Vos écrits
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment : -21%
LEGO® Icons 10329 Les Plantes Miniatures, ...
Voir le deal
39.59 €

Deux minutes de trop

4 participants

Aller en bas

Deux minutes de trop Empty Deux minutes de trop

Message  Invité Dim 13 Juin 2010 - 14:25

Deux minutes de trop


Françoise et son fils Jérôme, 11 ans, sont assis dans la salle d’attente de la gare Matabiau à Toulouse. Jérôme, le bras en écharpe, se déplace avec une canne, à la suite d’une chute à skis. Ils sortent d’une clinique où il a été soigné. Ils attendent le train d’Albi, prévu à 16 h 15.

Soudain, le téléphone portable de Françoise sonne. Un employé de l’hôpital d’Albi lui annonce, avec précaution, que son mari, Bernard, vient d’être victime d’un accident de voiture entre Lavaur et Albi.
– Rassurez-vous, madame, votre mari n’est que blessé, mais cependant nous vous demandons de rejoindre l’hôpital au plus vite.
– Vous me cachez quelque chose, s’écrie Françoise, mais en vain ; la communication a été coupée.

Françoise est dans tous ses états ! Elle tremble, elle voudrait rappeler l’hôpital mais elle n’a pas le numéro. Elle est affolée.
– Maman, que se passe-t-il, lui demande Jérôme. Il est arrivé quelque chose à papa ?
Elle réalise soudain qu’il faut qu’elle se calme. Elle ne doit pas effrayer son fils.
– Ce n’est rien, mon chéri, papa a eu un petit accident, mais il va bien. Nous allons rentrer à la maison et j’irai aux nouvelles.
Le cœur en émoi, elle essaie de ne pas trop montrer son inquiétude. Heureusement, le train de 16 h 15 ne devrait plus tarder. Hélas, sur le quai, une voix annonce un retard de plus d’une heure en raison d’un incident sur la voie. Cette fois c’est trop, ses nerfs craquent. Il faut absolument qu’elle rappelle l’hôpital…

Soudain une idée horrible lui traverse l’esprit : « et si ce retard qui semble s’éterniser était dû à l’accident de Bernard ? » Elle entend, comme en écho, les termes de l’annonce : accident…voie… C’est sûr on lui a menti. Si l’accident a eu lieu sur un passage à niveau il n’en est pas sorti indemne. Puis, elle se calme un peu à la pensée que si on l’a appelée sur son téléphone portable ça ne peut être que lui qui a communiqué le numéro, donc il n’est pas gravement blessé, mais elle ne comprend pas pourquoi son mari est impliqué dans cet accident.

Les hauts-parleurs de la gare font entendre l’indicatif de la SNCF et une voix impersonnelle annonce qu’en raison du retard important qu’a pris le 16 h 15, un bus de remplacement va être avancé devant la gare, départ 16 h 42. Aussitôt tout le monde s’agite, s’empare de ses bagages et au pas de course se dirige vers la sortie. Jérôme dit à Françoise de partir devant et de prendre les places, qu’il va se débrouiller seul. Il préfère éviter la cohue. Les voilà installés dans le bus où règne un brouhaha dû aux commentaires des voyageurs : « la SNCF n’est plus ce qu’elle était…quand ce ne sont pas les grèves, ce sont les accidents sur les voies…ou l’indisponibilité du matériel…on a même vu des trains arrêtés par des vaches errantes…etc. »

Tout à coup le silence se fait, le chauffeur monte, salue les voyageurs et dit que nous allons arriver à Albi en passant devant la cathédrale, qui sera le premier arrêt, puis la Préfecture, l’hôpital, et pour finir la gare que nous devrions atteindre à 17 h 50. Tout ceci rassure Françoise qui se demandait comment elle allait se rendre à l’hôpital, surtout avec Jérôme handicapé.
« Ouf ! Si tout pouvait s’arranger aussi bien, soupire-t-elle. »

Bercée par le ronron du moteur et les cahots de la chaussée, elle ne tarde pas à sombrer dans un profond sommeil, épuisée par cette journée à rebondissements. Jérôme, bien éveillé, regarde le paysage et dès l’entrée dans la ville guette les arrêts du bus. Voici la place Sainte-Cécile et l’imposante cathédrale. De sa main, il tapote la joue de sa mère. Il voudrait bien qu’elle se réveille, il s’agit de ne pas louper l’arrêt devant l’hôpital. Françoise ouvre ses yeux aux paupières gonflées, regarde autour d’elle d’un air ahuri, puis réalise où elle se trouve et quelle est sa situation.

L’angoisse la saisit à nouveau. Elle se demande dans quel état elle va trouver Bernard, puis, subitement, une question s’impose à elle : que faisait son mari en voiture, entre Lavaur et Albi, au milieu de l’après-midi, au lieu d’être, comme il l’avait dit, dans son cabinet dentaire à soigner ses patients ? Elle compte bien le lui demander sans ambages dès q’elle sera près de lui. Jérôme était parti depuis une semaine en classe de neige avec son professeur de gymnastique, et quand on les a prévenus de sa chute à ski Bernard avait prétexté un surcroît de travail pour ne pas se déplacer. Elle est donc venue seule récupérer leur fils à Toulouse. Cet accident de voiture lui paraît finalement aussi surprenant qu’inquiétant.

Voici l’arrêt « hôpital. » Ses idées sont embrouillées et ses larmes contenues pour ne pas inquiéter son petit garçon déjà bien éprouvé par une aussi longue journée. Dans sa tête se bousculent et s’entrechoquent les hypothétiques raisons de l’hospitalisation de son mari. Un accident ? Le mystère reste entier. Il n’avait rien à faire sur cette route à cette heure-là. Cette situation est pour le moins suspecte et incongrue. Sa peur et son anxiété s’accroissent à mesure qu’elle avance. Elle a un mauvais pressentiment, une intuition de femme qui fait monter en elle la colère et un sentiment de fureur.

Arrivée dans le service, elle donne le nom de Bernard. Une infirmière lui explique :
– Ce n’était pas trop grave, on lui a fait quelques points de suture. Comme il a eu une légère perte de connaissance, j’ai dû chercher dans ses papiers le numéro de téléphone de sa femme qui est venue le chercher. Ils sont partis rapidement, ils avaient l’air pressé.
Françoise ouvre la bouche, la referme. « Jérôme ! » Pour son fils il faut tenir, être forte.
– Merci madame.

Tous deux repartent dans le couloir. L’enfant comprend que sa mère est malheureuse, même s’il n’a pas tout saisi de ce qu’a dit l’infirmière. A la sortie de l’hôpital le hasard les met en présence d’une voisine passant en voiture. Elle s’arrête :
– Que se passe-t-il ? Voulez-vous que je vous ramène ?
– Oui, cela nous rendra service.
Pendant le trajet, Françoise explique, sans détails, que le petit s’est blessé au ski et qu’il leur tarde de rentrer chez eux.

Après avoir remercié la voisine, elle aide Jérôme à sortir de la voiture. Dès que la clé est sur la porte, au bruit de la serrure, Bernard se précipite, serre dans chaque bras sa femme et son fils :
– Pas si fort, papa, tu me fais mal.
– C’est vrai, excuse-moi ; je suis si heureux de vous voir tous les deux ! A la gare, j’ai su que le train avait eu des ennuis, mais je ne savais pas où aller vous chercher. J’allais vous téléphoner. Cette journée…Nous nous en souviendrons !
Françoise dévisage son mari, le regarde marcher avec facilité. Dans la cuisine, il se dépêche de sortir verres, jus de fruits et biscuits. « Où est sa blessure ? … »

Elle est anéantie, épuisée, ne comprend rien. Elle est partagée entre la douleur et son besoin pressant d’éclaircissement qui correspond à son caractère : scruter les zones d’ombres, éviter les non-dits, même si cela fait mal. Savoir à tout prix. Elle pense fortement à une liaison de son mari, mais à trop réfléchir elle va perdre la tête…

Subitement, ne s’écoutant plus, elle affronte Bernard :
– Ta blessure est déjà guérie ?
– Quelle blessure ?
Avant de continuer cette explication, qui risque de ressembler à une guerre sans merci, Françoise demande à Jérôme de rejoindre sa chambre. Enfin seuls.
Déterminée, elle reprend :
– Ne prends pas cet air benêt. Nous arrivons de l’hôpital où nous étions convoqués. Tu avais eu, paraît-il, un accident sur la route de Lavaur cet après-midi. Que faisais-tu là-bas ?
– Mais je n’étais pas là-bas, j’étais à mon cabinet, je t’assure !
– Si tu savais la honte que j’ai ressentie quand l’infirmière a dit, devant Jérôme, « ce n’était pas grave, ce monsieur est reparti rapidement avec sa femme. » Mais qui est cette femme ?
– Attends, tu vois bien que je ne suis pas accidenté. Il ne s’agit pas de moi. Ça ne peut être qu’une méprise… Mon Dieu, ma sacoche !
Bernard se précipite vers sa voiture, restée devant la maison, et revient, se frappant le front :
– J’y suis ! En partant au cabinet, ce matin, je me suis arrêté au tabac sur l’avenue, pour acheter des cigarettes et…
– Et comme d’habitude, tu t’es mis en double file, tu es allé en courant, en laissant la clé de contact en place, tu es remonté en vitesse dans ta voiture, sans rien remarquer, et te voilà victime d’usurpation d’identité.
– Dire que ça ne m’a pris que deux minutes…
– Oui, deux minutes de trop !

embellie

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Deux minutes de trop Empty Re: Deux minutes de trop

Message  Invité Lun 14 Juin 2010 - 7:03

Finement observée cette spirale de l'imagination qui s'emballe et amène le personnage à ce que d'aucuns appellent "fabuler". Une tranche de vie, un portrait qui sonnent très vrais, même si le dialogue de la fin me semble manquer un peu de naturel.

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Deux minutes de trop Empty Re: Deux minutes de trop

Message  mentor Lun 14 Juin 2010 - 11:38

oui, pas mal du tout
peut-être un peu trop de détails ?
et puis si l'épouse a été appelée par l'hôpital sur son portable, elle doit facilement retrouver ce numéro pour rappeler, ou bien c'est une quiche :-))

mentor

Nombre de messages : 20248
Age : 45
Localisation : œ Œ ç Ç à À é É è È æ Æ ù Ù â  ê Ê î Î ô Ô û Û ä Ä ë Ë ï Ï ö Ö ü Ü – — -
Date d'inscription : 12/12/2005

http://www.vosecrits.com

Revenir en haut Aller en bas

Deux minutes de trop Empty Romanesque.

Message  ubikmagic Lun 14 Juin 2010 - 12:28

Hello,

Rien à redire sur la forme, à première vue. Sur le fond, un peu déçu par la fin trop prosaïque. Mon esprit romanesque aurait volontiers versé dans un complot pas croyable, quelque chose de plus tordu. Du genre, le mari fautif, mais couillonné non pas par une négligence, donc dans un premier temps apparaissant irréprochable, mais piégé ensuite par une tierce personne, machiavélique...

Mais je lis sans doute trop de romans noirs...


Ubik.
ubikmagic
ubikmagic

Nombre de messages : 998
Age : 62
Localisation : ... dans le sud, peuchère !
Date d'inscription : 13/12/2009

http://vulcania-submarine.deviantart.com/gallery/

Revenir en haut Aller en bas

Deux minutes de trop Empty Re: Deux minutes de trop

Message  isa Lun 14 Juin 2010 - 17:47

Un texte qui pousse le lecteur à s'interroger jusqu'au bout, à imaginer des scénarios permettant d'expliquer cet accident... mais j'ai été un peu déçue par la fin, j'attendais quelque chose d'un peu plus tordu, une explication à la hauteur de ce que Françoise s'était imaginée.
En même temps, une telle fin est intéressante en ce qu'elle permet, un peu comme le fait remarquer Easter, de mettre en évidence le rôle démesuré que peut avoir notre imagination et la disproportion entre ce que nous imaginons et la réalité.

Très bonne description des grèves de la SNCF, ça rappelle des souvenirs =)
isa
isa

Nombre de messages : 559
Age : 33
Localisation : Elbonerg
Date d'inscription : 08/04/2009

Revenir en haut Aller en bas

Deux minutes de trop Empty Re: Deux minutes de trop

Message  elea Mer 16 Juin 2010 - 19:52

Beaucoup aimé jusqu’à la fin.
Cette montée de l’angoisse, ces films qu’on se déroule seuls quand le mystère est là, les questions, les doutes, tout devient imaginable, y compris et surtout le pire, c’est très bien vu et décrit. Aussi pour le fait de préserver les apparences en taisant les peurs, en faisant comme si pour le fils et les personnes croisées, l’intériorisation accentuant bien sûr les idées noires.
Pour la fin, j’aime l‘idée, tant de délires pour une bête chose toute simple. Un malentendu, un quiproquo.
Mais je ne sais pas, j’aurai aimé autre chose, une autre explication, plus convaincante voire convaincue?

elea

Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010

Revenir en haut Aller en bas

Deux minutes de trop Empty Re: Deux minutes de trop

Message  Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum