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Belfast Parano, partie 1 (Chapitres 1, 2, 3, 4 et 5)

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Belfast Parano, partie 1 (Chapitres 1, 2, 3, 4 et 5) Empty Belfast Parano, partie 1 (Chapitres 1, 2, 3, 4 et 5)

Message  lillith Dim 15 Nov 2009 - 14:05

Chapitre 1.

Ce foutu James Connolly...

Son amant étrange, au nom mythique… Ils venaient d’avoir leur première vraie grosse dispute… Une semaine de conflit larvé, une guerre de basse intensité, qui s’exprimait plus par le silence que par des mots et qui était en train de sérieusement la miner… Elle n’arrivait plus à penser à quoi que ce soit d’autre, cherchant désespérément comment rétablir la situation… ça perturbait même son sommeil et ses longues périodes diurnes de rêves éveillés… Ce ne pouvait donc signifier qu’une seule chose…

Amoureuse… arrête de te voiler la face… piégée…

Ils roulaient, en ce moment même, vers la maison de sa grand-tante Henriette, là où elle l’avait rencontré un an auparavant, presque jour pour jour. Blottie contre la portière, bercée par le ronron à peine perceptible du moteur de la grosse voiture noire aux vitres fumées, elle se laissait partir dans les divagations habituelles de son intarissable boîte à souvenirs.

Elle avait immédiatement été intriguée par cette espèce de dandy snob aux yeux de chat. Elle avait du mal à le cerner, elle devinait, sous le chic du costume sombre, quelque chose de beaucoup plus noir et perturbé. Elle se méfiait habituellement des types comme ça et tenta de conserver une certaine distance ; mais, au fil du repas, il l’avait finalement amusée, par la gaucherie de ses paroles, puis séduite, par sa courtoisie d’un autre âge. Il la vouvoyait, l’appelait Mademoiselle, lui avait avancé sa chaise avant qu’elle ne s’assoie… Devant tant d’égards, elle se demandait ce qu’un mec tel que lui pouvait bien trouver à une petite métaleuse destroy comme elle…

Elle lui parlait de sa thèse d’histoire, il la fixait avec des yeux vagues et un sourire idiot. Quand il tentait d’aligner trois mots, il mélangeait l’anglais et le français et s’emmêlait dans son discours comme un gamin… Pourtant, ce comportement était aux antipodes de la description qu’Henriette lui avait faite de son vieil ami…

Le soir même, elle recevait, glissée sous sa porte, une carte, écrite à la plume, l’invitant à diner le lendemain, dans l’un des plus prestigieux restaurant d’Aix-en-Provence. Le procédé l’amusa. Certes, elle n’avait ni téléphone, ni internet, mais il aurait pu sonner… le black métal hurlant au travers de ses murs signalait suffisamment sa présence…

Peut-être que je lui ai fait peur…

Elle s’y était rendue vêtue de sa plus belle robe gothique, sa crinière noire domestiquée en une choucroute façon dix-huitième siècle. Il l’attendait, bien qu’elle ait été légèrement en avance. Elle le vit par la fenêtre, immobile et calme,… un félin à l’affût. Elle se rendit compte qu’elle tremblait légèrement d’excitation.

Arrête, idiote, ce n’est qu’un mec, tu t’en es tapé plus d’une vingtaine depuis sept ans… celui-ci n’a rien de différent des autres…

Oui, mais voilà… ses relations avec la gent masculine s’étaient jusque-là limitées à un aspect strictement sexuel, ou vaguement amical. Alors que là… Elle commençait à se sentir bizarre, les mains moites, la gorge nouée, l’impression d’avoir des ailes qui lui poussaient dans le dos… Pour un type qui pourrait être son père… et fringué comme l’aurait été son grand-père, …

ET ALORS ! Quitte à toujours se singulariser, autant le faire pleinement ! T’emmerde pas avec ces considérations, fille, tout ça c’est des construits sociaux…

Quand James la vit pousser la porte, il sortit brusquement de sa rêverie, son cœur venait de se décrocher pour aller rebondir sur le lustre design du restaurant.

A dark lady…

Il avait hésité un moment avant de l’inviter… Il avait quand même été l’amant de la meilleure amie de sa grand-tante,… qui, certes, à l’époque avait vingt ans de plus que lui…

Johanne, my dark lady...

Il avait appelé Henriette pour lui dire qu’il se trouvait face à un dilemme : il venait d’avoir le coup de foudre pour une fille, mais manque de bol c’était sa nièce, Johanne… Henriette avait éclaté de rire, en lui disant qu’elle s’en était aperçue, et que ça semblait être réciproque. Elle avait ajouté que si cela l’avait quelque peu étonnée, cela ne la dérangeait pas le moins du monde. Au moins, si Johanne paraissait malheureuse, elle saurait sur qui taper… Il avait alors raccroché sans un mot et s’était précipité sur son stylo plume, pris d’une soudaine inspiration.

Il avait écrit le mot, puis avait laissé vadrouiller son imagination… Quand il avait vu la jeune femme pour la première fois, la veille, il avait été frappé par une puissance divine... Une révélation, l’apparition de Sa Madone personnelle…Le mélange éclatant entre le sud et le nord, des cheveux, des yeux et des rondeurs de méditerranéenne, sur une peau diaphane, des traits de poupée russe et une minuscule bouche sensuelle. Ses goûts vestimentaires laissaient à désirer ; mais ils accentuaient par contraste une grâce brutale et une voix basse, un peu rauque, de grande fumeuse… Elle lui avait parlé des révoltes en Provence pendant tout le repas. Il avait suivi, fasciné, les mouvements de sa petite bouche et le soleil jouant dans sa chevelure noire, comme sur le triptyque de Soulages qu’il avait vu, quelques semaines plus tôt, au musée de Grenoble... Il n’arrivait pas à aligner trois phrases sans bégayer, ou sans mélanger français et anglais dans un affreux et incompréhensible sabir. Il pouvait presque visualiser le sang gagnant les vaisseaux de son visage pour le rendre encore plus ridicule…. Il avait l’impression d’avoir à nouveau quatorze ans, sa belle gueule en moins.

Tout l’avait séduit chez elle. Ses yeux noirs pénétrants, façon rayons laser, son intelligence, son humour railleur, son je m’en foutisme cultivé… même son horrible uniforme post-grunge l’avait touché, par son côté enfantin… et par ce qu’il laissait voir de sa peau et de ces rondeurs… Ses jambes, gainées d’une toile de trous entourée de jeans, ses fesses tendant dangereusement le tissus usé jusqu’à la trame, au point de faire craindre un éclatement… Son décolleté vertigineux …

So Sexy…


Et un an plus tard, elle était là dans la voiture à lui faire la tête pour qu’il avoue avoir eu tort…

Une semaine auparavant, il s’était engueulé avec Henriette qui voulait, une fois de plus, l’entraîner dans l’un de ces coups tordus pour faire tomber Paul Santini. Elle avait besoin de lui pour s’infiltrer dans l’ordinateur personnel du vieux mafieux. Il lui avait répondu qu’il était fatigué de ses foutus délires de vengeances, que sa croisade anti-Santini avait fait suffisamment de morts comme ça et que, désormais, lui n’aspirait qu’à vivre tranquillement de ses affaires, à profiter de son tout nouveau bonheur et à surtout ne plus vivre avec la peur de se prendre une balle dans la tête au détour d’une rue… ou pire désormais… avec la hantise que la femme qu’il aime se prenne une balle dans la tête au détour d’une rue…

Le ton a commencé à monter… Et là,… quand elle lui avait dit, sur le ton de l’évidence, qu’il fallait qu’il le fasse pour elle, il avait eu les mots de trop… il l’avait traitée de vieille peau égoïste et inconsciente… Elle l’avait qualifié, d’un ton froid et méprisant, de lâche et de foie blanc en lui rétorquant, le menton relevé et les lèvres pincées, que c’était lui l’égoïste dans l’affaire… Hors de lui, il s’était levé d’un bond, manquant de renverser la table, et l’avait traitée de vieille pute, se retenant de justesse de lui cracher à la figure… Elle blêmit et attrapa, un énorme couteau cranté. Tenant l’ustensile tranchant comme un poignard, elle menaçait de la pointe. Abaissant l’arme, elle lui avait hurlé qu’elle ne voulait plus rien avoir à faire avec lui ; il avait hurlé la même chose encore plus fort et était parti en claquant la porte, laissant une Johanne abasourdie et une Henriette rouge de fureur qui avait finit par planter, de toute ses forces déclinantes, le couteau à pain dans la table de la cuisine.

Et depuis Johanne lui en voulait. Il faut dire que traiter Henriette de pute n’était pas bien malin… Si elle cherchait à se venger de la famille Santini, c’est justement parce qu’elle s’était retrouvée prostituée après que l’un des maquereaux de Paul Santini, le cousin de Jean, l’avait « recueillie » lors d’une fugue, à l’âge de seize ans… Elle avait pu se sortir de là grâce à Jean Santini… qui avait promis la liberté à Henriette et sa meilleure amie, Julie, contre la mort de Paul Santini… Après cela, il avait tenté de les faire descendre. Les deux filles s’étaient réfugiées à Londres, en compagnie de deux autres prostituées qui avaient eu le malheur d’être témoin de l’exécution…

Toutes les quatre se sont alors lancées dans le braquage de banque, l’escroquerie et autres chantages. Pendant dix ans tout a roulé pour elles. L’une des filles, Rose, a décidé de se retirer de la vie criminelle, pour se marier, l’autre, Odette, voulait faire de même après un gros coup. C’est à ce moment-là que James les a rencontrées… Elles avaient besoin d’un spécialiste des coffres-forts, capable d’en ouvrir un en moins de dix minutes… ce qui constituait le talent principal du jeune James, vingt ans, fils de serrurier, qui s’était lancé très tôt dans la cambriole et avait même déjà mangé une année et demi de prison pour ça… Le braquage a foiré, Odette s’est fait descendre, Henriette, Julie et le jeune James se sont réfugiés à Paris. Après quelques années à se contenter de coups modestes, les deux filles ont décidé de redescendre à Marseille pour aller faire cracher ce vieux Jean au bassinet… James a suivi aveuglément… et le cercle infernal a débuté, conduisant Julie à la mort, James à l’exil, et Henriette en taule sous une fausse accusation.

Vingt-cinq ans plus tard, voilà qu’Henriette voulait remettre ça… encore une fois. Devenue une vieille dame cardiaque, elle comptait sur ces « bras » pour mener à bien ses plans : James, qui s’était recyclé en hacker lors de son dernier séjour en prison, durant le boum économique irlandais, et Ange, un jeune Corse, étudiant en droit, qu’Henriette avait pris sous son aile lors de sa sortie de prison, et qui lui obéissait comme un brave petit toutou …

Johanne ne comprenait pas pourquoi il avait réagi aussi violemment. Elle ne lui faisait pas la tête, pire, elle le harcelait… Pour elle, James refusait à une vieille dame, dont la santé déclinait de plus en plus, l’ultime vengeance qui lui permettrait de partir en paix… Elle ne se rendait pas compte… Elle ne comprenait pas qu’il avait vu beaucoup trop de morts, que s’attaquer à des mafieux n’était pas que de l’adrénaline et de l’excitation comme dans ces foutus bouquins… que quand on se prend une balle c’est fini… on tombe,… on n’existe plus… et que parfois cela peut être encore pire que ça… Julie, qui avait été sa compagne pendant plus de cinq ans a disparu… tout bêtement… Paul Santini s’était vanté de sa disparition, promettant le même sort à Henriette et James s’ils ne s’évanouissaient pas très vite de son horizon…

Ce qui avait conduit James à Belfast, chez son oncle Patsy… Très rapidement, il avait été « recruté » par un groupe paramilitaire, tendance extrême gauche, l’INLA[1]… et là aussi, il en avait vu, des cadavres… beaucoup trop… et souvent pour des histoires d’honneur et de vengeance qui n’avaient pas grand-chose à voir avec la lutte… enfin,… quoi… pas directement…

Mais, bon, Henriette restait Henriette… Sa meilleure amie… celle qui l’avait aidé à s’installer en France quand il n’avait pas voulu rester dans cette Irlande post-processus de paix, toute tournée vers le grand capital, où il aurait subit un véritable ostracisme dû à son passé politique……

Yes…, well, no…, je ne reviendrai pas sur ma décision de ne pas en être, mais il faut quand même que je m’excuse de lui avoir parlé comme ça…puis ça calmera peut-être Ma Panthère.… Après tout,…elle a quand même passé la semaine à nous convaincre, avec Henriette, de nous retrouver pour discuter…Je vais m’excuser, lui expliquer pourquoi je ne veux pas participer et j’espère qu’elle comprendra… Elle aussi, elle tient à Johanne… Et puis si elles ne comprennent pas, l’Ange doit être rentré de Corse. Quand je lui expliquerai que la sécurité de Johanne est en jeu, il se rangera sans aucun doute de mon côté.

A la sortie d’Aix, au feu rouge, il tira le frein à main et se tourna vers la jeune femme. Celle-ci, les bras croisés, fixait silencieusement le rétroviseur extérieur, comme si elle avait quelque chose de très grave à lui reprocher…

- Tu as gagné, je vais m’excuser. Je change pas d’avis sur le fond, mais j’avais pas à lui parler comme ça…

La bouche minuscule de la jeune femme s’étira en un immense sourire :

- Un peu de musique pour fêter ça ?

Elle brancha son lecteur MP3 sur l’autoradio de la BM, sembla hésiter, puis appuya sur Play. Les haut-parleurs dégueulèrent de gros riffs de guitare bientôt accompagnés d’une voix démoniaque :

« RRRRIIIIGHT NOOOWWW …. AHAHAHAHA ! I’m an….»

James coupa brutalement la prise auxiliaire, ce qui eut pour effet d’allumer la radio. Johanne baissa le volume.

- Qu’est-ce qui se passe ? Je croyais que le punk ne te déplaisait pas.

- Ah ouais… mais pas eux… State sponsored rebellion…

- Euh… c'est-à-dire ?

James se tourna vers elle, goguenard :

- Je vais casser l’un de tes mythes… Ces petits cons de Sex Pistols ont accepté du fric de Londres pour aller jouer à Belfast…

Johanne, un peu incrédule, lui demanda :

- Mais, pourquoi ils ont fait ça ??

- Les Sex Pistols,… je ne sais pas… je pencherai pour l’appât du gain ou un manque de discernement dû à tout ce qu’ils avalaient, mais, les Brits, c’était pour tenter de détourner la jeunesse catholique du républicanisme… clairement… Quand on ne peut pas stopper une révolte, on l’oriente…

- Alors ça… ça me laisse sur le cul… Rassure-moi, les Clash ont pas fait pareil ?

James éclata de rire :

- Non, l’un de tes mythes est sauf. Eux, ils ont réussi à se faire menacer de mort par les loyalistes !

Le jingle du journal de midi de France Intox retenti. « Aujourd’hui, l’Irlande du nord a fait un bond de près de dix ans dans le passé. Les habitants se sont réveillés sous le choc. Hier soir, deux militaires de la caserne de Massereene ont été abattus par un commando puissamment armé, au moment où ils réceptionnaient les pizzas qu’ils venaient de commander. Notre envoyé spécial, Stéphanie Morretti… »

James, incrédule, freina légèrement et augmenta le son : « Hier soir, deux militaires du régiment d’élite stationné ici ont commandé des pizzas. C’est en sortant devant la porte de la caserne pour réceptionner leur commande qu’ils ont été abattus par un commando puissamment armé qui stationnait non loin de là. Les deux livreurs de la société Poker Pizza ont été blessés, de même que deux militaires en faction qui ont tenté de venir au secours de leurs camarades. Les deux victimes, âgées respectivement de vingt et un et vingt-deux ans, allaient partir dans quelques jours pour l’Afghanistan. Un groupe armé dissident refusant les accords de paix, l’IRA Historique, aurait revendiqué l’attaque. Le provisional Sinn Fein a immédiatement condamné cet acte en déclarant qu’il n’émanait que d’une faction de bandits qui ne réussirait pas à mettre en péril la paix durement acquise. Des informations sur l’avancée de l’enquête dans notre prochaine édition. A Belfast pour France Intox, Stéphanie Morretti. »

Un immense sourire se peignit sur le visage de James :

- Alors ça… c’est… inattendu ! Je savais qu’il avait repris les armes,… mais…

- Tu connais ce groupe ? demanda Johanne une lueur d’excitation sur le visage.

- Oui, enfin, je connais des gens qui en faisaient partie, ça s’est créée juste avant les accords de paix de 98, j’étais en prison… mais je ne sais pas si les gens que je connaissais en font encore partie… répondit James. Puis à mi-voix, il ajouta, completely crazy !…

En prononçant ces paroles, James sentit l’adrénaline se diffuser brusquement dans toutes les parties de son corps. Ses lèvres s’étiraient en remontant le long de son visage, presque tous ses muscles se tendirent. Il n’avait plus connu ce genre de réaction chimique corporelle depuis près de dix ans.


Calmos, Jim. L’action c’est bien beau dans l’immédiat, mais après ça se termine souvent à l’ombre…

Malgré tout, il aimerait bien être là-haut en ce moment… Ils doivent tirer une gueule, les Brits, et les provos[2]…

[i]Un coup comme ça… on n’en réussit pas tous les dix ans… ça porte la marque de l’humour du Doc.… Pizza aux pruneaux pour les tueurs à gages mandatés par l’Etat…[/i°

Johanne frétillait sur son siège. La lutte armée avait toujours été une sorte de fantasme pour elle, en même temps qu’une solution politique mûrement réfléchie… Comment se battre contre un Etat armé sans soi même utiliser des armes ?… Face aux bastos, les fleurs et les belles paroles pacifistes ne servent pas à grand-chose… L’I.R.A et toutes ses dérivées… Whaou ! Trente ans de lutte et même quand ils semblent morts, ils se relèvent encore…

Elle sortit machinalement une cigarette et l’alluma, avant de réaliser qu’elle était dans la sacro-sainte voiture de James. Elle ouvrit la fenêtre, se laissant gifler par l’air brûlant de ce mois de Juillet et aspira une profonde goulée de fumée. Elle se tenait prête à éteindre le cylindre de tabac incandescent pour éviter que ne se propage la flamme d’une nouvelle querelle, mais il ne lui fit aucune remarque, trop occupé à former des conjectures sur l’attaque de la caserne, un sourire rêveur et goguenard accroché au coin des lèvres.

Elle se sentait speed comme jamais, plus encore que lors des dernières manifestations étudiantes qui avaient tourné à l’émeute. Le soleil de la campagne Aixoise luisait d’un éclat marrant à travers les vitres fumées de la BM. Si on lui avait dit deux ans plus tôt qu’elle sortirait avec un mec en costard qui roule en BM… mais James n’est pas un type en costard comme les autres. Oh ! non… Non, c’est juste un petit morceau de réalité dépassant la fiction, un gars ressemblant, en mieux, à ces héros de série noire qui l’ont toujours fait rêver ; un type qui aime la « sape » comme dirait Henriette, qui aime les belles bagnoles et le rock’n’roll mais qui refuse de sacrifier sa liberté journalière à l’esclavage salarial…

[1] Irish National Liberation Army, groupe paramilitaire armé. Pendant marxiste –léniniste de l’IRA Provisoire durant les « troubles » en Irlande du nord.

[2] Le Provisional Sein Feinn et le Provisional I.R.A
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Message  lillith Dim 15 Nov 2009 - 14:08

Interlude 1

J. fixe le panneau indicateur d’un œil. Son vol va avoir quinze minutes de retard… Mais aucune importance, ce qui devait être accompli venait d’être accompli.

ET UNE BONNE CHOSE DE FAITE AUJOURD’HUI !
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Message  lillith Dim 15 Nov 2009 - 14:10

Chapitre 2.

James ne s’était pas senti d’aussi bonne humeur depuis très longtemps. Il avait envie d’attraper Johanne dans ces bras, de l’embrasser, de se perdre dans sa chevelure , de lui faire l’amour, là, maintenant, tout de suite, dans la voiture, au bord de la départementale D23… mais, comme il allait engager le véhicule dans le chemin menant chez Henriette, il s’abstint. Il prit une profonde respiration. Il avait l’impression que ses lèvres allaient se détacher de son visage pour virevolter autour de sa tête et finalement se poser entre les magnifiques seins de Johanne.

Regarde la route, imbécile !

Il s’engagea à la dernière seconde dans l’étroite voie mal empierrée. Il se sentait prêt à donner toutes les excuses du monde à sa vieille amie vindicative. Rien n’allait pouvoir entamer sa joie et son optimisme.

Les Brits viennent de se prendre une méchante baffe dans les dents !... et Johanne ne boude plus !... et je vais régler cette foutu situation avec Henriette !!... YIPEEE !! Le monde est merveilleux !

Il gara la voiture à l’ombre de l’immense platane, coupa le contact et posa sa main sur le bras de Johanne :

- Je t’aime
Sans un mot, elle se jeta littéralement sur lui, le renversa contre la portière et l’embrassa sauvagement. Une noire tempête d’amour échevelé !

Johanne tapa une série de coups joyeux à la porte d’entrée. Pas de réponse

Merde, elle va pas se décider à porter un sonotone ? Elle devient sourde comme un saint de pierre…

Elle posa sa main sur la poignée, pour ouvrir. Elle appuya. La porte ne bougea pas d’un pouce. Fermée à clef. Johanne sonna au visiophone, tirant la langue à la camera. Toujours aucune réponse.

Bizarre, d’autant plus qu’il m’a semblé voir les volets ouverts…

James était en train de se recoiffer et d’arranger le col de sa chemise dans le rétroviseur, tout en sifflotant I fought the law des Clash. Elle l’appela d’une voix mal assurée :

- James ! T’as les clefs ? J’ai peur qu’Henriette ait eu un problème…

Il sursauta et se précipita vers elle, des mèches de cheveux lui tombant sur le nez. Il plongea, sans hésiter, sa main entre les dents de l’énorme tarasque de pierre qui garnissait une niche contiguë à la porte. En théorie, elle devrait contenir des doubles soigneusement fixés dans un coins précis de l’intérieur de la statue… Que dalle…

- Pas besoin de clefs.

James retourna à la voiture au pas de course. S’il ne l’avait pas éjecté dans l’un de ses grands ménages frénétiques, il devait encore avoir un rossignol planqué sous le siège avant.

A l’aide du rossignol, il vint à bout des serrures en moins d’une minute.

Mais quand est-ce qu’elle va se décider à mettre de vraies serrures sur cette satanée porte ? A quoi ça sert qu’elle m’ait fait installer un visiophone…

Il poussa le battant. Immédiatement, l’odeur l’alerta.

- Jo, tu restes dehors…

Non, il peut y avoir du monde posté dehors...

- Non, en fait, tu restes scotchée derrière moi. Calque tes gestes sur les miens.
Johanne, dont l’excitation n’était pas encore totalement retombée, sentit son cœur s’accélérer encore, le sang lui battait les tempes, l’air avait du mal à passer dans ces bronches. Elle imita les gestes de James, posant les pieds au sol très lentement, en commençant par le talon, fléchissant légèrement les jambes, presque collée au dos de son amant. Ils parcoururent les deux mètres de couloir comme cela. Ils s’approchaient de la cuisine. L’odeur âcre, soufrée et métallique de la poudre devenait de plus en plus puissante, mêlée à une autre odeur, celle-là chaude et écœurante de viande brulée, avec un arrière goût de boudin artisanal mal-cuit. James pouvait presque voir les mains de l’angoisse faire un nœud avec son larynx. L’odeur du sang, versé en quantité… Plaqué au mur du couloir, il jeta un œil dans la pièce.

Henriette gisait là, en face d’eux, la moitié du visage manquante. La table en noyer, le sol autour d’elle et une partie du mur en face étaient maculés de sang, de morceaux blancs de plus ou moins grande taille… (de l’os…), de cheveux gris amalgamés de chair et de sang… encore du sang… et une matière gélatineuse gris-rosâtre bizarre. L’odeur était difficilement tenable, poudre, sang encore chaud et viande passée au feu. Elle envahissait le moindre de ces nerfs. Il retint à grand peine un haut-le-cœur. Johanne passa la tête à son tour dans l’encadrement de la porte. Son visage se glaça instantanément.

« Oh ! putain de merde ! »

James la bâillonna avec sa main.

« Shut up ! »

La porte-fenêtre de la cuisine, qui donnait sur le côté du mas, était légèrement entrouverte. James écouta attentivement. En dehors de leurs deux respirations légèrement saccadées, il n’entendait absolument rien. Aucun bruit, aucun murmure, aucun glissement, aucun souffle. Rien. Il s’avança prudemment et passa à côté du corps de sa meilleure amie, en s’efforçant de garder son regard focalisé sur la porte-fenêtre. Il poussa un vantail. Personne dehors non plus. Il baissa les yeux : deux traces de vélo dans l’herbe…

Il se prit la tête entre les mains. Johanne, restée dans l’entrée, n’arrivait plus à bouger. Son cerveau lui disait « casse-toi », mais ses jambes émargeaient aux abonnés absents. Ses yeux étaient comme soudés au crâne explosé d’Henriette. Son rythme cardiaque s’était calqué sur le chant funèbre des gouttes de sang s’écoulant au sol. Ploc ! Ploc ! Ploc ! Elle aurait bien aimé s’évanouir, couper le contact, mais son esprit n’était pas du même avis, bien décidé à rester en mode éveil. Il enregistrait même une foule de détails bizarres. Le torchon pour s’essuyer les mains ne pendait pas au crochet habituel, le four encastré était légèrement sorti de sa niche, une patate à moitié épluchée attendait de rejoindre le tas de ses congénères déjà débarrassés de leur peau.

James revint dans la cuisine et poussa Johanne en dehors de la pièce. Ce geste l’exaspéra, elle repoussa sèchement la main qui l’avait attrapée à la taille. Il lui prit le bras fermement et l’entraîna jusque dans le salon contigu. Il la força à s’asseoir, puis lui dit :

« Surtout ne touche à rien. Je vais effacer nos empreintes dans la cuisine »

James s’obligea à baisser les yeux sur le corps de son amie. Il respirait volontairement très lentement, tentant de faire fi des odeurs et des images, de se concentrer sur des faits bruts, comme s’il les lisait dans un livre. Au vu des dégâts, on avait tiré minimum avec du neuf millimètres, parabellum, (ou peut-être des munitions de chasse ?). Il s’accroupit sur les talons, derrière le cadavre. Son amie était attachée à la chaise avec du fil de nylon. Il regarda ses mains. Elle avait reçu une balle dans la main droite, de plus petit calibre. Il pouvait distinguer des traces de poudre autour de la blessure. Tirée à bout portant. Elle avait plusieurs doigts brisés à l’autre main. Il leva les yeux, le bras droit d’Henriette pendait bizarrement. Epaule cassée. Il se releva. La pièce dansait autour de lui. Il ferma les yeux, prêt à s’écrouler.

Non, Jim. Tu ne flanches pas maintenant. Allez, hop ! Tu inspires. Tu souffles. Tu ouvres les yeux et tu te mets en pilote automatique.

Il souleva les paupières et aperçut les jambes de son amie. Il referma les yeux immédiatement. Ses genoux n’étaient plus qu’une bouillie épaisse de sang, de chair, d’os et de tendons. On l’avait torturée. Et pas qu’un peu. Il se sentit vaciller à nouveau. Il regarda autour de lui, le sang commençait tout juste à se coaguler. Il scruta le sol de la cuisine, les meubles. Pas de douilles.

Très professionnel… Je parie que les flics ne trouveront ni empreinte, ni ADN… Sauf les nôtres… merde…

Il essuya, à l’aide de la pochette de son costume, les endroits où Johanne et lui avaient pu passer les doigts, en s’efforçant de contourner le centre de la pièce de peur que son regard ne tombe sur son amie.

Johanne, dans le salon, serrait les poings à s’en enfoncer les ongles dans la chair de la main. Elle commençait à se calmer et à réfléchir plus froidement.

Maintenant, il faut penser aux condés. Faut éviter que cette affaire nous retombe dessus. Quand on aura résolu cette urgence, on trouve le coupable et on lui fait bouffer ses couilles par le trou du cul…On fait des serpentins avec ses putains d’intestin … et on les lui accroche en collier…

Enfin… Prenons les choses dans l’ordre. Déjà, réfléchir aux éléments dont on dispose. Dernière « affaire » chaude de la tante : faire tomber Jean Santini en trouvant la preuve qu’il blanchit son fric pas net à l’aide de fausses entreprises d’insertion et qu’il a organisé le meurtre de son cousin pour ne pas partager l’empire des Santini sur Marseille.

Quand elle avait appris le passé de sa tante, Johanne avait fait des recherches, dans les archives des journaux locaux, sur l’empire des Santini. De fait, cet empire cédait du terrain, sur certaines de ses frontières, mais n’en redevenait pas pour autant un petit royaume de province. De plus, le statut de sénateur et président de collectivité territoriale de son souverain lui donnait une quasi-immunité, en tout cas l’immunité parlementaire, une garantie bien utile. Et puis bon… l’achat de flics locaux était un sport familial… Donc, premier suspect possible : Jean Santini, ou plus probablement l’un de ses hommes de main. Ce fils de chien a dû apprendre d’une manière ou d’une autre que sa vieille ennemie était de retour sur le sentier de la guerre. Et il l’a faite liquider,…

Deuxième suspect, logique, James. Ils se sont engueulés à mort, et visiblement il lui en voulait pas mal…

Oui, mais pour cela il aurait fallu qu’il se dédouble…

Mais, il aurait pu se lever avant Johanne, puis aller descendre Henriette et revenir se coucher… Ou même ne pas se recoucher du tout… puisqu’il l’avait réveillée avec un petit-déjeuner au lit, café noir/croissant/orange pressée… dans l’une de ses pitoyables tentatives de se faire pardonner…

Oui, mais Henriette a été assassinée alors qu’elle épluchait des patates pour les mettre à cuire…
Et son sang n’était pas encore totalement coagulé… On met les patates à cuire à 11h, elle les lavait… Il devait être autour de 10h…

Johanne sentit un poids disparaître de sa colonne vertébrale. James était éliminé d’entrée de jeu comme suspect possible. Par contre, l’Ange n’était toujours pas arrivé. Il devait amarrer à Marseille à dix heures, et à,… elle regarda sa montre, 13h, il n’était toujours pas là.

Non, abrutie. Faut rester logique dans la vie, sinon tout se barre en couille. L’emplumé considère Henriette comme sa mère. Il ne peut pas vouloir la faire descendre,… ou la descendre… Quoique… regard-toi avec la tienne… ce ne sont pas les envies d’homicides qui manquent… mais, de là à passer à l’acte… Oui, mais ils sont mêlés à des histoires que tu n’imagines même pas… Oui, mais elle lui paye ses études de droit… il ne va pas tarder à être avocat… Oui, mais il est corse… Un corse ne tue pas sa mère

Comme si cet argument était suffisant pour clore ses soupçons, son esprit se porta sur un crochet, au mur de la cuisine, à côté de la porte-fenêtre. Le torchon pour les mains y était pendu, ce n’était pas sa place, et Henriette était encore plus maniaque que James… donc… elle avait les mains mouillées, ou sales… On a tapé à la porte de la cuisine. Elle s’est essuyée les mains et a ouvert. Soit elle connaissait son visiteur, soit ne lui inspirait-il aucune méfiance… Elle a sans doute ouvert en hâte et accroché le torchon au premier crochet qu’elle a trouvé…

Et comme cette foutue baraque est isolée en pleine pinède,… il n’y a que de la route que l’on a pu entendre quelque chose…

James interrompit le cours de sa réflexion en faisant irruption dans la pièce. Johanne leva les yeux vers lui et demanda, d’un ton calme :

- On fait quoi ? Il faut que l’on trouve une trace d’Ange… il devrait être là depuis longtemps…

James sursauta, il l’avait complètement oublié, l’emplumé… Qu’est-ce qu’il pouvait bien foutre…
- On attend le Corse ici, et on voit ce qu’on fait. Son bateau a peut-être du retard, dit James d’une voix peu assurée. On peut pas prévenir les poulets sans savoir ce qu’il est devenu…
- Et on prévient les poultocks…
- Anonymement, et tardivement, répond James sur le ton de l’évidence. J’aimerais bien qu’ils ne mettent pas trop leur gros nez dans mes affaires… S’ils cherchent mes moyens de subsistance, ou s’ils fouillent dans certaines affaires d’Henriette, les camouflages risquent de ne pas faire illusion longtemps…

Johanne fronça les sourcils… d’une voix que James ne lui connaissait pas, elle répondit :

- Sûr ! Et on trouve le fumier qui a fait ça, on lui fait payer très cher. On le massacre.
- Holà! Stop… Stop, stop… On s’en occupe avec Ange. Toi, tu files te mettre au vert chez M…
- Hors de question ! N’y pense même pas ! Ils ont buté la seule personne fréquentable de ma putain de famille de merde. Je descendrai celui qui a fait ça moi-même, dit-elle d’une voix sourde. D’ailleurs, j’appelle Ange maintenant, pour savoir ce qu’il fout. Quand on sera en tête à tête, je suis sûre qu’il sera de mon avis…

James, planté devant elle, la regardait d’un air abasourdie. Il pouvait sentir la haine irradier de la jeune femme. Sa lèvre supérieure était même légèrement retroussée, telle celle d’un chien qui va mordre. Il ne l’avait jamais vue ainsi. Plus la même fille. Elle lui faisait presque peur. Même sa voix avait changé, elle émanait d’une autre profondeur, d’un être qu’il n’avait jamais rencontré.

- NON ! s’écria James quand elle dégaina son portable. Attend… on va le contacter, mais pas avec ton appareil… pour la police…
De l’intérieur d’une petite table de nuit en marbre, il sortit un gros téléphone portable d’ancienne génération, d’où sortait, d’un trou grossier sur le côté gauche, quelques fils, comme si l’appareil était blessé. Il tourna une molette sur le coté, pour changer la fréquence, et composa le numéro du Corse. L’accent traînant de Ange l’accueillit, mais sur son répondeur.
« Bonjour, vous êtes bien sur le répo… »
Il raccrocha.

Ange,… tu es un vrai casse-pieds mais j’espère sincèrement qu’il ne faudra pas t’ajouter à la liste des cadavres…

Il s’assit à côté de Johanne, un air de profond dépit imprimé sur le visage. Avant qu’il n’ait prononcé un mot, elle lui dit :

- File-moi le téléphone, je vais lui laisser un message que lui seul puisse comprendre…
« Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur d’Ange Marie Paoli, je ne suis pas disponible, mais laissez-moi un message je vous rappelle »
Après l’annonce traduite en corse, Johanne lui laissa le message suivant :
« Viens direct à la grotte. »
James l’observait d’un œil sceptique. Elle expliqua :
- La dernière fois qu’on a parlé de toi avec Ange, il t’a qualifié d’ours. Donc, il devrait comprendre que la grotte, c’est chez toi…
- Un peu tiré par les cheveux, mais pas con…

Une heure plus tard, ils fermaient la lourde porte blindée de James, au rez-de-chaussée du 18 rue Pavillon, à Aix-en-Provence. Il s’installa derrière l’un de ses trois ordinateurs. Il se connecta au site de la SNC, la Société de Navigation Corse. Il savait qu’Ange avait pris place à bord du Pascal Paoli. Le bateau avait quitté Ajaccio à l’heure, la veille au soir, et était bien arrivé, à 10h, au port de Marseille.

Ça ne sent pas bon du tout…

Il ne dit rien à Johanne et pirata le serveur de la compagnie. La barrière de protection fut Out en moins de vingt minutes. Il rentra dans les listes de voyageurs enregistrés. A la montée, Ange était bien dans la liste des passagers du Pascal Paoli… mais plus à la descente… il semblait avoir disparu du listing dans l’intervalle…

Il s’est fait descendre… par des mecs à Santini… ou du moins par des pros qui ont la possibilité de faire ce genre de manipulations… Il est en train de nourrir les roussettes…. Au fond de la Méditerranée… ou alors…


Son logo Skype dans la barre des tâches afficha un 1 entouré d’un rond. Quelqu’un cherchait à rentrer en contact avec lui. Il ouvrit le logiciel.

Conversation. 1 nouvelle. Liam

Sorry, Brother, mais là, c’est vraiment pas le moment…

Il bascula son statut sur « occupé » et se tourna vers Johanne qui, affalée sur le canapé, était en train de fumer un énorme joint d’herbe, les sourcils froncés. L’air plus préoccupée qu’accablée.

Il lui expliqua ce qu’il venait d’apprendre. Elle lui murmura d’une voix un peu pâteuse qu’il fallait attendre demain matin… qu’il se planquait certainement…


« c’est un mec du maquis… il sait échapper aux gens… »
Elle reprit d’une voix plus claire. Selon elle, si on l’avait neutralisé, il y aurait quelques blessés parmi les assaillants… Et paranoïaque comme l’était Ange, il aurait été difficile de l’avoir par surprise… Ils ne parlaient pas d’accrochage lors de la traversée, sur le site de la compagnie… et la radio, allumée sur France Intox, n’annonçait pas de carnage sur le ferry non plus…

Il se dit que soit elle n’avait pas tort, soit l’Ange avait trempé ces plumes dans quelque chose de pas net… soit il servait d’autres intérêts que ceux apparents… Il avait, comme Johanne, de quoi douter très fortement de ce genre de soupçons… mais il en avait aussi vu pas mal d’autres tourner leur veste au moment opportun… il se pourrait aussi qu’ils le tiennent par chantage… Qu’ils menacent son vieux ou sa nana, s’il en a une… Comment réagirait-il, lui-même, si on tenait Johanne… Il trahirait les siens pour ne pas perdre « The One », la femme de sa vie, celle qu’il aime plus que tout au monde… et là… il commençait à flipper sérieusement… ça n’allait pas être évident de la convaincre d’aller se planquer quelque part…

Mais c’est beaucoup trop dangereux… Elle a jamais tenu une arme de sa vie,… en dehors de son stylo plume…C’est vrai qu’elle est futée, qu’elle apprend vite… et qu’elle est capable de se battre mieux que certains mecs… qu’elle connaît les situations de violence aussi… mais… “A Pity beyond all telling, is hid in the heart of love, the crown who are buying and selling” and blablabla…

Il ne supporterait pas une nouvelle mort… pas elle…
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Message  lillith Dim 15 Nov 2009 - 14:11

Interlude 2


J. regardait les premières maisons de Belfast, sur Lisburn Road, défiler. On l’avait récupérée à l’aéroport, comme prévu.

Et tout s’était déroulé à merveille…

ET DE DEUX !
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Message  lillith Dim 15 Nov 2009 - 14:12

Chapitre 3.

Ange, que la Méditerranée rendait habituellement plutôt serein, sentait un véritable courant électrique lui parcourir les membres. Le calme plat et vain de cette antique étendue d’hydrogène, mêlée d’oxygène et de sodium, lui pesait sérieusement sur les nerfs, comme à peut près tout en ce moment. Sale période pour les volatiles de son espèce… Il quitta le bastingage pour faire quelques pas sur le pont du Pascal Paoli.

Salope de grognasse de merde… Putain… Comment t’as osé ? Comment tu as seulement songé à faire ça ? Est-ce que je vais fouiller dans tes fringues moi ?

Il sortait avec elle depuis trois mois. Jeanne, une petite bourgeoise qui se la jouait artiste-peintre, certes, mais plutôt mignonne… gentille… et un beau cul, ce qui ne gâchait rien… Mais bien trop curieuse, et jalouse… Cette fois-ci, quand il lui avait dit qu’il devait rentrer plus tôt que prévu sur le continent, elle n’avait rien dit. Ça l’avait étonné, habituellement, elle lui tapait des crises monumentales, comme la gosse de riches qu’elle était. Ce matin là, elle s’était montrée particulièrement câline et un rien pot de colle puis avait fini par lui dire qu’elle rêvait d’un petit déjeuner au lit. Quand il était revenu avec les croissants, elle l’avait visé avec SON PROPRE FLINGUE, son Glock, hurlant comme une hystérique « C’est quoi ça ? Mais bordel, tu es qui ? » et blablabla… et blablabla…

Pourtant, il ne lui avait pas menti, il était bien étudiant en droit ; il devait même entamer sa thèse en septembre prochain. Il disposait juste de moyens de financement peu orthodoxes… Est-ce vraiment un drame ? Etaient-ils moins moraux que ceux des enfants de marchands d’armes ou de patrons de multinationales faisant fabriquer leurs cochonneries dans les usines à esclaves asiatiques ?

Elle avait aussi visiblement épluché son portable qui était maintenant posé devant elle, sur les draps froissés, malmenés par leurs ébats nocturnes. Le cran de sûreté du Glock était mis… elle pourra toujours appuyer sur la gâchette…

Un sourire mauvais sur le visage, il se jeta sur elle et lui prit l’arme des mains. Il avait failli la frapper mais avait retenu son geste au dernier moment. Une marque reste une preuve... Puis, bon,… Il n’aimait pas frapper les nanas… Il l’avait insultée, puis menacée de lui « travailler sa belle petite gueule à l’acide » si elle parlait de ça à qui que ce soit. Il était parti en claquant la porte.

Il avait passé une semaine claquemuré chez son oncle, à redouter de voir la poulaille débarquer. Mais rien ne se produisit. Les choses semblaient s’être tassées… jusqu’à ce soir, jusqu’à ces deux types qui avaient débuté leur filature quand il était sorti de chez lui, qui l’avaient continuée jusqu’au port, puis qui étaient montés sur le bateau avec lui… Le problème, c’est que les choses s’étaient tellement tendues avec les projets d’Henriette qu’il ne savait même pas exactement si c’étaient des portes-flingues de Santini, des Schmitt ou encore autre chose… Semblaient quand même un peu empotés pour des hommes à Santini…

Bah,… Faut faire avec… les risques du métier… J’aurai le temps de les semer en amarrant à Marseille. Ghjullian bosse au fret, il me fera sortir discretos, et Pascal me virera des listings de passager…

Avec une pointe de regret, il jeta son mobile tout neuf à l’eau, pour ne pas être traçable, puis descendit dans les cales retrouver son cousin.

Le bateau arriva à Marseille à l’heure prévue. Ange n’en sortit que deux heures plus tard, avec l’équipage du fret, vêtu d’une tenue de mécano, d’une casquette de caillera et d’un petit diamant à l’oreille. Ses suiveurs stationnaient dans une voiture le long de la quatre-voies qui longeait le port autonome. Ils n’y virent que du feu. Ils cherchaient un mec de taille moyenne, brun, habillé BCBG, qui se déplaçait de manière assez raide ; un prolo tendance rappeur Skyrock, aux gestes et à la démarche déliés, passa devant leur véhicule en se payant intérieurement leur tête.

Ange devait à Henriette cette facilité à passer inaperçu. Elle-même avait souvent utilisé des déguisements, tout au long de sa « carrière ». Elle lui avait aussi payé quelques mois de cours de théâtre, pour apprendre à modifier sa gestuelle, sa démarche et même sa voix. S’il ne parvenait pas à camoufler son accent traînant, il se montrait, par contre, très habile pour vieillir son timbre, pour le rajeunir et même pour le féminiser ; ce qui amusait beaucoup son amie. Son visage affreusement banal était aussi un grand atout, rien ne le distinguait d’un autre homme, brun de taille moyenne, aux yeux sombres et à la peau mate.

Il marcha, avec les marins de la SCN, jusqu’à la station de métro de la Joliette où il les salua avant de s’engouffrer dans la bouche avide du sous-sol marseillais. Arrivé à la gare Saint-Charles, il se rendit immédiatement dans les toilettes payantes du quai A pour changer de tenue. Il portait désormais un Levis fatigué et un T-shirt humoristique noir proclamant, à l’aide du célèbre logo d’une marque de cigarette, qu’il était « Malbarré ». Il se rendit ensuite chez Hertz, adoptant sa démarche nonchalante 2bis, « baba-cool troisième génération ». Il s’était bien amusé avec les deux guignols, mais maintenant, il devait se bouger sérieusement pour rentrer à Rousset et prévenir Henriette des galères à venir. Peut-être même que ça convaincrait cet âne de James de leur rendre ce petit service dont ils avaient tant besoin…

La femme de l’agence de location, une blonde décolorée, un peu vulgaire, qui ne le regarda pas une fois, accepta ses faux papiers au nom de Simon Colonna sans ciller. Elle prit l’empreinte de la carte bancaire de Monsieur Colonna, lui fit signer un papier et lui confia les clefs d’une petite 206 grise. Il aurait préféré louer quelque chose d’un peu plus puissant et agréable à conduire mais bon… Selon cette identité il était supposé être enseignant en lycée professionnel ; or le secret d’un bon camouflage est d’avoir un personnage le plus complet et banal possible.

Il prit la route en pensant à ce qui l’attendait à Rousset. Visiblement, James et Henriette s’étaient sérieusement engueulés. Celle-ci s’était montrée très évasive au téléphone, mais il avait compris que : un, l’irlandais refusait catégoriquement de marcher avec eux cette fois-ci ; deux, Henriette l’avait vraiment très mal pris. En vieillissant, cette dernière devenait de plus en plus autoritaire et ne supportait plus qu’on lui refuse quoi que se soit… et James supportait de moins en moins qu’on lui impose quoi que soit… et la situation avait dû s’envenimer.

Il croyait deviner la cause du refus de son « frangin » celtique. Il connaissait un peu son histoire, Henriette lui en avait parlé… Et depuis qu’il s’était casé avec Johanne, il paraissait fermement décidé à se mettre à la retraite… Compréhensible… mais ça ne l’arrangeait pas, les bons hackers ne se cueillant pas sur les arbres.

Il aimait beaucoup la jeune femme lui aussi, mais avait très vite compris qu’il n’avait aucune chance ; ils ne vivaient tout simplement pas dans la même dimension. Johanne était obsédée par la politique, une idée abstraite et idéaliste de la « révolution », elle écoutait des musiques ultraviolentes, dévorait des bouquins comme une denrée vitale… Alors que lui… la seule musique qu’il entendait, d’une oreille distraite, était celle de la radio ou des night-clubs, il avait lu, pour le plaisir, dix livres en tout dans sa vie, dont deux lorsqu’il était en prison, il se foutait royalement de qui faisait les lois -lui trouvait toujours un moyen de les enfreindre- et n’avait jamais mis les pieds dans un musée… Il s’était donc mis à la considérer comme une petite sœur turbulente fréquentant la fac d’en dessous…

Ah… cette bonne vieille guéguerre fac de droit, fac de lettre…. A plusieurs reprises, il avait, pour lui faire plaisir, espionné les guignols de l’UNI, le syndicat d’extrême-droite qui avait son terreau parmi les futurs juges et avocats. Il avait même sympathisé avec le grand chef jusqu’à obtenir son adresse, afin que les gauchistes qu’elle fréquentait aillent le démonter… Il ne comprenait pas vraiment l’intérêt de ce militantisme estudiantin stérile,… mais bon… il rendait service à la famille…

Eh oui mon petit Ange… C’est comme ça… il faut s’assumer dans la vie… Toi, tu n’es bon qu’à rendre service… à suivre, à faire gentiment ce qu’on te dit de faire…

Et ça ne le dérangeait même pas… Surtout vis-à-vis d’Henriette… Ange n’avait jamais été du genre à se poser des questions, il prenait les choses comme elles étaient, sans trop calculer, sans oser refuser... Quand il était sorti des Beaumettes, tricard en corse, son oncle n’avait pas voulu le laisser dans la nature ; il avait donc appelé Henriette, qui était une amie de jeunesse, pour lui demander de l’héberger.

Ange était alors très jeune, tout juste dix-neuf ans, et tout perdu, interdit de territoire dans le seul endroit où il se sentait chez lui, son île natale. Il avait trouvé avec Henriette la sensation d’avoir une maman. Elle le traitait comme un enfant, mais ça ne le dérangeait pas, au contraire. Son oncle, qui l’avait élevé après le décès de ces parents, l’avait toujours traité comme un adulte, ne lui fixant ni règles, ni limites et le laissant entièrement libre de ces choix. Avec Henriette, il se sentait reposé. Il n’angoissait plus, il se laissait conduire… Elle lui avait demandé de reprendre ces études ? Qu’à cela ne tienne, ça ne pouvait pas lui faire de mal… il avait préparé, et réussit avec brio, une capacité en droit, puis il avait intégré l’université. Elle avait besoin de lui pour de « menus services » ? Qu’à cela ne tienne, il avait besoin de sa dose d’adrénaline. Cambrioler une villa, faucher des documents dans un bureau, mettre le feu à un autre,… Il ne lui avait jamais rien refusé. Elle lui avait raconté sa jeunesse, il l’avait immédiatement suivie dans sa vengeance… Elle lui avait présenté son « vieux protégé », James, il en avait fait un frangin, en dépit du caractère absolument imbuvable de l’irlandais, de son tempérament froid et du fait qu’il ne semblât pas trop l’aimer… Elle lui avait présenté sa nièce, il en avait fait une petite sœur, faute de pouvoir en faire sa copine.

Il avait centré sa vie sur Henriette, son existence entière tournait désormais autour de ses cheveux gris et de sa petite silhouette encore splendide, nonobstant ces soixante-sept ans. Il savait bien que les gens jasaient sur son compte, qu’on le prenait pour un gigolo, mais il s’en foutait royalement. Il se rattrapait d’une enfance absente… perdu dans ces pensées, il failli manquer l’intersection pour rentrer dans Rousset. Il vérifia à nouveau que personne ne le suivait, ni ne le précédait. Il réduisit sa vitesse, traversa le village, puis s’engagea dans la voie vaguement empierré qui menait à son domicile.

L’air déserta ses poumons quand il vit que la porte d’entrée était fermée à clef. Il sortit ses doubles et entrouvrit la porte. Il n’y avait absolument aucun bruit dans la maison.

Elle aurait dû être ici… Pas normal…

Un sale pressentiment… il libéra son Glock de la sacoche qu’il portait en bandoulière, ôta le cran de sécurité et appela d’une voix sonore :
« Henriette »
Pas de réponse. Il réalisa à cet instant que la grosse BM flambant neuve de ce frimeur de Jim n’était pas là. Il poussa le battant avec le pied… Poudre.

Bordel de merde

Il se jeta dans le couloir, l’arme au poing, prêt à tirer. Néant. Il avança prudemment, prêt à tout, adoptant le même pas que James et Johanne, deux heures plus tôt… Et il fit la même lugubre découverte… Ses jambes le lâchèrent, il s’écroula en sanglots contre l’encadrement de la porte…

C’est pas possible, c’est pas possible…C’est un cauchemar, je vais me réveiller… Je vais me réveiller…Santini, salopard de résidu de merde… je vais te choper et te faire bouffer tes couilles avant de…
Attends voir… Si c’est Santini qui a fait ça, c’est qu’il a eu vent de ce qu’on avait déjà trouvé… Des preuves qu’on avait déjà en main… donc il aurait dû faire fouiller la maison…


Il était toujours écroulé contre l’encadrement de la porte. Il se releva. Tout semblait en place…

Pas normal tout ça… Oh, non… pas normal du tout…

Ses yeux se posèrent douloureusement sur le corps de son amie. Au travers des larmes, qui coulaient sans qu’il s’en rende compte, il s’aperçut, lui aussi, qu’elle avait été torturée. Et salement.

Putain… ça c’est déjà plus du Santini…

Le four encastré n’était pas à sa place. En s’aidant d’un torchon pour ne pas laisser d’empreinte, il le tira fébrilement hors de son emplacement. Le vieux cartable en cuir était toujours coincé derrière. Il l’ouvrit… Tout était là. Les deux livres de compte et les reçus. Et c’était bien les mêmes. Pas de doute, les mêmes taches de café aux même endroits…

Pourquoi est-ce qu’ils n’ont pas fouillé la maison ?
En quelques foulées, il grimpa à l’étage, ouvrit les deux hautes armoires provençales de la chambre d’Henriette. Sous les draps blancs embaumant la lavande, il trouva : deux Beretta, leurs silencieux et leurs boîtes de cartouches, un canon scié et un fusil à pompe –avec leurs munitions respectives. Tout était à sa place. Dans la pièce d’à coté, sa chambre à lui, idem. Rien n’avait bougé d’un millimètre.

Il descendit à la cave, volant presque au dessus des marches. Il jeta à terre les casiers à vin, brisant une dizaine de bouteilles de vieux crus. Le petit coffre blindé à serrure numérique de dernière génération était toujours à sa place. Il l’ouvrit en composant sa combinaison personnelle, puis en y apposant son index. Le fric et les faux papiers avait disparus, les livres de compte des activités d’Henriette étaient toujours là. Pour la seconde fois, il sentit ces jambes se dérober sous lui, une idée venait de se former involontairement dans ses neurones.

Et si c’était… Non, il ne l’aurait pas torturée… non,… ce n’est pas son style… si,…il aurait pu… Qu’est-ce que tu connais de lui après tout ? Il a quand même fait partie de l’un des groupes paramilitaires les plus dangereux d’Europe de l’Ouest…

Et Henriette aurait pu lui faire péter un câble… Obstinée comme elle l’est…

Comme elle l’était…

Il se passa la main sur le visage.

Merde ! Johanne !

Il remonta les escaliers de la cave quatre à quatre. Il reviendrait plus tard faire le tri dans ce que la police ne devait surtout pas trouver. Il remonta au pas de course à l’étage prendre un Beretta et le canon scié, il sortit de la maison, ferma la porte d’entrée à clef et se jeta dans la minuscule voiture d’occasion.

Du trajet, il ne garda qu’un souvenir vague de panneaux indicateurs défilant et de l’aiguille du compteur dépassant très largement le légalement admis… ce n’était pas dans ses habitudes, la vitesse est un risque idiot, mais…

…Johanne,… merde… Si James a vraiment cramé une durite, il a pu s’en prendre à toi aussi…

Il posa littéralement la petite voiture sur le cours des minimes et se précipita au pas de courses jusqu’à la rue Bédarrides, dans le centre-ville. Il escalada les quatre étages menant au minuscule studio de Johanne. Porte d’entrée forcée. Il poussa le battant prudemment. Odeur métallique, mêlée de souffre… Une énorme tache de sang sur le lit… et des poils gris… il s’avança dans la pièce. Charles, l’apathique chartreux de Johanne, … ou plutôt ce qu’il en reste… Il s’approcha du corps du félin. On avait tiré deux balles qui avaient littéralement réduit l’animal en bouillie. Le logement n’avait, sinon, subi aucun dommage…

Il est temps d’aller mettre certaines choses au clair...
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Message  lillith Dim 15 Nov 2009 - 14:14

Chapitre 4


James avait brutalement repoussé le clavier de son ordinateur principal, avant de venir s’affaler aux cotés de Johanne sur l’énorme canapé rouge ; qui trônait dans son salon, entre un authentique jukebox de 1955 et une bibliothèque en formica rouge, vitrée, pleine jusqu’à la gueule de disque vinyles et gadgets kitsch. Ce décor d’une époque qu’il n’avait pas connu le rassurait. Il aimait à se plonger dans ces artificielles fifties hollywoodiennes, à se couper du monde, à oublier jusqu’à sa propre existence ; « vivre jeune mourir vite », dans les bras des starlettes, selon un scénario préétabli. Il disposait aussi d’un écran plasma géant et d’une collection impressionnante des productions cinématographiques américaines de 1946 à 1960… James, Marylin, Audrey,… Il passait des heures en leurs compagnies, surtout quand tout clochait… cette bonne vieille stratégie de fuite…

Le sourire de Marylin, sur le mur en face de lui, au dessus des ordinateurs, resplendissait de manière absolument obscène aujourd’hui. Elle avait du sang sur les lèvres… Il n’allait pas pouvoir compter sur elle cette fois-ci. Johanne, au ralentit, se leva pour attraper sa réserve d’herbe et de tabac, afin de se rouler un nouveau joint. Son regard éteint lui rappela celui des poissons à l’étalage sur le marché.

A part attendre, de toute manière, que faire d’autre…

Il se saisissait d’une bouteille de Bushmills et d’un verre, bien décidé à s’abrutir l’esprit lui aussi, quand deux de ces ordinateurs se mirent à résonner de multiples tintements, comme autant de téléphones. Johanne émergeât de sa torpeur d’un sursaut. James vint se poser derrière sa console informatique. On cherchait à l’appeler simultanément sur TOUS ces logiciels Vo.I.P.… Sur messenger : Liam… Sur WebLive : Liam… Sur Skype : Liam…. Il accepta la conversation sur Skype.

Liam : Faut que je te parle immédiatement.
James : Désolé, Brother, pas le moment de se réjouir. J’ai eu une dure journée.
Liam : Rien de joyeux, c’est à propos de ton père… Je ne sais pas comment te dire ça. Il faut qu’on se parle en direct.
James : En direct ou part écrit ça change rien. Qu’est-ce qu’il a encore ?
Liam : Il est mort…

James sentit sa colonne vertébrale tomber en morceaux. Il tenta d’établir une communication vocale sur le logiciel. Pas moyen de passer l’appel. Pas le temps de voir ce qui bloque. (le pare-feu ?). Il se jeta sur son téléphone fixe, composa le numéro de Liam de mémoire, oublia l’indicatif. Ces doigts ne lui obéissaient plus. Il recommença, en s’efforçant de ne pas trembler. Liam décrocha. La boule qui encombrait sont larynx se dissolvant, James lui hurla dans les oreilles :

- Qu’est-ce qu’il s’est passé ??
La voix calme de son ami lui répondit d’un ton mécanique :
- Selon les flics, c’est un cambriolage qui a mal tourné…
- Liam, bordel de merde, dit moi ce qui c’est passé !!
Ce dernier répéta lentement, en appuyant sur chacun des mots, sa voix tremblait légèrement :
- Selon les keufs, c’est un cambriolage qui a mal tourné… ce matin, vers 10h… C’est Kieran Adams qui a appelé les Crime stoppers… Il dit qu’il a entendu un coup de feu et qu’il a vu une grosse voiture bleue…
James resta silencieux quelques secondes, éclusa une rasade de whiskey à même la bouteille et dit, d’une voix beaucoup trop rapide :
- Qu’est-ce qu’il fout… C’est bon, j’ai compris. On a un cadavre ici aussi… mais je… j’arrive… je prends le premier avion que je trouve.
Il raccrocha, lâcha le combiné, sentit les murs se mettre à valser, s’abattit sur son fauteuil de bureau et explosa en sanglots. Johanne, qui avait suivi la conversation d’un air horrifiée, s’approcha de lui et l’entoura de ses bras. Elle, posa la tête sur son épaule. Sans dire un mot.

Une heures plus tard, quand elle lui annonça qu’elle avait réservé deux billets pour le dernier vol vers Dublin, James ne protesta même pas et acquiesça d’un signe de tête. Ils avaient une heure devant eux avant que le taxi, pour l’aéroport de Marignane, ne les attende à l’entrée de la rue Pavillon.

Dans la chambre, James, anesthésié par la nouvelle, remplissait une grosse valise Samsonite noire, qu’il venait de tirer de son nid de poussière, avec des gestes mécaniques. Quatre costumes, un tas de sous-vêtements, des chaussettes, deux bolo-tie, une bouteille de parfum… On avait passé son cerveau au congélateur, tout était figé. Même le malt n’arrivait pas à réchauffer tout ça…

Merde, même en juillet on se les gèle là-haut.

Il ajouta dans la valise son pardessus noir en drap, et réalisa qu’il avait oublié pas mal de choses. Il secoua la tête en clignant des yeux, comme pour tenter de dégourdir ses synapses.

Johanne, de son coté, se contentait de ramasser en vrac deux jeans pas trop troués qui trainaient au sol, quelques T-shirts et sweat-shirts, une poignée de petites culotes et de soutiens-gorges qu’elle fourrait en tas dans son sac à dos. Elle n’était sûre que d’une seule chose, il fallait qu’elle assure. Elle observait discrètement le niveau de la bouteille de whiskey que James avait transporté avec lui dans la chambre. A chaque vêtement soigneusement posé dans la valise, il ingurgitait une longue rasade d’alcool. Elle le savait bon buveur, et avait même prit quelques cuites mémorables avec lui. Là, elle supposait qu’il se saoulait dans l’urgence de faire déconnecter ses neurones, d’échapper un peu à la douleur. Elle pouvait comprendre cela aisément mais elle craignait juste qu’il dépasse les limites et ne soit pas en état de prendre l’avion.

Elle-même se sentait bien plus enragée que triste. Elle avait toujours pensé que lorsque l’on pleure la mort d’une personne, on verse plus des larmes sur soi même que sur le défunt, qui, lui, de toute manière, ne souffre plus. On est affecté par le vide que crée cette disparition bien plus que par cette disparition elle-même. Lorsque l’on pleure une mort, on pleure le manque, le néant au sein de notre propre vie… On s’apitoie sur soi même… Or, cela n’avait jamais été dans les mœurs de Wonder Johanne de s’apitoyer sur elle-même.

Elle avait pris cette décision enfant, lorsque sa mère l’avait envoyée dans un pensionnat catholique où l’on avait tenté de faire d’elle la tête de turc de l’internat. Elle se battrait toujours et n’aurai besoin de personne. Jusqu’ici, elle avait réussit à mettre cela en pratique. Même si elle tenait beaucoup à Henriette, elle ressentait plus de rage à l’idée que l’on ait abrégé sa vie de cette manière que de chagrin de la savoir réduite à néant, et cette rage était encore augmentée à l’idée que James venait, lui, d’être privé de son père de la même façon. Il fallait rétablir un brin de justice dans l’ordre des choses…

Mais,…Merde ! Priorité aux vivants !

De ce quelle savait, en dépit de quelques tensions, James et son père s’étaient toujours aimés et soutenus ; James allait donc sérieusement avoir besoin d’elle… Il allait falloir qu’elle se batte pour deux. Si elle l’aimait vraiment, c’était le moment ou jamais de lui prouver. Elle ferma les attaches de son sac à dos d’un geste brutal et décidé puis profita de l’absence momentanée de son irlandais pour escamoter la bouteille de whiskey discrètement.

Quand James revint du dressing, avec deux chemises blanches parfaitement repassées, Il chercha des yeux l’alcool. Constatant sa disparition, il ne dit rien, se contentant d’hocher la tête d’un air entendu. En dépit de la présence d’une pile d’une dizaine de chemises parfaitement repassées dans son placard, il avait ressenti le besoin de manier le fer. Cet activité qui rebute la plupart des gens le propulsait, lui, dans le monde des équations et de la rationalité. Il en était arrivé au résonnement suivant : si Henriette et Brendan avaient été assassinés à la même heure, sans doute de la même manière, et à plus de huit cent miles de distances, il y avait obligatoirement un lien entre les deux. Les coïncidences de ce type ne se trouve que dans les romans de gare, et encore, ceux des années trente… Outres le fait d’avoir dépassé la soixantaine, d’être cardiaques, têtus et casse-pieds, ils étaient surtout liés à lui, James Connolly…

Ça, ça vient d’Irlande…

Henriette n’avait sans doute pas été tuées par les Santini, mais bien pour l’atteindre lui, James Connolly… Quand à son père, qui pourrai en vouloir à un vieux serrurier à la retraite et en moitié jobard dont la seule activité consistait désormais à fabriquer des horloges ?... Il laissait couler les larmes le long de son visage tout en refaisant pour la troisième fois le plis de sa chemise… ça ne pouvait venir que d’Irlande… En France il utilisait l’identité de Charles Parker, citoyen britannique, né dan le Sussex et diplômé de Cambridge,… De plus, très peu de ses « partenaires » financiers ne l’ont rencontré en personne, hormis deux mecs fiables, comme Alex ou Thomas le rital…

A Belfast, par contre, tout le monde connaissait son père, Brendan Connolly, revenu au pays, en 2004, suite à une mise à la retraite forcée lors de la rénovation de son immeuble londonien… et surtout tout le monde le connaissait lui, le fils, James Connolly, membre de l’IRSP et de l’INLA, braqueur arrêté et condamné en 97, accusé du meurtre d’un petit dealer, Peter Tohill, acquitté suite à une contre-expertise balistique, soupçonné par la suite de quatre autres meurtres inexpliqués, de cinq braquages, d’un enlèvement et de trois attentats à la bombes… Il avait fait la une des tabloïds pendant plusieurs mois en 1997 et 1998, chaque fait attribué à l’INLA qui revenait sur le tapis lui était systématiquement attribué…

Ouais,… et si ça vient de là-haut ça peut venir d’une bonne centaine de personnes différentes… Il faut convaincre Johanne de rester ici…

Ses yeux se posèrent sur cette dernière, assise en tailleur au sol, les coudes sur son sac à dos. C’est fou ce qu’elle pouvait ressembler à sa grand-tante quand elle fronçait les sourcils de cette manière, en les faisant presque se rejoindre…Un élan d’amour lui envahit la poitrine. Il ne pourrait pas se passer d’elle… et puis…

Henriette n’était pas là-haut… et elle avait toujours été méfiante et habituée à faire gaffe à sa peau… et pourtant… Et de toute façon elle refusera de se planquer ici… et tu ne sais pas ce qu’est devenu Ange…

Et la disparition de l’Ange en pleine mer, ne plaidait en fait pas pour cette piste irlandaise unique. Il l’avait oublié lui avec tout ça… il sentit un sanglot remonter dans sa gorge.

Et calmos, Jim, tu tires des plans sur la comète là…il est peut-être pas mort… et puis je n’ai absolument aucun élément sur la mort de mon père… et le Bushmills n’aide pas à raisonner clairement… On a déjà vu pire que ça en matière de coïncidence… Ton vieux a tenu à se réinstaller à Beeshmont, c’est pas ce que l’on fait de plus sûr comme coin… et Henriette a toujours été une pro pour se mettre dans des histoires dangereuses…

Johanne se releva, prit son vieux blouson de cuir tout râpé qu’elle avait jeté sur le lit et le coinça entre les attaches de son sac. Elle n’avait pas l’air inquiète. Elle était prête à partir. James se dit qu’elle n’avait sans doute pas conscience de la situation, mais qu’il la ferait, dans tous les cas, protéger plus efficacement là-haut. Un tueur, quel qu’il soit, ne s’aventurerai pas à s’approcher de son dingue de cousin John, qui sortait tout juste de prison où il avait passé quinze ans pour le meurtre du grand chef de l’UDA…

Johanne regardait fréquemment la montre Smatch noire et rouge qu’il lui avait offerte pour ses vingt-six ans. Il lui sembla qu’elle était presque impatiente de partir mais quand elle lui dit, d’un ton faussement enjoué :

- On décolle ?
Il s’aperçu que sa voix tremblait légèrement, et que ce n‘était pas d’excitation. Il acquiesça d’un signe.

Johanne l’avait devancé dans le couloir. Il donnait un dernier tour de clef à la serrure de la lourde porte blindée qu’il avait installé lui-même pour sécuriser son logement, quand il sentit, trop tard, une présence. La porte du placard sous l’escalier menant aux étages s’ouvrit à la volée. Une ombre noire le propulsa contre le mur d’un violent coup d’épaule et lui plaqua le canon d’une arme sur la tempe.

- Allez, hop ! Demi-tour on rentre ! Et pas de faux mouvement, ajouta l’homme cagoulé en direction de Johanne, sinon ton mec risque d’avoir des courants d’air dans les neurones.
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Message  lillith Dim 15 Nov 2009 - 14:15

Chapitre 5


L’homme avait fait asseoir James sur une des chaises de la cuisine. Johanne restait debout appuyée à la table. Il savait qu’il fallait qu’il se méfie d’elle aussi. Elle était visiblement avec lui de son plein grès. Ils sortaient avec des bagages, donc prêt à partir, à fuir le pays en même temps que leur crime… Lui puait le whisky à plein nez, elle, elle semblait impatiente et décidée, presque joyeuse, quand elle a passé la porte d’entrée. L’arme pointée sur la tête de James, il ordonna à Johanne, en lui lançant une paire de menottes provisoire en plastique :

- Attache-le à la chaise.
Johanne s’approcha de son ami ; évitant son regard, elle s’accroupi à ses cotés et passa le lien en nylon autour de ses poignets et du montant de la chaise. Elle fit semblant de serrer, mais laissa le plus de jeu qu’elle pouvait. L’assaillant gronda, avec un drôle d’accent trainant, une sorte de faux accent polonais, imité par un mec du sud :
- N’essaie pas de m’embrouiller, serre !

Je connais cette putain de voix…

Johanne serra les liens d’un coup sec. James sursauta. Il apostropha l’homme :

- T’es qui es ? Tu veux quoi ? Si tu cherche du fric c’est vraiment pas le moment…
- Ta gueule, fils de pute !... répondit-il. Toi, tu t’assoies sur la chaise à coté, pas trop près, ajouta-t-il à l’attention de Johanne qui, appuyée au buffet de la cuisine, tentait discrètement d’ouvrir un tiroir.
Celle-ci le toisa d’un air provocateur, avant de s’assoir, nonchalamment, les fesses au bord de la chaise, ses pieds au niveau de ceux de la chaise, les genoux légèrement fléchis. Elle fixait les yeux bruns et mobiles de l’assaillant, au travers des trous de sa cagoule. Ce dernier tenait fermement, dans sa main droite, un pistolet gris, en plastique, mais qui n’était certainement pas un jouet. Henriette en avait un assez similaire,… un truc autrichien… ou allemand…

Et le cran de sureté n’est pas mis…

Johanne observa l’homme un peu plus attentivement. Taille moyenne, assez mince, semblant plutôt musclé… Son bras ne tremblait pas, mais son regard, incapable de rester immobiles plus de quelques secondes trahissaient une absence certaine d’assurance sur ce qu’il était en train de faire. Il focalisait son attention sur James, auquel il demanda, d’un ton qu’il voulait grave mais où perçait un mélange de peur et de fureur tremblante :

- Pourquoi tu l’as buté ?
James n’eut le temps de balbutier qu’un vague « nnn », Johanne bondi, comme un gros ressort, hors de la chaise où elle était assise. Elle se jeta sur l’attaquant, lui attrapa le bras tenant l’arme, le leva vers le plafond et, usant de son élan, elle plaça toute la masse de son corps dans son poing, qu’elle propulsa sur le menton du gars, en un très bon crochet du droit. L’homme lâcha l’arme sous le choc, perdit l’équilibre et trébucha en arrière, visiblement sonné. Elle récupéra l’arme, ôta le cran de sureté, visa son ennemi au sol, neutralisé, et lui hurla d’une voix suraiguë et triomphante:
- Maintenant c’est moi qui tiens l’arme ! Et le cran est levé ! Vire ta cagoule connard ! Vire ta cagoule qu’on voit sa sale gueule de traitre !! Vire la tout de suite !…

L’homme, assis au sol, sur les fesses, leva les bras et tira sur le polyester noir qui recouvrait son visage. Johanne eut un petit sourire narquois, mais ne lâcha pas pour autant le petit Glock avec lequel elle le visait. James éclata d’un rire nerveux et dit :

- Je peux savoir ce qui nous vaut cette opération commando, l’emplumé ?
Ange bredouilla, visiblement terrorisé par cette version inconnue de sa « petite sœur » :
- PP..Pour…Pourquoi vvvoouus l’avez buté ?
Johanne abaissa l’arme légèrement et dit fermement :
- Ecoute, Gars, je peux comprendre que tes soupçons se soient portés sur James, j’y ai pensé moi aussi durant presque une minute, mais je t’assure, nous n’y sommes pour rien dans la mort d’Henriette, ni James, ni moi. Et…
James l’interrompit et dit d’un ton consterné :
- Comment ça tu m’as soupçonné ?
Johanne eut un geste d’agacement qui réussit à presque les faire sourire tous les hommes :
- Oh, ça va, arrête. J’ai envisagé l’hypothèse pendant quelques minutes, le temps d’être certaine que ce soit impossible, en dépit de votre prise de tête. Et, Ange, j’ai envisagé ta culpabilité aussi, donc après ton petit numéro tu as plutôt intérêt à nous dire ce que tu as foutu ! Ah ! Et,… Pour info,… on a un autre cadavre… Avant qu’Ange ait eu une chance de lui poser la moindre question, elle ajouta : Raconte en premier !

Ange, toujours à terre sous la menace de Johanne, leur raconta comment, de son coté, il avait été suivi. Cela renforça le doute de James sur sa théorie irlandaise unique et il envisagea encore plus sérieusement la coïncidence. Le Corse en était à sa théâtrale sortie du bateau quand James l’interrompit :

- Quand tu m’auras enlevé ces merdes de bracelets de flics, tu pourras peut-être me dire ce qui nous a valu ton soupçon… Jo a peut-être compris, mais moi pas…
Ange vérifia que Johanne n’avait pas l’intention de l’allumer s’il se remettait sur ses pieds. La jeune femme s’était assise sur un coin de la table bistrot de la cuisine de James, l’arme toujours à la main, mais pointée en direction du sol. Il se leva, elle le suivit des yeux. Il prit un couteau à steak sur le plan de travail, alla trancher les liens de plastique souple qui reliaient les mains de James à la chaise. Quand il leva les yeux, il constata que Johanne avait posé l’arme sur la table, mais gardait la main à moins d’un centimètre de la crosse.

James se frotta les poignets d’un geste machinal, tapota le bras de l’Ange et lui dit :

- Avant que tu nous justifie ta crise paranoïaque, je vais me chercher un remontant

Cinq minutes plus tard, Ange avait fini de leur résumer le résonnement qu’il avait tenu dans la cave de la maison de Rousset, il se tourna vers Johanne et lui dit d’un ton faussement désolé, où pointait un brin de rancœur d’avoir été désamorcé aussi aisément :

- Puis je suis allé chez toi… On a fracturé ta porte et euh… ton chat… il a été réduit en bouillie… je suppose que tu le sais déjà… C’est lui le deuxième cadavre, non ?

Elle resta silencieuse quelque instants, puis James vit les larmes gagner les deux morceaux d’Onyx qui lui servaient d’yeux. Elle, qui était resté aussi calme que possible en face du cadavre de sa grand-tante adorée, qui avait réussit à gérer l’Irlandais quand il avait appris le décès de son père, qui avait désarmé l’Ange vengeur avec un sang froid… désarmant, venait de s’écrouler la tête dans ses bras, pour un chat qu’elle qualifiait elle-même de « déchet félin ». Elle le laissait seul des journées entières, jusqu’à deux semaines parfois, au prétexte qu’il dormait 23h/24h, qu’il avait accès au toit par un fenestron, à un distributeur automatique de croquettes et d’eau et qu’il ne lui avait, de toute manière, jamais manifesté la moindre affection…. Mais là c’était la merde qui faisait déborder la fosse à chagrins… Elle se sentait vulnérable et vide… Comme si toute la tension nerveuse de la journée avait brusquement disparu, laissant derrière elle un trou noir qui aspirait toute sa capacité à résister.

James, qui venait de boire deux longues rasades de whiskey directement à la bouteille neuve qu’il était allé récupérer derrière le meuble bar du salon, sorti trois verres et en tendit un, plein à ras-bord, à Johanne. Il lui dit, un peu sarcastique :

- Tiens, voilà de quoi remettre tes nerfs d’acier en route …
Il se tourna vers Ange :
- Au fait, le volatile, mon père s’est fait buté lui aussi et à cause de toi on vient de louper le dernier vol pour Dublin…
Après avoir essuyé les flots de questions d’Ange, James réserva deux billets pour un vol direct Nice-Belfast, le lendemain matin. Il prévint ensuite Liam du report de leur arrivée et, envisageant la nécessité d’un repas, il prit la direction de sa cuisine d’un pas nettement titubant. Johanne s’était calmée et fumait, les yeux mi-clos, un nouveau joint, blottie dans le canapé, les genoux replié contre la poitrine. James était plus mort que vif en pensant à elle, son estomac se transformait en corde à nœud et lui remontait jusque dans la poitrine ; pourtant, de l’avis de sa raison comme de l’avis de Ange, elle serait nettement plus en sécurité à Belfast qu’ici…

Tout en préparant mécaniquement de quoi sustenter trois personnes, il s’efforça de planifier les jours à venir. Ange allait commencer par éclaircir la piste Santini en posant des oreilles, y compris les siennes, aux bons endroits. Lui irait enterrer son père, régler son compte au petit con incapable de casser une maison sans en buter l’occupant, puis il reviendrait sur Aix, en prenant soin d’oublier Johanne dans le comté du Fermanagh, chez son cousin, lors d’une une visite de courtoisie.... Ensuite, il aviserait... Johanne lui avait dit qu’elle aimerait beaucoup visiter le Mexique… Lorsqu’autour du plat de pâtes au basilic, il fit part à Ange et Johanne de ces projets, en omettant de préciser qu’il compter oublier Johanne, celle-ci ne fut pas dupe et se rebiffa sèchement :

- Si j’ai bien compris, la partie Marseillaise doit se faire sans moi… Tu m’embarques comme potiche et après m’avoir bien montrée à l’enterrement de ton vieux, tu me largues en pleine cambrousse ?

James, qui commençait à être complètement ivre, se releva d’un bond, fit tomber sa chaise au sol, donna un coup de poing sur la porte du placard et hurla :

- Espèce de petite conne ! Tu crois qu’après avoir perdu mon père et ma meilleure amie, j’ai envie de te perdre toi ? Tu crois que c’est parce que tu as tenu tête à quelques pauvres flics marseillais lors de vos mascarades d’émeutes étudiantes que tu vas être capable de tenir tête à des tueurs professionnels ? On n’est pas dans un putain de bouquin là ! C’est pas pour les gamins !

Johanne, rendue stoïque par l’abus de THC, laissa passer la tempête de parole puis dit d’un ton neutre :

- Premièrement, ce n’est pas toi qui a piqué son flingue à l’espèce de guignol qui est assis à coté de moi. Deuxièmement, je n’ai pas envie de te perdre non plus. Troisièmement, j’en ai ras le cul de tes valeurs de macho à deux balles. Cette fois tu as dépassé les bornes des limites, je ne monte pas avec toi à Belfast, TU-TE-DE-MER-DES ! JE VAIS REGLER MES COMPTES ICI ET TOU-TE SEU-LE !

Elle prononça ces derniers mots en détachant bien chaque syllabe, chaque parcelle de son corps, par ailleurs parfaitement immobile, tremblait de fureur.

James resta coi, assommé par la réaction de sa belle. Il pouvait à nouveau voir la rage brute suinter de tous les pores du visage de la femme de sa vie et bruler dans le regard glacial qu’elle lui jetait. Ange semblait tiraillé par un si grand nombre d’émotions contradictoires que la peur l’emportait sur l’ensemble. Il se contentait de baisser les yeux et de rentrer, machinalement, la tête dans les épaules. En quelques heures, il avait découvert une Johanne parfaitement inconnue, capable de lui sauter dessus pour lui enlever des mains une arme chargée, de l’assommer d’un crochet parfait (depuis quand elle fait de la boxe, elle ?), capable de le viser avec cette même arme, prête à tirer,… et elle venait d’envoyer méchamment balader l’homme auquel elle vouait une passion sans borne jusqu’ici… le besoin de vengeance devait avoir fait sauter un verrou dans sa personnalité, au point de faire sortir le démon intérieur qui se planquait soigneusement jusqu’ici sous la carapace de l’étudiante gauchiste. Bien qu’il ne le montra pas, il était aussi un rien amusé par la désorientation visible de l’irlandais qui ne savait plus que dire, ni que faire, face à ce mur de détermination et de colère qui se dressait devant lui.

Ils restèrent tout trois silencieux durant de longues minutes ; Johanne, les lèvres imperceptiblement retroussées, bouillait d’une colère silencieuse. Elle tirai des bouffée rageuses sur sa cigarette, expulsant une partie de la fumée par les narines comme un dragon prêt à tout anéantir sur son passage. James, semblait hésitait entre l’explosion de rage et l’implosion de désespoir, Ange, le regard dans son assiette vide, jouait nerveusement avec sa fourchette. La jeune femme se leva finalement, au ralenti, déclarant qu’elle allait « finir de s’éclater les neurones qu’il lui restait, avec la weed qu’il lui restait, avant d’envisager ses plans à elle ».

Ange attendit quelques dizaines de minutes avant de la rejoindre dans le salon, face au vampirique sourire de Marylin que la situation semblait amuser profondément.. Il s’assit à coté d’elle, posa un regard de cocker sur son visage fermé et furieux et lui dit d’une voix douce :

- Ne le laisse pas tomber maintenant,… Il va pas bien et ça va empirer très vite… Tu as remarqué la quantité d’alcool qu’il a bu ? Si tu n’es pas là pour le tempérer, il va se massacrer la tête et faire une connerie de trop… Moi, j’ai confiance en toi, je suis sûre que tu es aussi capable que nous de venger Henriette. Mais il faut que tu partes à Belfast avec lui. Crois en mon expérience, ça n’a rien de facile d’enterrer son père…
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Message  lillith Dim 15 Nov 2009 - 14:24

Désolée, j'ai encore buguée avec les italiques; j'ai pas trop insisté en raison de mes doubles attelles aux mains....

J'espère que c'est lisible malgré tout.

Vous avez donc ici l'intégrale de ma partie I. J'attaque la partie 2, je vous posterai ça.
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Message  Invité Dim 15 Nov 2009 - 17:35

Je trouve les dialogues, les relations entre les personnages, assez artificiels dans l'ensemble, et l'histoire patine un peu à mon goût... Mais ce qui m'agace, je dois dire, c'est le fait que vous ayez reconduit dans les chapitres 4 et 5 vos erreurs de langue typiques (par exemple, le "ces" mis systématiquement à la place de "ses", ou "coté" au lieu de "côté"), que, me semble-t-il, je vous avais signalées à la lecture des trois premiers. Ceci m'indique que vous n'avez pas relu 4 et 5 à la lumière de ces indications. Les erreurs de langue sur les chapitres 4 et 5 sont aussi nombreuses que dans les trois premiers chapitres et, à mon avis, desservent votre histoire.

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Message  mentor Ven 20 Nov 2009 - 17:07

hop
parce qu'il le vaut bien
;-)

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Message  Plotine Ven 20 Nov 2009 - 18:53

Chapitre 4 : j'abandonne.
Beau travail, beaucoup de recherches parce que j'espère que ce n'est pas puisé dans tes souvenirs d'enfance.
Le contraire d'un travail bâclé, rien à dire !
C'est bien le style qui sied à ce genre de récit. Il y a des changements de temps qui me paraissent bizarres mais Socque ne les a pas signalés donc je ne dis rien.
Mais bon, ça ne m'intéresse guère mais mon avis n'a aucune importance. Continue, d'autant plus que tu as l'air de prendre beaucoup de plaisir.
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Message  Plotine Sam 21 Nov 2009 - 9:19

Et puis finalement, ce matin, en me levant, je me dis que j'aimerais bien en savoir un peu plus et je lis la suite... ça me rappelle tout à fait les séries noires américaines de chez Gallimard que je lisais quand j'étais jeune, sauf qu'il n'avaient pas de portables et pas de copie de la Marilyn d'Andy Warhol dans leur salon et c'est bien que la lignée des auteurs de polars continue.
C'est un monde vraiment à part mais très talentueux et il n'y a pas de raison que tu ne t'y fasses pas une place. Bonne continuation.
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Message  Sahkti Jeu 18 Fév 2010 - 13:06

hop ! Juste plein de pensées pour Lillith
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Message  Sahkti Jeu 18 Fév 2010 - 13:08

Hop ! Et des pensées pour Lillith.
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