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Orange crépuscule

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Rebecca
JmZ
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Message  JmZ Mer 17 Fév 2010 - 11:36

2084 : Orange crépuscule
« Lorsqu'il commença à neiger, nous fûmes tous émerveillés. Il y avait la fraîcheur de l'air, le rire des enfants et la beauté des flocons qui tombaient, doucement, un peu comme du sucre glace. Les pieds foulaient pour la première fois de l'année une fine couche de neige et crissaient à chaque pas que nous faisions. Je me souviens de cette délicieuse sensation de tassement, sous la semelle, de la plante du pied jusqu'aux orteils, brisant à jamais les fragiles cristaux de neige.
Ce délicat équilibre, si harmonieux, et sur lequel nous marchions sans égards aucun… »
La très vieille femme poussa un soupir. C'était davantage une exhalaison, comme si son être entier était contenu dans cette faible expiration.
Elle regarda la jeune enfant, devant elle, qui ne disait rien. Celle-ci l'écoutait, docile ; à peine souriante.
« Le froid s'est installé durablement et ne nous a jamais quitté. La neige s'est entassée sur les trottoirs, les chaussées, les toits des voitures et des maisons, au pied des portes et dans l'esprit des gens. C'était comme si la nature nous montrait que nous pouvions bien briser son frêle équilibre, elle enverrait encore et toujours, jusqu'à l'écœurement, cette neige blanche qui, à notre contact, devenait boue noire, mélange infâme de scories polluées. Comme pour nous montrer que nous ne pouvions plus rien faire, sauf à nous terrer au plus profond de nos habitations, nos cavernes… »
Elle tourna la tête et regarda à travers la fenêtre. Elle hésitait à la nommer "hublot", car il lui semblait que le terme s'appliquait aux navires et au avions, mais pas aux anciennes plate-formes pétrolières de la Mer du Nord, reconverties en habitations de luxe.
Elle ricana.
Au loin, les embruns gris de la mer semblaient charrier les conséquences des actes de l'humanité. Il lui semblait les voir partout, d'ailleurs. Dans le gris foncé des nuages, dans la rouille déchiquetée du métal qui l'entourait, dans la blancheur immaculée de la neige lorsque les flocons n'arrivent pas au sol déjà noirs de suie…
Elle voulut se changer les idées et chercha des yeux la télécommande. Ne la trouvant pas, elle se souvint qu'elle n'en avait nullement besoin. Elle poussa un autre soupir (et c'était là un vrai soupir : d'exaspération, de lassitude devant le besoin continuel de l'être humain de faire évoluer une technologie qui… – elle zappa mentalement).
La télé s'alluma et elle fit défiler les chaînes par la pensée.
Les images étaient toutes les mêmes. Elles oscillaient entre émissions de variété décervelées, réclames mensongères, films banals à l'émotion calibrée et informations répétitives.
De tout cet étalage de médiocrité, c'était peut-être cela qui la déprimait le plus : l'hypocrisie éternelle des chaînes d'information. Sans jamais chercher à décrire les problèmes de fond, elles se contentaient de jouer l'émotion et réduisaient l'actualité à l'étalage de la douleur humaine.
Elle suivit pourtant un reportage sur les réfugiés climatiques néerlandais.
Lorsque son pays natal fut victime du changement climatique, l'Afsluitdijk – cette digue de plus de trente kilomètres qui protégeait le lac d'IJssel, au nord des Pays-Bas – et le Oosterscheldekering – le barrage de l'Escaut, qui protégeait la Zélande au sud-ouest – furent submergés et balayés avec une facilité déconcertante. Les seules protections qui se devaient d'être efficaces, qui protégeaient la population et le cœur de l'économie, industries et commerces, cette ultime barrière n'avait pas tenu. L'importance des tempêtes, la puissance du ressac, la fureur du vent, le gel avaient provoqué la rupture des digues, des dunes et des barrages, derniers remparts d'un pays situé sous le niveau de la mer.
Des centaines de milliers de morts, des millions de disparus, des dizaines de millions de réfugiés climatiques… Une destruction effarante.
Le reportage exposait l'histoire de ces déportés qui, du jour au lendemain, trouvèrent refuge dans les pays voisins. La Belgique par exemple, dont le gouvernement – flamand depuis de nombreuses années –, avait fait parvenir une requête auprès du gouvernement européen pour abroger la Wallonie, ce territoire autonome rattaché à la France depuis sa sécession. Cela n'allait bien sûr pas sans heurt ni douleur, sans compter les rapports dégradés entre flamands natifs et néerlandais réfugiés.
La vieille femme secoua la tête. Ses ancêtres avaient vaincu la mer. Ils avaient agrandi leur pays en asséchant des marais, en créant des terres là où personne ne pouvait habiter. Et maintenant, parce-que des cadres dirigeants avaient voulu gagner davantage d'argent, parce-que des fonctionnaires hauts placés avaient accepté de faire des économies de bouts de chandelle, parce-que les matériaux utilisés pour le renforcement des digues et la consolidation des barrages n'avaient pas été de qualité suffisante pour résister à des tempêtes plus fortes que prévues, ce pays était détruit. Parce-que les pièces utilisées n'avaient pas été calibrées pour le froid féroce qui vint de la disparition progressive du Gulf Stream. Parce-que la privatisation des entreprises publiques qui géraient les chantiers de construction avaient été mal gérées et n'avaient eu, comme de bien entendu, qu'une vue à court terme de la maximisation des profits. Parce-que l'humanité avait eu une attitude d'autodestruction navrante et en toute connaissance de cause.
Des yeux, elle chercha à nouveau la télécommande.
« Décidément », fit-elle pour elle-même.
Elle éteignit la télé et fit face à l'enfant. Celle-ci ne bougeait pas, ne disait rien. La petite fille était là, tout simplement. Immobile, aussi bien physiquement que mentalement. Comme la vieille le voulait. Si elle avait eut le besoin viscéral d'une présence, c'était celui d'un animal de compagnie. Pas d'un pseudo-enfant à l'intelligence limitée. Elle avait ainsi bridé le programme de communication de l'androïde.
Il devait avoir cinq ou six ans, pas plus. Et la vieille femme se reconnaissait quelque peu dans ce visage… Cela l'émerveillait mais l'angoissait aussi.
Les lois concernant les brevets sur le vivant limitaient ce que l'on pouvait faire en matière de créations génétiques. Non pour protéger l'être vivant (ou humain) en tant que tel, mais bien pour protéger les bénéfices des laboratoires scientifiques privés. Ainsi, lorsque son fils avait voulu lui offrir un "compagnon", il avait cédé à la mode EGM et lui avait offert cette enfant, fabriquée à partir des gènes de la famille…
Après les OGM (et malgré les graves conséquences qui avaient succédées leur utilisation massive et incontrôlable), était venue l'ère des Êtres Génétiquement Modifiés.
La création d'être artificiels satisfaisait une frange de la population en proposant de véritables esclaves : main d'œuvre ouvrière, chair à canon militaire et objets de plaisir pour les plus pervers des puissants.
Dès que les implants cybernétiques furent monnaie courante (grâce à la formidable devanture des Olympiades Cybernétiques), la technologie fusionna génétique et nanotechnologie. L'ordinateur ne fut plus implanté par voie chirurgicale mais injecté, comme un sérum, avant de grandir à l'intérieur du corps. La colonne vertébrale devint une antenne, la pensée un mode de communication et l'esprit, une RAM. La domotique se généralisa et l'interfaçage entre humains des enclaves prospères devint "réellement virtuel".
Était-ce un gage de bonheur ?
L'humanité avait de tout temps cherché à améliorer son environnement au moyen de l'évolution technologique. Mais il lui semblait que, quelque part dans un passé obscur et pas si lointain, l'homme avait oublié l'objet initial de sa quête. La technologie n'existait plus pour servir ou faciliter son bonheur, mais était devenu un moyen de ne jamais le contenter. Au bonheur réel on avait supplanté, pour des raisons commerciales, la satisfaction inassouvie – et la création et la gestion de la frustration qui en découlait.
Elle haussa les épaules. Depuis bien longtemps déjà, elle était si âgée, avait-elle pris conscience des conséquences de la déshumanisation de l'évolution technologique.
Et elle avait bien tenté de se résigner, non à son âge – quoiqu'à 146 ans, elle sentait le poids des années – mais à ce nouveau traitement de longévité qu'il lui fallait suivre.
Comme pour répondre à ses interrogations, deux hommes apparurent dans la pièce – du moins, leurs échos dans son univers virtuel augmenté. Ils étaient habillés sobrement, costards et cravates sombres, d'une excellente résolution. Le premier fit un pas et s'inclina :
« Madame, l'appareil d'HelveTronics™ est en phase d'atterrissage. »
L'autre prit aussitôt la parole, sans s'incliner et avec un léger accent :
« Nous sommes fiers de pouvoir vous compter bientôt parmi nous, Reine Beatrix. Nous pouvons vous assurer que tout est mis en œuvre pour… »
Elle n'écoutait déjà plus. Elle songea à son fils, ses petites-filles et le reste de sa descendance qui l'attendaient dans les Alpes bernoises. Ils avaient tout, là-bas. L'enclave suisse possédait ses propres réserves de nourriture, d'eau et d'énergie et leur disponibilité était garantie par contrat.
Mais les suisses étaient… trop, pour elle. Elle ne savait exprimer ce qui lui déplaisait dans ce peuple et ce pays. C'était peut-être simplement ce paysage montagneux qui la mettait mal à l'aise. Elle qui avait de tout temps vécu une vie faite de crêtes et d'abysses aux Pays-Bas, elle allait quitter celle-ci pour une vie terne et plate, en Suisse. La monotonie des vallées ne valait pas la beauté de la plaine…
Elle se souvint du Palais Noordeinde où elle avait travaillé si longtemps, au cœur du centre-ville de Den Haag. Elle se souvint de Huis ten Bosch, le palais de la famille royale Orange-Nassau. Elle se souvint du Haagse Bos, le bois de La Haye. Elle se souvint des dunes. Elle se souvint de l'odeur de la mer. Elle se souvint du vent, des canaux et des polders…
Des larmes coulèrent sur ses joues.
Au loin, le soleil se couchait et, malgré la triste couche nuageuse, le ciel prit une teinte orangée. Cela ramena un sourire sur son visage creusé. Elle aimait cette couleur orange. Elle aimait l'idée que la couleur historique de son pays, celle de la famille royale, symbolise l'énergie. Elle aimait aussi que, dans la culture hindouiste, cette couleur représente la passion et plus encore, le feu purificateur, synonyme de libération.
Une fois seule, lorsque les deux échos furent désynchronisés, elle ouvrit une boîte de cachets et en vida le contenu dans un verre d'eau. Elle attendit quelques minutes qu'ils se désagrègent. Les vibrations de l'appareil à réacteur nucléaire lui parvenaient à travers le métal de la construction. Elle ne partirait pas ; sa décision était prise. Elle saisit le verre et l'amena aux lèvres. Elle but puis le reposa. Sa vue se troubla et, dans un dernier sursaut, avant que ses yeux ne se ferment définitivement, elle salua d'un sourire la petite fille toujours assise devant elle, silencieuse. Elle salua la parodie génétique de sa mère, la reine-mère Juliana et, dans un silence, mourut.

*
2184. Game over.

Vous perdez 3500 points 'K' pour suicide. Nous sommes désolés, ceci était votre dernière partie pour ce cycle de vie. Karma Games vous remercie de votre participation. N'oubliez pas, buvez du Karma Cola, le seul Cola qui améliore votre potentiel karmique !

La jeune femme se réveilla petit à petit. Elle n'était pas mécontente d'elle-même. Oh bien sûr, elle n'était pas arrivée aussi loin que d'autres joueurs. Mais elle préférait les personnages au potentiel karmique peu élevé. Durer aussi longtemps devenait une gageure. Maintenant, elle se sentait prête à tenter un cycle de samsâra d'un niveau encore inférieur.
Elle se désaltéra puis se rallongea sur sa couche et ferma les yeux. Qu'il était bon d'avoir une vie difficile !

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Message  Rebecca Mer 17 Fév 2010 - 13:24

C'est excellent...des analyses fines ...des descriptions étonnantes ...des tas de trouvailles, aah ces cravates à l'excellente résolution !
Du bon boulot.
Je jouerai bien une autre partie.
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Message  Invité Mer 17 Fév 2010 - 14:49

Je n'ai pas accroché et pas trop vu l'intérêt du texte. Oui, ça se lit bien, oui c'est plaisant mais je donne ma langue au chat quant au message que le récit cherche à faire passer... Vrai que les jeux internet ne me passionnent pas, ceci expliquerait cela. Mais je n'ai vraiment rien trouvé de remarquable dans la trame même du récit, désolée.

J'ai relevé ces quelques erreurs, cela t'intéressera peut-être :

et sur lequel nous marchions sans égard ("aucun" est singulier) aucun…
« Le froid s'est installé durablement et ne nous a jamais quittés.
il lui semblait que le terme s'appliquait aux navires et aux avions,
Et maintenant, parce-que des cadres dirigeants avaient voulu gagner davantage d'argent, parce-que des fonctionnaires hauts placés avaient accepté de faire des économies de bouts de chandelle, parce-que les matériaux utilisés pour le renforcement des digues
Parce-que les pièces utilisées n'avaient pas été calibrées pour le froid féroce qui vint de la disparition progressive du Gulf Stream. Parce-que la privatisation des entreprises publiques qui géraient les chantiers de construction avaient été mal gérées et n'avaient eu, comme de bien entendu, qu'une vue à court terme de la maximisation des profits. Parce-que l'humanité avait eu une attitude d'autodestruction navrante et en toute connaissance de cause. (ça fait beaucoup de "parce que", sans tiret)
et malgré les graves conséquences qui avaient succédé à leur utilisation massive et incontrôlable
et la création et la gestion de la frustration qui en découlaient.

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Message  Dilo Mer 17 Fév 2010 - 15:00

Merci, j'ai trouvé ça très intéressant.
Il y a des passages qui ne me sont pas très clairs, mais c'est souvent comme çà, on ne va pas rentrer dans les détails du possible...
A quand le même mais en version optimiste ?

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Message  ubikmagic Mer 17 Fév 2010 - 15:19

Salut,

Beaucoup d'idées intéressantes, des réminiscences Dickiennes ( mais comment contourner un tel monstre sacré ? ), de la créativité. Le seul truc qui me chagrine, c'est le côté "explicatif" de certains passages. Mais je pense que c'est l'écueil inhérent aux textes courts, enfin, je ne dis pas qu'on ne peut l'éviter, mais c'est le piège classique. Pourtant, il faut tenter de résister. Donner à comprendre au lieu de livrer tout clés en mains.

Cependant, c'est un bon début.

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Message  midnightrambler Mer 17 Fév 2010 - 15:58

Bonjour JmZ,

Un texte bien écrit dont le sujet ne m'a pas beaucoup intéressé. Je dois avouer que je suis plutôt hermétique à la science-fiction et à la critique du progrès technique.

Quelques remarques parallèlement à celles d'Easter(Island) :

- ligne 15 : ... ne nous a jamais quittés.
- ligne 26 : ... aux avions ...
- ligne 26 : ... aux plates-formes pétrolières ...
- ligne 41 : ... émissions de variétés décervelées, ...
- lignes 70, 71, 73, 76, 78 et 81 : ... parce que ... sans trait d'union
- ligne 72 : ... des fonctionnaires haut placés ... pas de "s" à haut qui a une fonction d'adverbe invariable.
- ligne 78 à 81 : " Parce que la privatisation des entreprises publiques ... maximisation des profits. " La phrase est bancale ... à la fin on ne sait plus quel est le sujet : la privatisation ou les entreprises ...
- ligne 106 : ... qui avaient succédé à ...
- ligne 108 : ... La création d'êtres artificiels ...
- ligne 109 : ... main-d' ... avec un trait d'union
- ligne 124 : ... était devenue un moyen ...
- ligne 127 : ... qui en découlaient.

Amicalement,
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Message  Dilo Mer 17 Fév 2010 - 18:23

"L'ordinateur ne fut plus implanté par voie chirurgicale mais injecté, comme un sérum, avant de grandir à l'intérieur du corps. La colonne vertébrale devint une antenne, la pensée un mode de communication et l'esprit, une RAM. " Bof

"La domotique se généralisa et l'interfaçage entre humains des enclaves prospères devint "réellement virtuel". " ??

"La technologie n'existait plus pour servir ou faciliter son bonheur, mais était devenu un moyen de ne jamais le contenter. Au bonheur réel on avait supplanté, pour des raisons commerciales, la satisfaction inassouvie – et la création et la gestion de la frustration qui en découlait."
Oui, ça c'est bien exprimé je trouve

"Mais elle préférait les personnages au potentiel karmique peu élevé." "Maintenant, elle se sentait prête à tenter un cycle de samsâra d'un niveau encore inférieur."
je ne comprends pas le lien "inférieur" avec le personnage de la vieille dame

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Message  Iryane Mer 17 Fév 2010 - 19:27

le mot qui me vient en tête concernant ce texte c'est : immersion.

immersion dans l'histoire, je me suis retrouvée hapée dans le récit,
et immersion dans le systeme de vie virtuelle, qu'on découvre à la fin.

une belle imagination et de belles images a travers ces lignes, quoique peut-être, trop technique / géopolique, qui peuvent lasser.
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Message  ubikmagic Ven 19 Fév 2010 - 18:42

Salut,

Tu me l'as demandé, voilà quelques exemples de passages explicatifs qu'il est toujours préférable d'éviter. Comment ? D'abord, tu as trouvé un artifice, dans le paragraphe précédent, celui du reportage. C'est ce biais qui explique, pas l'auteur. Excellent procédé. Il faut toujours éviter le "pédagogisme" avec le lecteur. Comment ensuite ? A chaque idée, trouver un moyen quel qu'il soit, pour faire "passer" l'info autrement. Soit en la taisant ( théorie de la pièce manquante ), ce qui fait gamberger le lecteur qui après tout, s'il ouvre des bouquins de ce genre, est un peu là dans ce but, sinon il lirait le Journal de Mickey. Ensuite, en mettant en évidence le "comment" à la place du "pourquoi", et puis en demandant au lecteur d'induire au lieu de lui mâcher le travail...
JmZ a écrit:
Lorsque son pays natal fut victime du changement climatique, l'Afsluitdijk – cette digue de plus de trente kilomètres qui protégeait le lac d'IJssel, au nord des Pays-Bas – et le Oosterscheldekering – le barrage de l'Escaut, qui protégeait la Zélande au sud-ouest – furent submergés et balayés avec une facilité déconcertante. Les seules protections qui se devaient d'être efficaces, qui protégeaient la population et le cœur de l'économie, industries et commerces, cette ultime barrière n'avait pas tenu. L'importance des tempêtes, la puissance du ressac, la fureur du vent, le gel avaient provoqué la rupture des digues, des dunes et des barrages, derniers remparts d'un pays situé sous le niveau de la mer.
Des centaines de milliers de morts, des millions de disparus, des dizaines de millions de réfugiés climatiques… Une destruction effarante.

Et maintenant, parce-que des cadres dirigeants avaient voulu gagner davantage d'argent, parce-que des fonctionnaires hauts placés avaient accepté de faire des économies de bouts de chandelle, parce-que les matériaux utilisés pour le renforcement des digues et la consolidation des barrages n'avaient pas été de qualité suffisante pour résister à des tempêtes plus fortes que prévues, ce pays était détruit. Parce-que les pièces utilisées n'avaient pas été calibrées pour le froid féroce qui vint de la disparition progressive du Gulf Stream. Parce-que la privatisation des entreprises publiques qui géraient les chantiers de construction avaient été mal gérées et n'avaient eu, comme de bien entendu, qu'une vue à court terme de la maximisation des profits. Parce-que l'humanité avait eu une attitude d'autodestruction navrante et en toute connaissance de cause.

Les lois concernant les brevets sur le vivant limitaient ce que l'on pouvait faire en matière de créations génétiques. Non pour protéger l'être vivant (ou humain) en tant que tel, mais bien pour protéger les bénéfices des laboratoires scientifiques privés. Ainsi, lorsque son fils avait voulu lui offrir un "compagnon", il avait cédé à la mode EGM et lui avait offert cette enfant, fabriquée à partir des gènes de la famille…
Après les OGM (et malgré les graves conséquences qui avaient succédées leur utilisation massive et incontrôlable), était venue l'ère des Êtres Génétiquement Modifiés.
La création d'être artificiels satisfaisait une frange de la population en proposant de véritables esclaves : main d'œuvre ouvrière, chair à canon militaire et objets de plaisir pour les plus pervers des puissants.
Dès que les implants cybernétiques furent monnaie courante (grâce à la formidable devanture des Olympiades Cybernétiques), la technologie fusionna génétique et nanotechnologie. L'ordinateur ne fut plus implanté par voie chirurgicale mais injecté, comme un sérum, avant de grandir à l'intérieur du corps. La colonne vertébrale devint une antenne, la pensée un mode de communication et l'esprit, une RAM. La domotique se généralisa et l'interfaçage entre humains des enclaves prospères devint "réellement virtuel".

L'humanité avait de tout temps cherché à améliorer son environnement au moyen de l'évolution technologique. Mais il lui semblait que, quelque part dans un passé obscur et pas si lointain, l'homme avait oublié l'objet initial de sa quête. La technologie n'existait plus pour servir ou faciliter son bonheur, mais était devenu un moyen de ne jamais le contenter. Au bonheur réel on avait supplanté, pour des raisons commerciales, la satisfaction inassouvie – et la création et la gestion de la frustration qui en découlait.
Cela dit, malgré le côté explicatif, que je conçois et comprends ( difficile d'y échapper, cela demande un effort énorme, j'en sais quelque chose ), il y a des phrases avec lesquelles je suis entièrement d'accord, de tout coeur :

"parce-que des cadres dirigeants avaient voulu gagner davantage d'argent, parce-que des fonctionnaires hauts placés avaient accepté de faire des économies de bouts de chandelle".... "Parce-que l'humanité avait eu une attitude d'autodestruction navrante et en toute connaissance de cause"... "l'homme avait oublié l'objet initial de sa quête. La technologie n'existait plus pour servir ou faciliter son bonheur, mais était devenu un moyen de ne jamais le contenter. Au bonheur réel on avait supplanté, pour des raisons commerciales, la satisfaction inassouvie – et la création et la gestion de la frustration qui en découlait"...

... C'est extrêmement bien vu et pertinent, le tout serait de le faire passer autrement. Mais hélas, ô combien c'est vrai !... Enfin, cela m'apparaît comme tel en tous cas.

Reste qu'il y a un excellent background d'idées et un désir manifeste de créer un nouveau monde, une réelle ambition de frapper très fort et ça, je ne peux qu'encourager. Euh, question : toi y en avoir lu Dick et Brussolo ? Me fait penser un peu à ça, entre autres.

A suivre,

Ubik.
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