Exo live mardi 27 juillet 2010 à 20h30

Mon amour,

Je ne comprendrai jamais pourquoi tu as tenu à t’envoler pour cette île au diable, où je t’imagine aux mains de masseuses peu timides… Non, je ne crois pas ce reportage sur la Thaïlande qu’on a regardé ensemble, où ils expliquaient que le pays s’efforçait de renoncer au tourisme sexuel ! Koh Samui doit être isolée – une île, quoi –, moins accessible à la loi, tu ne m’en feras pas démordre ! Allongé face au ciel bleu, à la mer bleue qui se mêlent au loin, des mains hardies ne triturent-elles pas ta chair dans l’espoir de bel argent sonnant et trébuchant ?
Tu as l’amour en France, le mien, un amour désintéressé, absolu. Je ferais tout pour toi, tu le sais ! Et moi je sais que, chaque fois que j’entends un verre se briser, mon cœur se serre. Ce verre, ce dernier verre que tu as si méchamment repoussé en me hurlant dessus… pourquoi ? Pourquoi cette horreur que j’ai lue soudain sur ton visage, pourquoi ce départ subit, en abandonnant toutes tes affaires ? Tu aimes, pourtant, ton petit whisky en rentrant du boulot !
Au lieu de quoi tu as soudain coupé les ponts avec moi, es parti là-bas, soi-disant pour ton boulot. J’ai mal, je t’en supplie, reviens, que nous discutions ! Nous pouvons sûrement régler ce malentendu…

Je t’aime, je t’attends, je suis à toi !

P.S. : En relisant la police d’assurance-vie, j’ai vu que tu n’avais pas paraphé toutes les pages, en fait elle n’est pas valable. Il faudra aussi nous occuper de ça. Sinon, j’ai enterré Milou ; je t’assure que les granulés que tu as vus près de sa gamelle et de ton verre n’étaient pas de la mort-au-rat, qu’est-ce que tu vas chercher ?

Complètement saoûle du matin au soir et du soir au matin, Paul en avait sa claque de Sophie. Voilà quelques mois que la situation se dégradait mais là, elle avait dépassé les bornes. D'abord, il y avait eu la soirée chez les parents de Paul. Un truc festif, avec quelques amis revenus au pays pendant quelques jours. Au milieu du repas, Sophie avait exhibé ses seins en demandant à son voisin, chirurgien à la retraite, si il pensait qu'elle devait les refaire. Rien de bien méchant, certes, mais ça n'avait fait rire personne tant l'abrutissement alcoolisé de la jeune femme faisait peine à voir. Sans parler des verres brisés pendant ses fous rires hystériques et ses mouvements désordonnés.
Et puis ce matin, le coup du facteur, Paul avait du mal à avaler la pilule. Passait encore que Sophie se fasse palper les fesses par tout le monde, y compris la libraire, afin de savoir si une lipposuccion était envisageable, si ce n'était pas trop mou, mais là, se taper une gourmandise avec l'homme de la Poste parce qu'elle voulait s'améliorer en fellation en cachette de son mari pour lui faire une surprise, ça passait moyen. Le facteur avait eu l'air un peu con, Sophie s'était simplement essuyée le coin des lèvres avant de se servir une vodka.

Paul était pourtant sûr qu'elle ne le trompait pas ou alors pas avec son coeur; elle avait vraiment envie de lui faire plaisir.
L'alcool au départ, c'était un jeu, un truc con appris pendant des vacances à Koh Samui. Un dernière minute réservé à l'aveuglette, l'envie de voir le bleu de la mer et de se retrouver tous les deux, coupés de tout. Formule tout compris, chambre quatre étoiles, plage étourdissante... tout était réuni pour des vacances amoureuses.
Sophie se lâchait complètement quand elle avait bu un verre. Un seul, il n'en fallait pas plus, mais Paul avait le sexe en feu et les envies qui vont avec, alors un verre, deux verres, trois verres... Sophie s'enfila rapidement une bouteille par jour et les draps n'en finirent plus d'être froissés. Paul rentra sec de partout, Sophie avait pris goût à la bricole. Et la picole allant avec. Au point de ne plus pouvoir s'en passer.

Au grand plaisir de Paul au début, affamé de positions scabreuses et de rapports en tous genres. Sa cupidité sexuelle n'avait pas de limites. Sophie imbibée, il pouvait lui demander ce qu'il voulait, que ça soit trois filles au plumard ou les coups de fouet. Alors il la régalait, alcool fort à tous les étages. Il n'en pouvait plus de jouir, Sophie n'en pouvait plus de boire.
Au point de commencer à perdre ses moyens au lit et ça, Paul avait du mal à l'accepter, lui qui s'était habitué à la frénésie. Il l'obligea à boire un peu plus, plus encore; ce fut pire que tout. Sophie ne dessoûlait plus, le sexe de Paul ne bandait plus... la magie s'était barrée. Reproches et disputes envahirent leur vie, au désespoir de Sophie qui ne demandait qu'une chose: boire et avoir la paix. Quitte à devoir écarter les jambes toute la journée si il le fallait pour que son mari arrête de la houspiller. Le besoin de lui plaire était présent, le réconfort dans la bouteille aussi.

Et ce matin, le facteur. Une impulsion, l'envie de retrouver assez de piquant pour rendre vigueur à son mari, le besoin de réapprendre certains gestes... ça n'avait pas trop marché, il avait râlé en arrivant.
Depuis, elle restait prostrée dans le canapé, un verre à la main, faisant semblant de bouquiner.
Pendant ce temps, Paul était derrière son ordinateur. Se grattant le menton, regardant Sophie, puis l'écran, puis Sophie, s'activant enfin sur le clavier.

"Femme soumise, docile et prête à tout. Vous accueille en soirée sous les yeux de son mari. Deux cent euros le rapport complet, sans tabous ni limites. Ouverte à tout et à tous."

Tant qu'à faire, se dit Paul, autant qu'elle rapporte à la maison ce que la gnôle lui coûtait...

N’ayant cessé de t’écrire, les émotions brouillent mon entendement. Certes, tu n’as reçu aucune de mes missives, car je les ai toutes jetées dans les eaux bleues de Koh Samui, en ayant pris soin auparavant de les déchirer en petits morceaux.
Je sais que mon départ fut mouvementé, pour ne pas dire déchirant, et je tiens à te faire savoir que j’aurais préféré ne pas jeter le vase de Chine si cher à ta mère sur ta collection de sujets en cristal, mais, que veux-tu, mes colères légendaires me poursuivent jusqu’ici où elles ne me laissent pas en paix.
C’est pourquoi j’aimerais la faire avec toi – la paix – afin que mes vacances soient un peu plus sereines et que je puisse en profiter à fond.

PS : J’ai prévenu la brigade des stups de tes trafics, mais je n’ai pas pu leur dévoiler où tu cachais les sachets de cocaïne, puisque j’ai moi-même brisé le vase, pour ne pas dire le pot-aux-roses… Quand je pense que la crise d’hystérie que mon chat a déclenchée en pissant sur le tapis persan m’a fait perdre le sens commun ! Mais sans lui, jamais je n’aurais découvert que tu n’étais qu’un vulgaire dealer. Prendre le premier objet que j’avais sous la main pour lui faire comprendre que le tapis n’est pas une litière m’a finalement ouvert les yeux sur tes préoccupations d’homme cupide.