Vos écrits
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : ...
Voir le deal

L'ange déchu, roman historique

+9
chri666
Reginelle
CROISIC
Sahkti
Procuste
lol47
elea
Louis
Jano
13 participants

Page 4 sur 4 Précédent  1, 2, 3, 4

Aller en bas

L'ange déchu, roman historique - Page 4 Empty Re: L'ange déchu, roman historique

Message  elea Mar 1 Mar 2011 - 21:12

La conversation ne m’a pas paru trop longue et je ne suis pourtant guère fan de ce genre de discussion théologique.
Mais comme elle est liée à la vie et à l’œuvre de Pierre, ça passe très bien.

Difficile (émotionnellement) pour moi ce début de chapitre 18.
C’est comme si tu avais laissé retomber l’angoisse lors de l’épisode de la lèpre, où on craint pour la famille et les proches de Pierre, pour mieux atteindre l’horreur par surprise avec cet assassinat ultra-rapide de Bernardin et la scène de torture d’Enguerrand.
Je suppose que la violence de l’époque doit passer par là et que c’est parfaitement construit puisque ça fonctionne à plein sur moi mais j’ai eu du mal à lire tout ça sur ces personnages auxquels je m’étais attachée. Je l’ai ressenti comme un peu brusque.
Voilà, je ne pense pas que tu puisses faire grand-chose de ce ressenti mais je crois qu'il prouve au moins que tu m'a bien ferrée avec ton roman pour que je le vive comme ça !

elea

Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010

Revenir en haut Aller en bas

L'ange déchu, roman historique - Page 4 Empty Re: L'ange déchu, roman historique

Message  Invité Mar 1 Mar 2011 - 21:36

elea a écrit:Voilà, je ne pense pas que tu puisses faire grand-chose de ce ressenti mais je crois qu'il prouve au moins que tu m'a bien ferrée avec ton roman pour que je le vive comme ça !
oh que si, il est super intéressant ce ressenti, Elea, surtout que je n'ai pas totalement écrit la fin de ce même chapitre, où, après le "coup de massue" initial, on voit deux tempéraments différents face aux drames, celui de Jacques et celui de Pierre. La manière dont tu as ressenti la scène, c'était effectivement l'effet voulu.
Merci de ta lecture et de tes impressions.

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

L'ange déchu, roman historique - Page 4 Empty Ange ... DQ.

Message  midnightrambler Jeu 10 Mar 2011 - 0:43

Bonsoir,

Je viens saluer la performance et te prodiquer mes encouragements les plus vifs pour la suite et l'aboutissement de ce roman !
J'ai parcouru quelques passages mais je ne suis pas réellement entré dans une lecture attentive et systématique car le sujet ne me passionne pas.
J'ai vu que d'autres, qui ont vraiment lu, ont beaucoup apprécié, c'est l'essentiel !

Amicalement,
midnightrambler
midnightrambler
midnightrambler

Nombre de messages : 2606
Age : 71
Localisation : Alpes de Haute-Provence laclefdeschamps66@hotmail.fr
Date d'inscription : 10/01/2010

Revenir en haut Aller en bas

L'ange déchu, roman historique - Page 4 Empty Re: L'ange déchu, roman historique

Message  Invité Sam 12 Mar 2011 - 14:59

midnightrambler a écrit:Bonsoir,

Je viens saluer la performance et te prodiquer mes encouragements les plus vifs pour la suite et l'aboutissement de ce roman !
Merci beaucoup pour ces encouragements.

Voici la fin du chapitre 18 et par conséquent du livre 2. J'ai beaucoup "galéré" pour boucler le tout, et peut-être y a-t-il encore des lourdeurs d'expression, mais franchement, je n'ai pas envie de m'acharner plus sur le chapitre.

Reste le livre 3. Je prépare un petit topo pour plus tard, parce que je vois que j'ai plusieurs options devant moi, à présent.


Chapitre 18 (suite et fin)

Jacques posa une main sur l’épaule de son ami, et lui chuchota dans le creux de l’oreille :
« Ce qui arrive est affreux, Pierre, mais ne perds pas l’espoir, surtout. Ta femme et ton fils ont pu s’échapper. Quand s'arrêtera le massacre, nous les retrouverons. »
La voix du maçon se voulait franche et apaisante, mais elle tremblait et trahissait son manque d’assurance.
-Où sont-ils, Jacques ? demanda Pierre à brûle pourpoint.
-Je ne sais pas exactement, mon ami, mais ils ont réussi à sortir de la ville, sains et saufs. Laisse-moi te raconter. Quand j'ai commencé à voir la tournure que prenaient les événements sur le parvis de la cathédrale, mon sang n’a fait qu’un tour et je suis aussitôt parti vers ta maison. Là, j’ai dit à Judith qu’elle se prépare au plus vite pour s’enfuir. Elle a emmailloté le petit Simon-Pierre et l’a accroché dans son dos, et moi j’ai eu le temps de prendre des miches de pain dans les cuisines et de remplir deux bourses de livres tournois. J’en ai donné une à Judith, et la moitié du pain, et j’ai gardé le reste pour moi... De quoi manger pendant une semaine –Jacques, tout en parlant, montrait sa besace, cachée sous un pan de sa cape- Après nous sommes sortis par la petite porte des serviteurs, à l'arrière de la maison. Juste Judith et moi, parce qu’Enguerrand refusait d’abandonner la demeure. Il disait qu'il n'avait rien à craindre, qu’il connaissait les habitants de Sistreville et que tout le monde l’appréciait ici…
-Fifrelin ! Le pauvre homme…
-Oui. Il n'était pas sur le parvis et n'a pas su mesurer le danger, je crois. J'ai eu beau insister, c’était inutile, il m’a dit qu’il en avait assez de fuir, que toute sa vie, il l’avait fait… Enfin. Avec Judith, nous avons couru dans la rue, et comme tout le monde courait aussi, nous sommes passés inaperçus. Nous sommes arrivés devant la porte de l’Ouest. Nous allions bientôt la franchir et sortir de la ville, lorsqu’un cavalier nous a barré le chemin. Tout est allé très vite alors. J’ai réussi à le désarçonner, et une fois à terre, je lui ai planté sa propre épée en plein cœur. Puis, j’ai tourné la tête, et là, j’ai vu ma sœur de l’autre côté de la porte. Oui Pierre, elle avait réussi à sortir de la ville ! J’ai voulu la rejoindre, mais d’autres soldats fonçaient vers moi, alors j’ai couru dans la direction contraire, vers l’intérieur de la ville, pour être sûr qu’ils ne poursuivraient pas Judith. J’ai réussi à les semer. Après, j’ai voulu retourner vers la maison d’Enguerrand, au cas où il avait besoin d’aide, maintenant que j’avais une épée, mais c'était trop tard. C’est là que je t’ai vu. »

Pierre regardait Jacques, sans vraiment réagir, et ce dernier, en l’observant, lui répéta :
« Tu m’as entendu, Pierre ? Je t’ai dit que ta femme a réussi à s’enfuir ! Tu sais, elle est forte, elle saura se débrouiller toute seule dehors, et en plus elle a de l’argent et du pain ! On la retrouvera, c’est sûr ! Il ne faut pas perdre espoir, Pierre, elle est hors de danger !»
Pierre leva la tête et répliqua :
-Espoir ? Hors de danger ? Aujourd’hui le danger est partout et l'espoir nulle part, Jacques. »

La remarque fit taire le maçon, et ils continuèrent d’attendre en silence. Ils demeurèrent plus d’une heure cachés dans la remise étroite. Jacques trépignait d’impatience, il ne cessait de regarder la rue, soupirait bruyamment ou maugréait à voix basse, mais Pierre demeurait parfaitement immobile. Les pillards abandonnèrent la maison, et Jacques souffla :
« On ne peut pas rester ici longtemps, Pierre, c’est trop risqué. Ecoute-moi. Maintenant qu’il n’y a plus personne chez toi, nous allons nous y réfugier. Une fois la nuit tombée, on essaiera de sortir de la ville. »

Le maçon porta Pierre sur son dos pour traverser la ruelle. Le sculpteur trouva un bâton qui jonchait le sol de la cour, puis il suivit le juif convers qui entra, l’épée au poing, dans la maison saccagée. Tout y était désespérément vide, les misérables avaient tout emporté, nourriture, vaisselier, tentures, il ne restait absolument plus rien ni personne. Ils entendirent du bruit dans une salle du rez-de-chaussée et s’approchèrent furtivement. Dans une pièce adjacente à l’aula qui servait d’étude à l’architecte, ils aperçurent les silhouettes de trois indigents, agenouillés autour d’une armoire, occupés à essayer de récupérer, à la pointe d’un couteau, la peinture d’or incrustée sur les battants et les rivets. Les trois compères étaient si absorbés par leur besogne qu’ils n’avaient pas entendu les deux hommes pénétrer dans la demeure. Jacques avança à pas feutrés, et en deux coups d’épée, trancha le cou d’un premier mendiant et estoqua le second en pleine poitrine. Le troisième larron se retourna, effrayé. Pierre le reconnut aussitôt, c’était le manchot à la serpette qui avait tué Bernardin. Il se mit à implorer pitié en pleurnichant mais Jacques se montrait inflexible, et brandit de nouveau son arme pour lui porter le coup de grâce. Sans réfléchir, Pierre arrêta son bras :
« Ça suffit ! Laisse-le partir ! »
Jacques regarda son ami, surpris, et le mendiant profita de ce moment d’inattention pour s’enfuir. Le maçon ne put le rattraper et renonça à le poursuivre dans la cour. Il se retourna vers Pierre et cria :
« Mais qu’est-ce qu’il t’a pris, bon sang !
-Tu ne trouves pas qu’il y a eu assez de crimes aujourd’hui ?
-C’était l’assassin de Bernardin, tu le savais, Pierre ? Il méritait de mourir. Œil pour œil dent et pour dent.
-Avant la loi du talion, il y a le premier commandement de Dieu, Jacques, « Tu ne tueras point »
Le maçon baissa la garde de son épée, et lui répondit sur un ton acerbe :
« Cette loi, elle s’applique aux humains, pas aux parasites ni aux bêtes fauves. Et si cet homme nous trahit, maintenant ? »
Pierre demeura sans voix. Son ami avait raison.

Jacques voulut faire le tour de la maison, pour s’assurer qu’elle était vide, avant d’aller se réfugier dans la cave. Dans la chambre d’Enguerrand, ils découvrirent Ermeline et son fils Martin. Ils étaient allongés dans le lit en lambeaux de l’architecte, blottis nus l’un contre l’autre. Le fils avait été égorgé et la mère empalée. Jacques ne put contenir un cri de colère en les voyant, mais Pierre eut assez de sang froid pour leur fermer les yeux et marquer un signe de croix sur leurs fronts. Le maçon, accablé, décida de clore l’inspection des lieux et les deux hommes allèrent se cacher dans les soubassements de la maison.

Là, cachés dans la pénombre, ils attendirent de nouveau. Par un soupirail, ils pouvaient entrapercevoir les mouvements de la rue. Les gens couraient et dansaient, du sang plein les bottes. On entendait des rires gras et des chants d’ivrognes. Cela ressemblait à une grande fête, Pierre n’avait jamais ressenti toute cette agitation et cette ivresse dans la ville en dehors du Carnaval. Mais cette fois, c’était un carnaval tragique et désespéré, un carnaval qui se serait déroulé en plein Carême, car tout le monde était à jeun et buvait pour tromper sa faim, un carnaval aussi où chacun avait ôté son masque, et exhibait enfin sa vraie apparence monstrueuse. Ils sentirent bientôt une fumée épaisse qui provenait de la place de la cathédrale. Pierre sut plus tard qu’il s’agissait là d’un autodafé, d’un grand feu qu’on avait allumé pour brûler les manuscrits et les rouleaux de la Torah trouvés dans la synagogue et dans la « bet sefer », la petite école judaïque.

Jacques parlait sans interruption, à une vitesse effrénée, sans à peine reprendre son souffle, comme si les mots lui permettaient de conjurer son malheur et d’arranger la situation. Il s’indignait, vitupérait contre les riches, les pauvres, les rois et les mendiants, les chrétiens et les juifs, dans un discours logorrhéique qui oscillait sans demi-mesure entre l’espoir et l’abattement. Pierre l’écoutait à peine. Lui, au contraire cherchait la mortification pour atténuer sa peine. Il n’y avait rien à faire, qu’à attendre en dehors du monde, l’esprit vide et le corps inerte, le verdict de la Providence. Mais Jacques était là, qui l’empêchait d’oublier la réalité insoutenable. Les discours enflammés du jeune homme l’irritaient au plus haut point, toutes ces paroles ravivaient ses souffrances et le forçaient à revivre les scènes atroces de la journée. Lorsque Jacques évoqua la mort d’Enguerrand, le sculpteur en profita pour lui asséner, sur un ton acrimonieux :

« Tu sais Jacques, je t’ai vu applaudir au cri de « mort aux riches », sur le parvis de la cathédrale. Et pourtant, toi, tu avais le ventre plein. Alors tais-toi donc, tu ne vaux pas mieux que tous ces assassins. »

Le maçon le fulmina du regard et se mit à vociférer :

« Comment, tu me traites d’assassin, Pierre ? Mais ce n’est pas moi qui ai tué Enguerrand, pourtant ! Le vrai coupable dans cette histoire, c’est Bernardin ! Eh oui, Bernardin, le Saint homme ! S’il avait eu le courage de mener la révolte jusqu’au bout, nous n’en serions pas là ! Et puis, si tu veux vraiment mon avis, ton ami Enguerrand, ce n’était pas non plus le plus charitable des hommes ! Tu sais combien de grain il cachait dans sa demeure ?»

Jacques alla s’asseoir à l’autre bout de la cave, hors de lui. Le silence se fit, enfin. Pierre chercha à se rasséréner, mais l’altercation avec le maçon l’avait décontenancé, et à présent, il ne cessait de s’interroger. Il repensait à cette statue de l’ange déchu, qu’il avait ciselée autrefois, sous l’effet du vin et de la folie. Quelques coups de burin mal placés avaient suffi pour que l’ange se convertît en diable. Ainsi étaient les hommes comme Bernardin, les guides, les anges annonciateurs du paradis terrestre : comme ici-bas, il n’y a pas de Salut, pas de miséricorde et pas de Vérité, leurs ouailles se perdent dans les ténèbres, et le moindre mot galvaudé les conduit en enfer. Mais comment en vouloir à ce pauvre Bernardin, dont la seule erreur avait été de croire que les humains pouvaient être frères ? Et comment en vouloir à Enguerrand ? Pierre se souvenait, attendri, de ce hameau sordide, au cœur de la tourbière, quelque part entre la Loire et la Seine, de ce puits que son vieux compagnon avait fait édifier, de ce pain qu’il avait partagé avec les plus miséreux. Jacques se trompait, Fifrelin était bel et bien l’homme le plus charitable qui fût, il avait juste refusé de se soucier du monde, et de voir la misère au-delà de sa porte. Mais était-ce donc si blâmable de préférer ses proches à son prochain ? Pierre essaya de concentrer son esprit pour réfléchir encore, mais soudain, il songea à Judith, et un frisson lui glaça l’échine en l’imaginant morte. Il luttait contre ces pensées atroces lorsque Jacques s’approcha de lui, les yeux embués de larmes, pour lui demander pardon.

« C’est moi qui te demande pardon, répondit-il d’une voix étranglée. Tu m’as sauvé la vie aujourd’hui, pour la seconde fois, et je ne t’ai pas remercié »
Jacques serra son ami dans ses bras, et tous deux demeurèrent longuement enlacés sans parler ni bouger. Le jeune homme éclata en sanglots, mais Pierre ne réussit pas à lâcher la moindre larme, ce qui aurait pourtant soulagé son trop plein d’amertume. Ensuite, le maçon sortit de sa besace une miche de pain et une outre de vin. Pierre avait la gorge nouée et dut se forcer pour avaler quelques bouchées, et refusa de boire. Tout en mangeant, le maçon déclara :

« Judith est partie par la porte de l’Ouest, elle doit donc se trouver quelque part sur le chemin ou dans la forêt. A mon avis, elle s’est réfugiée dans une ferme ou une maison isolée, en payant ses hôtes… Oui, on la trouvera, c’est sûr, mais il faut faire vite. Ce soir, Pierre, nous franchirons la muraille, je connais un endroit où on peut se faufiler pour sortir de la cité. »

Pierre l’interrompit :
« Ecoute-moi, Jacques. Toi tu as juste une vingtaine d’années et une forte carrure. Moi, je ne suis qu’un pauvre infirme. Si je vais avec toi, je serai un fardeau. Et tu n’as pas besoin d’un fardeau pour retrouver Judith et mon enfant. Pars tout seul. Tu connais la forêt du Grand Leu, sur la route de l’Ouest ?
-Oui, bien sûr.
-Dans une clairière au cœur de la forêt, il y a une pierre moussue que l’on dit miraculeuse. Je t’y attendrai dans une semaine très exactement, toute la journée. Que Dieu fasse que tu apparaisses accompagné de Judith et du petit Simon Pierre ! »

Jacques, après une courte réflexion, acquiesça de la tête. Le soleil disparut bientôt par le soupirail, et les deux hommes se retrouvèrent dans l’obscurité la plus parfaite. Ils se tinrent par la main pour ne pas se perdre dans les ténèbres, et attendirent encore jusque vers la minuit. Enfin, le maçon décida de partir. Il laissa tout son pain à Pierre, et aussi l’outre de vin et son manteau, mais le sculpteur refusa de garder l’épée et les livres tournois. Il embrassa son ami et lui rappela le rendez-vous dans la forêt, dans sept jours exactement, puis Jacques se dirigea à tâtons vers l’échelle qui menait à la trappe, et s’en fut. Pierre se retrouva seul. Il se pelotonna dans un recoin et voulut s’assoupir, mais son esprit était bien trop agité pour trouver le sommeil. Alors, il se mit à boire. Cela faisait des années qu’il n’avait pas ingurgité de vin en grandes quantités, aussi, très vite, il trouva l’ivresse. Satisfait, il bascula sa tête contre le mur épais et sentit les pierres palpiter autour de lui. Son corps et son esprit s’enfoncèrent progressivement dans la paroi, et bientôt, il parvint à abandonner tout à fait son enveloppe charnelle pour glisser parmi les pierres aqueuses du soubassement.

Des cauchemars atroces le réveillèrent à l’aube. Les images terrifiantes de la nuit clignaient toujours sous ses paupières : il y avait Judith et Simon Pierre, comme deux gisants de marbre dans les draps d’Enguerrand, une statue d’argile qui pleurait du sang, debout les pieds noyés dans un baquet qui lui servait de socle, et dans une grande sarabande de fauves affamés et de gargouilles humaines, l’ange du bon conseil, Bernardin. Pierre le voyait tomber de son piédestal, pour mieux se relever sous les traits du démon. Le sculpteur se releva pour dégourdir son corps ankylosé par l’humidité de la cave et les images insoutenables s’évanouirent peu à peu. Il avait froid, malgré la cape de Jacques Baptiste, ses pensées morbides aiguillonnaient son crâne et la faim tiraillait son estomac. Mais au lieu de manger, il préféra se remettre à boire, car le vin ne risquait pas de manquer, contrairement au pain. Il chercha de nouveau l’insouciance et l’oubli, mais tout à coup, juste après sa dernière gorgée, le halo blanc du soleil qui pénétrait par le soupirail lui rappela le chai où il avait vécu pendant huit ans, et où il avait perdu la tête. Une terrible sensation d’angoisse s’empara de lui : voilà qu’il était de nouveau prisonnier, seul, ivrogne, aliéné. Il essaya de maîtriser sa peur, mais le vin peu à peu commençait à couler dans ses veines, irriguer son cerveau, contrôler sa conscience. Soudain, il vit les murs se mettre en branle pour se rapprocher inexorablement de lui, tandis que le plafond s’affaissait à vue d’œil. Des monstres, cachés derrière la paroi torturaient la pierre depuis les profondeurs. Leurs cheveux de mousse dépassaient des lézardes, leurs racines filiformes jaillissaient des interstices, comme des centaines de griffes qui trépanaient les blocs pour mieux les démolir. Les pierres meurtries suintaient à gros sanglots sous leur poussée funeste. Le sculpteur, pris de vertige, s’affala au milieu de la cave. Les parois continuaient d’onduler sous ses yeux. Un coup de vent entra brusquement par le soupirail, et les démons troglodytes répondirent à cet appel en soufflant dans les béances de la roche. Pierre sentait leur haleine terreuse caresser son visage et lui glacer l’échine. Le courant d’air glissait contre les murs en agitant les chevelures et les doigts des monstres, faisait crisser la vieille échelle et craqueter la trappe. Les créatures grognaient de plus en plus fort. Dans le sarcasme abominable, le sculpteur crut discerner un murmure étouffé. L’espace d’un instant, il eut l’impression qu’une voix humaine l’avait interpelé. Il s’approcha en titubant vers la trappe, d’où provenait le bruit.

Dans l’angle juste au-dessous de l’échelle, il découvrit, adossée contre le mur, une pierre longiligne et racée. Il la reconnut aussitôt. C’était le fameux bloc qui lui avait sauvé la vie, jadis, tout en haut des toits de la cathédrale. Une fois à terre, Pierre avait essayé de le ciseler en vain pour lui donner l’aspect d’un ange, puis l’avait fait entreposer dans les caves d’Enguerrand, pour finir par l’oublier. Et l’ange avait attendu pendant quatre ans, caché aux yeux de tous, debout dans son réduit minuscule, le retour du sculpteur. Pierre, autrefois, n’avait pas su saisir la posture de la créature enfermée dans la pierre, mais à présent, elle lui paraissait évidente : Jacques Baptiste avait eu le même geste la veille, dans l’étude du maître d’œuvre, au moment de frapper le mendiant à la main coupée. Ce bras replié, ce poing qui tombait jusque sous la nuque, ces genoux fléchis, tout s’expliquait enfin : l’ange était un guerrier qui empoignait une épée et s’apprêtait, tapi dans l’ombre, à bondir sur son ennemi pour lui asséner un coup mortel. C’était une pose virile et redoutable, et pourtant, il y avait une telle mansuétude dans ce bout de rocher que Pierre Toussaint tomba en extase, au point d’en oublier les créatures chtoniennes qui le harcelaient.

La pierre l’invita à venir s’abriter dans l’intervalle entre elle et la paroi, et le sculpteur, sans hésitation, s’empressa de ramasser ses maigres effets pour rejoindre la cachette. Il glissa dans la fente exigüe pour s’enfouir sous le manteau de l’ange. Là, recroquevillé dans l’obscurité la plus complète, il n’entendit plus un bruit, ne ressentit plus rien, ni le froid, ni la faim, ni l’ivresse ou la peur. Il était enfin en dehors du monde, dans les limbes, au-delà de l’espoir et du chagrin, dans l’infinie quiétude du néant. Le cœur de l’ange battait au plus profond de la pierre, qui berçait le sculpteur, et les heures et les jours passèrent inaperçus. De temps à autre, les cloches des églises de la ville résonnaient au lointain pour rappeler le moment de l’eucharistie, et Pierre avalait alors un peu de pain et une goulée de vin. Ensuite, il comptait le temps qu’il lui restait jusqu’à son rendez-vous avec Jacques Baptiste. Dans quelques jours seulement il allait enfin apprendre la sentence du Très-Haut : si les siens avaient péri, il connaîtrait l’enfer, et dans le cas contraire, juste le purgatoire. Mais Pierre ne s’en souciait guère, dans tous les cas il savait qu’il finirait bien, tôt ou tard, par rejoindre sa famille. Sur la terre ou au Ciel, dans une semaine ou dans vingt ans, cela n’avait finalement que peu d’importance.

Le quatrième jour, au petit matin, il fut ébloui par une aura de lumière intense juste au-dessus de lui, qui disparut aussitôt dans un claquement sec. Ensuite, il entendit l’échelle grincer, et comprit enfin la situation : un homme venait d’ouvrir la trappe, et de descendre dans la cave. Le sculpteur reçut de plein fouet son haleine, d’une puanteur extrême. De toutes évidences, il s’agissait d’un soiffard, d’un bourbeux, d’un traîne-misère. Pierre était paniqué. Contre lui, le cœur de l’ange, dans sa chape de calcaire, battait la chamade, à moins que ce ne fût là l’écho de sa propre poitrine. L’inconnu tournait dans la cave en quête d’une maigre pitance. Le sculpteur l’écoutait inspecter chaque recoin méticuleusement, dans le fol espoir d’y trouver quelque chose à manger. Aucun doute n’était permis, ce crève-la-faim allait très bientôt découvrir sa cachette. Mais que faire ? Sortir de là et lancer le pain qu’il lui restait ? A coup sûr, un être affamé préfèrerait manger plutôt que de tuer, et ensuite, une fois rassasié, il remercierait son bienfaiteur, rien n’était plus certain.
« Non. Tue-le ! Tue-le ! Tu n’as toujours pas compris ? C’est un des mendiants qui a assassiné Bernardin ! C’est lui ou c’est toi, alors tue-le, crois-moi »
Pierre ne savait pas qui lui avait soufflé cette exhortation, l’ange de pierre, les monstres cachés derrière le mur, ou son propre esprit tourmenté. Le miséreux avançait vers lui. Son pas se mêlait aux cœurs qui galopaient tout au fond de la roche, aux clameurs célestes qui réclamaient du sang, aux soufflements putrides des démons souterrains. L’homme regarda derrière le bloc, et Pierre, estomaqué, se leva soudain dans un cri d’effroi. Il se redressa avec une telle force que le bloc bascula pour retomber dans un fracas d’enfer. Le malfrat mourut sur le coup, le sternum broyé par la pierre assassine.

Pierre contemplait le cadavre, les yeux écarquillés, et ne parvenait pas à le reconnaître. C’était un mendiant, certes, mais faisait-il vraiment partie de la bande de criminels qui avait tué son ancien tuteur ? Impossible de le savoir, un rictus épouvantable déformait ses traits, et puis, il avait le visage à tel point décharné qu’il ressemblait à n’importe quel squelette. Pierre se demanda s’il ne s’agissait pas d’une pauvre victime innocente, et si l’ange de pierre n’était pas en réalité le plus innommable des démons, un fauve insatiable qui le poussait au meurtre. Il entendit les côtes de l’indigent craquer sous la mortelle étreinte, et un ronronnement sourd tout au fond de la roche. La pierre commençait son festin, sous l’œil des monstres charognards terrés derrière le mur, qui attendaient leur tour pour goûter les restes de la proie. Pierre écœuré, décida de s’enfuir, sans même remercier le bloc qui lui avait sauvé la vie pour la seconde fois. Il grimpa échelle, ouvrit la trappe et partit de la maison aussi vite qu’il le put.

Quand il se retrouva dans la cour, les lueurs du petit matin l’aveuglèrent. Il entendait encore les grognements des pierres, loin dans les profondeurs. Il avança, pressé de quitter la ville au plus vite. Les rues étaient désertes. Mais bientôt, en voyant la cathédrale se dresser devant lui, il se rendit compte qu’au lieu de se rendre vers les portes la ville, ses pas l’avaient conduit instinctivement jusqu’au chantier. Pierre ne résista pas à l’envie de voir une dernière fois ses œuvres, avant d’abandonner définitivement la cité. Mais alors qu’il s’approchait de l’église, il aperçut une dizaine de silhouettes assoupies sur les échafaudages accolés aux porches. C’étaient les fameux mendiants. La troupe était au complet, sauf bien entendu les deux victimes de Jacques Baptiste, et le macchabée qui gisait dans la cave, si toutefois celui-ci faisait vraiment partie du groupe. L’un d’entre eux se leva d’un bond, et réveilla ses compères.
«Regardez qui voilà... Le « beau pied » ! »
Pierre recula, mais les mendiants avancèrent vers lui et eurent tôt fait de l’encercler. Le sculpteur saisit la miche qu’il restait dans son sac, et la tendit vers les mauvais apôtres en criant :
« Tenez, et mangez en tous... C’est tout ce que j’ai, je vous le jure. Et partez, de grâce !
-Il a raison, déguerpissons !», s’exclama le gredin à la main coupée, avant de s’emparer du pain pour s’enfuir en courant. Les autres se lancèrent à ses trousses, et Pierre se retrouva seul. « Main coupée », à sa façon, venait de lui sauver la vie.

Le sculpteur respira largement et s’approcha des bas-reliefs, pour leur faire un dernier adieu. Puis, saisi d’une lubie soudaine, il alla chercher un marteau et un burin dans son atelier, et retourna, décidé, jusqu’aux portails. Il frappa comme un forcené sous le socle de l’ange du bon conseil, puis il monta sur son échafaudage pour essayer de le faire tomber. Mais la statue s’arrimait à son piédestal, et se moquait bien des vaines tentatives du sculpteur pour le détrôner. Alors Pierre changea d’idée : il se mit à taillader le visage de l’ange. Quelques coups lui suffirent pour balafrer son sourire et pour donner à ses yeux un aspect reptilien. Il n’y avait plus aucun doute possible, tout le monde désormais pourrait remarquer qu’il s’agissait bien d’un diable, la sculpture perfide ne pourrait plus tromper personne. Satisfait, Pierre se retourna vers le tympan du milieu, celui du jugement dernier, et sans hésiter, il se mit à marteler les habitants de Sistreville qui se trouvaient du côté des justes, à la droite du Christ. Très vite, il réussit à tous les faire disparaître. Pierre éclata de rire en savourant sa vengeance : non, à Sistreville, personne ne méritait d’être sauvé. Les riches affamaient les pauvres, les pauvres désignaient les juifs, et les juifs ceux qui parmi eux refusaient le martyre ; les maçons défiaient le Ciel et le clergé bénissait leurs blasphèmes, d’autres religieux venaient d’apparaître pour porter les mendiants au pinacle, ces mendiants qui n’étaient que de vils criminels. Pour une gorgée de vin qu’ils partageaient en frères, ils commettaient au moins dix méfaits répugnants, mais ces va-nu-pieds n’étaient guère différents du reste des hommes : une fois dépouillés de leurs possessions matérielles, il ne restait plus que des bêtes immondes. L’homme était mauvais, Pierre en avait eu la preuve irréfutable. La société était condamnée à l’enfer sur la Terre, et de toutes manières, si jamais apparaissait une étincelle d’espoir, les puissants se chargeaient aussitôt de l’éteindre en l’arrosant de sang. Non, décidément, il n’y avait pas de justes à Sistreville, tous étaient coupables, tous méritaient la géhenne, se disait Pierre Toussaint en regardant les silhouettes qu’il venait d’effacer du paradis à grands coups de burin.

Il contempla ensuite le Christ sans visage et se dit que c’était parfait ainsi, que représenter Dieu était un acte de pur orgueil, comme l’était aussi de vouloir dresser des églises jusqu’aux portes du Ciel. Et pour s’assurer que personne ne sculpterait jamais de figure pour le Fils de l’Homme, il se mit alors à casser la pierre avec acharnement. Lorsqu’il s’arrêta, il y avait un grand trou à la place du visage du Messie. Personne ne pourrait jamais plus rien ciseler à cet endroit là, et le sculpteur était ravi. Il sauta alors sur un second échafaudage et observa la scène de la crucifixion. Entre ses dents, il se mit à grommeler :
« Gros cochon d’évêque, comme ça, tu voulais que je représente des juifs sur ce bas-relief ? »
A petit coups de marteau, il rectifia le nez du Christ sur la croix. Il creusa aussi ses pommettes, arrondit ses paupières et épointa ses oreilles. Pierre s’esclaffa en admirant le résultat. Maintenant, Jésus avait le nez crochu, les lobes pendants et les yeux globuleux. C’était un juif martyrisé par les romains, comme l’affirmaient les Evangiles.

Le sculpteur, de la haine plein la tête, se déplaça ensuite sur le troisième échafaudage, celui de la Nativité, mais il n’y avait plus rien à faire : la Vierge et l’Enfant avaient disparu, comme Judith et son fils. Cette absence l’oppressa soudain. Il rangea ses instruments, descendit de son échafaudage et boita jusqu’aux portes de la ville. Il n’eut aucun mal à sortir de Sistreville. Il continua son chemin sur la route de l’Ouest, sans le moindre regard sur la cité qui se réveillait tranquillement derrière lui, caressée par l’aube douce du début juillet. Sistreville, où Pierre Toussaint avait passé en tout et pour tout dix-huit ans, toute sa jeunesse, et qu’il ne reverrait jamais plus.

Le soir, il était dans la forêt. Il s’allongea par terre à côté de la pierre miraculeuse, et demeura deux jours entiers, figé dans ses pensées, à tel point immobile que la mousse commença à prendre racine sur son corps.

Jacques Baptiste apparut le jour prévu, vers midi. Il était seul et marchait sans hâte jusqu’à son rendez-vous. Pierre comprit aussitôt, en jugeant la démarche de son ami et son air dépité, qu’il allait lui annoncer d’affreuses nouvelles. Le sculpteur se releva, et attendit patiemment que le maçon vînt à lui. Comme Jacques pour une fois ne trouvait pas ses mots, il prit les devants.
« Judith est morte, n’est-ce pas ?
Le maçon acquiesça de la tête, avant d’ajouter :
-Mais ton fils vit encore »

Jacques expliqua ensuite les circonstances du drame. Le jour du massacre un soldat avait renoncé à poursuivre le maçon dans les rues de la cité pour pourchasser Judith hors les murs. Il l’avait abattue d’un coup d’épée dans la ruelle principale du faubourg, mias la femme d’un modeste peaussier, dans un élan charitable, avait recueilli l’enfant chez elle, et l’avait allaité avec son propre rejeton.

Pierre demeurait bouche bée en écoutant le maçon. Ce n’était pas la mort de son épouse qui le déconcertait tant, dès le début il s’attendait à ce drame, mais pas une seule fois en sept jours il n’avait jamais envisagé l’éventualité de perdre un seul de ses deux êtres chers. La Providence lui avait réservé le sort le plus cruel : non seulement elle ne lui épargnait pas le malheur, mais elle le condamnait de surcroît à rester dans le monde, à demeurer lucide et lutter pour protéger son fils. Il s’effondra près de la pierre de vie qui avait engendré le petit angelot de chair, sa plus belle création, et pour la première fois depuis le début de cette tragédie, il se mit à pleurer.

Ainsi s’achève cette seconde partie. Pierre Toussaint, après un long combat, avait enfin réussi à devenir humain, mais au bout du compte, c’étaient ses semblables qui étaient dépourvus de cette humanité qu’il avait tant cherchée. Il avait beaucoup sculpté aussi, mais il ne restait plus grand chose de son œuvre, mis à part le paradis perdu, sur le chapiteau d’une abbaye reculée de Guyenne, et deux tympans qu’il avait sabotés lui-même sur une cathédrale bancale d’un petit évêché normand. De toutes manières, sculpter pour les hommes était parfaitement inutile, et même dangereux ; quant à Dieu, Il n’aimait probablement pas la sculpture, et même, à l’instar de la bonté ou de l’espoir, peut-être qu’Il n’existait pas.

FIN DU SECOND LIVRE

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

L'ange déchu, roman historique - Page 4 Empty Re: L'ange déchu, roman historique

Message  elea Sam 12 Mar 2011 - 19:49

Bon… je passe sur les noms d’oiseaux qui me sont venus, en tant que lectrice, envers toi, en tant qu’auteur, t’es trop cruel ! Au moins t’a pas empalé Judith…
Voilà, maintenant que j’ai exprimé ma sensibilité malmenée, je vais commenter plus sérieusement.

A la fin de l’extrait précédent, la mort d’Enguerrand n’était pas certaine pour moi, ça se termine sur une scène de torture, on voit mal comment il peut en réchapper mais il n’y a pas de certitude. Peut-être qu’il faudrait remanier un peu ça pour que sa mort, certaine aux yeux de Jacques et Pierre, le soit aussi pour le lecteur.

Tu as parfaitement maîtrisé le suspens, l’intrigue, ce détour par la cathédrale par exemple avant d’aller au rendez-vous, j’aime bien être maintenue en haleine comme ça et pas de manière gratuite en plus mais avec un passage (la défiguration de ses œuvres par Pierre) qui a du sens, fort.

Et puis comme toujours, et même si je l’ai déjà dit, j’aime la pierre vivante, particulièrement ici entre délires et angoisse, la pierre qui sauve et protège mais exhale aussi des démons terrifiants. Tout le long du livre tu multiplies les passages où Pierre et la pierre s’entrelacent, se mélangent, s’apportent et se détruisent l’un l’autre, sans que jamais ce ne soit lassant, ce sont toujours des passages exaltants pour moi, beaux et forts, en émotions et sensations.
Et puis des détails qui donnent du corps au texte, la main coupée et le pied coupé qui se sauvent mutuellement par exemple et les nombreux parallèles religieux (l’eucharistie sonnée qui rappelle de manger pain et vin). Et enfin une écriture généreuse, en mots, en adjectifs, en phrases, couleurs, odeurs, gestes.

Je n’ai pas ressenti de lourdeurs à la lecture, juste parfois quelques mots sur lesquels j’ai pu buter, quelques-uns ci-dessous :

Le sculpteur trouva un bâton qui jonchait le sol de la cour me fait bizarre ce mot

Le maçon, accablé, décida de clore l’inspection des lieux et les deux hommes allèrent se cacher dans les soubassements de la maison.
Là, cachés dans la pénombre, ils attendirent de nouveau.

mais Pierre ne réussit pas à lâcher la moindre larme étrange, un peu parlé, verser ?

et attendirent encore jusque vers la minuit vers minuit, vers la nuit ? ça se dit peut-être mais ça me parait étrange

Pierre le voyait tomber de son piédestal, pour mieux se relever sous les traits du démon. Le sculpteur se releva pour

Les riches affamaient les pauvres, les pauvres désignaient les juifs, et les juifs ceux qui parmi eux refusaient le martyre pas compris ce bout de phrase, me suis demandé s'il ne manquait pas un bout

mais pas une seule fois en sept jours il n’avait jamais envisagé l’éventualité de perdre un seul de ses deux êtres chers
le jamais est de trop non ?

elea

Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010

Revenir en haut Aller en bas

L'ange déchu, roman historique - Page 4 Empty Re: L'ange déchu, roman historique

Message  Invité Dim 13 Mar 2011 - 18:54

Merci Elea pour tes commentaires.
Je prends note de ce que tu me dis : je renforcerai l'idée qu'Enguerrand est bel et bien mort. Une phrase suffira, je pense. Quant aux problèmes de répétitions et de fautes, c'est le genre de chose que je n'arrive à voir qu'à la quarante-douzième lecture, deux mois plus tard. C'est terrible, j'en laisse partout, des fautes.

Bien, maintenant je suis, selon une vision optimiste, à la croisée des chemins, et selon une version pessimiste, dans une impasse. Voilà : j'ai en principe une troisième partie, de 8 chapitres. Or cette troisième partie, pour la majorité de ceux qui ont déjà lu la première mouture du récit, est moins bonne que les deux antérieures. Plus fantastique, plus abracadabrante, on m'a dit que c'était "granquignol" ...

J'ai deux choix :
- Adapter cette troisième partie déjà écrite, trouver d'autres éléments pour remplacer ceux qui ne fonctionnent pas, et atténuer ceux qui existent déjà, leur donner une tournure moins extravagante.

-Carrément renoncer à la troisième partie. Grâce aux éléments nouveaux de ma seconde partie, je pourrais très bien décider de faire une très grosse ellision : trancher sur le sort du fils de Pierre (le faire mourir aussi), envoyer directement le sculpteur au monastère de Jumièges où il décide de finir ses jours, -sans pèlerinage au Mont-Saint michel et péripéties farfelues vécues sur la route- jusqu'à ce que Jacques, trente ans plus tard, vienne lui rendre visite et le convainque de sculpter un ange qui l'emportera vers l'au-delà. Dans ce cas, je ne serais qu'à environ 3 ou 4 chapitres de la fin.

Bref : je vais essayer de rédiger cette troisième partie, dans sa version longue, parce qu'il y a des passages que j'aime beaucoup, notamment des descriptions du Mont-Saint-Michel, des paysages normands, mais aussi quelques scènes que je crois fortes. Néanmoins, si ça parait trop tiré par les cheveux, je découpe à grands coups de ciseaux et me retranche dans la version courte.

En attendant, nouvelle impasse : j'ai une nouvelle idée pour le prochain chapitre, que je n'avais pas eu dans un premier temps. Hélas, je manque de bibliographie, et ici, depuis l'Andalousie, je galère pour trouver les documents adéquats. Je cherche en effet des renseignements sur les pratiques mortuaires dans l'occident médiéval. Je me souviens bien du génial livre de Philippe Ariès "histoire de la mort en occident", et j'aimerais pouvoir consulter l'ouvrage suivant :

La mort au moyen age, XIIIème - XVIème siècle
Alexandre Bidon
colection "la vie quotidienne"

Je ne sais pas très bien comment me le procurer depuis l'Espagne. Peut-être devrai-je attendre qu'un proche me le ramène depuis la France, ou peut-être connaissez-vous un site sûr pour y commander des bouquins depuis l'étranger, sans que cela soit hors de prix ? En attendant, je ne peux pas vraiment rédiger le prochain chapitre. Peut-être vais-je vous proposer juste un cannevas pour pouvoir continuer les chapitres d'après, ou peut-être devrais-je interrompre la publication du roman pendant plusieurs mois, en attendant d'avoir écrit complètement la suite ?

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

L'ange déchu, roman historique - Page 4 Empty Re: L'ange déchu, roman historique

Message  elea Lun 14 Mar 2011 - 11:03

Oui Vincent, je pense aussi qu’une phrase suffit pour Enguerrand.

Mon petit avis sur ton dilemme : j’ai bien envie de suivre Pierre en pèlerinage et d’aller visiter un peu le Mont Saint-Michel avec lui. En général dans les romans je ne raffole pas des grosses élisions, j’ai un peu l’impression qu’on met un voile sur le personnage et qu’on m’interdit de vivre avec lui une période de sa vie, c’est frustrant. Ou alors, il faut que la suite reprenne une grosse tranche de vie de plusieurs années, ce qui ne semble pas être le cas dans ce que tu dis.

Pour le livre que tu aimerais avoir, pourquoi ne pas demander à un proche de te l’acheter et de te l’envoyer, tout simplement, plutôt que de passer par un site ou d’attendre une visite ?
Bon, évidemment, égoïstement, je préférerais la solution canevas et suite au lieu de l’interruption de plusieurs mois… mais là c’est à l’auteur de décider, selon ton envie, parce que je me dis que si tu es obnubilé par le passage que tu ne peux pas écrire pour l'instant tu seras moins disponible pour reprendre la suite sereinement.

elea

Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010

Revenir en haut Aller en bas

L'ange déchu, roman historique - Page 4 Empty Re: L'ange déchu, roman historique

Message  Louis Dim 20 Mar 2011 - 17:34

Quels terribles événements dans ce chapitre 18 !
Bernardin assassiné, Enguerrand humilié et supplicié, ce sont les plus humains des personnages qui subissent les pires violences. L’inhumain se déchaîne pour éliminer l’humain. C’est une inhumanité inquiétante, troublante, parce que paradoxalement intérieure à l’homme, présente en son sein. L’inhumanité, cette barbarie produite par la civilisation censée la combattre, au Moyen âge comme toujours, comme plus tard encore au XXème siècle, surgit dans toute son horreur, par cette recherche du bouc émissaire responsable de tous les maux et qu’il faudrait sacrifier ; par l’élimination de ceux qui constituent une menace pour la position sociale des riches et puissants ; par la manipulation des êtres sans culture et sans réflexion ; par le phénomène de masse, les foules hystériques dans lesquelles toute raison est perdue. Présence de Lucifer…
Pierre « devient humain », paradoxalement, en réaction à toute cette inhumanité qui déferle autour de lui. Il ne cède pas à la vengeance, il ne se laisse pas vaincre par les pulsions violentes. Il gagne son humanité par ce refus ; il n’a pas la faiblesse d’un infirme, mais la force d’un refus. L’humain est une victoire sans cesse à renouveler. Le personnage de Pierre illustre bien cette idée. Bravo Vincent.
Quelques remarques de langue :
« A petit coups de marteau, il rectifia le nez du Christ sur la croix » : petits
« mais pas une seule fois en sept jours il n’avait jamais envisagé » : « jamais » est en trop
« -Tu devrais changer d’avis à son sujet, Enguerrand. Il dit des choses censées, tu sais.
-Censées ? Foutre Dieu ! « Eh bien, si tu chantais en été, danse en hiver ! », en voilà une chose censée ! » : sensée et non « censée »

Louis

Nombre de messages : 458
Age : 68
Date d'inscription : 28/10/2009

Revenir en haut Aller en bas

L'ange déchu, roman historique - Page 4 Empty Re: L'ange déchu, roman historique

Message  Lucy Mar 22 Mar 2011 - 1:59

Quel soulagement en lisant : "Mais de grâce, ne me parlez pas des Piliers de la terre, je déteste !" Maintenant, je peux entamer la lecture.
On se contentera d’un petit retour sur le premier chapitre (en prenant compte des deux versions) pour le reste, j’attends d’être un peu plus avancée dans ton texte afin de ne pas rabâcher ce qui a déjà dû être relevé et pour ne pas faire remonter le sujet au détriment des autres publications que je ne peux lire pour le moment.
Je passerai sur l’orthographe, la syntaxe (désolée !) et me contenterai de donner mon ressenti sur l’ensemble en tant que lectrice d’un roman historique, en tenant compte de mes attentes et craintes et en étant la plus objective possible.
Pour "Pierre fils de la pierre" : pourquoi pas simplement "Fils de la pierre". La reprise du terme fait un peu redondante et me renvoie (là, ce n’est guère objectif…) aux blagues du genre l’âge des Pierres dans "RRRrrr" (on a la culture qu’on peut. ^^)
La seconde mouture est plus efficace en ce qui concerne l’incipit. Moins de redites de "l’enfant". Bien mieux.
L’idée de la naissance symbolique dans la pierre est bien trouvée.
Le viol : ... Vu l’époque, les mœurs, l’abbaye, mais c’est justement l’un des lieux communs (et je hais utiliser ces mots pour évoquer cela, mais…) en matière de roman historique que je réprouve le plus. Si viol il y a, en quoi cela sert-il l’histoire ? J’aime cette image que l’enfant se fait d’être "modelé", sculpté : cela est pertinent pour sa renaissance (et probablement sa future vocation ?) mais en tant que lectrice, j’aimerais qu’on n’entre pas trop dans des détails dont je me passerais volontiers, surtout lorsqu’ils mettent en scène un enfant.
Pas entièrement séduite par ta manière de conter, j'ai néanmoins suivi sans déplaisir le fil de l'histoire. Je salue les recherches et rédaction(s) qu'il a dû te falloir faire pour écrire ce texte et poursuivrai la lecture de cette histoire.


Lucy
Lucy

Nombre de messages : 3411
Age : 46
Date d'inscription : 31/03/2008

Revenir en haut Aller en bas

L'ange déchu, roman historique - Page 4 Empty Re: L'ange déchu, roman historique

Message  Lucy Jeu 24 Mar 2011 - 3:42

Mention spéciale pour la fin du chapitre 8 ! Le dernier paragraphe est un vrai régal : très visuel.
Dans l’ensemble, j’ai apprécié cette première partie. La manière dont évolue le personnage de Pierre est intéressante. Quant à Raoul, il apporte un petit supplément d’âme. Je commence à entendre des accents dans ma tête, ce qui donne des couleurs à ma lecture.
Bémol : la fin de partie, ainsi annoncée, m’a fait l’effet d’une pub télé (la suite dans un instant, ce genre-là. ^^) À mon sens, cela casse le rythme du récit.
Remarque : "les drakkars des vikings" au chapitre 5, noooon !!! Je l’avais relevé avant lecture du prologue (je n’avais pas réfléchi au fait que le roman est rédigé à "notre" époque et non au XIIème siècle) car drakkar est un terme du XIXème siècle que Pierre n’aurait pu connaître. Pourtant, dreki serait tout de même préférable pour désigner ce genre de navires (avec une petite note explicative au lecteur, au besoin) parce que drakkar… non.
Le prologue… J’aimais bien sans. C’est important pour le récit de cet autre narrateur, mais est-il utile, ce personnage ? Cependant, je ne m’étendrai pas sur la nécessité ou pas d’inclure cette histoire dans l’histoire, car il s’agit d’un point de vue purement personnel : pas fan de ce type d’entrée en matière (on m’a transmis cette histoire, alors à mon tour…)
Quant à Jumièges, pourquoi le gardien attend-il les visiteurs sur le parking ? Ne devrait-il pas être derrière la grille fermée de l’Abbaye (Toussaint oblige), de l’autre côté de la route (comme c’est normalement le cas) ?

"Comme je connais déjà le site, j’abandonne aussitôt le groupe qui s’agglutine dans l’allée centrale. Je préfère, sans le moindre regard sur la façade occidentale de l’abbatiale, longer le mur d’enceinte pour mieux la découvrir, depuis le fond du parc, dans son habit d’automne. Je prise particulièrement cette perspective : à l’image d’un vertigineux pan de mur, vestige solitaire d’une tour lanterne, qui se dresse intact, miraculeusement accroché au ciel, les ruines s’élèvent toutes verticales comme un décor de théâtre sans profondeur, laissant à l’imaginaire le soin de retracer l’autre partie invisible. Le contraste entre ces pierres épaisses, la structure compacte de l’édifice, et le vide qui l’accompagne donne une curieuse impression d’inachevé, d’illusoire."

Ça a du bon l'imagination, mais pour le lecteur qui n’y a jamais mis les pieds la "description" n’est pas assez fouillée. Il me manque un petit quelque chose à quoi me raccrocher même en l'ayant visitée de nombreuses fois, désolée.
Bref, je poursuivrai la lecture. Il y a une histoire qui se raconte et qui ne demande qu’à être lue. Bon courage pour cette aventure que tu as décidé de vivre par les mots. Transporte-nous !
Lucy
Lucy

Nombre de messages : 3411
Age : 46
Date d'inscription : 31/03/2008

Revenir en haut Aller en bas

L'ange déchu, roman historique - Page 4 Empty Re: L'ange déchu, roman historique

Message  Invité Jeu 24 Mar 2011 - 6:33

Bonjour Lucy. Je profite que le texte soit (presque) en haut pour te répondre, mais j'ai très peu de temps pour le faire. Juste te remercier et te dire qu'effectivement, je pense que tu touches du doigt ce qu'il faut absolument que je remanie : les 2 premiers chapitres et le prologue. Merci beaucoup !

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

L'ange déchu, roman historique - Page 4 Empty Re: L'ange déchu, roman historique

Message  Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Page 4 sur 4 Précédent  1, 2, 3, 4

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum