Un beau jardin
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Un beau jardin
Ce jardin là était spécial à plus d’un titre. Il n’avait pas été conçu comme un jardin. Il était né un peu par hasard. Au début, lorsque j’étais seule à m’en occuper il n’y avait que des pensées semées au gré du vent. Pas les belles pensées du commerce, de toutes les couleurs, avec leurs fleurs énormes. Non, juste des pensées sauvages, allant du mauve au violet foncé, si timides qu’on les voyait à peine. Il y avait aussi beaucoup de soucis et pas mal de mouron qui attirait les oiseaux.
J’aimais venir dans ce jardin. Il avait l’air abandonné avec ses herbes hautes mais certaines mauvaises herbes étaient si belles que je ne pouvais m’empêcher de les aimer et de leur sourire. Je leur faisais un peu de place ou bien je m’asseyais non loin des tabourets et les dames de onze heures me tenaient compagnie. Il était entouré de haies épaisses qui dessinaient au fusain un coin d’intimité. J’avais pris l’habitude de venir m’y réfugier lorsque j’étais triste ou bien préoccupée. Perdu au milieu de nulle part, à l’abri des regards, il m’offrait un réconfort que je ne trouvais pas dans les beaux jardins aux parterres soigneusement désherbés, fleuris d’espèces sophistiquées aux couleurs éclatantes et au parfum inexistant. Là, les pois de senteurs côtoyaient les ronces et se jouant des noires épines, ils envahissaient la haie et répandaient leur parfum lourd et entêtant l’été durant.
Nul bruit ne venait troubler sa quiétude autre que celui de la terre et des airs à tel point que je n’avais jamais remarqué que de l’autre côté d’une des haies, séparé par un fossé, se trouvait un autre jardin. Aussi, grande fut ma surprise lorsqu’un soir d’été j’entendis une voix de l’autre côté. C’était un soir de pluie, mon cœur pleurait et j’avais appelé à l’aide. J’avais crié aux vents ma solitude et ma tristesse et une voix m’avait répondu.
Stupéfaite, je m’étais tu. Je m’étais cru seule. Jusqu’à présent seuls les oiseaux et les arbres répondaient à mes appels. Ce soir là une voix profonde s’était faite entendre, faisant naître un arc-en-ciel qui rayonnait d’une infinité de possibles. Les joues encore humides de la pluie, j’ai osé engager le dialogue. Sans se connaître ni se voir, nous avions conversé et lorsque je revenais les jours suivants, je me pris à attendre ces conversations et à vouloir embellir mon jardin afin d’y inviter mon interlocuteur. Des impatiences étaient apparues et je vis aussi quelques coquelicots fragiles comme cette relation naissante mais dont le rouge égayait ce jardin.
Jour après jour, nous nous apprivoisions. Comme le renard j’étais prudente, comme le petit prince il attendit jusqu’au jour où j’en vins à vouloir connaître cette voix. Je fis une brèche dans la haie et nous construisîmes un pont. Timidement, je traversais ce pont pour découvrir de l’autre côté un jardin extraordinaire qui ressemblait un peu au mien, miroir de vénus à la beauté douce amère. Il m’accueillit et m’offrit un bouquet de simples ce que jamais personne n’avait fait. Assis à distance respectable l’un de l’autre, nous bavardâmes un long moment et lorsque vint la nuit, c’est à regret que je m’en retournai avec l’espoir secret qu’un nouveau jardin voit le jour. La brèche était faite, le pont était là et il semblait tout aussi désireux que moi de ne pas laisser les épines reprendre le dessus.
Dans mon jardin, je n’avais pas de compagnons, aussi espérais-je que le vent, ou les oiseaux, porterait quelques graines. Je profitais de son absence, pour tresser une bouchure car malgré tout j’avais besoin de conserver un morceau de jardin intime où me retirer les jours de pluie.
Lorsque nous nous retrouvions, nous jardinions ensemble, désherbant et semant des variétés que l’on ne trouvait plus ailleurs, que l’on avait oublié au profit d’une recherche esthétique qui était devenue canon de beauté explosant la simplicité et tuant l’innocence. Nous tâchions de choisir les simples, belles de jour qui non seulement soignent, mais agrémentent aussi de leurs couleurs, vives ou pastelles, chacune des saisons. Au fil du temps, nous avions appris à nous connaître et nous passions parfois de long moment à philosopher et l’herbe faisait à la sagesse un doux tapis sur lequel nous aimions nous coucher. Parfois, lorsqu’il faisait gris, je restais de mon côté. Il venait alors par un coucou soigner mes bleus à l’âme. Lorsqu’il pleuvait je m’abritais derrière la bouchure mais sitôt que reparaissait le soleil, je revenais dans notre jardin car nous y avions construit un kiosque et j’aimais plus que tout partager un peu de musique, belles de nuit, qui, au coucher du soleil, s’accordaient aux senteurs subtiles du chèvrefeuille, loin des pois et de leur parfum qui parfois me faisait mal à la tête.
L’été est passé, les fleurs se sont fanées. Seuls sont restés les pensées et quelques soucis.
J’ai fait un bouquet d’immortelles auquel j’ai ajouté quelques épis de blé. Durant tout l’hiver elles me parleront de cet ami et de ce jardin que nous avons créé et auquel nul autre que nous ne peut accéder car le jardin de l’amitié est un jardin secret que seuls les perce-neige révèleront à nos cœurs, lorsque le printemps reviendra.
J’aimais venir dans ce jardin. Il avait l’air abandonné avec ses herbes hautes mais certaines mauvaises herbes étaient si belles que je ne pouvais m’empêcher de les aimer et de leur sourire. Je leur faisais un peu de place ou bien je m’asseyais non loin des tabourets et les dames de onze heures me tenaient compagnie. Il était entouré de haies épaisses qui dessinaient au fusain un coin d’intimité. J’avais pris l’habitude de venir m’y réfugier lorsque j’étais triste ou bien préoccupée. Perdu au milieu de nulle part, à l’abri des regards, il m’offrait un réconfort que je ne trouvais pas dans les beaux jardins aux parterres soigneusement désherbés, fleuris d’espèces sophistiquées aux couleurs éclatantes et au parfum inexistant. Là, les pois de senteurs côtoyaient les ronces et se jouant des noires épines, ils envahissaient la haie et répandaient leur parfum lourd et entêtant l’été durant.
Nul bruit ne venait troubler sa quiétude autre que celui de la terre et des airs à tel point que je n’avais jamais remarqué que de l’autre côté d’une des haies, séparé par un fossé, se trouvait un autre jardin. Aussi, grande fut ma surprise lorsqu’un soir d’été j’entendis une voix de l’autre côté. C’était un soir de pluie, mon cœur pleurait et j’avais appelé à l’aide. J’avais crié aux vents ma solitude et ma tristesse et une voix m’avait répondu.
Stupéfaite, je m’étais tu. Je m’étais cru seule. Jusqu’à présent seuls les oiseaux et les arbres répondaient à mes appels. Ce soir là une voix profonde s’était faite entendre, faisant naître un arc-en-ciel qui rayonnait d’une infinité de possibles. Les joues encore humides de la pluie, j’ai osé engager le dialogue. Sans se connaître ni se voir, nous avions conversé et lorsque je revenais les jours suivants, je me pris à attendre ces conversations et à vouloir embellir mon jardin afin d’y inviter mon interlocuteur. Des impatiences étaient apparues et je vis aussi quelques coquelicots fragiles comme cette relation naissante mais dont le rouge égayait ce jardin.
Jour après jour, nous nous apprivoisions. Comme le renard j’étais prudente, comme le petit prince il attendit jusqu’au jour où j’en vins à vouloir connaître cette voix. Je fis une brèche dans la haie et nous construisîmes un pont. Timidement, je traversais ce pont pour découvrir de l’autre côté un jardin extraordinaire qui ressemblait un peu au mien, miroir de vénus à la beauté douce amère. Il m’accueillit et m’offrit un bouquet de simples ce que jamais personne n’avait fait. Assis à distance respectable l’un de l’autre, nous bavardâmes un long moment et lorsque vint la nuit, c’est à regret que je m’en retournai avec l’espoir secret qu’un nouveau jardin voit le jour. La brèche était faite, le pont était là et il semblait tout aussi désireux que moi de ne pas laisser les épines reprendre le dessus.
Dans mon jardin, je n’avais pas de compagnons, aussi espérais-je que le vent, ou les oiseaux, porterait quelques graines. Je profitais de son absence, pour tresser une bouchure car malgré tout j’avais besoin de conserver un morceau de jardin intime où me retirer les jours de pluie.
Lorsque nous nous retrouvions, nous jardinions ensemble, désherbant et semant des variétés que l’on ne trouvait plus ailleurs, que l’on avait oublié au profit d’une recherche esthétique qui était devenue canon de beauté explosant la simplicité et tuant l’innocence. Nous tâchions de choisir les simples, belles de jour qui non seulement soignent, mais agrémentent aussi de leurs couleurs, vives ou pastelles, chacune des saisons. Au fil du temps, nous avions appris à nous connaître et nous passions parfois de long moment à philosopher et l’herbe faisait à la sagesse un doux tapis sur lequel nous aimions nous coucher. Parfois, lorsqu’il faisait gris, je restais de mon côté. Il venait alors par un coucou soigner mes bleus à l’âme. Lorsqu’il pleuvait je m’abritais derrière la bouchure mais sitôt que reparaissait le soleil, je revenais dans notre jardin car nous y avions construit un kiosque et j’aimais plus que tout partager un peu de musique, belles de nuit, qui, au coucher du soleil, s’accordaient aux senteurs subtiles du chèvrefeuille, loin des pois et de leur parfum qui parfois me faisait mal à la tête.
L’été est passé, les fleurs se sont fanées. Seuls sont restés les pensées et quelques soucis.
J’ai fait un bouquet d’immortelles auquel j’ai ajouté quelques épis de blé. Durant tout l’hiver elles me parleront de cet ami et de ce jardin que nous avons créé et auquel nul autre que nous ne peut accéder car le jardin de l’amitié est un jardin secret que seuls les perce-neige révèleront à nos cœurs, lorsque le printemps reviendra.
mir0ir0bscur- Nombre de messages : 91
Age : 59
Date d'inscription : 05/11/2010
Re: Un beau jardin
J'aime bien. Ah... les femmes. Vous n'avez pas un petit polar en projet, en maintenant cette belle plume (et en virant un poil de métaphores ?). Le concours Alexandre-Ve ? Vous devriez participer.
J'aurais bien vu "m'apporteraient" en lieu et place de "porteraient" pour un peu limer l'expression poétique, déjà bien tassée pour l'exercice.
J'aurais bien vu "m'apporteraient" en lieu et place de "porteraient" pour un peu limer l'expression poétique, déjà bien tassée pour l'exercice.
Invité- Invité
Re: Un beau jardin
Beaucoup de douceur et de quiétude mais la métaphore est un tantinet filée pour moi. Lourde aussi parfois, explicative. Ici, par exemple et en particulier : désherbant et semant des variétés que l’on ne trouvait plus ailleurs, que l’on avait oublié au profit d’une recherche esthétique qui était devenue canon de beauté explosant la simplicité et tuant l’innocence.
Dans le même ordre d'idée, j'ai bien l'impression, n'en déplaise à la la licence poétique, que les pensées ne se sèment pas, elles se plantent. :-) (si Coline, experte ès botanique passe par là...)
En fait, je crois que la métaphore filée en question m'aurait paru plus légère si quelque chose s'était passé... Le texte manque d'un certain dynamisme. Maintenant, j'ai bien conscience que cela aurait pu aussi casser l'impression de sérénité, de tranquillité que le récit veut transmettre.
Sur le détail, quelques remarques :
Ce soir-là une voix profonde s’était faite ("fait") entendre
Les joues encore humides de la pluie, j’ai (au vu de ce qui précède et suit, j'utiliserais un plus-que parfait ici aussi : "j'avais osé") osé engager le dialogue.
Comme le renard j’étais prudente, comme le petit prince il attendit jusqu’au jour où j’en vins à vouloir connaître cette voix. (idem ici, un plus-que-parfait serait plus pertinent qu'un passé simple mais moins gracieux, j'en conviens)
Il m’accueillit et m’offrit un bouquet de simples (virgule) ce que jamais personne n’avait fait.
nous bavardâmes un long moment et lorsque vint la nuit, c’est à regret que je m’en retournai avec l’espoir secret qu’un nouveau jardin voit ("voie", subjonctif) le jour
Dans le même ordre d'idée, j'ai bien l'impression, n'en déplaise à la la licence poétique, que les pensées ne se sèment pas, elles se plantent. :-) (si Coline, experte ès botanique passe par là...)
En fait, je crois que la métaphore filée en question m'aurait paru plus légère si quelque chose s'était passé... Le texte manque d'un certain dynamisme. Maintenant, j'ai bien conscience que cela aurait pu aussi casser l'impression de sérénité, de tranquillité que le récit veut transmettre.
Sur le détail, quelques remarques :
Ce soir-là une voix profonde s’était faite ("fait") entendre
Les joues encore humides de la pluie, j’ai (au vu de ce qui précède et suit, j'utiliserais un plus-que parfait ici aussi : "j'avais osé") osé engager le dialogue.
Comme le renard j’étais prudente, comme le petit prince il attendit jusqu’au jour où j’en vins à vouloir connaître cette voix. (idem ici, un plus-que-parfait serait plus pertinent qu'un passé simple mais moins gracieux, j'en conviens)
Il m’accueillit et m’offrit un bouquet de simples (virgule) ce que jamais personne n’avait fait.
nous bavardâmes un long moment et lorsque vint la nuit, c’est à regret que je m’en retournai avec l’espoir secret qu’un nouveau jardin voit ("voie", subjonctif) le jour
Invité- Invité
Re: Un beau jardin
J’avoue que les fleurs et les plantes m’ennuient, pourtant j’ai été au bout et j’ai apprécié.
Il y a une douceur mélancolique, bucolique plaisante, presque apaisante, qui teinte l’ensemble. L’idée de l’amitié naissante de jardin à jardin est jolie et joliment décrite. Je crois qu’à la fin ce n’était pas la peine d’appuyer encore sur l’amitié jardin secret, le texte parle de lui-même et cela gâche un petit peu de finir là-dessus je trouve.
Il y a une douceur mélancolique, bucolique plaisante, presque apaisante, qui teinte l’ensemble. L’idée de l’amitié naissante de jardin à jardin est jolie et joliment décrite. Je crois qu’à la fin ce n’était pas la peine d’appuyer encore sur l’amitié jardin secret, le texte parle de lui-même et cela gâche un petit peu de finir là-dessus je trouve.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Un beau jardin
En fait ce texte est né d'un sujet de rédaction : décrire un jardin qui nous a marqués.
Je me suis aperçue que nombre de fleurs qui poussent dans le mien portent des noms évocateurs : compagnons, tabourets des champs, herbes de la sagesse, coucous (qui soignent effectivement les bleus)... outre les pensées et les soucis, bien sûr.
Easter, les pensées se sèment toutes seules et essaiment au gré du vent. Comme le dit si bien Youssef Chahine, "La pensée a des ailes, nul ne peut arrêter son envol" !
J'avoue que certaines métaphores sont de trop. Mais je n'ai pas pu résister au canon de la beauté ni aux perce-neige. :-)
Je pense qu'elles disparaîtront dans une version retravaillée, ainsi que les belles de jour ou de nuit.
Pandaworks, pour les polars, d'autres sont bien plus doués que moi pour cela, telle Ba, dont j'apprécie l'humour du genre. Mes écrits sont gentillets, sans plus.
Elea, je suis d'accord, la dernière phrase est de trop. Mais les perce-neiges... c'est si joli !
Je vous remercie pour la lecture et les commentaires.
Je me suis aperçue que nombre de fleurs qui poussent dans le mien portent des noms évocateurs : compagnons, tabourets des champs, herbes de la sagesse, coucous (qui soignent effectivement les bleus)... outre les pensées et les soucis, bien sûr.
Easter, les pensées se sèment toutes seules et essaiment au gré du vent. Comme le dit si bien Youssef Chahine, "La pensée a des ailes, nul ne peut arrêter son envol" !
J'avoue que certaines métaphores sont de trop. Mais je n'ai pas pu résister au canon de la beauté ni aux perce-neige. :-)
Je pense qu'elles disparaîtront dans une version retravaillée, ainsi que les belles de jour ou de nuit.
Pandaworks, pour les polars, d'autres sont bien plus doués que moi pour cela, telle Ba, dont j'apprécie l'humour du genre. Mes écrits sont gentillets, sans plus.
Elea, je suis d'accord, la dernière phrase est de trop. Mais les perce-neiges... c'est si joli !
Je vous remercie pour la lecture et les commentaires.
mir0ir0bscur- Nombre de messages : 91
Age : 59
Date d'inscription : 05/11/2010
Cocteau.
J'ignore pourquoi, mais ça m'a fait penser à Cocteau, "La belle et la bête". On ne sait pas grand-chose de cet "ami" de l'autre côté et ce mystère a été pour moi la part la plus intéressante du récit.
Ubik.
Ubik.
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