La cave du père
+2
Annie
Marvejols
6 participants
Page 1 sur 1
La cave du père
...............La cave du père
Il était revenu
A vingt ans
Du Chemin des Dames
Sans un mot sur l’honneur.
Il était retourné à ses champs
A se laver le cœur,
Sans un mot sur le drame
Et refusant tout récit
Sur l’horreur.
Plus tard quand j’ai lu
Tout ou presque
Sur la Guerre les poilus
J’ai revu mon grand père.
Il descendait à la cave
Par la petite porte de la cour
Sans un mot, en silence.
Il y restait un petit moment
On entendait quelques bruits sourds
Comme montant du fond de la terre.
Puis grand-père réapparaissait
Chargé et courbé
Il passait la porte basse
Rajustant sa casquette
Il avait l’air songeur.
On le voyait revenu
Sans doute encor de la guerre.
.................Marvejols
Il était revenu
A vingt ans
Du Chemin des Dames
Sans un mot sur l’honneur.
Il était retourné à ses champs
A se laver le cœur,
Sans un mot sur le drame
Et refusant tout récit
Sur l’horreur.
Plus tard quand j’ai lu
Tout ou presque
Sur la Guerre les poilus
J’ai revu mon grand père.
Il descendait à la cave
Par la petite porte de la cour
Sans un mot, en silence.
Il y restait un petit moment
On entendait quelques bruits sourds
Comme montant du fond de la terre.
Puis grand-père réapparaissait
Chargé et courbé
Il passait la porte basse
Rajustant sa casquette
Il avait l’air songeur.
On le voyait revenu
Sans doute encor de la guerre.
.................Marvejols
La cave du père
Très émouvant, d'autant plus émouvant qu'il ne dit pas tout, on reste vaguement inquiet, d'une inquiétude qui ne peut pas être assouvie.
Nous resterons à jamais sur notre faim de savoir, l'expérience intime de la guerre est indicible.
Nous resterons à jamais sur notre faim de savoir, l'expérience intime de la guerre est indicible.
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 74
Date d'inscription : 07/07/2010
La cave du père
la cave du père = cavale éperdu
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 74
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: La cave du père
Emue.
Les silences de cet homme nous crient toutes les horreurs.
Les silences de cet homme nous crient toutes les horreurs.
Maryse- Nombre de messages : 811
Age : 81
Localisation : Montélimar
Date d'inscription : 22/09/2010
la cave du père = cavale éperdu
la cave du père = a crevé là, dupé
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 74
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: La cave du père
Douloureux et digne, un personnage qui sonne juste.
Pour rester dans l'austérité et le dépouillement, si j'étais vous, je supprimerais la strophe intermédiaire qui n'apporte pas grand chose.
une remarque :
Par la petite porte de la cour
Sans un mot, en silence.
Il y restait un petit moment
Trop proches l'un de l'autre, ces adjectifs qui se répètent (le deuxième est-il indispensable ?)
Pour rester dans l'austérité et le dépouillement, si j'étais vous, je supprimerais la strophe intermédiaire qui n'apporte pas grand chose.
une remarque :
Par la petite porte de la cour
Sans un mot, en silence.
Il y restait un petit moment
Trop proches l'un de l'autre, ces adjectifs qui se répètent (le deuxième est-il indispensable ?)
Re: La cave du père
Juste des actes retracés dans ce poème qui exprime bien la difficulté de revenir à la vie.
Le deuxième paragraphe m'a surprise, peut-être trop explicatif, il renseigne cependant sur les échanges ou leur absence de ce grand-père avec son petit-fils.
Un poème émouvant que j'ai aimé lire.
Invité- Invité
Re: La cave du père
Bonsoir,
merci de vos lectures attentives. Pour petit, oui il faut le supprimer (Il y demeurait un moment).
Sur la brève strophe du milieu je serais moins d'accord (pardi puisque c'est moi qui l'ai écrite...). Non, plus sérieusement, elle indique un feed-back double: un retour en arrière (je suis allé voir comment voir mon grand-père) et un passage par la lecture qui modifie la vision.
Auparavant, enfant, je voyais mon grand père sortir de sa cave. Je le voyais disons de manière primaire, dans l'immédiateté de l'acte. Je ne voyais pas la charge qu'il portait et qui le courbait. Mais je ressentais l'ombre de cette charge (le mot anglais burden / fardeau traduit assez bien la sensation).
Après des lectures (après avoir vécu ce que je pouvais vivre de la guerre de 14 et comme je pouvais la vivre: de manière très édulcorée, lointaine, livresque, sous forme de mots, sans risque, quasi ridicule, moi pauvre descendant ne pouvant la vivre...) j'ai vu mon grand père autrement : je l'ai désormais vu qui revenait de la guerre dans chacun de ses pas. J'ai vu en lui la guerre. Qui l'avait dévoré, absorbé, abstrait du monde malgré son combat acharné et silencieux pour s'en extraire.
La 2è strophe c'est " quand j'ai lu j'ai vu...". C'est le passage dans la subjectivité (auparavant on voit le grand père en ses actes après son retour et dans sa subjectivité à lui : "à se laver le coeur"). Après la strophe, c'est moi qui vois, c'est vous. J'ai lu j'ai vu. Donc "On le voyait revenu" et non plus "il était revenu".
Ces lectures, ce sont aussi le récit auquel il s'est refusé toute sa vie (avec raison). C'est ce refus qui m'a poussé à chercher à comprendre et sans doute à percevoir la vérité de mon grand-père. Je crois que ce refus de raconter l'irracontable, l'indigne de l'homme traduit la noblesse de mon grand père. Beaucoup ont cédé au récit qui fatalement glorifie. Lui n'a pas voulu nous contaminer, nous donner à voir ce qu'il n'aurait jamais voulu voir, ni nous donner à y admirer quelquechose. Et je crois que cette noblesse du père est si forte qu'un peu en est passé dans ce court texte, dans cette image. Une photo que je porte en moi et qui est sortie un jour de Novembre ou Octobre 2010.
Mais j'arrête-là, l'ami Céleron va encore me dire à raison que les poèmes parlent plus silencieusement fort que nos bavardages...
merci de vos lectures attentives. Pour petit, oui il faut le supprimer (Il y demeurait un moment).
Sur la brève strophe du milieu je serais moins d'accord (pardi puisque c'est moi qui l'ai écrite...). Non, plus sérieusement, elle indique un feed-back double: un retour en arrière (je suis allé voir comment voir mon grand-père) et un passage par la lecture qui modifie la vision.
Auparavant, enfant, je voyais mon grand père sortir de sa cave. Je le voyais disons de manière primaire, dans l'immédiateté de l'acte. Je ne voyais pas la charge qu'il portait et qui le courbait. Mais je ressentais l'ombre de cette charge (le mot anglais burden / fardeau traduit assez bien la sensation).
Après des lectures (après avoir vécu ce que je pouvais vivre de la guerre de 14 et comme je pouvais la vivre: de manière très édulcorée, lointaine, livresque, sous forme de mots, sans risque, quasi ridicule, moi pauvre descendant ne pouvant la vivre...) j'ai vu mon grand père autrement : je l'ai désormais vu qui revenait de la guerre dans chacun de ses pas. J'ai vu en lui la guerre. Qui l'avait dévoré, absorbé, abstrait du monde malgré son combat acharné et silencieux pour s'en extraire.
La 2è strophe c'est " quand j'ai lu j'ai vu...". C'est le passage dans la subjectivité (auparavant on voit le grand père en ses actes après son retour et dans sa subjectivité à lui : "à se laver le coeur"). Après la strophe, c'est moi qui vois, c'est vous. J'ai lu j'ai vu. Donc "On le voyait revenu" et non plus "il était revenu".
Ces lectures, ce sont aussi le récit auquel il s'est refusé toute sa vie (avec raison). C'est ce refus qui m'a poussé à chercher à comprendre et sans doute à percevoir la vérité de mon grand-père. Je crois que ce refus de raconter l'irracontable, l'indigne de l'homme traduit la noblesse de mon grand père. Beaucoup ont cédé au récit qui fatalement glorifie. Lui n'a pas voulu nous contaminer, nous donner à voir ce qu'il n'aurait jamais voulu voir, ni nous donner à y admirer quelquechose. Et je crois que cette noblesse du père est si forte qu'un peu en est passé dans ce court texte, dans cette image. Une photo que je porte en moi et qui est sortie un jour de Novembre ou Octobre 2010.
Mais j'arrête-là, l'ami Céleron va encore me dire à raison que les poèmes parlent plus silencieusement fort que nos bavardages...
Re: La cave du père
Quitte à me contredire moi-même, je tiendrai ces bavardages pour sains, dans le sens où ils tiennent compagnie,
et permettent de progresser dans la création - mais oui, en principe, c'est moins intéressant que la contemplation de l'objet sculpté fini, ou presque fini...
Peut-être un poème n'est-il jamais fini... toujours en ébauche, et toujours à se poursuivre... indéfiniment modelable et composable.
Alors vraiment heureux de bavarder avec vous !
et permettent de progresser dans la création - mais oui, en principe, c'est moins intéressant que la contemplation de l'objet sculpté fini, ou presque fini...
Peut-être un poème n'est-il jamais fini... toujours en ébauche, et toujours à se poursuivre... indéfiniment modelable et composable.
Alors vraiment heureux de bavarder avec vous !
Celeron02- Nombre de messages : 713
Age : 52
Localisation : St-Quentin
Date d'inscription : 19/12/2009
Re: La cave du père
Plus important, je ne suis pas très loin du Chemin des Dames.
Pas très loin et même en plein dedans sur un moment du Front, juste quelques années plus tard.
Ici, la guerre et l'horreur ont fait rage.
Là même où j'écris ou fais semblant.
Mon grand-père maternel aussi a connu les deux, s'échappant d'un stalag pour la seconde,
et est venu finir ses jours dans l'Aisne et dans la Marne.
C'est ma terre un peu, que je le veuille ou non.
Je n'y puis rien changer à ce fait.
Et qui ne m'empêche en rien d'apprécier la culture allemande,
Allemand première langue, et en même temps amalgamé à l'Histoire militaire,
puisqu'enfant déjà je suivais mes parents sur les lieux d'histoire : Douaumont, La Pompelle, Verdun,
des ouvrages de la Ligne Maginot aussi, magnifique et absurde gruyère.
Alors pardon de n'avoir pas dit, tout de suite, que ce poème m'a beaucoup parlé.
Et que c'est loin des bavardages.
Ces cailloux de l'Aisne noirs et marron glacé. Ces cailloux de la Marne tout blancs.
Des uns ou des autres qu'on mettait souvent, au fond de la cave.
Pas très loin et même en plein dedans sur un moment du Front, juste quelques années plus tard.
Ici, la guerre et l'horreur ont fait rage.
Là même où j'écris ou fais semblant.
Mon grand-père maternel aussi a connu les deux, s'échappant d'un stalag pour la seconde,
et est venu finir ses jours dans l'Aisne et dans la Marne.
C'est ma terre un peu, que je le veuille ou non.
Je n'y puis rien changer à ce fait.
Et qui ne m'empêche en rien d'apprécier la culture allemande,
Allemand première langue, et en même temps amalgamé à l'Histoire militaire,
puisqu'enfant déjà je suivais mes parents sur les lieux d'histoire : Douaumont, La Pompelle, Verdun,
des ouvrages de la Ligne Maginot aussi, magnifique et absurde gruyère.
Alors pardon de n'avoir pas dit, tout de suite, que ce poème m'a beaucoup parlé.
Et que c'est loin des bavardages.
Ces cailloux de l'Aisne noirs et marron glacé. Ces cailloux de la Marne tout blancs.
Des uns ou des autres qu'on mettait souvent, au fond de la cave.
Celeron02- Nombre de messages : 713
Age : 52
Localisation : St-Quentin
Date d'inscription : 19/12/2009
la cave du père
Comme personne ne semble l'avoir remarqué, je vais le faire moi-même.
Cavale, éperdu
A crevé là, dupé
sont deux anagrammes du titre la cave du père;
ce que j'ai voulu signifier c'est que le poème - en l'espèce son titre - contient tous les drames la guerre.
Celui des hommes qui ont fui, ou tenté de fuir, et celui des hommes qui y sont restés.
Et puisqu'il faut mettre les points sur les i, c'est un poème qui m'a profondément touchée, tant il est total dans sa pudeur.
Cavale, éperdu
A crevé là, dupé
sont deux anagrammes du titre la cave du père;
ce que j'ai voulu signifier c'est que le poème - en l'espèce son titre - contient tous les drames la guerre.
Celui des hommes qui ont fui, ou tenté de fuir, et celui des hommes qui y sont restés.
Et puisqu'il faut mettre les points sur les i, c'est un poème qui m'a profondément touchée, tant il est total dans sa pudeur.
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 74
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: La cave du père
Ce texte est vraiment une réussite sur tous les plans, il vise juste et touche fort : bravo.
( Et merci au nom de tous les silencieux de mettre en lumière la force sublime du refus de pérorer .)
( Et merci au nom de tous les silencieux de mettre en lumière la force sublime du refus de pérorer .)
Polixène- Nombre de messages : 3298
Age : 62
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum