Exo en direct du 4 novembre 2009 : Quartier lointain

-John, tu veux bien venir discuter avec moi pendant que je fais ma marmelade d’orange ?
Tiens John tu vas m’aider
-Non Maminou, juste je vous regarde je suis éreinté.

Cette odeur. Ca faisait longtemps. Longtemps que je n’étais revenu ici.
Il a fallu cette tuile. C’est le cas de le dire.
Cette mini- tempête et ma belle-mère qui m’appelle en pleine nuit pour me dire que sa toiture s’envole ! Et qu’elle a peur !
Et moi qui ai roulé toute la nuit !!!Enfin ça y est j’ai pu bâcher la partie endommagée. Il peut pleuvoir maintenant. Y’a plus qu’à attendre les couvreurs.

-John mets un tablier et aide moi et je te donnerai des pots pour Kate et ton fils.

Peter. Il m’en parle souvent des confitures de Maminou, lui qui vient ici parfois avec sa mère pendant les vacances d’hiver. Mmmmm cette odeur, maman aussi faisait des confitures…avant…avant le crabe…toutes de la même couleur , elle n’aimait pas les fruits rouges, elle avait une passion pour tout ce qui était de couleur orange : oranges , pêches, abricots…Cette odeur…ça me rappelle …plein de trucs …quand j’étais gamin…

Je ne veux pas faire les confitures Maminou Mais je veux bien respirer le parfum. Me rouler dedans, Maminou.Y tremper les doigts et m’en barbouiller la figure .Maminou, je suis si fatigué mais si bien ici.
Je ne veux que faire l’enfant. L’ENFANT !

Je veux me gaver de carambars
de fraises Haribo de choco BN
acheter une glace à deux boules pour un franc
boire à la bouteille du jus d’orange qui pique
des laits fraises et de la menthe à l’eau

Je veux jouer de tout avec rien
m'accrocher des cerises aux oreilles
me faire éclater des malabars sur le nez
me coller des décalcomanies
jouer aux osselets
aux rébus et aux charades
gagner un soldat avec trois billes
couper la feuille avec un ciseau mais faire tomber la pierre au fond du puits

Je veux être insouciant
perdre les haricots sauteurs de mon dernier Pif Gadget
renverser l'encre de mon encrier
imaginer la maitresse en maillot de bain
partir encore en vacances avec ma mère dans sa vieille dauphine
qui prend feu quand nous roulons sur la route des vacances
avec mon frère et moi morts de rire
et elle affolée et horrifiée

Je veux être innocent et un peu niais
rêver d' être catholique rien que pour avoir une montre à ma première communion
être surtout cathodique pour regarder
Thierry la Fronde
Belle et Sébastien
Crin Blanc ou le générique de Zorro
en rigolant toujours très fort et en cachant parfois mes larmes
parce que quand même je suis un garçon

Je veux dire que des bêtises
chanter "le sirop Typhon" et "Zorro est arrivé"
répéter sans fin et en éclatant de rire
les mots topinambour ratatouille et rutabaga

Je veux rêver avoir du temps
avoir la varicelle
pour me faire dorloter
me rendre intéressant
Avoir de quoi rêver
regarder beaucoup les filles
derrière le grillage qui sépare leur école de la mienne
même si elles nous snobent
en disant qu’on a l’air bête et qu’on fait que se bagarrer

Je veux les regarder quand elles prennent des airs de princesse au petit pois
Quand elles vont de la terre au ciel en sautant sur une marelle éternelle

Je veux ne jamais jamais croire à la mort
seulement à l'amor encore et encore

Monsieur rêve ( et j’en crève)
que la vie est comme un pot de confiture comme un bonbec
(ou un jeu d'enfant, une insouciance, , un téléfilm niais , une chanson idiote , un mot rigolo, une espérance)
un peu collant mais doux sucré coloré

Comme je rêvais quand j’étais petit à ce que je serai plus tard
Pompier, astronaute ou bien chercheur
Comme je rêvais quand j’étais petit
A la princesse que je réveillerai et que j’enlèverai

Je ne savais pas que les crabes aussi enlèvent les reines
C’est ce qu’elle disait ma mère, le crabe il m’enlèvera
Et elle est partie dans le ciel où il n’y a pas de crabes que des étoiles
Et le roi

Le roi, mon père un jour a du rêver lui aussi
Rêver très fort de la vie qu’il aurait rêvé d’avoir quand il était petit
Un jour mon père a disparu comme ça
On n’a plus jamais eu aucune nouvelle de lui…

SOCQUE: je plaide une parfaite subjectivité parce que c'est le Caillou, qui fut mon refuge pendant des mois après un événement difficile et qui m'a marquée à vie. Alors tant de choses m'apparaissent et me reviennent que je suis sous le charme (et le choc) du texte. Un texte que je trouve sobre et fort, réussi, très sensible.

socque, c'est affreux
pas votre texte bien sûr mais l'histoire
j'espère que c'est pas autobiographique !

et décidément, la Nlle-Calédonie, plusieurs Véliens l'aiment !

abstract : une réussite, là aussi, pour moi. J'ai aimé le centrage du texte sur la couleur orange, et cette ambiance d'enfance rageuse dans un monde comme étriqué.

Remarques :
« sa chair (et non « chaire ») fade »
« ma couverture à carreaux orange (le mot « orange » employé comme adjectif de couleur est invariable, peut-être plus pour longtemps ; la règle est que les adjectifs de couleur correspondant à un nom commun restent invariables, sauf fauve, rose, écarlate, mauve, indigo, pourpre) et bleus »
« l’arrivée des années quatre-vingts »

Reb, me suis un peu mélangé au début avec tous ses prénoms et surnoms, mais ok, j'ai fini par accrocher
et que c'est dur !
ton crabe n'est pas celui qu'on pensait, ton texte prend au tripes
une belle liste à la Prévert que nous récite le narrateur redevenu gamin
j'ai aimé

Rebecca, j'ai aimé le poème, moins la première partie et son côté échevelé (toujours mon goût personnel ; je le répète : vous savez ce que vous faites et le faites bien).

Mes remarques :
« Ça faisait longtemps »
« aide-moi »
« imaginer la maîtresse »
« mon père un jour a dû rêver »

abstract : moi j'aime le crabe, de mer ou de vase :-)))
texte humoristique, j'adore, contraintes impeccablement respectées
tout bon même si un peu court

L’aiguille se pose sur la surface polie, qui se met à tourner.

Après plusieurs grésillements, le disque s’enclenche.

Une voix atone égrène dans un murmure des mots dont le sens importe peu. Il me semble qu’il est question de déserts dans lesquels vivent des crabes gigantesques. Par la fenêtre de la chambre, je vois des éclairs zébrer le paysage de cendre volcanique. Mmm. Une tempête magnétique. Espérons qu’elle ne perturbe pas l’expérience.

Non loin de la petite table sur laquelle j’ai posé le phonographe, une petite forme se balance dans un rocking-chair en rotin. Des mèches grises s’échappent de son bonnet de nuit en laine grossière.

Il a le profil d’un escalier à l’envers, ce petit vieux, avec son front proéminent et son tarin à peine moins discret. Un air de taupe abrutie aussi, ses mains crispées sous sa couverture, la tête rentrée dans les épaules.

Mais ses yeux, ses yeux ont un je-ne-sais-quoi d’ineffable. C’est la première fois que je vois quelqu’un qui a les yeux bleus. Cette couleur leur donne une fixité… intéressante.

Enfin, pour l’instant cela ne donne rien, il reste le regard bêtement fixé sur le mur d’en face. Quel ennui.

J’arrête le disque et sors une pochette d’un gris argenté. Je jette un regard sur la couverture. Un groupe de têtes de comiques morts depuis longtemps m’adresse un clin d’œil malicieux. Je soupire, pose le disque. Allons-y.

Pendant que le phonographe débite des absurdités sans queue ni tête, je croise les jambes, réajuste mon tailleur et me concentre sur le sujet. Au bout de cinq minutes de silence et d’immobilité totale, agacée, je commence à me pencher vers le tourne-disque, bien décidée à en finir au plus vite avec cette expérience à la con (c’est le huitième de la journée, merde !).

Mais je me fige au milieu de mon geste, quelque chose d’extraordinaire vient de se produire. Au milieu de la litanie horripilante des comiques, j’aurais juré avoir vu le visage de l’homme bouger. Frénétiquement, j’arrête le disque et remonte l’aiguille quelques secondes en arrière. Je relance la machine : non, je ne m’étais pas trompée! Ses minces lèvres sont bien remontées aux coins de sa bouche, avec une incroyable chaleur cet homme a souri ! Mon intuition ne m’a pas trompée, ce sujet est extrêmement réceptif !

Tremblante d’excitation, j’enlève le disque, fouille dans ma sacoche et en sort une pochette d’un bleu métallique.

L’aiguille s’enclenche, le phonographe grésille. La musique monte, doucement.

L’homme est retourné dans sa fixité habituelle. Tout d’un coup, j’ai peur d’être allée trop vite. Emballée par sa réactivité, j’ai tout misé sur le premier mouvement. Il ne se passe rien. Merde ! J’ai tout gâché.

Les violons débarquent, lancinants.

Je remarque que les mains de l’homme sont agitées d’un léger tremblement. Son regard reste figé sur le mur d’en face.

Quand le rythme de la symphonie s’accélère, avec une extrême lenteur je le vois écarter sa couverture et en tirer une photographie qu’il porte tout près de son visage. Je me penche sur ma chaise et y voit une grande figure effacée qui tient un enfant par la main.

Les mains crispées sur mon siège, j’observe chacun de ses gestes.
Tournant le cliché il en observe le dos, quelqu’un y a écrit quelque chose. En me contorsionnant, j’arrive à déchiffrer ces mots, écris à l’encre bleue : « Au parc, avec Ted ».

Les trompettes arrivent dans un claironnement de tornade. Tandis qu’il incline doucement la tête en arrière, je vois une goutte glisser de l’œil de l’homme en sinuant sur les rigoles de son visage de parchemin. Une larme ! Je retiens mon souffle alors qu’elle finit sa course et la regarde mouiller le parquet poussiéreux. Puis, l’homme se tourne vers moi, et ouvre lentement sa grande bouche édentée. Hypnotisée, j’ai le cœur qui bat à cent à l’heure. Il va parler ! Sa voix résonne, dans un craquement de vieux plancher :

« Mon père a disparu.

Comme ça.

On n’a plus jamais eu aucune nouvelle de lui. »

Je veux revoir le texte à tête reposée demain, décider s'il est postable ou pas.
Bonne nuit.
Bravo à tous de toute façon.
Et surtout une pensée chaleureuse pour mon MC préféré.

Mentor, ça fait toujours plaisir de voyager sous des cieux plus cléments surtout au mois de novembre, tu sais nous prendre par les sentiments. J’ai bien aimé ces souvenirs d’enfances qui fleurent bon la véritable anecdote même si ton père à oublier de disparaître à la fin.

Saint Georges, je trouve le texte très impressionnant ! Bravo pour cette ambiance de science-fiction que vous parvenez à distiller en quelques mots. J'ai eu l'impression d'un avenir lointain, désertique, où le climat est complètement déréglé et où on tente d'obtenir des réactions émotionnelles chez les dernières épaves humaines... (La narratrice, je la verrais bien en robote, tiens.)

Deux remarques de langue :
« Je me penche sur ma chaise et y vois une grande figure »
« ces mots, écrits à l’encre bleue »

Socque, votre texte est délicieusement horrible, ça démarre tout doucement dans la moiteur des tropiques pour finir dans le sang et les boyaux. J’ai adoré.

Saint Georges : pas tout compris. Je ne vois pas le coup du retour dans l'enfance
ou alors c'est bien caché derrière autre chose ?
en tout cas ce texte est très prenant et je l'ai lu en apnée
très bien écrit, de plus
mais faudra m'expliquer
;-)

abstract a écrit:Mentor, ça fait toujours plaisir de voyager sous des cieux plus cléments surtout au mois de novembre, tu sais nous prendre par les sentiments. J’ai bien aimé ces souvenirs d’enfances qui fleurent bon la véritable anecdote même si ton père à oublier de disparaître à la fin.

tout est vrai, sauf le sexe ;-)
et le père, ma foi, si, il a disparu
:-(

Eh bien, je trouve que l'exercice a déjà donné des résultats intéressants ! Merci à Peter Pan d'avoir impulsé la chose, et merci aux divers intervenants qui ont aidé à mettre les contraintes en place...

Loupbleu, tu as suffisamment "traîné" sur ce fil pour te défiler
on attendra ton texte
;-)

J'ai du mal à garder les yeux ouverts, je vous laisse et viendrai lire tout ça à tête reposée demain. Merci pour la soirée bien sympathique et productive, j'ai échappé au foot grâce à vous (et le standard de Liège a gagné!)

Je suis impressionnée par la qualité des textes que vous avez "pondus" en une heure.Tous ont du style et recèlent des émotions variées. Tous révèlent des univers marqués . Mais je préférerai faire des commentaires individualisés et plus argumentés.Donc je les relirai demain, à tête plus reposée et vous posterai à chacun mes impressions.Si ça ne vous dérange pas.Car je suis crevette là.

Easter : ben toi aussi, le crabe transformé en mélanome ! :-((
et puis une péniche pour se balader en Méditerranée ou en Mer du Nord, t'en as du courage ! :-)))
tu as eu raison de poster ton texte, il me semble abouti, non ?
tristoune mais fini

Rebecca a écrit:je suis crevette là.

crevette ou crabe ?
belle nuit, Reb

Easter(Island), bravo. Quel texte émouvant !

Remarques :
« Méditerranée (et non « méditerrannée ») »
« les manœuvres délicates »
« cette drôle de tache dans son dos »

socque a écrit:Easter(Island), bravo. Quel texte émouvant !

Remarques :
« Méditerranée (et non « méditerrannée ») »
« les manœuvres délicates »
« cette drôle de tache dans son dos »

merci socque !
"manoeuvre" j'ai eu la flemme d'aller chercher une ligature, "Méditerranée" je ne savais plus sans vérifier, et "tache" !!!!!! impardonnable !!!!!!
Bonne nuit.

Bounuit à tout le monde !

Mentor, tristoune mais vrai en très grande partie ...
Je vous lis demain.

Bravo et belle nuit à tous!
A demain si vous le voulez bien !

abstract a écrit:(et le standard de Liège a gagné!)

oufti !! Ça klaxonne ou bien ?

oui, belle nuit à toutes et tous !
merci à Peter d'avoir lancé
bravo à tout le monde

ABSTRACT
Bien mené dis donc ! Ecriture fluide et vive, un beau coup de colère avec des références au passé, une présence efficace de la couleur orange et la phase de fin qui se glisse tranquillement, avec facilité, dans tout ça. Impeccable.

(Je poursuis plus tard...)

Elle a posé sa tasse à même le plateau d’acajou du guéridon. Comme je craignais que ça ne laisse une trace, je me suis levé et, tout en restant attentif à son récit, j’ai glissé vers la cuisine pour cueillir une feuille de Topalin. J’ai rapidement essuyé le dessous de sa tasse avant de la reposer au même endroit.
C’est une fille étrange. Elle arrive toujours après le dîner. Toujours quand je suis seul mais il faut dire qu’il m’arrive rarement d’avoir de la visite. J’entends ses pas sur le gravier bien avant qu’elle n’actionne le heurtoir, toujours trois petits coups, comme un chat gratte à la porte me dis-je. Elle n’est jamais en peine de prétexte : « Je n’ai plus de poivre rose, de clous de girofle, de pili pili, de curry, de gingembre, de noix de Zanzibar, de bananes rouges du Bengale, de poudre de Merlinminmin … Il s’agit presque toujours d’épices exotiques dont cette pauvre fille est en manque. Il paraîtrait pourtant peu plausible à tout un chacun, que j’utilise jamais ce genre d’ingrédients. Par exemple, que m’a-t-elle demandé ce soir ? Ah oui ! Du nuoc nam ! Du nuoc nam pour son crabe ! Je n’ai pas osé lui demander si le crabe en question était à son menu ou bien si par hasard, il s’agissait d’un animal de compagnie. Evidemment, elle repart toujours bredouille, environ disons, deux heures plus tard. Car voyez-vous dès qu’elle est sous mon toit, je me fais un devoir de lui offrir une tasse de café qu’elle accepte toujours. Alors elle prend place dans le fauteuil vieux rose qui va si bien avec ses ongles superbement peints d’orange.
Lorsqu’elle repose sa tasse après la première gorgée, c’est là le déclic, là qu’elle se met à parler et moi je l’écoute en regardant voyager ses mains, mains papillons aux ongles oranges.
Elle raconte toujours des choses ayant trait à son enfance, des évènements extraordinaires qui sont arrivés à sa famille dont chaque membre est sans conteste un spécimen unique.
Il m’arrive souvent de me demander si elle n’invente pas sa vie au fur et à mesure mais la minutie apportée aux détails dans sa narration et l’élégance de ses gestes accompagnant son récit… Ses mains surtout me convainquent. Quand elle les joint sur ses genoux…
Pourtant, quels horribles moments ont dû passer ces gens tout au long de leur vie. Sans compter les morts dramatiques. Comme ont dit, ces gens-là ont subi mille morts. Peut-être par personne !
Où en est-elle là ? Ah oui, elle parle de son père, un khmer d’Amérique Centrale aux yeux verts. Elle vient d’exprimer un très long soupir, la fin de l’histoire n’est pas loin, selon moi. Pour ce soir. Elle dit : « Eh voilà, mon père a disparu comme ça. On n'a plus jamais eu aucune nouvelle de lui. »

Bon, j'imagine que je suis lanterne rouge.
Comme d'hab :-)
Et ça ne s'arrange pas avec le temps !

Pili : très élégant et inventif, je trouve. J'ai beaucoup aimé ce voyage dans les épices, le dévoiement "Merlinminmin". Et, en quelques lignes, comme vous savez bien évoquer la solitude !

Une remarque :
« Comme on (et non « ont ») dit »

Mentor: un texte charmant, plein d'humanité. Par contre je n'ai pu m'empêcher de remarquer que la fin du texte ne répond pas à la contrainte.

Pour ce qui est de mon texte, le souvenir d'enfance a bien lieu seulement il n'est pas explicitement raconté puisqu'il est vécu de l'extérieur par le narrateur (ce n'est pas son souvenir d'enfance).

Sahkti: Ce que j'ai beaucoup aimé dans votre texte c'est à quel point les deux dernières phrases de conclusion tombent juste, un vrai couperet. Bien sûr le reste du texte est bien écrit et l'histoire est touchant, mais ce détail particulièrement réussi!

Socque: ah chapeau pour les 6 dernières lignes! Arriver à faire aussi ressortir aussi fortement la violence de l'accident c'est très fort.

Pour moi, il ne reste qu’une rue déserte, grise et brun rouge, et des bouts d’étoffe voletant.

Abstract: j'aime votre écriture en lame de couteau. Vous avez réussi à accomplir une progression dans le souvenir à partir de la chair de crabe qui donne à votre texte une évolution excellente. Une réussite, pour moi.

Je commenterai le reste demain. En tout cas, pour l'instant, je trouve les textes de cet exercice d'une qualité particulière.

"mains papillons aux ongles orange" : très joli !
et du pili-pili, Pili, quelle bonne idée ! :-)))
Texte sobre, délicat, poétique
du Pili
;-)

Une réussite cet exo, on dirait bien !

Je vous commente demain avec le plus grand plaisir.

Un grand merci à toi, MC Peter Pan. Ton idée était vraiment bonne, les résultats en sont la preuve. Et pardonne-nous, s'il te plaît, de t'avoir ainsi bousculé.

Avec les embouteillages, j’étais tellement en retard que j’ai trouvé plus poli de ne pas m’y rendre du tout. Je pourrai toujours prétendre la méprise, l’erreur, l’oubli. Par politesse, j’ai pas prévenu. Puis c’était pas si loin, peut-être une demi-heure, au plus ? Je n’y étais jamais retourné. Il y a des endroits qu’il ne convient de visiter que sur du temps volé.

A gauche, le supermarché que j’avais vu construire, môme il y a trente ans, j’y ai garé la voiture dont le capot commençait à surchauffer. Un peu plus loin, l’hôpital psychiatrique dont on se racontait les histoires imaginées dans la cour de récré. Et puis l’école. Les cages de foot sont toujours là, orange vif, dans une petite zone à part de la cour de la primaire, rangées le long d’un mur bétonné.

Les banlieues rouges sont des banlieues grises. Il n’y que quand on y a passé du temps qu’une teinte particulière, qu’une lézarde du béton peut vous ramener les souvenirs. Je suis tellement vieux que j’ai des souvenirs en noir et blanc.

A l’époque, on les sortaient pas souvent dans la cour, les cages : parce qu’au début, on s’était amusé à s’y accrocher comme des crabes à un filet et qu’on les avait à moitié bouzillées. Parfois, on les sortait quand même. Pas quand il pleuvait, ni quand les feuilles mortes jonchaient le terrain ; les maîtresses craignaient trop qu’on s’y rompe le cou.

D’où me vient l’idée que toute mon enfance s’est déroulée en automne ? La goutte au nez. Les jours de pluie sous l’oppressant préau. La fête à la grenouille. J’y ai gagné, peut-être, mon goût de l’ennui.

Parfois, l’un d’entre nous tirait trop fort et le ballon retombait dans un des jardins d’à côté. Ca sonnait la fin du jeu. Les filles qui jouaient à l’élastique dans un coin s’égayaient dans toute la cour. Hyacinthe, ma petite voisine rousse, me faisait bisquer. Il n’y avait plus qu’à jouer à la marelle - ce qui était passablement la honte -.

Je ne sais plus depuis combien de temps j’y suis. Les parents sont de vrais inconscients ! De nos jours, certaines maîtresses d’école ont l’air de gamines. La fin de la récré a sonné, on dirait. L’école les engloutit où elles iront apprendre à lire à d’autres que moi.

Dans un coin, un ballon.
A bien y réfléchir, le foot, je ne sais même plus si on avait jamais pu y jouer.
Un soir seulement. Celui où mon père n’était pas venu me chercher. On m’avait laissé, tout seul. Ca ne m’avait pas fait grand chose, cette histoire, et tout le fatras qui s’en était suivi, non, pas grand chose.
Moins que mon envie de tirer des pénos dans la lucarne.

Un regard inquiet croise le mien. Je m’aperçois que sans m’en rendre compte j’ai sauté la barrière. Que je suis en train de jouer, comme un môme, tout seul en train d’essayer de marquer des buts imaginaires dans une cour de récré. Le bruit d’une sirène me fait comprendre qu’il est trop tard.

Ca se trouve, mon père avait disparu comme ça. On n'a plus jamais eu aucune nouvelle de lui.

Pile pas à l'heure, comme d'hab :-)
C'est pour que Pili soit pas la dernière :-)

Loupbleu a écrit:Pile pas à l'heure, comme d'hab :-)
C'est pour que Pili soit pas la dernière :-)

Quel gentleman ce Loup !

Je te lis et m'en vais au lit.
Commentaire demain.

Je viendrai lire tout ça cet après midi et t'es adorable Pili...