La métamorphose de Yoni Wolf

Il n'y a plus que toi que j'attends. Si tu savais comme je suis serein, paisible comme jamais, et neuf. Si tu savais comme la réalité peut m'enivrer, avec ce soleil nonchalant qui se jette sur le marbre blanc de la place de la Poste, avant de rebondir devant mes yeux, m'éblouissant un peu, et détachant ma tête du reste de mon corps.
Il n'y a plus que toi que j'attends. Je marche parfois pendant des heures, le visage grave et souple, attentif au pétillement des passant, je marche sans but, pour le seul plaisir d'avancer, d'être mouvement. Démarche. Épure de silhouette.
On m'a toujours dit qu'il fallait que je trouve ma juste place, l'endroit de mon corps. Aujourd'hui je la connais, cette place, c'est celle du poète, décalé mais lucide enfin, pleinement conscient de son rôle. Je vivrai désormais avant d'écrire, et même si je suis toujours au fond aussi cradingue, je rirai de ma mégalomanie, et de mon grand désespoir un peu baroque.
Il n'y a plus que toi que j'attends. Toi que j'ai très peu vue, et qui pourtant m'as laissé comme un goût de reviens-y. Toi bien droite dans tes bottes. Toi et tes beaux yeux tristes. Je n'ai plus envie d'être cynique, d'être pessimiste, d'être maudit, alors je revêts mon armure de naïveté et me prépare à affronter l'âge adulte. A jouer des coudes avec le Destin. Je suis heureux que tu ne m'aies pas rencontré plus tôt, car j'étais, croyais-je, une tumeur sur pattes, une maladie en action, un ersatz de ma mère. Je n'étais personne et tout le monde.
Mais aujourd'hui est un autre jour et je te présente l'autre Pierre. J'espère qu'il ne partira pas, celui-là. J'espère qu'il restera toujours avec moi. Et qu'il te renverras ta joliesse, ta présence de plus en plus nette dans la lumière. Ta silhouette fichée sur ma mémoire. Je veux
toi.