Exo live mardi 27 juillet 2010 à 20h30

(je me rends compte que je n'ai pas du tout écrit une fable en fait mais une simple histoire... hum ! Tant pis, on dira que ce sera celle-là la contrainte qui saute, désolée )

Janvier 2038, grande réunion extraordinaire du G1 à Koh Samui, présidée et suivie par le vénérable empire théocratique, communiste et libéral chinois.

-Un fait divers ? Vous appelez la ruine de toutes les sociétés privées et publiques mondiales un simple fait divers ? hurla sans se contenir Hinko, l'honorable président de la société des vallons fleuris.

-Je n'entends rien de tel, lui répondit Luc Anaco, précieux et haut dignitaire des doux murmures celestes : je me contentais de vous exposer en quoi cette contrainte imposée pourrait nous offrir une vue synoptique de...

-J'imagine bien que vous n'y entendez plus rien depuis que votre fichue boite de téléphonie mobile a déclaré forfait : la faillite étant survenue, les téléphones ne sonnent plus.

-Votre grotesque prétention à bétonner la planète pour y faire pousser vos dérisoires immeubles en a également pris un coup depuis que personne ne peut plus les...

"Assez" ! hurla l'impétueux fils du ciel, avatar resplendissant de la lune pleine et des cieux infinis, grand électeur de mandchourie de droit divin et démocratiquement élu par lescent gardiens de l'orthodoxie du kuomintang.

Le silence qui s'ensuivit fut propice à un délicat instant de muette poésie sous le ciel d'Azur, tandis que le son cristallin du verre brisé s'écoulait lentement, comme un froid ruisseau heurte le givre d hiver..
Les participants au G1 ne contemplèrent que le poing ensanglanté mais triomphant de leur président en majesté sur ce qui fut naguère leur table de réunion.

-Nous devons, impérativement, comprendre ce qui s'est passé, et en déduire nos actions futures, souffla-t-il en un murmure où une rage impuissante combattait encore l'ombre de ce qui fut jadis une retenue humaine.

-Cela est pourtant simple, osa avancer Luc Anako : le vent de la cupidité a soufflé sur le monde depuis qu'il est monde, et il me semble naturel qu'en définitive, six milliards d'individus ne pensant qu'à s'enrichir à l'exception de tout sentiment, finissent tous ruinés, tout comme la ruine de la raison consiste souvent à ne vouloir se conserver qu'elle et elle-seule.

Dans sa grande mansuétude, l'auguste fils du ciel gifla son misérable subordonné à la volée et renvoya à la fois vaines prétentions et érudition sur un sable indifférent.

-J'ai dit comprendre : pas délirer ! rugit le seigneur des milles sociétés en laissant triompher une auguste, triomphante et majestueuse rage.
Et toi arrête de noter, sombre con ! ajouta-il de sa superbe en se levant en direction de votre méprisable servt -ratures-

-ratures-

socque
Hé hé, j'aime bien le PS, cruel et si palpable dans toute sa réalité.
Un peu plus réservée sur la lettre elle-même que je trouve un brin trop implorante mais ça fait partie de l'exercice et de l'intention, donc pourquoi pas.

Jérémie
Hoho ! J'ai aimé la poésie de l'ensemble et cette manière de dire des choses fortes sous des mots de belle allure. La fin est succulente et terrible. Bien joué !

Jérémie, c'est méchant et efficace ! J'ai aimé.

Sahkti, une réussite pour moi ! Une histoire grinçante à souhait...

Halicante, j'ai trouvé l'histoire amusante mais un peu brouillonne.

mentor : j'ai vraiment bien aimé mais quel dommage ! Eventer la chute si près du but ! Connaissant la teneur de l'exercice, je m'attendais à un tel retournement de situation, mais quand même, le "c'est ton cœur qui va l'être" gâche tout. Le P.S. en perd de son efficacité.

socque : ironie mordante qui vous sied si bien. Bon, bon, là aussi, faute à l'exercice, on s'attendait à une chute dans ce goût là. N'empêche qu'elle est bigrement bien amenée ! Le contraste avec le reste de la lettre est plutôt prenant ! J'ai aimé.

boc21fr, oui ! J'ai aimé ce côté flamboyant. (Et l'anacoluthe, impec.)

Groupe E (merci pour l'exercice)


Elle était partie seule visiter une ile du Pacifique.

Dans la brise elle se sentait invincible, sur son petit yote, le nez au vent, au firmament.

Elle avait renvoyé tous ses amis et employés.

Caprice de star me direz-vous !

Elle avait tout, elle claquait des doigts pour tout avoir.

Elle accoste, fière d'elle, de sa réussite et se croit seule.

Un homme la regarde, derrière les cocotiers, il s'en fiche de cette beauté, car il la connait c'est elle qui la virée.

Dans le bleu de ses yeux il pouvait se regarder heureux

Elle était allongée là sur le sable.

Le canon de son arme pointée vers elle il l'avait fait se déshabiller,

pour la détrousser, la censurer, l'obligé à s'agenouiller, à le respecter.

Il rit de bon coeur en la regardant alors qu'il quitte le bord de plage.

Elle court à poil en le suppliant de ne pas la laissé.

Alors, il lui hurle :

« même à poil tu gâches le paysage, te toucher serait me dégeulasser?

Ici tu feras plus chier personne et je prendrais soin de ton fric"

alex, une histoire plaisante, où on se balade bien, mais que pour ma part je ne trouve pas assez cruelle.

Halicante
Le P.S. est peut-être un brin trop long et trop explicatif pour être réellement percutant. Dommage, car je le trouve bien contrasté avec le reste de la missive et ça apporte effectivement un éclairage neuf pour apprécier l'ensemble.

souricettedu.94, là aussi je ne trouve pas l'histoire assez cruelle, j'ai l'impression que vous avez confondu cruauté et grossièreté... Un texte assez décousu, je dirais, mais en tout cas je vous félicite de vous être lancée ! C'est plutôt amusant, non ?

socque a écrit:Sahkti, une réussite pour moi ! Une histoire grinçante à souhait...

Merci !

Jérémie : excellent ! Le P.S. qui remet bien tout en place comme il faut.

socque a écrit:alex, une histoire plaisante, où on se balade bien, mais que pour ma part je ne trouve pas assez cruelle.

Ben... pour ma défense, on avait le choix entre l'amoralisme et la cruauté !

Il est impensable, non, que dis-je… inimaginable. Non… c’en devient même hors de tout entendement, que tu n’aies plus pour l’île de Koh Samui, tout soudainement, la même passion d’antan ! Je me souviens encore que, même me bouchant les oreilles, tu ne cessais de les rabattre. Cela me faisait rire. Tu as tant conté, vibrant de ces histoires à la fleur de sel, et tu m’as fait revivre tant de fois chacune des tes arrivées, caressant le drapé bleu des vagues sur son corps terreux. Il me suffit de lever les yeux, pour voir alors miroiter sur la commode une ribambelle de boules à neige, le sol jonché de paillettes. Tu n’entends pas le bruit du verre brisé ? C’est à peine concevable, un tel revirement. Ou comptes-tu donc aller ? Rejoindre Koh Similan ? Quitter la côte est ? Au vu de ton lourd passé, il n’est pas sûr que l’archipel te relâche. Et puis tu sais, le climat y est doux, la brise, marine. Pense à l’odeur du lait de coco, aux temples attrape-ciel, aux mets épicés que tu vas laisser derrière toi ! Sans parler des cascades, qui ne cesseront de chuter. Et dans quelques temps, qui sait ce qu’il en adviendra, de cette île ? Combien d’entre elles ont déjà disparues, dévastées par les flots ? N’imagines-tu pas déjà le drapé bleu, laissant place au linceul d’eau ? Alors je te somme de réfléchir encore un peu. J’attends ta carte postale et ton retour.

P.S : Avec tout mon amour

Ah, pardon ! Amorale, oui, certes... Une réussite, donc.

Voilà, je rends la machine à mon fils qui sinon va finir par casser son Rubik's Cube d'énervement. Bonsoir à tous, et merci à alex pour l'exercice !

Boc
Luc Anaco, ça ne sonne pas chinois :-)

UN G1 qui ressemble davantage à une réunion ministérielle qu'à un véritable G, je trouve. Un brin laborieux, parfois confus. On devine ta volonté de t'en prendre aux cupides dans tout ça, un peu trop peut-être.
Heureusement, la dernière phrase redonne de l'impulsion au texte et le clôture de manière plus vive que ce qui précède. Et puis j'avoue aimer malgré tout l'exubérance du propos.

socque a écrit:souricettedu.94, là aussi je ne trouve pas l'histoire assez cruelle, j'ai l'impression que vous avez confondu cruauté et grossièreté... Un texte assez décousu, je dirais, mais en tout cas je vous félicite de vous être lancée ! C'est plutôt amusant, non ?

Oui j'ai trouvé cela enrichissant et amusant.... ça me plais!

Rien ne sert d'étudier, il faut savoir droguer.

Le jeune Gontran, sur le sable allongé, ouvre un œil, à peine extirpé de sa torpeur par la chaleur. Ce faisant quelle n’est pas sa stupeur de constater qu’il gît sous les feuilles d’un cocotier. Entre elles, le ciel bleu est parsemé de nuages, des filaments de Barbapapa blancs.
Clignant de l’œil pour vérifier sa raison, Gontran doit se rendre à l’évidence, même sans ses binocles, la farce est sûre.
Où sont-elles d’ailleurs les précieuses loupes ?
Bien embêté pour les chercher il rampe et tâtonne mais le sable s’immisce dans son futal commençant à sérieusement lui chatouiller le caleçon.
Pile au moment où sa main gauche se porte au secours de cette démangeaison, il voit une noix de coco tomber sur lui, roule en réflexe sur le côté et l’entend s’écraser dans un bruit de verre cassé.
Fataliste, Gontran, moitié aveugle décide de remercier comme il se doit le cocotier. L’envie est terrible d’ainsi doublement se soulager.
Ce n’est donc pas sans un malin plaisir qu’il va devant l‘arbre, sort son engin et arrose copieusement le tronc.
Misère ! Son urine est bleue, le choc est tel que ça lui coupe tout. Il referme les yeux, respire à fond, prie pour un mauvais cauchemar et ose un petit jet supplémentaire : bleu.
Gontran s’étant vidé, le sable jaune devient vert.
De nouveau en état de penser, il se demande comment il est passé du pot d’accueil de son école de commerce à cette plage inconnue.

A l’autre bout du monde, Cyril, jeune loup de la finance fraîchement promu d’une école de requins, touille le café du prochain bizu. Un fils de bonne famille, compte bancaire bourré, gourmette et chevalière en or, cabriolet flambant neuf garé ostensiblement devant l’entrée de l’établissement.
Cyril touille pour bien mélanger l’arabica au bleu de méthylène. Pas d’odeur, pas de goût, la blague parfaite pour jeune oisillon tombé du nid, oisillon qui, à bonne dose, aura ainsi suffisamment de plomb dans l’aile. Une invitation au bar de l’amicale, un café offert pour endormir le colis et en route pour son expédition vers l’Indonésie, nouvelle destination de Jo, pilote de Jet privé et accessoirement complice de Cyril pour disséminer ses victimes aux quatre coins du globe, moyennant bakchich.
Dernier largage en date à Koh Samui en Thaïlande, un instant, il rêve de s’y trouver aussi pour voir la tête d’ahuri qu’à dû faire sa victime, à la place il jette un œil satisfait sur le butin qu’il lui a pris et sourit.
Encore deux abrutis à dépouiller et il pourra rejoindre sa propre île au soleil, argenté.

Sahkti : "Il n'en pouvait plus de jouir, Sophie n'en pouvait plus de boire."
Délicieusement cruel ! Une réussite à mes yeux.

Halicante : rapide, peut-être, mais pas moins bien mené ! Une révélation qui fait son petit effet, oui...

alex
J'aime bien la morale !
L'histoire coule de source, elle serait même un brin attendue et en même temps, elle correspond à des envies secrètes nourries par certains qui n'osent franchir le pas et une fois qu'on se lance, pourquoi cela ne pourrait-il pas finir de la sorte ? Planqué et... planqué !

Ola, la compagnie ! Exercice difficile.
Je le tente demain matin.

souricette
Dommage pour le mélange des temps dans les conjugaisons, ça déséquilibre pas mal le rythme du texte.
Il me manque aussi un truc à la fin de cette histoire, quelque chose de bien cruel ou plus grinçant. Certes, le scénario l'est déjà, je sais bien, mais il est trop linéaire pour moi.
Ceci dit, bravo de t'être lancée dans l'exo !

Je vais lire et commenter tout ça plus tard.

Merci au MC pour la soirée, même si j'ai tellement ramé que j'ai les bras en compote et que j'ai terminé en retard et qu'il m'aurait fallu deux ou trois jours de plus pour y arriver !

Bonne nuit !

Je lis les derniers textes demain moi aussi.

Cela dit, merci à tous de vous être prêtés au jeu ! On remet ça quand vous voulez.
Bonne soirée / nuit.

lyrette
Es-tu bien dans l'idée de l'exo avec un truc grinçant ou très cruel ? :-)
Certes, il y a la désillusion ressentie par cette île pour son habitant/vacancier qui la déserte mais il me manque tout de même un petit peu de piquant dans toute cette affaire. Ce qui ne m'empêche pas d'aimer la poésie qui se dégage de l'ensemble (même si par moments, c'est un peu too much dans l'étalage du manque).

alex a écrit:Je lis les derniers textes demain moi aussi.

Cela dit, merci à tous de vous être prêtés au jeu ! On remet ça quand vous voulez.
Bonne soirée / nuit.

merci pour l'exo alex et bonne nuit à toi !

Sahkti a écrit:lyrette
Es-tu bien dans l'idée de l'exo avec un truc grinçant ou très cruel ? :-)
Certes, il y a la désillusion ressentie par cette île pour son habitant/vacancier qui la déserte mais il me manque tout de même un petit peu de piquant dans toute cette affaire. Ce qui ne m'empêche pas d'aimer la poésie qui se dégage de l'ensemble (même si par moments, c'est un peu too much dans l'étalage du manque).

ah mais moi j'avais pas le truc cruel ? :0)

J'avais le p.s!
on devait tous être cruels ? :0)

Sinon, c'est marrant ce que tu me dis là, comme tu as pris les choses à l'envers, (enfin, ou moi à l'envers et toi à l'endroit!) je ne pensais pas à une île qui parle, mais à la fille qui écrit la lettre qui parle "sous l'identité" de l'île

bon au final le tout se confond, mais c'est drôle parce que je n'avais pas imaginé qu'on puisse le lire comme ça!

oui merci pour l'exo!

J'en ai lu et commenté la moitié, je finis demain et poste l'ensemble :0)

Bonne nuit!
Pas évident cet exo mais bien agréable!

elea
Haaa j'aime bien cette idée, tout à fait cruelle !
Quelques maladresses dans la narration mais il y a aussi des formules bien trouvées qui compensent ça.

Lyra will a écrit:comme tu as pris les choses à l'envers

c'est souvent comme ça :-)

Lyra will a écrit:ah mais moi j'avais pas le truc cruel ? :0)

Ha non en effet, je viens de relire tes contraintes, sorry !

Sahkti a écrit:

Lyra will a écrit:comme tu as pris les choses à l'envers

c'est souvent comme ça :-)

:0)
Non non mais quand j'y repense, c'est vrai que c'est peut-être le sens de lecture le plus évident!
Ce que je trouve drôle c'est que ça ne m'est même pas venu à l'idée

J'ai pris l'exo en route, désolé les amis ! et me suis d'autorité intègré au premier groupe ayant quelque doléances à dirmuler à qui de droit...






Maître Hellian De Bon Aloi
Avocat au Barreau du Parnasse


Lettre fortement recommandée à

Madame la Directrice
des ateliers de la société
« Alexandrins et Cie »
Boulevard de « La pléiade »
10320- LIREY



Madame la directrice,

Je veux ici vous traduire mon ire.

Sur l'aventureuse recommandation de mon camarade Charles, je vous avais confié le soin d'une petite réparation sur un joli cabriolet- sonnet, de ma collection personnelle.
Charles en qui je plaçais ma confiance, bien que ce farfelu se fût teint les cheveux d'un bleu douteux, m'avait parlé de vous en termes élogieux :

« Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître »,

Fichtre diantre, m’avouais-je in petto, une femme qui fait renaître un homme, voilà qui n'est point courant.

Je fis donc le détour par vos ateliers pour vous confier fort cher de mon mon bijou,un petit sonnet douze cylindres acheté d’occasion chez « José-Maria », excellente Maison de Moguer ... Je passe sur le véhicule de courtoisie que vous me remîtes ., un haïku de mauvaise facture qui ne tenait pas la route. Je veux ignorer semblablement la vulgarité de vos hommes, dont celle de vote contremaître, outrecuidant autant que fat soit disant spécialiste du dodécasyllabe que je ne désire même pas connaître tant il est misérable.

Non je veux juste formuler doléances à l’endroit ce jeune malotru, n certain théophile, à qui l’honneur fut échu de changer ma diérèse. Pour faire mienne cette charmante expression ouïe, dans les bas fonds de notre cité, « Nul à chier » ce Gautier ! vous ferai-je esclaffer en vous narrant que tout ingénument ce galopin a confondu diérèse et synérèse. Depuis lors , je n’ose même plus me produire à mon club dont je suis la risée, cela de votre fait.

Mais il y a pis :

Mon jeune ami Arthur, de retour de L'île de Koh Samui, vous avait quant à lui, confié un superbe navire dont les haleurs, gens stupides, avaient été pris pour cible par d’odieux peaux rouges. Le pauvre enfant vous requérait tout bonnement de lui poser un petit moteur afin d’en avoir le maniement plus aisé.

Vous fîtes tant et si bien, vous et vos manants que ce bateau est maintenant ingouvernable , comme totalement alcoolisé! Le tendre enfant pourtant promis à fastueuse carrière dans la marine à voile en a conçu grand dépit. Voilà que sous les délétères conseils d’un certain Paul, violoniste galeux qui nous vrille les tympans de ses chansons monotones, il s’adonne désormais à la locomotion maritime à vapeur .

Je ne vous félicite pas, Madame socque .

Étonnez vous dès lors que je ne vous règle point votre mesquine facture !

Ps : Vous voudrez bien signifier à votre misérable contremaître que j’ai recueilli sur lui quelques renseignements de bonne source. Vous voudrez donc bien lui notifier que lorsque l’on a la stupidité de se nommer Victor alias Hugo, on ne se mêle pas de poésie !

Tiens "dirmuler " je ne connaisais pas, mais c'est joli...

Gobu toujours en retard !


Contraintes :

Anacoluthe
Bleu
Cupidité
Koh Samui
Bruits de verre brisé

Groupe R : rédiger un fait divers en quelques lignes, qui s’emploiera à mettre en valeur l’absurdité de la situation décrite, et donc décriée. L’utilisation d’un ton ironique par exemple sera la bienvenue.

Juste deux heures que je viens de débarquer dans l’île, et pas moyen de retrouver mes deux André. Notre chauffeur me dit qu’ils ont sans doute filé dans un salon de massage pour se faire éponger le plus urgent avant de passer aux choses sérieuses, à moins qu’ils ne se trouvent dans une fumerie d’opium histoire de récupérer. Rien de tel que le suc noir du pavot pour dissoudre le décalage horaire. D’accord, c’est très illégal et très sévèrement réprimé, mais la légalité est soluble dans le dollar, par ici. Et du dollar, les deux André en ont les poches de la saharienne qui débordent.

André J. et André T., l’un pied-noir, l’autre juif ashkénaze les duettistes du tourisme trash, les compagnons de la chanson de gestes déplacés, les Laurel et Hardy de la virée crapuleuse, bien qu’ils soient aussi gros l’un que l’autre. Vingt ans que je m’occupe de leur bricoler des séjours aux petits oignons dans les coins les plus exotiques de la planète, mais ils en ont jamais assez. Heureusement qu’ils me payent ce qu’il faut. Manquerait plus que ça, avec tout le pognon qu’ils ramassent tous azimuts. Même depuis tout le temps qu’ils me font bosser pour eux, je suis toujours dans le bleu rapport à leurs affaires. Ca s’appelle le cloisonnement.

Bon, je vais les attendre au bar de l’hôtel, c’est là que j’ai le plus de chances de les retrouver sans trop avoir à me bouger le cul. Manquerait plus que ça non plus, avec la chaleur qu’il fait dehors. Koh Samui, sur les photos, ç’est mignon tout plein avec ses plages frangées de cocotiers, ses marchés plus bariolés qu’une veste de chanteur pop et ses ports de pêche grouillants de langoustes, mais sur les photos, y a pas de thermomètre. Heureusement que le bar est climatisé.

Evidemment, ça ne loupe pas. Lorsque je me pointe au bar, après une douche glacée et avec une chemisette blanche fraîche, un fracas de verre brisé me confirme leur présence. M’aurait étonné qu’ils se fassent pas remarquer d’entrée de jeu. Partout où ils passent, faut qu’il y ait de la casse. Ca va être à moi de jouer. C’est toujours moi qui paye les pots cassés. Avec leur fric, naturellement, manquerait plus que ça encore ! Cette fois-ci, ça me paraît sérieux : ils sont en train de mitrailler le grand miroir du bar avec tout ce qui leur tombe sous la main. Le barman et les deux serveurs terrorisés sont recroquevillés derrière le comptoir et les autres buveurs ont évacué le périmètre des hostilités sans demander leur reste. Seul un vieil anglais en blazer bleu marine continue imperturbablement à soigner sa couperose au gin pur au milieu du bombardement. Sans doute en a-t-il vu d’autres du temps du Blitz sur Londres.

Cette fois-ci, faut que je me fende d’une grosse liasse pour éviter que le gérant indigné appelle la police. Pas qu’ils craignent les flics, d’ailleurs, mes deux lascars, mais quand la volaille locale s’en mêle, ça coûte bien plus cher, croyez-en mon expérience. Pour les calmer, une seule solution, leur inventer un divertissement encore plus réjouissant. Après avoir amadoué non sans mal le personnel, je leur propose une bouffe dans un restau local réputé pour sa cuisine épicée. Banco, ils me répondent, à condition de corser l’affaire avec un petit défi. Ils ont toujours été très joueurs.

A peine installés, nous commandons tournée de pastis sur tournée d’anisette. Ici, si t’as pas le foie blindé, t’as intérêt à boire chauvin et éviter la bibine locale. D’accord ça coûte bonbon mais quand on aime on compte pas. Après avoir commandé ce qu’il y a de plus cher, on pose les termes du défi. La gageure consiste à croquer un ou plusieurs de ces piments grillés effilés comme des dagues dont on nous a servi un plateau, si forts que même les autochtones répugnent à les incorporer à leurs préparations et les servent à part à l’intention de rares amateurs de supplices de table.

Celui d’entre nous qui en supporterait le moins devrait s’acquitter des boissons du dîner – ce qui, en tenant compte de notre contenance et du prix exorbitant des breuvages civilisés, représente un paquet de baths épais comme un mille-feuille. Je parviens à en croquer quatre, André le pied-noir, mithridatisé de naissance à l’harissa, y parvient aussi, le pauvre ashkénase, bien qu’entraîné au paprika fort de Szeged, ne dépasse pas les deux, et passe fort gracieusement à la caisse. Les piments aiguilles thaïlandais, habités d’esprits malins et théâtraux, frappent trois coups, une première fois quand on les mange, une deuxième fois quand ils calcinent les viscères, et une dernière lorsqu’ils prennent congé dans un feu d’artifice.

Bien sûr, pas moyen de dormir, et ma petite camarade de lit autochtone me flanque des coups de pied lorsque je m’enroule trop dans la moustiquaire. C’est ainsi qu’on passe une nuit à piqûres aux cabinets, qu’on souffre les mille morts et les mille réincarnations plus viles les unes que les autres de la Roue Karmique, et qu’on se retrouve à l’aube grisâtre et gluant, sinistré des entrailles, à jurer sur de grands verres d’alka seltzer de ne jamais plus jamais jouer avec les nerfs des esprits teigneux tapis dans les végétaux locaux, et s’exposer ainsi à de cruels maléfices.

Gobu

Navré, quelques coquilles m'ont échappé, ainsi :

"Je fis donc le détour par vos ateliers pour vous confier fort cher de mon mon bijou,un petit sonnet douze cylindres..."