De mille choses l'une
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boc21fr
Rebecca
Louis
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De mille choses l'une
Lu, cet entrefilet dans le journal de Bourg en Bresse, l’Ain-Posteur :
On a découvert tôt ce matin au milieu de l’avenue des Ursulines, en plein centre ville, un objet fort insolite. La circulation a été interrompue. Pompiers, forces de polices, services techniques et scientifiques sont sur place pour tenter d’identifier « la chose », qui ne cesse d’intriguer, et pouvoir libérer enfin la voie entravée par ce curieux et énigmatique phénomène.
Entendu, sur les ondes de la radio locale, le témoignage de monsieur Dubourg, chauffeur livreur :
– J’étais au volant de ma camionnette ce matin, comme tous les matins, très tôt, - je livre des tonneaux de bière aux bars de l’avenue. Et puis je l’ai vue, cette chose-là, au milieu de la route, noire, enfin presque noire. Bizarre, j’me suis dit, d’où y sort ce gros ballon à moitié dégonflé qui cherche à se regonfler tout seul ! Qui a laissé un truc pareil en plein milieu du passage, j’me suis dit ! J’me suis dit que c’est peut-être un poids lourd qui a perdu une partie de son chargement, mais les camions, ils ont pas le droit de circuler au centre ville. Bizarre, je m’dis encore, j’sais vraiment pas ce que c’est, moi, et d’où ça peut bien venir, ce machin.
Au bar des Capucins, à midi, les conversations devant les verres d’apéro vont bon train. Jules, le retraité des chemins de fer s’exclame et s’interroge, de sa voix désormais éraillée :
– Qui a laissé traîner une chose pareille en plein milieu de la voie ? ! Ce bidule énorme, ça n’a pas de forme, ça se déforme, ça change de couleur, une fois sombre, une fois clair, ça bouge, ça ne bouge plus, ça gêne la circulation, y a des embouteillages partout, on ne peut plus passer. Pourquoi on ne l’a pas encore évacué ? Mais qu’est ce que c’est, cette chose ?
– Personne ne sait, répond Paul Dupuis, derrière son comptoir. On a dressé un périmètre de sécurité autour d’elle, on ne peut pas s’en approcher. Il paraît qu’on ne réussit pas à la déplacer. Les services de la mairie ont tout essayé, on a fait venir de gros engins de chantier, les engins les plus puissants qu’on ait trouvés, eh bien pas moyen ! Impossible de la soulever ou de la faire bouger d’un centimètre ! Incroyable, non !
– Bah, c’est un accessoire de cirque, cette chose, affirme sur un ton péremptoire, Joël le plombier qui, en matière de situations bouchées, prétend à quelques compétences. Il doit y avoir un cirque qui vient s’installer en ville, poursuit-il, et il a perdu l’un de ses instruments, voilà tout. Ça doit être une sorte de ballon trampoline, sur lequel les acrobates, ils sautent, ils bondissent et voltigent. Ouais, et maintenant, le cirque, il est dans la ville. Et ces clowns du service technique qu’on paye avec nos impôts sont des incapables !
Au milieu de l’après-midi, nombre de curieux sont venus de toute la cité, en une foule surprise et amusée, observer le phénomène étrange.
Parmi tous les propos échangés dans la cohue, on peut entendre cet employé des postes confier aux personnes qui l’accompagnent comment il s’est précipité, après sa journée de travail, pour voir « ça ». Ce truc, ce machin tombé du ciel ou surgi de terre en une nuit comme un champignon. C’est Michel, l’employé de l’agence de voyage de la rue des Abbés qui lui répond avec assurance :
– Ce truc, c’est un nouveau procédé marketing, sûr ! Prêt à le parier. On entretient le mystère, on ménage le suspens, on attire les curieux, et puis tout à coup le ballon explose en une nuée de confettis, de serpentins, de cotillons colorés. Des fusées jaillissent dans le ciel ! Boom ! crépitation ! fulmination ! Un vrai feu d’artifice. Des polichinelles géants tout ondulants, comme diables à ressort, se dressent, visage tout sourire, et tendent une grande banderole, immense oriflamme visible de tous, où l’on peut lire en lettres flamboyantes : Redcool, la nouvelle boisson pétillante ! Redcool la boisson de la fête ! Redcool, la boisson qui étanche toutes les soifs ! Vivez intensément, Redcool, le nouveau sang de la vie met le feu à toutes vos envies ! Ah, sûr ! C’est une pub de ce genre qui nous attend.
– Désolant, tout de même, que l’on mette toute la ville en effervescence pour une boisson pétillante ! rétorque l’employé des postes. Mais comment se fait-il qu’à la mairie, on ne soit pas informé d’une opération markéting ? Le maire et ses adjoints semblent surpris, comme tout le monde, et pris au dépourvu par la « chose ».
En soirée, sur la chaîne de télévision régionale, un scientifique interrogé sur la nature de l’objet, déclare avec une gêne manifeste :
– Notre équipe de spécialistes et d’experts n’a pas encore réussi à déterminer la composition de ce corps. Une série d’analyses nous a permis d’établir avec certitude qu’il n’est pas constitué de molécules caractéristiques du plastique. Aucun des matériaux polymères connus, synthétiques ou artificiels, ne constitue la matière de l’objet étudié. Il n’a pas non plus une base de caoutchouc, de tissu ou de métal. Il semble que cet objet soit fait d’un matériau rare, ou d’une matière nouvelle réalisée en laboratoire, d’une densité exceptionnelle. Nous poursuivons nos recherches. Nous ne savons pas encore. Nous ne sommes pas en mesure d’expliquer, à ce stade de nos investigations, la tension intérieure qui provoque de façon irrégulière le gonflement puis l’affaissement de la chose. Quant aux variations de teintes qui l’affectent en surface, nous avons forgé quelques hypothèses, mais elles restent à vérifier.
Jusque tard dans la nuit, la masse mystérieuse au milieu de l’avenue, devenue fluorescente dans une teinte bleu cobalt virant par moments à l’orangé, attire les spectateurs burgiens, curieux, mais gagnés, au fil des heures, par une sourde inquiétude. Les vendeurs de frites, pizza, sandwichs et coca ont un peu partout proliféré au voisinage de la chose attractive.
Arlette, une vieille dame du quartier, crémière autrefois, portant béret élégant sur le côté pour couronner une coiffure soignée, s’est attardée sur le trottoir le long de l’avenue, un bouquet de myosotis à la main. Elle parle à haute voix, d’un timbre haut, aigu et enfantin, elle s’adresse à un auditoire attentif mais invisible :
– C’est une citrouille géante, au milieu de la chaussée. Vous voyez, mes petits, c’est un beau potiron. A minuit, il en sortira un carrosse de vingt ans, il emportera qui voudra jusqu’aux bals d’éternité. On dansera, on dansera encore, sur les années. On tournera dans le ciel constellé, aux bras des princes du royaume de là-haut, avec Orion, avec Cassiopée, entre dauphins et colombes, dans la chevelure de Bérénice, oh oui on dansera sur la voie lactée. Vous voyez, c’est un beau potiron, échappé d’un conte de fée. Vous voyez, c’est une citrouille d’où surgira, à minuit, le carrosse qui mènera nos vies dans la valse des années, de la vieillesse à la jeunesse, de l’enfance à nos cinquante ans, de nos quarante ans à l’adolescence. C’est un beau potiron…
Le lendemain, les étrangers à la ville affluent, venus de partout, de toute la région, et même de Paris. Les automobiles pullulent, engorgent toutes les rues, étranglent la circulation. Partout les klaxons résonnent. Sur le périmètre de sécurité qui écarte les curieux de la « chose », une voix surmonte le tintamarre ambiant, une parole de prophète déclamée bien haut par un homme au visage ridé, les cheveux longs dans le dos :
– Le temps est venu de se prosterner devant ce signe céleste et sacré. Les noires nuées du crépuscule bientôt s’abattront sur nous pour toujours, misérables créatures que nous sommes. Prosternons-nous devant cet augure tombé du ciel, devant ce prodigieux présage, ce message venu du plus lointain de l’univers, ce signe lancé par l’astre vagabond qui nous a visité. Prosternons-nous. Comprenons la grande nouvelle, la fin des temps approche, et ce qui devait s’accomplir pour l’éternité s’accomplira. Prosternez-vous misérables ! La machine univers va craquer ! Ecoutez ! Ecoutez ! Bientôt les boulons et les écrous vont pleuvoir sur nos têtes. Ecoutez venir, l’ouragan, la tempête ! Les moteurs à explosion exploseront, ce qui devait s’accomplir s’accomplira, les courants électriques se feront courants d’air. Plus d’électronique, plus d’informatique, tout se déliera, le monde vacille, bientôt il chutera. Arrive le règne glorieux de l’esprit, prosternons-nous.
Un frisson horrifié traverse le dos du public avant de se perdre dans les remous environnants. Quelques jeunes étudiants, jeans coupés, écouteurs musicaux autour du cou, bruyamment plaisantent :
– Oh la, la ! Une comète nous a lâché son crottin !
– Ouais, la terre, c’est les toilettes de l’univers !
– Ah, bon Dieu d’enfoirure !
– On n’a pas encore inventé la chasse d’eau !
Les policiers de faction saisissent sans ménagements, avec brutalité, un jeune homme qui a passé la barrière de sécurité. « Lâchez-moi ! hurle-t-il. Je veux juste toucher la chose, juste la toucher ! »
Au milieu de la journée, des mouvements ondulatoires et centrifuges agitent la foule amassée avenue des Ursulines. Une rumeur insistante se propage qui disloque et écartèle la masse humaine regroupée au centre ville :
– C’est une bombe ! ça va nous exploser à la figure ! Un groupe terroriste a revendiqué un attentat. C’est une bombe ! Une bombe à neurones qui détruit rien que les neurones et les réseaux informatiques. Une bombe de fous fanatiques ! Fuyons. Mettons-nous à l’abri ! On va nous réduire en larves !
Un calme fragile se rétablit dans la cité après les déclarations de son maire, portées par toutes les ondes médiatiques. Aucune tentative d’attentat n’a été revendiquée, a-t-il répété avec insistance, cette rumeur n’est qu’affabulation. La population ne doit pas céder à la panique. Les experts scientifiques, les spécialistes, les techniciens poursuivent leur travail, ils ne tarderont pas à trouver la nature et l’origine de l’objet insolite qui barre l’avenue des Ursulines. Mais surtout pas d’affolement.
En soirée, devant l’écran de télévision d’une chaîne nationale, chacun peut écouter les explications d’un critique d’art parisien, esthète un peu snob :
– Cet objet étonnant qui intrigue tant, déposé au milieu d’une avenue de cette jolie ville de l’Ain, comment ne l’a-t-on pas encore reconnu ? C’est une œuvre d’art ! Une œuvre de la nouvelle avant-garde. Elle réunit, en une synthèse parfaite, la forme et l’informe, le trait, le volume et le difforme ; elle marie avec perfection, la teinte et l’incolore, le mouvement et l’inertie, l’harmonie et le chaos. C’est une figuration non figurative. C’est une œuvre conceptuelle minimaliste, un ready-made, un happening, une performance, une installation, tout ensemble et leur dépassement. Un véritable chef d’œuvre ! Chose non chose, être à la fois physique et métaphysique, microcosme de l’unité sérielle englobant tous les opposés, toutes les antinomies, toutes les discordances et dissymétries. Œuvre d’envergure, légère, et pourtant chargée de tout le poids de l’univers. Œuvre irremplaçable, indépassable, inamovible pour l’éternité. Œuvre provocatrice, troublante, bouleversante pour tout Bourg en Bresse et tout Bourg du monde, mais comme le sont toutes les grandes œuvres de l’histoire de l’humanité, créations du génie artistique.
Les jours suivants, les journalistes avec leurs caméras et leurs appareils photographiques sont accourus de tous pays. La « chose » se fait partout image, sur tous les journaux, sur tous les écrans. On assiste, avenue des Ursulines, à des scènes de plus en plus étranges, qui déconcertent et affolent les habitants de Bourg, privés de leur tranquillité habituelle.
Des processions se succèdent en centre ville, défilés de codes vestimentaires des siècles passés, illustrés par des personnes d’aujourd’hui. Soutanes, robes de bure, scapulaires et tuniques, voiles sur les têtes ou capirotes sur tout le visage et les épaules, quand l’habit des processionnaires ne rappelle les fêtes d’halloween ! La ville prend une allure carnavalesque. On peut y entendre de singulières homélies :
– Vénérons l’œuf cosmique, germe d’un monde nouveau. Couvons-le de nos paroles, de nos pensées, couvons-le de notre amour. Nous sommes prêts à l’accueillir, le renouveau des temps, nous sommes là, prêts à assister à la renaissance de l’univers, à l’éclosion d’un monde plus neuf, plus juste, plus beau. Bientôt l’unité première se divisera en deux parties qui recréeront le ciel et la terre, deux moitiés : noir-blanc et blanc-noir, yin et yang, masculin-féminin et féminin-masculin, l’uni-dualité universelle, d’où toutes choses nouvelles découleront pour des temps plus heureux. La grande régénération a commencé, soyons prêts à l’accueillir.
Au bar des Capucins, Paul, Joël, Jules et les habitués ne reconnaissent plus leur ville, devenue une nouvelle Mecque qui attire une multitude de pèlerins du monde entier. Leur irritation croît encore lorsque Jules, le plombier, rapporte ce qu’il a entendu :
– Ils sont devenus fous ! Ils veulent construire un sanctuaire ou un temple pour abriter cette satanée chose ! Ils veulent faire modifier tout le centre ville ! Certains disent même qu’il ne faut surtout pas toucher à « l’œuf cosmique », mais que c’est Bourg qu’il faut déplacer, et pas leur « œuf » ! Complètement dingos ! On va leur préparer une omelette avec leur œuf, ça ne va pas tarder, tiens ! et ça nous débarrassera de tous ces énergumènes qui traînent en ville ! On est complètement envahi ! Un journaliste de la télévision japonaise m’a même interviewé, vous imaginez ! Avec un accent incroyable, il m’a demandé, mais je ne suis pas sûr d’avoir bien compris : « Avez-vous, Monsieur, ressenti malaise depuis apparition de "chose" ? Selon vous, d’où vient "chose" ? ». Je lui ai dit tout net ce que je pense : « C’est du cirque, tout ça ! Moi, mon seul malaise, il vient de tous ces gens qui nous envahissent, disent n’importe quoi et ne nous laissent plus vivre et travailler comme d’habitude. Laissez-nous tranquilles, on se débarrassera de l’instrument de cirque et tout ira bien ! »
– Oui, le monde a perdu la boule, répond Joël, et cette boule, elle est venue se planter, là, chez nous, au milieu de la route ! Elle est là, la boule perdue qui rend fou !
L’exaspération des burgiens est à son comble, toutes leurs habitudes se trouvent perturbées. « Bourg en Stress » titre l’Ain-Posteur ! La pression sur les services de la municipalité se fait de plus en plus forte. Qu’on les débarrasse enfin de cette chose ! Chaque jour des manifestations devant les bâtiments de la mairie exhortent le maire à l’action, lui reprochent sa passivité, son immobilisme, et pire, son incapacité. Un membre de la majorité municipale s’est permis une déclaration qui n’a que peu convaincu, mais elle a contribué à exacerber les tensions qui règnent dans la commune, d’habitude si calme.
– C’est un complot contre le maire, a-t-il soutenu devant un public médusé. L’opposition a manigancé tout cela, a-t-il poursuivi. On est allé chercher un objet bizarre, on l’a planté en plein milieu de la ville pour occasionner la plus grande gêne possible et mettre les élus dans l’embarras ! Mais la manœuvre, croyez-moi, échouera. Nous trouverons le moyen de nous débarrasser de cette chose immonde que l’opposition a dégoté, on ne sait où. Les électeurs ne s’y tromperont pas.
Les commerçants du centre ville font grise mine, leurs boutiques, de moins en moins bien achalandées, ne regorgent plus de marchandises, conséquence des difficultés de livraison croissantes de jour en jour. Mais on trouve encore quelques journaux chez le libraire. Un article publié par un hebdomadaire attire l’attention. En gros titre, il est ainsi annoncé : « Bourg en Bresse : la grande illusion. » Un intellectuel de Paris en est l’auteur. Il soutient avec forces analyses que les Burgiens sont victimes d’un fantasme collectif. On peut y lire ces lignes :
« Toute une population de l’Ain est victime d’un phénomène particulier : celui de l’hallucination collective. Le phénomène n’est pas si rare, les soucoupes volantes n’étaient-elles pas, il y a quelques années, l’objet de telles hallucinations ? L’originalité de l’illusion dont les habitants de Bourg en Bresse sont les jouets tient en ce que l’objet imaginaire est de forme, teinte, et consistance indéterminées. Dans un monde où les choses n’existent plus que par leur utilité, dans un monde où tout n’est que fonctionnalité, un objet inutile a surgi de l’imagination des hommes et des brumes de leur inconscient, une chose sans pourquoi, sans raison d’être, une chose pour rien mais qui change tout. L’objet se prête, par son indétermination, à condenser en lui tous les fantasmes, en même temps qu’il révèle à chacun la pure présence, le pur être, sans être pour ceci ou pour cela, la pure existence dans son absurdité essentielle. Dans l’univers de l’avoir, un être surgit, qui ne se laisse ni posséder, ni utiliser, un être éclate de sa présence, un être s’affirme de sa seule existence pour rappeler à chacun et à tous, du fond d’un besoin impérieux constitutif de l’humaine condition, qu’il y a quelque chose, que les choses sont, avant d’être soumises à la raison utilitaire, et que nous sommes, nous, présents avant tout, avant de devoir répondre à une fonction. Un savoir oublié, un savoir refoulé fait retour collectivement pour rappeler la communauté à l’authenticité première, à une nouvelle ouverture à l’être, plus originelle »
« J’hallucine ! » : c’est l’exclamation désormais en vogue dans tout Bourg en Bresse. « Hallucinants, ces intellos parisiens ! Même les appareils photos et les caméras hallucinent ! » rajoute-t-on parfois, ironique. Un peu d’humour et de raillerie allègent la tension régnante. Mais n’empêche nullement la violence de se répandre. Des escarmouches éclatent de plus en plus souvent aux abords de la « chose hallucinée ». Sans cesse plus nombreux sont ceux ou celles qui tentent de franchir les barrières de sécurité pour toucher la chose, la voir de plus près ou encore la frapper avec toutes sortes d’instruments, pelles ou marteaux, comme on frappe un corps pour entendre le son qu’il rend, du vide, du plein ? comme pour l’ausculter, sonder, écouter son intériorité opaque, comme pour la faire parler, lui faire dire ce qu’elle est, d’où elle vient, pourquoi elle est là. Un homme surexcité s’est même glissé, à travers les barrières, des bâtons de dynamite à la main, avec l’intention de mettre en pièces le prétendu fantasme, de produire une déflagration d’ « hallucination », de réduire en miettes chimériques le mirage collectif, si réellement concret, mais des gendarmes vigilants ont brisé son élan explosif.
Partout querelles, chamailleries, altercations se produisent sous d’infimes prétextes. Partout, on crie, on hurle, on vocifère. Rares sont les hommes qui restent maîtres de soi, et conservent un peu de sérénité. Les habitants oscillent entre craintes insensées et folles espérances. Certains déjà, parmi les plus fortunés, ont fui Bourg en Bresse pour s’installer à Mâcon ou à Grenoble. « La ville est malade » diagnostique un médecin de l’urbanisme avant d’ajouter « Et la chose est son symptôme ».
Au bar des Capucins, un Burgien de longue date, plus ivre que de coutume, s’évertue à donner raison à l’adage « In vino veritas ». Il clame à haute voix pour qui veut l’entendre la vérité trouvée au fond des vapeurs de l’alcool :
– La chose est notre miroir. Elle nous reflète. Elle nous renvoie notre image et nous révèle à nous mêmes. Hips ! C’est une psyché, cette chose, le miroir de nos âmes. Et qu’est-ce qu’elle nous dit, la glace ? Hein ! Que nous sommes tous givrés ! Hips ! Mais que certains le sont plus que d’autres ! Et comment ne serions-nous pas tous un peu fous, hein ! Nous sommes tous si nécessairement fous, qu’il serait fou, par un autre tour de folie, que de n’être point heu… dingues, comme l’a dit, heu… Qui déjà ? Ah oui, Socrate ! Euh, non, peut-être bien Pascal ! hips ! Paul, ressers-moi un petit vin blanc, avec beaucoup de glace.
Un étranger présent dans le bar, un peu éméché lui aussi, jusque là discret, taciturne et solitaire, se met à tenir un discours qu’il ne semble adresser qu’à lui-même, en forme d’interrogations :
– Pourquoi n’y a-t-il pas rien, mais quelque chose ? D’où vient que la chose est ? D’où vient qu’elle est ce qu’elle est ? Et nous, nous qui ne sommes pas choses, la chose est notre objet, jetée là devant nous. Elle est là, nous sommes là, il y a un là en commun, entre elle et nous. Etre là… Serions-nous sans elle ? Serait-elle sans nous ? Ah, il y a un lien intime entre elle et nous. Patron, un demi !
A la mairie, pendant ce temps, une séance extraordinaire du conseil municipal se présente moins calme. Les débats sont houleux. Le maire vient d’exposer l’idée nouvelle, que ses partisans n’ont pas hésité à qualifier d’originale et même tout à fait géniale, idée qui lui est venue dans une inspiration subite. « Puisque l’on ne peut déplacer la chose, a-t-il déclaré, on va déplacer la rue. Pas toute l’avenue, non ! Juste un morceau. Il nous suffit de découper une tranche de rue assez épaisse, étant donné la dimension de la chose, celle qui lui sert de socle, de support, et de déposer en plein champ ce bout de route, assez loin de la ville. Il nous faudra de gros camions, de gros engins de forage et de levage, mais nous devrions pouvoir les trouver. » De vifs échanges s’ensuivent. Un conseiller s’exclame :
– Il va y avoir un grand trou au milieu de la ville ! A la place de la chose, il n’y aura rien, juste un creux, une fosse béante, un néant !
– Mais nous le comblerons par des gravats, monsieur, ce n’est pas un problème, rétorque le maire, irrité par cette remarque d’une totale inanité à son sens.
– Bravo ! Il y a un objet exceptionnel au centre de notre ville, un objet sur lequel les yeux du monde entier sont tournés, et vous, vous voulez le remplacer par un vide rempli de gravats !
– C’est un objet encombrant, monsieur, qui met la pagaille dans notre ville, et toute la population nous pousse à prendre des mesures rapides et efficaces. Il faut être à l’écoute de ses administrés, monsieur le conseiller, nous avons été élus pour cela.
C’est avec colère qu’un autre conseiller intervient :
– Monsieur le maire, voulez-vous tout gâcher ! C’est incroyable ! insensé ! nous avons une chance extraordinaire, la possibilité inattendue d’un développement sans précédant du tourisme dans notre ville. La curieuse « chose » est un cadeau inespéré du ciel, un atout touristique exceptionnel. Nous avons, sans même l’avoir demandé, sans avoir déboursé un euro, notre Disney, notre Schtroumpf, notre Astérix, vous n’allez tout de même pas nous priver d’une pareille aubaine ! La chose, ballon venu de nulle part, ballon galactique, ballon ou œuf sacré, est notre attraction touristique ; la boule mystère, c’est bien mieux qu’un Futuroscope ! Ce serait criminel pour l’économie de notre région, si vous mettiez votre projet à exécution. Aménageons le centre ville en un grand parc d’attraction, tout le monde y trouvera son compte, même ceux qui se plaignent aujourd’hui de quelques petits inconvénients.
– On l’appellera Boule en Bresse, ce parc ! ricane quelqu’un dans l’assemblée.
Après de longs débats, un compromis est finalement trouvé. L’objet sera déplacé aux abords de la ville, et un parc sera aménagé autour de la chose pour recevoir tous les curieux, touristes et pèlerins. Des complexes hôteliers, des restaurants pourront s’y installer, et l’objet, lui, le Disney Schtroumpf Astérix, sera placé sous un dôme que l’on fera construire par un architecte de renom.
Un soir pluvieux, veille des travaux qui doivent permettre le grand déménagement, ils sont présents, tous deux, près de la sphère lumineuse, brillante, où s’accroche un rayon de lune, sphère enveloppée d’une aura mystérieuse. Ils se sont rencontrés dans le tumulte de la ville, dans ses sursauts et convulsions, dans l’agitation fébrile qui la secoue depuis cette matinée, quand elle est apparue, l’incroyable réalité, globe étrange et fantastique. Ils sont amants depuis qu’elle est apparue, et leur amour est venu comme elle est venue. Beau, grand, inattendu. Des liens sacrés les unissent, à leurs yeux, des yeux d’amants passionnés. A leurs yeux, il est un songe vivant, elle est un rêve charmant, une illusion si réelle que l’on caresse doucement, que l’on sent, sous ses doigts fragiles, avec la délicatesse du sentiment, vivre comme un miracle de chaque instant, avec toujours ce bonheur indicible né de la seule présence, de la seule existence, de l’un au plus proche de l’autre. Amants, ils sont venus s’aimer encore, ce soir, et flâner près de leur bonne étoile, près de leur Pont des soupirs ; ils enchantent encore leur communion sublime dans la poésie de l’avenue des Ursulines, leur Venise d’un rêve matérialisé, dominée par la sphère magique. Deux lunes enlacées révolutionnent longtemps leur vie, autour de leur astre bizarrement posé sur une route goudronnée.
Le lendemain, dans l’avenue du centre de Bourg en Bresse, tout est calme et silencieux, rien n’entrave plus le passage, rien ne s’élève dans la rue comme une sphère étrange, comme une surprenante hiérophanie, comme un ballon crevé qui veut encore respirer, la chose a disparu.
On a découvert tôt ce matin au milieu de l’avenue des Ursulines, en plein centre ville, un objet fort insolite. La circulation a été interrompue. Pompiers, forces de polices, services techniques et scientifiques sont sur place pour tenter d’identifier « la chose », qui ne cesse d’intriguer, et pouvoir libérer enfin la voie entravée par ce curieux et énigmatique phénomène.
Entendu, sur les ondes de la radio locale, le témoignage de monsieur Dubourg, chauffeur livreur :
– J’étais au volant de ma camionnette ce matin, comme tous les matins, très tôt, - je livre des tonneaux de bière aux bars de l’avenue. Et puis je l’ai vue, cette chose-là, au milieu de la route, noire, enfin presque noire. Bizarre, j’me suis dit, d’où y sort ce gros ballon à moitié dégonflé qui cherche à se regonfler tout seul ! Qui a laissé un truc pareil en plein milieu du passage, j’me suis dit ! J’me suis dit que c’est peut-être un poids lourd qui a perdu une partie de son chargement, mais les camions, ils ont pas le droit de circuler au centre ville. Bizarre, je m’dis encore, j’sais vraiment pas ce que c’est, moi, et d’où ça peut bien venir, ce machin.
Au bar des Capucins, à midi, les conversations devant les verres d’apéro vont bon train. Jules, le retraité des chemins de fer s’exclame et s’interroge, de sa voix désormais éraillée :
– Qui a laissé traîner une chose pareille en plein milieu de la voie ? ! Ce bidule énorme, ça n’a pas de forme, ça se déforme, ça change de couleur, une fois sombre, une fois clair, ça bouge, ça ne bouge plus, ça gêne la circulation, y a des embouteillages partout, on ne peut plus passer. Pourquoi on ne l’a pas encore évacué ? Mais qu’est ce que c’est, cette chose ?
– Personne ne sait, répond Paul Dupuis, derrière son comptoir. On a dressé un périmètre de sécurité autour d’elle, on ne peut pas s’en approcher. Il paraît qu’on ne réussit pas à la déplacer. Les services de la mairie ont tout essayé, on a fait venir de gros engins de chantier, les engins les plus puissants qu’on ait trouvés, eh bien pas moyen ! Impossible de la soulever ou de la faire bouger d’un centimètre ! Incroyable, non !
– Bah, c’est un accessoire de cirque, cette chose, affirme sur un ton péremptoire, Joël le plombier qui, en matière de situations bouchées, prétend à quelques compétences. Il doit y avoir un cirque qui vient s’installer en ville, poursuit-il, et il a perdu l’un de ses instruments, voilà tout. Ça doit être une sorte de ballon trampoline, sur lequel les acrobates, ils sautent, ils bondissent et voltigent. Ouais, et maintenant, le cirque, il est dans la ville. Et ces clowns du service technique qu’on paye avec nos impôts sont des incapables !
Au milieu de l’après-midi, nombre de curieux sont venus de toute la cité, en une foule surprise et amusée, observer le phénomène étrange.
Parmi tous les propos échangés dans la cohue, on peut entendre cet employé des postes confier aux personnes qui l’accompagnent comment il s’est précipité, après sa journée de travail, pour voir « ça ». Ce truc, ce machin tombé du ciel ou surgi de terre en une nuit comme un champignon. C’est Michel, l’employé de l’agence de voyage de la rue des Abbés qui lui répond avec assurance :
– Ce truc, c’est un nouveau procédé marketing, sûr ! Prêt à le parier. On entretient le mystère, on ménage le suspens, on attire les curieux, et puis tout à coup le ballon explose en une nuée de confettis, de serpentins, de cotillons colorés. Des fusées jaillissent dans le ciel ! Boom ! crépitation ! fulmination ! Un vrai feu d’artifice. Des polichinelles géants tout ondulants, comme diables à ressort, se dressent, visage tout sourire, et tendent une grande banderole, immense oriflamme visible de tous, où l’on peut lire en lettres flamboyantes : Redcool, la nouvelle boisson pétillante ! Redcool la boisson de la fête ! Redcool, la boisson qui étanche toutes les soifs ! Vivez intensément, Redcool, le nouveau sang de la vie met le feu à toutes vos envies ! Ah, sûr ! C’est une pub de ce genre qui nous attend.
– Désolant, tout de même, que l’on mette toute la ville en effervescence pour une boisson pétillante ! rétorque l’employé des postes. Mais comment se fait-il qu’à la mairie, on ne soit pas informé d’une opération markéting ? Le maire et ses adjoints semblent surpris, comme tout le monde, et pris au dépourvu par la « chose ».
En soirée, sur la chaîne de télévision régionale, un scientifique interrogé sur la nature de l’objet, déclare avec une gêne manifeste :
– Notre équipe de spécialistes et d’experts n’a pas encore réussi à déterminer la composition de ce corps. Une série d’analyses nous a permis d’établir avec certitude qu’il n’est pas constitué de molécules caractéristiques du plastique. Aucun des matériaux polymères connus, synthétiques ou artificiels, ne constitue la matière de l’objet étudié. Il n’a pas non plus une base de caoutchouc, de tissu ou de métal. Il semble que cet objet soit fait d’un matériau rare, ou d’une matière nouvelle réalisée en laboratoire, d’une densité exceptionnelle. Nous poursuivons nos recherches. Nous ne savons pas encore. Nous ne sommes pas en mesure d’expliquer, à ce stade de nos investigations, la tension intérieure qui provoque de façon irrégulière le gonflement puis l’affaissement de la chose. Quant aux variations de teintes qui l’affectent en surface, nous avons forgé quelques hypothèses, mais elles restent à vérifier.
Jusque tard dans la nuit, la masse mystérieuse au milieu de l’avenue, devenue fluorescente dans une teinte bleu cobalt virant par moments à l’orangé, attire les spectateurs burgiens, curieux, mais gagnés, au fil des heures, par une sourde inquiétude. Les vendeurs de frites, pizza, sandwichs et coca ont un peu partout proliféré au voisinage de la chose attractive.
Arlette, une vieille dame du quartier, crémière autrefois, portant béret élégant sur le côté pour couronner une coiffure soignée, s’est attardée sur le trottoir le long de l’avenue, un bouquet de myosotis à la main. Elle parle à haute voix, d’un timbre haut, aigu et enfantin, elle s’adresse à un auditoire attentif mais invisible :
– C’est une citrouille géante, au milieu de la chaussée. Vous voyez, mes petits, c’est un beau potiron. A minuit, il en sortira un carrosse de vingt ans, il emportera qui voudra jusqu’aux bals d’éternité. On dansera, on dansera encore, sur les années. On tournera dans le ciel constellé, aux bras des princes du royaume de là-haut, avec Orion, avec Cassiopée, entre dauphins et colombes, dans la chevelure de Bérénice, oh oui on dansera sur la voie lactée. Vous voyez, c’est un beau potiron, échappé d’un conte de fée. Vous voyez, c’est une citrouille d’où surgira, à minuit, le carrosse qui mènera nos vies dans la valse des années, de la vieillesse à la jeunesse, de l’enfance à nos cinquante ans, de nos quarante ans à l’adolescence. C’est un beau potiron…
Le lendemain, les étrangers à la ville affluent, venus de partout, de toute la région, et même de Paris. Les automobiles pullulent, engorgent toutes les rues, étranglent la circulation. Partout les klaxons résonnent. Sur le périmètre de sécurité qui écarte les curieux de la « chose », une voix surmonte le tintamarre ambiant, une parole de prophète déclamée bien haut par un homme au visage ridé, les cheveux longs dans le dos :
– Le temps est venu de se prosterner devant ce signe céleste et sacré. Les noires nuées du crépuscule bientôt s’abattront sur nous pour toujours, misérables créatures que nous sommes. Prosternons-nous devant cet augure tombé du ciel, devant ce prodigieux présage, ce message venu du plus lointain de l’univers, ce signe lancé par l’astre vagabond qui nous a visité. Prosternons-nous. Comprenons la grande nouvelle, la fin des temps approche, et ce qui devait s’accomplir pour l’éternité s’accomplira. Prosternez-vous misérables ! La machine univers va craquer ! Ecoutez ! Ecoutez ! Bientôt les boulons et les écrous vont pleuvoir sur nos têtes. Ecoutez venir, l’ouragan, la tempête ! Les moteurs à explosion exploseront, ce qui devait s’accomplir s’accomplira, les courants électriques se feront courants d’air. Plus d’électronique, plus d’informatique, tout se déliera, le monde vacille, bientôt il chutera. Arrive le règne glorieux de l’esprit, prosternons-nous.
Un frisson horrifié traverse le dos du public avant de se perdre dans les remous environnants. Quelques jeunes étudiants, jeans coupés, écouteurs musicaux autour du cou, bruyamment plaisantent :
– Oh la, la ! Une comète nous a lâché son crottin !
– Ouais, la terre, c’est les toilettes de l’univers !
– Ah, bon Dieu d’enfoirure !
– On n’a pas encore inventé la chasse d’eau !
Les policiers de faction saisissent sans ménagements, avec brutalité, un jeune homme qui a passé la barrière de sécurité. « Lâchez-moi ! hurle-t-il. Je veux juste toucher la chose, juste la toucher ! »
Au milieu de la journée, des mouvements ondulatoires et centrifuges agitent la foule amassée avenue des Ursulines. Une rumeur insistante se propage qui disloque et écartèle la masse humaine regroupée au centre ville :
– C’est une bombe ! ça va nous exploser à la figure ! Un groupe terroriste a revendiqué un attentat. C’est une bombe ! Une bombe à neurones qui détruit rien que les neurones et les réseaux informatiques. Une bombe de fous fanatiques ! Fuyons. Mettons-nous à l’abri ! On va nous réduire en larves !
Un calme fragile se rétablit dans la cité après les déclarations de son maire, portées par toutes les ondes médiatiques. Aucune tentative d’attentat n’a été revendiquée, a-t-il répété avec insistance, cette rumeur n’est qu’affabulation. La population ne doit pas céder à la panique. Les experts scientifiques, les spécialistes, les techniciens poursuivent leur travail, ils ne tarderont pas à trouver la nature et l’origine de l’objet insolite qui barre l’avenue des Ursulines. Mais surtout pas d’affolement.
En soirée, devant l’écran de télévision d’une chaîne nationale, chacun peut écouter les explications d’un critique d’art parisien, esthète un peu snob :
– Cet objet étonnant qui intrigue tant, déposé au milieu d’une avenue de cette jolie ville de l’Ain, comment ne l’a-t-on pas encore reconnu ? C’est une œuvre d’art ! Une œuvre de la nouvelle avant-garde. Elle réunit, en une synthèse parfaite, la forme et l’informe, le trait, le volume et le difforme ; elle marie avec perfection, la teinte et l’incolore, le mouvement et l’inertie, l’harmonie et le chaos. C’est une figuration non figurative. C’est une œuvre conceptuelle minimaliste, un ready-made, un happening, une performance, une installation, tout ensemble et leur dépassement. Un véritable chef d’œuvre ! Chose non chose, être à la fois physique et métaphysique, microcosme de l’unité sérielle englobant tous les opposés, toutes les antinomies, toutes les discordances et dissymétries. Œuvre d’envergure, légère, et pourtant chargée de tout le poids de l’univers. Œuvre irremplaçable, indépassable, inamovible pour l’éternité. Œuvre provocatrice, troublante, bouleversante pour tout Bourg en Bresse et tout Bourg du monde, mais comme le sont toutes les grandes œuvres de l’histoire de l’humanité, créations du génie artistique.
Les jours suivants, les journalistes avec leurs caméras et leurs appareils photographiques sont accourus de tous pays. La « chose » se fait partout image, sur tous les journaux, sur tous les écrans. On assiste, avenue des Ursulines, à des scènes de plus en plus étranges, qui déconcertent et affolent les habitants de Bourg, privés de leur tranquillité habituelle.
Des processions se succèdent en centre ville, défilés de codes vestimentaires des siècles passés, illustrés par des personnes d’aujourd’hui. Soutanes, robes de bure, scapulaires et tuniques, voiles sur les têtes ou capirotes sur tout le visage et les épaules, quand l’habit des processionnaires ne rappelle les fêtes d’halloween ! La ville prend une allure carnavalesque. On peut y entendre de singulières homélies :
– Vénérons l’œuf cosmique, germe d’un monde nouveau. Couvons-le de nos paroles, de nos pensées, couvons-le de notre amour. Nous sommes prêts à l’accueillir, le renouveau des temps, nous sommes là, prêts à assister à la renaissance de l’univers, à l’éclosion d’un monde plus neuf, plus juste, plus beau. Bientôt l’unité première se divisera en deux parties qui recréeront le ciel et la terre, deux moitiés : noir-blanc et blanc-noir, yin et yang, masculin-féminin et féminin-masculin, l’uni-dualité universelle, d’où toutes choses nouvelles découleront pour des temps plus heureux. La grande régénération a commencé, soyons prêts à l’accueillir.
Au bar des Capucins, Paul, Joël, Jules et les habitués ne reconnaissent plus leur ville, devenue une nouvelle Mecque qui attire une multitude de pèlerins du monde entier. Leur irritation croît encore lorsque Jules, le plombier, rapporte ce qu’il a entendu :
– Ils sont devenus fous ! Ils veulent construire un sanctuaire ou un temple pour abriter cette satanée chose ! Ils veulent faire modifier tout le centre ville ! Certains disent même qu’il ne faut surtout pas toucher à « l’œuf cosmique », mais que c’est Bourg qu’il faut déplacer, et pas leur « œuf » ! Complètement dingos ! On va leur préparer une omelette avec leur œuf, ça ne va pas tarder, tiens ! et ça nous débarrassera de tous ces énergumènes qui traînent en ville ! On est complètement envahi ! Un journaliste de la télévision japonaise m’a même interviewé, vous imaginez ! Avec un accent incroyable, il m’a demandé, mais je ne suis pas sûr d’avoir bien compris : « Avez-vous, Monsieur, ressenti malaise depuis apparition de "chose" ? Selon vous, d’où vient "chose" ? ». Je lui ai dit tout net ce que je pense : « C’est du cirque, tout ça ! Moi, mon seul malaise, il vient de tous ces gens qui nous envahissent, disent n’importe quoi et ne nous laissent plus vivre et travailler comme d’habitude. Laissez-nous tranquilles, on se débarrassera de l’instrument de cirque et tout ira bien ! »
– Oui, le monde a perdu la boule, répond Joël, et cette boule, elle est venue se planter, là, chez nous, au milieu de la route ! Elle est là, la boule perdue qui rend fou !
L’exaspération des burgiens est à son comble, toutes leurs habitudes se trouvent perturbées. « Bourg en Stress » titre l’Ain-Posteur ! La pression sur les services de la municipalité se fait de plus en plus forte. Qu’on les débarrasse enfin de cette chose ! Chaque jour des manifestations devant les bâtiments de la mairie exhortent le maire à l’action, lui reprochent sa passivité, son immobilisme, et pire, son incapacité. Un membre de la majorité municipale s’est permis une déclaration qui n’a que peu convaincu, mais elle a contribué à exacerber les tensions qui règnent dans la commune, d’habitude si calme.
– C’est un complot contre le maire, a-t-il soutenu devant un public médusé. L’opposition a manigancé tout cela, a-t-il poursuivi. On est allé chercher un objet bizarre, on l’a planté en plein milieu de la ville pour occasionner la plus grande gêne possible et mettre les élus dans l’embarras ! Mais la manœuvre, croyez-moi, échouera. Nous trouverons le moyen de nous débarrasser de cette chose immonde que l’opposition a dégoté, on ne sait où. Les électeurs ne s’y tromperont pas.
Les commerçants du centre ville font grise mine, leurs boutiques, de moins en moins bien achalandées, ne regorgent plus de marchandises, conséquence des difficultés de livraison croissantes de jour en jour. Mais on trouve encore quelques journaux chez le libraire. Un article publié par un hebdomadaire attire l’attention. En gros titre, il est ainsi annoncé : « Bourg en Bresse : la grande illusion. » Un intellectuel de Paris en est l’auteur. Il soutient avec forces analyses que les Burgiens sont victimes d’un fantasme collectif. On peut y lire ces lignes :
« Toute une population de l’Ain est victime d’un phénomène particulier : celui de l’hallucination collective. Le phénomène n’est pas si rare, les soucoupes volantes n’étaient-elles pas, il y a quelques années, l’objet de telles hallucinations ? L’originalité de l’illusion dont les habitants de Bourg en Bresse sont les jouets tient en ce que l’objet imaginaire est de forme, teinte, et consistance indéterminées. Dans un monde où les choses n’existent plus que par leur utilité, dans un monde où tout n’est que fonctionnalité, un objet inutile a surgi de l’imagination des hommes et des brumes de leur inconscient, une chose sans pourquoi, sans raison d’être, une chose pour rien mais qui change tout. L’objet se prête, par son indétermination, à condenser en lui tous les fantasmes, en même temps qu’il révèle à chacun la pure présence, le pur être, sans être pour ceci ou pour cela, la pure existence dans son absurdité essentielle. Dans l’univers de l’avoir, un être surgit, qui ne se laisse ni posséder, ni utiliser, un être éclate de sa présence, un être s’affirme de sa seule existence pour rappeler à chacun et à tous, du fond d’un besoin impérieux constitutif de l’humaine condition, qu’il y a quelque chose, que les choses sont, avant d’être soumises à la raison utilitaire, et que nous sommes, nous, présents avant tout, avant de devoir répondre à une fonction. Un savoir oublié, un savoir refoulé fait retour collectivement pour rappeler la communauté à l’authenticité première, à une nouvelle ouverture à l’être, plus originelle »
« J’hallucine ! » : c’est l’exclamation désormais en vogue dans tout Bourg en Bresse. « Hallucinants, ces intellos parisiens ! Même les appareils photos et les caméras hallucinent ! » rajoute-t-on parfois, ironique. Un peu d’humour et de raillerie allègent la tension régnante. Mais n’empêche nullement la violence de se répandre. Des escarmouches éclatent de plus en plus souvent aux abords de la « chose hallucinée ». Sans cesse plus nombreux sont ceux ou celles qui tentent de franchir les barrières de sécurité pour toucher la chose, la voir de plus près ou encore la frapper avec toutes sortes d’instruments, pelles ou marteaux, comme on frappe un corps pour entendre le son qu’il rend, du vide, du plein ? comme pour l’ausculter, sonder, écouter son intériorité opaque, comme pour la faire parler, lui faire dire ce qu’elle est, d’où elle vient, pourquoi elle est là. Un homme surexcité s’est même glissé, à travers les barrières, des bâtons de dynamite à la main, avec l’intention de mettre en pièces le prétendu fantasme, de produire une déflagration d’ « hallucination », de réduire en miettes chimériques le mirage collectif, si réellement concret, mais des gendarmes vigilants ont brisé son élan explosif.
Partout querelles, chamailleries, altercations se produisent sous d’infimes prétextes. Partout, on crie, on hurle, on vocifère. Rares sont les hommes qui restent maîtres de soi, et conservent un peu de sérénité. Les habitants oscillent entre craintes insensées et folles espérances. Certains déjà, parmi les plus fortunés, ont fui Bourg en Bresse pour s’installer à Mâcon ou à Grenoble. « La ville est malade » diagnostique un médecin de l’urbanisme avant d’ajouter « Et la chose est son symptôme ».
Au bar des Capucins, un Burgien de longue date, plus ivre que de coutume, s’évertue à donner raison à l’adage « In vino veritas ». Il clame à haute voix pour qui veut l’entendre la vérité trouvée au fond des vapeurs de l’alcool :
– La chose est notre miroir. Elle nous reflète. Elle nous renvoie notre image et nous révèle à nous mêmes. Hips ! C’est une psyché, cette chose, le miroir de nos âmes. Et qu’est-ce qu’elle nous dit, la glace ? Hein ! Que nous sommes tous givrés ! Hips ! Mais que certains le sont plus que d’autres ! Et comment ne serions-nous pas tous un peu fous, hein ! Nous sommes tous si nécessairement fous, qu’il serait fou, par un autre tour de folie, que de n’être point heu… dingues, comme l’a dit, heu… Qui déjà ? Ah oui, Socrate ! Euh, non, peut-être bien Pascal ! hips ! Paul, ressers-moi un petit vin blanc, avec beaucoup de glace.
Un étranger présent dans le bar, un peu éméché lui aussi, jusque là discret, taciturne et solitaire, se met à tenir un discours qu’il ne semble adresser qu’à lui-même, en forme d’interrogations :
– Pourquoi n’y a-t-il pas rien, mais quelque chose ? D’où vient que la chose est ? D’où vient qu’elle est ce qu’elle est ? Et nous, nous qui ne sommes pas choses, la chose est notre objet, jetée là devant nous. Elle est là, nous sommes là, il y a un là en commun, entre elle et nous. Etre là… Serions-nous sans elle ? Serait-elle sans nous ? Ah, il y a un lien intime entre elle et nous. Patron, un demi !
A la mairie, pendant ce temps, une séance extraordinaire du conseil municipal se présente moins calme. Les débats sont houleux. Le maire vient d’exposer l’idée nouvelle, que ses partisans n’ont pas hésité à qualifier d’originale et même tout à fait géniale, idée qui lui est venue dans une inspiration subite. « Puisque l’on ne peut déplacer la chose, a-t-il déclaré, on va déplacer la rue. Pas toute l’avenue, non ! Juste un morceau. Il nous suffit de découper une tranche de rue assez épaisse, étant donné la dimension de la chose, celle qui lui sert de socle, de support, et de déposer en plein champ ce bout de route, assez loin de la ville. Il nous faudra de gros camions, de gros engins de forage et de levage, mais nous devrions pouvoir les trouver. » De vifs échanges s’ensuivent. Un conseiller s’exclame :
– Il va y avoir un grand trou au milieu de la ville ! A la place de la chose, il n’y aura rien, juste un creux, une fosse béante, un néant !
– Mais nous le comblerons par des gravats, monsieur, ce n’est pas un problème, rétorque le maire, irrité par cette remarque d’une totale inanité à son sens.
– Bravo ! Il y a un objet exceptionnel au centre de notre ville, un objet sur lequel les yeux du monde entier sont tournés, et vous, vous voulez le remplacer par un vide rempli de gravats !
– C’est un objet encombrant, monsieur, qui met la pagaille dans notre ville, et toute la population nous pousse à prendre des mesures rapides et efficaces. Il faut être à l’écoute de ses administrés, monsieur le conseiller, nous avons été élus pour cela.
C’est avec colère qu’un autre conseiller intervient :
– Monsieur le maire, voulez-vous tout gâcher ! C’est incroyable ! insensé ! nous avons une chance extraordinaire, la possibilité inattendue d’un développement sans précédant du tourisme dans notre ville. La curieuse « chose » est un cadeau inespéré du ciel, un atout touristique exceptionnel. Nous avons, sans même l’avoir demandé, sans avoir déboursé un euro, notre Disney, notre Schtroumpf, notre Astérix, vous n’allez tout de même pas nous priver d’une pareille aubaine ! La chose, ballon venu de nulle part, ballon galactique, ballon ou œuf sacré, est notre attraction touristique ; la boule mystère, c’est bien mieux qu’un Futuroscope ! Ce serait criminel pour l’économie de notre région, si vous mettiez votre projet à exécution. Aménageons le centre ville en un grand parc d’attraction, tout le monde y trouvera son compte, même ceux qui se plaignent aujourd’hui de quelques petits inconvénients.
– On l’appellera Boule en Bresse, ce parc ! ricane quelqu’un dans l’assemblée.
Après de longs débats, un compromis est finalement trouvé. L’objet sera déplacé aux abords de la ville, et un parc sera aménagé autour de la chose pour recevoir tous les curieux, touristes et pèlerins. Des complexes hôteliers, des restaurants pourront s’y installer, et l’objet, lui, le Disney Schtroumpf Astérix, sera placé sous un dôme que l’on fera construire par un architecte de renom.
Un soir pluvieux, veille des travaux qui doivent permettre le grand déménagement, ils sont présents, tous deux, près de la sphère lumineuse, brillante, où s’accroche un rayon de lune, sphère enveloppée d’une aura mystérieuse. Ils se sont rencontrés dans le tumulte de la ville, dans ses sursauts et convulsions, dans l’agitation fébrile qui la secoue depuis cette matinée, quand elle est apparue, l’incroyable réalité, globe étrange et fantastique. Ils sont amants depuis qu’elle est apparue, et leur amour est venu comme elle est venue. Beau, grand, inattendu. Des liens sacrés les unissent, à leurs yeux, des yeux d’amants passionnés. A leurs yeux, il est un songe vivant, elle est un rêve charmant, une illusion si réelle que l’on caresse doucement, que l’on sent, sous ses doigts fragiles, avec la délicatesse du sentiment, vivre comme un miracle de chaque instant, avec toujours ce bonheur indicible né de la seule présence, de la seule existence, de l’un au plus proche de l’autre. Amants, ils sont venus s’aimer encore, ce soir, et flâner près de leur bonne étoile, près de leur Pont des soupirs ; ils enchantent encore leur communion sublime dans la poésie de l’avenue des Ursulines, leur Venise d’un rêve matérialisé, dominée par la sphère magique. Deux lunes enlacées révolutionnent longtemps leur vie, autour de leur astre bizarrement posé sur une route goudronnée.
Le lendemain, dans l’avenue du centre de Bourg en Bresse, tout est calme et silencieux, rien n’entrave plus le passage, rien ne s’élève dans la rue comme une sphère étrange, comme une surprenante hiérophanie, comme un ballon crevé qui veut encore respirer, la chose a disparu.
Louis- Nombre de messages : 458
Age : 69
Date d'inscription : 28/10/2009
Re: De mille choses l'une
Brillant!
Sphère, atmosphères, transfert, enfer et damnation...Tu sais y faire, t'es à ton affaire, j'espère que mes ex-pairs en expertise critique ne crieront pas ne tiqueront pas ne me contrediront pas.
Je suis lectrice, fan et adepte accro de ce zoo.
Bravo pour ce catalogue d'ethnologues, de technologues, de psychologues, de bobolatêtologues , de phénoménologues....tourmentés qui ont mérité je le dis en toute sincérité, de nous livrer la vérité , et d'accéder en toute altérité à la postérité!
De toutes les interventions hallucinées, celle que je préfère est peut-être celle-là :
"C’est une citrouille géante, au milieu de la chaussée. Vous voyez, mes petits, c’est un beau potiron. A minuit, il en sortira un carrosse de vingt ans, il emportera qui voudra jusqu’aux bals d’éternité. On dansera, on dansera encore, sur les années. On tournera dans le ciel constellé, aux bras des princes du royaume de là-haut, avec Orion, avec Cassiopée, entre dauphins et colombes, dans la chevelure de Bérénice, oh oui on dansera sur la voie lactée. Vous voyez, c’est un beau potiron, échappé d’un conte de fée. Vous voyez, c’est une citrouille d’où surgira, à minuit, le carrosse qui mènera nos vies dans la valse des années, de la vieillesse à la jeunesse, de l’enfance à nos cinquante ans, de nos quarante ans à l’adolescence. C’est un beau potiron"
Sphère, atmosphères, transfert, enfer et damnation...Tu sais y faire, t'es à ton affaire, j'espère que mes ex-pairs en expertise critique ne crieront pas ne tiqueront pas ne me contrediront pas.
Je suis lectrice, fan et adepte accro de ce zoo.
Bravo pour ce catalogue d'ethnologues, de technologues, de psychologues, de bobolatêtologues , de phénoménologues....tourmentés qui ont mérité je le dis en toute sincérité, de nous livrer la vérité , et d'accéder en toute altérité à la postérité!
De toutes les interventions hallucinées, celle que je préfère est peut-être celle-là :
"C’est une citrouille géante, au milieu de la chaussée. Vous voyez, mes petits, c’est un beau potiron. A minuit, il en sortira un carrosse de vingt ans, il emportera qui voudra jusqu’aux bals d’éternité. On dansera, on dansera encore, sur les années. On tournera dans le ciel constellé, aux bras des princes du royaume de là-haut, avec Orion, avec Cassiopée, entre dauphins et colombes, dans la chevelure de Bérénice, oh oui on dansera sur la voie lactée. Vous voyez, c’est un beau potiron, échappé d’un conte de fée. Vous voyez, c’est une citrouille d’où surgira, à minuit, le carrosse qui mènera nos vies dans la valse des années, de la vieillesse à la jeunesse, de l’enfance à nos cinquante ans, de nos quarante ans à l’adolescence. C’est un beau potiron"
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: De mille choses l'une
"Dans un monde où les choses n’existent plus que par leur utilité, dans un monde où tout n’est que fonctionnalité, un objet inutile a surgi de l’imagination des hommes et des brumes de leur inconscient, une chose sans pourquoi, sans raison d’être, une chose pour rien mais qui change tout. L’objet se prête, par son indétermination, à condenser en lui tous les fantasmes, en même temps qu’il révèle à chacun la pure présence, le pur être, sans être pour ceci ou pour cela, la pure existence dans son absurdité essentielle. Dans l’univers de l’avoir, un être surgit, qui ne se laisse ni posséder, ni utiliser, un être éclate de sa présence, un être s’affirme de sa seule existence pour rappeler à chacun et à tous, du fond d’un besoin impérieux constitutif de l’humaine condition, qu’il y a quelque chose, que les choses sont, avant d’être soumises à la raison utilitaire, et que nous sommes, nous, présents avant tout, avant de devoir répondre à une fonction. Un savoir oublié, un savoir refoulé fait retour collectivement pour rappeler la communauté à l’authenticité première, à une nouvelle ouverture à l’être, plus originelle"
Voila bien mon paragraphe préféré...
Le texte dans son ensemble m'a énormément plu...
quelques phrases sont évidement à revoir à mon avis, comme pour tout texte de cette taille...
comme : Deux lunes enlacées révolutionnentlongtemps leur vie, autour de leur astre, bizarrement posé sur une route goudronnée.
ou
Les vendeurs de frites, pizza, sandwichs et cocaont un peu partout proliféré au voisinage de la chose attractive. gravitent à leur tour autour de la "chose", profitant des badauds pris dans son champ d'attraction.
Vous avez eu, à mon sens, une excellente idée, celle du surgissement de l'inattendu, de l'improbable, et tous les rapports d'experts et badauds en tous genres y allant de son explication du phénomène sont bien troussés.
au plaisir de vous relire...
Voila bien mon paragraphe préféré...
Le texte dans son ensemble m'a énormément plu...
quelques phrases sont évidement à revoir à mon avis, comme pour tout texte de cette taille...
comme : Deux lunes enlacées révolutionnent
ou
Les vendeurs de frites, pizza, sandwichs et coca
Vous avez eu, à mon sens, une excellente idée, celle du surgissement de l'inattendu, de l'improbable, et tous les rapports d'experts et badauds en tous genres y allant de son explication du phénomène sont bien troussés.
au plaisir de vous relire...
boc21fr- Nombre de messages : 4770
Age : 54
Localisation : Grugeons, ville de culture...de vin rouge et de moutarde
Date d'inscription : 03/01/2008
Re: De mille choses l'une
Une très bonne idée, oui, et une fin bien trouvée. Cela dit (bien que tous les développements soient logiques), j'ai dans l'ensemble trouvé le texte un peu verbeux. D'autre part, je n'ai pas eu l'impression qu'il soit précisé que la municipalité se soit efforcée de déplacer l'objet insolite, ou, si cela se révèle impossible, ne le masque par une grosse baraque de chantier. Enfin, l'indifférence des autorités nationales (notamment de l'armée) me paraît incompréhensible. Je ne crois pas que, en pareille occurrence, on laisserait la ville de Bourg en Bresse se dépatouiller toute seule...
Les discours pontifiants des uns et des autres sont bien vus, je trouve, au contraire des propos de café du commerce qui m'ont paru trop raides, trop "écrits". C'était l'occasion de faire varier les "voix"...
L'écriture, selon moi, convient bien au sujet, avec son sérieux ironique.
Quelques remarques :
"affirme sur un ton péremptoire, (pourquoi une virgule ici ?) Joël le plombier, qui"
"Boom ! (je pense qu'ici c'est la transcription anglaise, non française, de l'onomatopée)"
"un scientifique interrogé sur la nature de l'objet, (je pense qu'ici il serait préférable de choisir entre une incise complète pour "interrogé sur la nature de l'objet", ou pas d'incise du tout, plutôt que cette demi-incise qui, selon moi, déséquilibre la phrase) déclare avec une gêne manifeste"
"l'astre vagabond qui nous a visités"
"elle marie avec perfection, (je ne vois pas l'utilité de cette virgule) la teinte et l'incolore"
"Un véritable chef-|/b]d'œuvre"
"cette chose immonde que l’opposition a dégoté[b]e"
"Il soutient avec force (et non "forces" : il me semble bien que, dans cette acception, "force" est un adverbe) analyses"
"jusque-là discret"
"un développement sans précédent"
Les discours pontifiants des uns et des autres sont bien vus, je trouve, au contraire des propos de café du commerce qui m'ont paru trop raides, trop "écrits". C'était l'occasion de faire varier les "voix"...
L'écriture, selon moi, convient bien au sujet, avec son sérieux ironique.
Quelques remarques :
"affirme sur un ton péremptoire, (pourquoi une virgule ici ?) Joël le plombier, qui"
"Boom ! (je pense qu'ici c'est la transcription anglaise, non française, de l'onomatopée)"
"un scientifique interrogé sur la nature de l'objet, (je pense qu'ici il serait préférable de choisir entre une incise complète pour "interrogé sur la nature de l'objet", ou pas d'incise du tout, plutôt que cette demi-incise qui, selon moi, déséquilibre la phrase) déclare avec une gêne manifeste"
"l'astre vagabond qui nous a visités"
"elle marie avec perfection, (je ne vois pas l'utilité de cette virgule) la teinte et l'incolore"
"Un véritable chef-|/b]d'œuvre"
"cette chose immonde que l’opposition a dégoté[b]e"
"Il soutient avec force (et non "forces" : il me semble bien que, dans cette acception, "force" est un adverbe) analyses"
"jusque-là discret"
"un développement sans précédent"
Invité- Invité
Re: De mille choses l'une
Je suis rarement contente... Si je trouve bien rendue la façon dont la rumeur enfle au fur et à mesure que le temps passe, j'ai quand même trouvé le tout long et répétitif ; surtout que chaque intervention est bâtie sur le même modèle. J'ai bien aimé le passage avec le prophète parce qu'il m'a rappelé un album de Tintin, L'étoile mystérieuse.
Invité- Invité
Re: De mille choses l'une
"tout ça pour ça !" ai-je envie de dire ;-)
ben oui, c'est longuet du coup
une révélation de ce qu'est finalement ce "truc" m'aurait fait réagir autrement, mais là, en queue de poisson, je trouve que j'ai un peu perdu mon temps
dommage parce que c'est parfaitement bien écrit et que le suspense est bien gradué, les réflexions marrantes, l'observation humaine intéressante
A te relire !
ben oui, c'est longuet du coup
une révélation de ce qu'est finalement ce "truc" m'aurait fait réagir autrement, mais là, en queue de poisson, je trouve que j'ai un peu perdu mon temps
dommage parce que c'est parfaitement bien écrit et que le suspense est bien gradué, les réflexions marrantes, l'observation humaine intéressante
A te relire !
Re: De mille choses l'une
Ah qu'il est plaisant ce moment de lecture !
Enfin dis-je, un bon papier !
Qu'importe la finale après tout, car j'ai plaisir à relire certaines descriptions de personnages drôlement bien foutus.
Enfin dis-je, un bon papier !
Qu'importe la finale après tout, car j'ai plaisir à relire certaines descriptions de personnages drôlement bien foutus.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: De mille choses l'une
C'est parfait, sauf la fin, mais l'intérêt du texte réside dans l'étude des caractères et attitudes de nos contemporains devant l'étrange.
C'est un peu stéréotypé mais c'est la vérité au fond et c'est bien observé. Il y a de fortes chances que si un "truc" se posait à Bourg en Bresse ou ailleurs, les choses se passeraient exactement comme ça.
Pauvres humains que nous sommes.
C'est un peu stéréotypé mais c'est la vérité au fond et c'est bien observé. Il y a de fortes chances que si un "truc" se posait à Bourg en Bresse ou ailleurs, les choses se passeraient exactement comme ça.
Pauvres humains que nous sommes.
Plotine- Nombre de messages : 1962
Age : 82
Date d'inscription : 01/08/2009
Re: De mille choses l'une
Bourg en Stress... j'aime beaucoup l'idée :-)
Mince, c'est pas sympa de se moquer de l'Ain...
Plus sérieusement, voilà une idée qui me plaît, surtout dans la première partie du texte, lorsque chacun y va de sa petite suppositon et que le phénomène gagne en ampleur. Après, je trouve que vers le milieu, ça commence à se diluer un peu, avant de retomber, à l'image de la frénésie médiatique liée à l'objet. Quelques longueurs, puis ça repart, nouvelle idée, nouveau rythme, ça va crescendo pour emporter le lecteur dans une pensée fébrile qui dit tout et beaucoup.
J'aime que la fin reste ouverte, qu'il n'y ait pas une vérité qui prenne le dessus sur tout le reste.
Un texte bien écrit, de manière intelligente et intéressante.
Mince, c'est pas sympa de se moquer de l'Ain...
Plus sérieusement, voilà une idée qui me plaît, surtout dans la première partie du texte, lorsque chacun y va de sa petite suppositon et que le phénomène gagne en ampleur. Après, je trouve que vers le milieu, ça commence à se diluer un peu, avant de retomber, à l'image de la frénésie médiatique liée à l'objet. Quelques longueurs, puis ça repart, nouvelle idée, nouveau rythme, ça va crescendo pour emporter le lecteur dans une pensée fébrile qui dit tout et beaucoup.
J'aime que la fin reste ouverte, qu'il n'y ait pas une vérité qui prenne le dessus sur tout le reste.
Un texte bien écrit, de manière intelligente et intéressante.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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