PEEA: Un soupçon de gris
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Krystelle
Loupbleu
Sahkti
Zou
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PEEA: Un soupçon de gris
Sans filleul et avec hypothénuse ...
J’avais presque honte d’être là.
L’impression d’être une voyeuse.
Rebrousser chemin ?
Faut que je vous dise.
Je suis une accroc cyclothymique des brocantes.
Pendant plusieurs semaines consécutives, j’épluche les petits journaux pour savoir dans quel village des alentours faire de bonnes affaires dominicales.
Impossible de revenir sans rien.
Mes dimanches matin sont alors faits de touts petits rien.
Bouquins à 50 cents dont les pages gondolent.
Candélabres en fer forgé rouillé que je repeins en orange ou en rouge pour colorer les nuits d’été.
Vêtements fripés au quart d’heure de gloire passée et qui, en prime, y ont laissé boutons et doublure.
Dimanche dernier, je revenais avec un vieil instrument gradué en bois d’olivier à usage inconnu sinon celui de faire joli ou de calculer l’hypoténuse du vol des canards sauvages. Peut-être même la distance entre les cornes d’une vache ?
Hier brocante à deux pas de chez moi.
Un quartier où j’ai l’habitude de passer sans jamais m’y arrêter.
Sauf parfois pour nourrir les bulles à verre.
Si je triais pas, ça demeurerait une contrée inconnue. A cinq cents mètres à peine.
Il faisait gris et l’automne levait le doigt.
J’avais froid. Mais moins que les exposants. Presque’en campagne, ils se réchauffaient les mains, certains avec une roulée d’autres avec un gobelet de café fumant. Un type sûrement pas du coin adossé à une Benz rutilante feignait de ne pas entendre un petit garçon qui lui demandait le prix d’une pochette de pastels et de marqueurs de couleur. Petite, très petite la pochette. Et puis face à l’entêtement du gamin de lui annoncer un prix astronomique de 5 euros pour sa camelote. Révoltant. Plus cher que du neuf.
Les couleurs ça devrait pas avoir de prix, comme les sourires.
L’envie de fouiner m’avait quittée comme la brocante la rue principale
pour s’insinuer au travers de la cité.
Les étals se faisaient moins riches. Même plus de fonds de grenier. La poussière avait cédé la place à la crasse. L’odeur de moisi et de caves humides rivalisait avec celle de la pulpe de betteraves en pleine fermentation. La Meuse n’est pas loin. La sucrerie, non plus.
Des couvertures miteuses exhibaient des Barbie sans tête. Pour pièces. Des chaussures dépareillées. Pour unijambiste.
Et le ciel de plus en plus sombre pour faire plus vrai. J’avais envie de rafler tout. Juste pour qu’ils puissent rentrer chez eux. Arrêter d’ajouter du gris au gris. Se réchauffer et profiter de leur dimanche. Mais c’est pas le jeu.
Je me suis hâtée. Juste acheté un kilo de poires. Garanties de son verger sans insecticide, bonimentait le petit vieux.
J’ai été prise d’un doute. Il était trop bronzé pour vivre ici.
Et puis dire à mon tendre qui est pas trop fruits alors que j’insistais pour ne pas rentrer bredouille « Ce que femme veut, Dieu le veut », c’est suspect. Il avait ni alliance ni de médaille. Comment, il pouvait savoir ?
Ce matin au déjeuner, la poire était farineuse. J’ai souris ! Pour sûr, elle avait mûri au soleil de Belgique. Il n’avait pas menti. Un veuf qui rentrait de vacances, voilà l’explication.
J’avais presque honte d’être là.
L’impression d’être une voyeuse.
Rebrousser chemin ?
Faut que je vous dise.
Je suis une accroc cyclothymique des brocantes.
Pendant plusieurs semaines consécutives, j’épluche les petits journaux pour savoir dans quel village des alentours faire de bonnes affaires dominicales.
Impossible de revenir sans rien.
Mes dimanches matin sont alors faits de touts petits rien.
Bouquins à 50 cents dont les pages gondolent.
Candélabres en fer forgé rouillé que je repeins en orange ou en rouge pour colorer les nuits d’été.
Vêtements fripés au quart d’heure de gloire passée et qui, en prime, y ont laissé boutons et doublure.
Dimanche dernier, je revenais avec un vieil instrument gradué en bois d’olivier à usage inconnu sinon celui de faire joli ou de calculer l’hypoténuse du vol des canards sauvages. Peut-être même la distance entre les cornes d’une vache ?
Hier brocante à deux pas de chez moi.
Un quartier où j’ai l’habitude de passer sans jamais m’y arrêter.
Sauf parfois pour nourrir les bulles à verre.
Si je triais pas, ça demeurerait une contrée inconnue. A cinq cents mètres à peine.
Il faisait gris et l’automne levait le doigt.
J’avais froid. Mais moins que les exposants. Presque’en campagne, ils se réchauffaient les mains, certains avec une roulée d’autres avec un gobelet de café fumant. Un type sûrement pas du coin adossé à une Benz rutilante feignait de ne pas entendre un petit garçon qui lui demandait le prix d’une pochette de pastels et de marqueurs de couleur. Petite, très petite la pochette. Et puis face à l’entêtement du gamin de lui annoncer un prix astronomique de 5 euros pour sa camelote. Révoltant. Plus cher que du neuf.
Les couleurs ça devrait pas avoir de prix, comme les sourires.
L’envie de fouiner m’avait quittée comme la brocante la rue principale
pour s’insinuer au travers de la cité.
Les étals se faisaient moins riches. Même plus de fonds de grenier. La poussière avait cédé la place à la crasse. L’odeur de moisi et de caves humides rivalisait avec celle de la pulpe de betteraves en pleine fermentation. La Meuse n’est pas loin. La sucrerie, non plus.
Des couvertures miteuses exhibaient des Barbie sans tête. Pour pièces. Des chaussures dépareillées. Pour unijambiste.
Et le ciel de plus en plus sombre pour faire plus vrai. J’avais envie de rafler tout. Juste pour qu’ils puissent rentrer chez eux. Arrêter d’ajouter du gris au gris. Se réchauffer et profiter de leur dimanche. Mais c’est pas le jeu.
Je me suis hâtée. Juste acheté un kilo de poires. Garanties de son verger sans insecticide, bonimentait le petit vieux.
J’ai été prise d’un doute. Il était trop bronzé pour vivre ici.
Et puis dire à mon tendre qui est pas trop fruits alors que j’insistais pour ne pas rentrer bredouille « Ce que femme veut, Dieu le veut », c’est suspect. Il avait ni alliance ni de médaille. Comment, il pouvait savoir ?
Ce matin au déjeuner, la poire était farineuse. J’ai souris ! Pour sûr, elle avait mûri au soleil de Belgique. Il n’avait pas menti. Un veuf qui rentrait de vacances, voilà l’explication.
Zou- Nombre de messages : 5470
Age : 62
Localisation : Poupée nageuse n°165, Bergamini, Italie, 1950-1960
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: PEEA: Un soupçon de gris
L’odeur de moisi et de caves humides rivalisait avec celle de la pulpe de betteraves en pleine fermentation. La Meuse n’est pas loin. La sucrerie, non plus. Surtout en ce moment, merci l'usine en construction! Passant là au moins quatre fois/jour, à chaque fois je manque défaillir :-((
Bien aimé ton texte Zou, je trouve que tu restitues bien l'ambiance de cette brocante par laquelle je suis aussi passée en milieu de matinée.
Les contraintes ne se remarquent pas, tout coule, c'est de la désillusion, à volonté, j'aime assez ça. Tu manies bien le registre dramatique.
Bien aimé ton texte Zou, je trouve que tu restitues bien l'ambiance de cette brocante par laquelle je suis aussi passée en milieu de matinée.
Les contraintes ne se remarquent pas, tout coule, c'est de la désillusion, à volonté, j'aime assez ça. Tu manies bien le registre dramatique.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: PEEA: Un soupçon de gris
Petite remarque, le "thème" du quart d'heure devient une contrainte un peu diluée, mais pourquoi pas !
J'aime beaucoup l'écriture, et tu as l'oeil pour la description, qui ici justement raconte. J'aime bien aussi la thématique sur l'ancien et le délabré, l'inutilité. Peut-être traité ici de façon successives, ça pourrait être mélé un peu plus (c'est mon seul bémol). Tu gardes de la sobriété dans l'expressivité, un registre différent de ton ton gouailleur, mais c'est réussi !
Donc bel écriture, fine, intéressante, jolie fin aussi !
J'aime beaucoup l'écriture, et tu as l'oeil pour la description, qui ici justement raconte. J'aime bien aussi la thématique sur l'ancien et le délabré, l'inutilité. Peut-être traité ici de façon successives, ça pourrait être mélé un peu plus (c'est mon seul bémol). Tu gardes de la sobriété dans l'expressivité, un registre différent de ton ton gouailleur, mais c'est réussi !
Donc bel écriture, fine, intéressante, jolie fin aussi !
Loupbleu- Nombre de messages : 5838
Age : 52
Localisation : loupbleu@vosecrits.com
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: PEEA: Un soupçon de gris
L'atmosphère que tu peins est vraiment bien rendue, le gris est là, partout entre tes lignes et il nous prend à la gorge, nous saisit presque au fil de la lecture, dans la seconde partie du texte principalement.
Ce que je regrette, c'est l'aspect morcelé, décousu, le décalage entre le le début qui me semble être là surtout pour placer "candélabre" "vache" et "hypothénuse" (mais qui n'est pas pour autant dénué d'intérêt) et la seconde partie du texte qui pourrait fonctionner à elle seule.
Je crois aussi que je me serais passée de la toute dernière phrase "explicative", mais ça, c'est du détail !
Un bon texte malgré tout Zou.
Ce que je regrette, c'est l'aspect morcelé, décousu, le décalage entre le le début qui me semble être là surtout pour placer "candélabre" "vache" et "hypothénuse" (mais qui n'est pas pour autant dénué d'intérêt) et la seconde partie du texte qui pourrait fonctionner à elle seule.
Je crois aussi que je me serais passée de la toute dernière phrase "explicative", mais ça, c'est du détail !
Un bon texte malgré tout Zou.
Re: PEEA: Un soupçon de gris
De belles descriptions Zou, une atmosphère bien rendue. Ça se lis aisément.
Je rejoins l'avis de Christelle à propos de la dernière phrase, elle me semble également inutile.
Je rejoins l'avis de Christelle à propos de la dernière phrase, elle me semble également inutile.
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: PEEA: Un soupçon de gris
Pas d'ac pour la dernière phrase. "Un veuf qui rentrait de vacances", c'est délicieusement précis, une supposition élevée au rang de certitude poétique, il y a un univers là-dedans. En revanche la première partie est effectivement faiblarde, diluée.
Re: PEEA: Un soupçon de gris
Un bout de vie tout en tendresse et en petites touches délicates. Le cadre, l’ambiance, les couleurs, le gris… On y est : « Il faisait gris et l’automne levait le doigt ». Joli. On dirait un bon début de roman ;-)
Re: PEEA: Un soupçon de gris
vraiment aimé l'ambiance de toute la 2ème partie de ton texte avec les abords de la Meuse ... très bien rendu ! je m'y suis cru même si je n'y suis jamais allé.
pour les détails :
j'aime bien "Les couleurs ça devrait pas avoir de prix, comme les sourires."
j'ai du relire pour comprendre
"L’envie de fouiner m’avait quittée comme la brocante la rue principale
pour s’insinuer au travers de la cité."
la dernière phrase, je vote comme Yali et Krys (je crois), elle me semble superflue !
pour les détails :
j'aime bien "Les couleurs ça devrait pas avoir de prix, comme les sourires."
j'ai du relire pour comprendre
"L’envie de fouiner m’avait quittée comme la brocante la rue principale
pour s’insinuer au travers de la cité."
la dernière phrase, je vote comme Yali et Krys (je crois), elle me semble superflue !
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 49
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
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