Souvenir, souvenir...

SOUVENIR

Quand les blés ont mûri quand l’été agonise
Et que notre jeunesse achève de jaunir
Il nous faut accepter que rien ne s’éternise
Mais qui peut endiguer le flot du souvenir ?

Quand nous baissons les yeux sur notre coupe vide
Où le dernier flacon achève de mourir
Nous faisons une croix sur l’ivresse torride
Mais qui peut endiguer le flot du souvenir ?

Quand du feu des amours il ne reste que cendre
Quand même s’évanouit l’ombre de nos plaisirs
Nous savons que des Cieux il nous faut redescendre
Mais qui peut endiguer le flot du souvenir ?

Quand au noir firmament d’un geste impitoyable
Une main fatidique arrête l’avenir
Chacun doit s’incliner devant l’irrévocable
Mais qui peut endiguer le flot du souvenir ?

Gobu

Bien rythmé, quelques images intéressantes mais un sujet par trop traité peut-être, même si c'est la vie qui fout le camp ;-)

salut Gobu,

Le sujet ne m'emballe pas trop, en revanche
j'ai aime le double "quand" de la première phrase.
ca donne un rythme intéressant.

amitiés.

PW

pandaworks a écrit:salut Gobu,

Le sujet ne m'emballe pas trop, en revanche
j'ai aime le double "quand" de la première phrase.
ca donne un rythme intéressant.

amitiés.

PW

Hi PW

Ouais, je sais, je sais...les souvenirs se ramassent à la pelle sur les trottoirs des lieux communs. Mais que veux-tu, au fond il n'y a selon moi qu'un seul vrai sujet de Poésie : la fuite implacable du temps. J'ai écrit celui-ci parce que dans un de mes dialogues en prose, j'avais lâché la phrase : "Mais qui peut endiguer le flot du souvenir", qui était un alexandrin. Mais je suis le premier à reconnaître que ce texte est un peu bateau.

Sinon, j'attends toujours que tu nous racontes un peu tes aventures d'ambassadeur de notre belle gastronomie chez les Fils du Ciel. J'aimerais bien en savoir un peu plus sur les bonnes choses que tu leur mijotes ! D'autant que le Fils du Ciel adore manger !

A ce propos, un de mes vieux potes, après un apprentissage pointu (chez Robuchon au Nikko, entre autres) et un échec financier (à Sète) avait fini par monter une entreprise de restauration à domicile à Saint-Barth, aux Antilles, bossant la moitié du temps sur place et l'autre moitié en Floride. J'avais retrouvé sa trace sur le Net il y a un an et demi, et j'ai voulu le contacter après notre petit échange sur la cuisine ; hélas, j'ai appris sur son site qu'il était décédé fin janvier. Il n'avait pas cinquante piges, cuisinait comme un dieu et m'avait appris des tas de belles choses, telles que les finesses de l'usage du beurre clarifié ou la vraie recette du gratin dauphinois façon Robuchon. In memoriam, Bruno.

A bientôt sur la Toile

Amitiés

Gobu

PS : Et n'oublie pas : toujours un trait d'angustura dans le TC (les Malais disent merah, c'est-à-dire rouge)

Ce sont des alexandrins comme je les aime, archi-classiques, sans la moindre fausse note, mais je sais, pour d'aucuns c'est ringard !
Et pourtant, quelle harmonie ! quelle musique ! et que c'est beau ce retour des rimes en "ir" !
Et puis le thème, le temps qui passe, les souvenirs...
Pour moi, c'est tout simplement un très, très beau poème...

Bonjour Gobu,

Raconter les bruits de casseroles, avec plaisir , mais je suis un peu court en temps .
Je vais poster prochainement un article genre "courrier des lecteurs" à propos du mythe " cuistot qui s'installe au bout du monde"
je vais essayer de faire vite à la relecture, mais c est assez pointu.

amities

PW

La mort précoce des chefs; ca c'est un thème sensible.
je vous ferais un topo la dessus.

PW

De manière générale, la forme classique de la poésie ne m'emballe pas trop donc ...

Mais ceci dit, je reconnais une belle plume et un poème "impeccable" même si j'ai préféré tes posts précédents(mais c'est uniquement une affaire de goût et pas de qualité)

Gobu a écrit:

pandaworks a écrit:salut Gobu,

Le sujet ne m'emballe pas trop, en revanche
j'ai aime le double "quand" de la première phrase.
ca donne un rythme intéressant.

amitiés.

PW

Hi PW

Ouais, je sais, je sais...les souvenirs se ramassent à la pelle sur les trottoirs des lieux communs. Mais que veux-tu, au fond il n'y a selon moi qu'un seul vrai sujet de Poésie : la fuite implacable du temps.

Le temps qui passe, seul sujet de poème ? suis pas d'accord du tout !
Bien sûr le temps qui passe ! ça va de : Oh temps suspends ton vol ! au temps des cerises, en passant par toutes les variations...
Mais il y a encore toute la gamme des sentiments : l'Amour passé, l'Amour qui dure, l'Amour promis, loupé, contrarié, déçu...
La solitude : Un inconnu vêtu de noir qui me ressemblait comme un frère...
Le souvenir : Sous le pont Mirabeau coule la Seine...
Les regrets : Je ne songeais pas à Rose...
La romance : Les sanglots longs des violons...
La tristesse : J'ai perdu ma force et ma vie...
Non, je crois que les thèmes sont infiniment variés mais je pense que la première qualité du poète est l'imagination.

Salut SJB

Tout d'abord merci pour ton commentaire élogieux. Ca fait toujours plaisir...

D'autre part, et même si je respecte infiniment ton point de vue, il me semble que tu apportes un tant soit peu de l'eau à mon moulin. Par exemple, les thèmes tels que le souvenir, les regrets, la tristesse, sont évidemment tout à fait en rapport avec cette idée fondamentale de l'impossibilité d'arrêter la fuite du temps. De fait, le souvenir constitue notre principal moyen de préserver un peu les choses que le passé a englouties, et c'est d'ailleurs pour cela que c'est un thème tellement galvaudé en Poésie. Tu parles de romance à propos des sanglots longs des violons etc...mais n'oublie pas que le poème en question parle aussi d'amours mortes.

Reste précisément l'Amour, que tu présentes comme un autre thème majeur différent de celui-ci. Cela est peut-être vrai lorsqu'il s'agit de l'Amour avec un grand tas...euh je veux dire un grand A, c'est-à-dire l'Amour éternel, qui survit justement au temps qui passe (ce qui nous ramène à nos moutons) mais il faut bien reconnaître, que dans la vie et même en Poésie, les amours elles aussi sont victimes de l'érosion du Temps. Les amants désunis et les Belles Dames du temps jadis y foisonnent.

Bien entendu, certains auteurs très imaginatifs ont réussi à faire de la Poésie sur des thèmes différents, voire triviaux. Les fabulistes, par exemple, bien que leur art relève plutôt de la satire, ou bien encore des marginaux du genre Prévert, qui était capable de broder de très jolies choses à propos d'un oeuf ou d'un quidam nommé Ducon. C'est qu'il ne faut pas confondre la forme de la poésie, qui relève du rythme, de la scansion, de la métrique, que sais-je encore, de la stylistique, et son contenu, qui relève de l'inspiration.

Borgès affirmait qu'il n'existait que deux thèmes majeurs en littérature (il y incluait la Poésie) la Connaissance et le Temps. Cette conception renvoie à l'image relativiste du monde dans laquelle un univers en trois dimensions évolue dans une quatrième, le temps. On peut parcourir les trois premières dans tous les sens, mais en ce qui concerne la dernière, hélas, on est condamné à un sens unique. On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, professait déjà Héraclite, et cet amer constat s'applique à toutes choses. La mission sacrée du Poète est de pérenniser ce qui à fui, ou qui va s'enfuir. Le reste est anecdotique...

B@T

Gobu

Félicitations pour ce superbe poème !

Le temps qui passe, thème architraité en poésie, mais est-ce pour autant une raison de l'écarter? Non, bien entendu.

Dans ce texte j'apprécie tout particulièrement cette structure bien modelée, régulière, qui met justement en avant ce rythme du temps qui passe, s'efface et ne reviendra plus. Fond et forme se marient bien.

Beaucoup de classe !

Musical, oui ; harmonieux, également. C'est ce que je retiens surtout.

Grave, Gobu, un rien amer sous l'érosion du temps ... un thème qui n'a pas fini de nous titiller et qu'on tricote avec plus ou moins de bonheur. Ici c'est tout bon et le flot coule avec une noble résignation.