieuse, à moins que ce ne soit pour montrer que l'ottoman maîtrise imparfaitement la langue. Mais dans ce cas, pourquoi s'exprime-t-il correctement par ailleurs?
Cela dit, jeune homme, continuez: cette fraîcheur est très agréable.

Merci à tous de vos commentaires! Jolie boutade, mentor ^^
Par contre vos commentaires me montre encore une fois que je fais encore beaucoup de fautes que je ne suis plus sensé faire. Et malheureusement la formule maladroite de l'Ottoman n'était pas voulu du tout...
Je tâcherai de faire plus attention prochainement.
Merci à tous!

Sergei a écrit:Merci à tous de vos commentaires! Jolie boutade, mentor ^^
Par contre vos commentaires me montre encore une fois que je fais encore beaucoup de fautes que je ne suis plus sensé faire. Et malheureusement la formule maladroite de l'Ottoman n'était pas voulu du tout...
Je tâcherai de faire plus attention prochainement.
Merci à tous!

Houlà,mon gaillard, montrent censé, voulue, que pasa, hijo? Un petit coup de correcteur n'a jamais nui à qui que ce soit, pas vrai?

Ha, j'aime beaucoup ! Il y a un côté absurde et délirant qui me plaît énormément et tu as la justesse de ne pas en faire trop, c'est subtilement dosé et c'est plus qu'appréciable.
Les dialogues sont vifs et drôles, enjoués aussi; ils sont bien rendus, le trait ne paraît pas forcé. Felipe est un drôle de bonhomme et tu tiens là quelque chose de très bien !

En retard certes, mais de retour, avec l'espérance que vous apprécierez:




Affalé sur le sol comme un gueux sur une botte de foin, le valet Jorge inondait la geôle de larmes.

- Suffit, va-nu-pieds. Ne montre donc pas ta faiblesse à cette barbare autorité, lança sèchement le noble de Malte à son valet pleurnichard.
- Mais c'est que je ne veux pas mourir, monseigneur. C'est que moi j'ai une famille, des enfants...
- Calomnies que tout cela! Je te connais depuis trop longtemps! Toi, avec une femme? Ah que je me gausse. Un chien ne saurait s'amouracher de ton odieuse figure.
- Votre réconfort est trop bon, seigneur.
- Vois-tu, reprit Felipe mielleux, c'est en de tels instants que la nostalgie s'enquit de gagner nos coeurs, et de nous rappeler les tripailles de porc bouilli de Saint-Eloi, ou encore les lardons de sauce en rombière de Vanecuq-le-Château. Mais Jorge, cette nostalgie est pour moi presque une bénédiction. C'est la main du seigneur qui dans le besoin nous rappelle à l'ordre et nous châtie d'avoir profiter sans songer à la chance qui nous conservait.
- Messire, philosophie me paraît mal-venue en de telle instants.
- Théologie, Jorge, théologie... Ou plutôt, nostalgéologie.
- Qu'est ce donc?
- L'étude du regret du pays, stupide. Décidément, je ne puis tenir de conversation avec toi. Tu n'éprouves donc aucun plaisir à solliciter l'intellect?
- Oh, ma foi. Il m'arrive de penser un peu.
- Quoi qu'il en soit, profite de cette sensation, Jorge. Car un jour tu seras nostalgique de cette nostalgie. Et tu reviendras ici rien que pour être malheureux et éprouver du plaisir à rentrer chez toi.
- Messire, loin de moi l'idée de vous offenser, mais vos propos me paraissent tordus.
- Pas autant que mon dos. Cette cale est des plus inconfortables. Et ces cahots! Ces cahots!
- Messire, on vient!

Et en effet on venait. Dans l'ombre ambiante, derrière les barreaux de la geôle s'élevait la silhouette d'un grand personnage. Felipe engagea la conversation.

- Hola, argousin! Jamais je ne daignerai révéler l'emplacement de mes richesses, si telle motivation t'as fait descendre en mon antre obscure. Demi-tour, séance tenante, horrible individu!
- Maiiiiis calmeeez-vouuus, monseigneur d'en haut. Nous allons arriver à destination, et je viens vous proposer de déjeuner sur le pont pour admirer le paysage.

Au mot de déjeuner, le visage du valet s'illumina. Quelques instants plus tard, les deux explorateurs étaient attablés sur le pont du vaisseau en compagnie de celui qui semblait être le capitaine.
Le paysage ambiant avait radicalement changé.

- Mais dîtes-moi! Le paysage ambiant a radicalement changé, s'exclama Felipe de Malte.
- N'est-ce-pas? reprit le noble lunaire en sirotant un liquide inconnu.
- Ces praires verdoyantes, ces bosquets gonflés de vie, ces rivières gorgées de... d'eau? Ah, Jorge! Il y a de l'eau sous l'eau! Lorsque nous dirons cela à nos dames!
-Je les vois réagir étrangement lorsque je clamerais fièrement qu'il y a de l'eau dans la mer. Cependant ce sera moins difficile à croire que votre histoire lunaire, répondit Jorge avec dédain.

Car Jorge avait compris qu'entouré de gardes lunaires, les privilèges de son maître n'avaient plus de raisons d'être, et il s'était pris au jeu de paraître plus noble que ce dernier.

Le capitaine lunaire intervint:
- Malheureusement, chers amis, ce déjeuner ne signifie en rien votre liberté. Si je vous ai enfermé à fond de cale, c'était pour vous épargner du terrible paysage grisâtre des terres du sud. Et si vous déjeunez ici avec moi, c'est que j'aime exhiber mes terres luxuriantes.
- Ah ça! Monsieur, s'exclama Felipe. En voilà des manières! Jouer ainsi avec l'espoir des gens! Cela ne se fait pas, non, vraiment.
- Voyez, reprit le capitaine lunaire, nous allons arriver à destination. Voyez cette forteresse dressée sur un pic rocheux des plus étroits qui domine une vallée noire de tristesse et de douleur. On l'appelle la prison romaine, car très laide, n'est-il pas?
- Comment, nous allons nous renvoyer dans un cachot?
- Oh, ne vous inquiétez pas, les environs sont très laids, nul besoin d'une chambrette avec vue.
- Monsieur, même le roi de France n'avait daigné m'enfermer en compagnie de gueux...

Au loin se profilait une forteresse dressée sur un pic rocheux des plus étroits, dominant une vallée noire de tristesse et de douleur. Les environs étaient très laids, tout comme la prison elle-même.

Descendons, désormais, mes amis. Il est temps pour vous de croupir, selon la loi du roi Archibald de Camanrésis et Piatro cinquième du nom.

A peine descendu, le capricieux seigneur de Malte tâcha de se plaindre en bonne et due forme, à la manière des nobliaux français les plus respectables:

- Nous allons marcher à pied jusqu'à la forteresse?
- Tout à fait.
- Songez-vous à ce que je songe?
- Malheureusement non.
- Je songe qu'il est grossière erreur de jugement de votre part. Vous ne semblez pas avoir saisi la pureté de mon sang issu des familles les plus illustres de mon bon pays Maltais. Songez-vous ce que j'en conclut?
- Je n'oserai émettre d'hypothèse hâtive.
- Et bien je refuse en bloc cette cruauté irréfléchie et illégitime. Oui tout à fait, monsieur, en bloc. Je ne marcherai pas jusqu'à la forteresse à pieds. Non monsieur, j'ai dit!

Un brouhaha se fît parmi les prisonniers qui marchaient docilement jusqu'à la forteresse.
Le capitaine lunaire, affichant un visage des plus inquiets, chuchota à Felipe:

- Monseigneur, on ne dit pas de telles ignominies sur les terres de sa sainteté le roi Archibald de Camanrésis et Piatro cinquième du nom.
- Qu'ouïs-je? Me serais-je par mégarde écarté une fois de plus de la loi lunaire?
- Je crains que oui... Sa sainteté le roi Archibald de Camanrésis et Piatro cinquième du nom a interdit l'usage du mot bloc! Je me dois de commuer votre peine. Au lieu de l'éternité règlementaire, vous passerez deux éternités en prison. C'est la loi, monseigneur, ça n'a rien de personnel.
- Mais pourquoi interdire le mot bloc?
- Parlez moins fort! Ces raisons ne regardent que sa sainteté. Quoi qu'il en soit, vous êtes dans de beaux draps.
- Ce monde est fou! Vous l'aurez voulu, barbares! Vous n'aurez ni ma grâce, ni la chance de bénéficier de mes enseignements! Le diable vous emporte, je quitte ces lieux sur-le-champ! Un cheval! Mon domaine pour un cheval!
- Encore faudrait-il que vous possédâmes un domaine, se moqua Jorge.
- Mon valet pour un cheval!

Alors la foule qui s'était amassé autour de l'énergumène fit un grand "ouuuh". Le capitaine lunaire se prosterna aux pieds de Felipe...

Pendant que c'est en haut: "en de tels instants"

Enfin! Nous étions sur des charbons.
Ecoutez, à mon sens, c'est excellent, picaresque, amusant, délirant de manière cadrée, fort bien écrit. Il n'y a guère que ce ....ames à la fin sur lequel j'ai un peu tiqué, et que socque va vous rafistoler en un tournemain.
Jeune homme, si vous écrivez ainsi à votre âge, les plus brillants espoirs vous sont permis, si tant est que vous excelliez également dans d'autres registres.
Toujours est-il que je me régale. Encore bravo!

que vous possédames? Vraiment?
A moins que ce ne soit le Hollandais Volant, pour rimer avec Amsterdam

Possédassiez serait-il pas plus approprié?

Amusant, mais j'avoue que j'avais gardé un meilleur souvenir du début. Ici, je ne sais pas... je trouve le délire un peu forcé. J'aime bien les interventions du valet, toutefois, qui me paraît s'affirmer de plus en plus nettement face à son maître.
Quelques impropriétés de langue que j'ai la flemme de traquer et relever.

Il y a une grande influence "de capes et de crocs" ça se voit, mais ce n'est pas pour me déplaire.
Je me courbe en révérence et ce n'est pas pour vous montrer mon c.. mais pour souligner la performance.

rhhhhhaaaaa yyyyeeeeesssssss enfin !
Ah la vache on l'a attendue cette suite là !
Je trouve que tu tiens bien la distance, que le texte ne baisse pas en intensité, j'aime toujours énooooooooormément !
Et tu n’as même pas 18 ans !
J'en pisse de rage et de dépit !
Continue ! Fonce !

Ouuuh que j'ai honte de ma lamentable erreur de langue...
Heureusement que c'est tout de même accueilli chaleureusement.
J'essaie de ne pas m'essouffler dans l'écriture. Tout ce que vous dîtes me pousse encore davantage à écrire et c'est très encourageant. Merci à tous.

Agréablement (?) surprise par la référence à Shakespeare.
Je continue à bien les aimer ces deux-là, le valet et son seigneur cabot.