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Le cimetière des retrouvailles

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Le cimetière des retrouvailles Empty Le cimetière des retrouvailles

Message  Raoulraoul Dim 11 Mar 2012 - 10:27

Le cimetière des Retrouvailles

- Alors voilà ?
- Voilà.
- C’est comme ça ?
- C’est comme ça, il répond à l’Autre.
L’Autre arrive dans le salon style Second Empire. Il y a un unique canapé au milieu du salon devant une cheminée en marbre, sur laquelle est posé un bronze de Barbedienne.
- Qu’est-ce qu’il y a derrière la porte ? demande l’Autre au domestique.
- Des chambres.
- Il n’y a pas de fenêtre ici ?
- Jamais de fenêtre, c’est inutile.
L’Autre est dubitatif, et désignant au mur un bouton électrique :
- Et ça ?
- C’est une sonnerie pour appeler. Elle ne marche pas tout le temps. Je viendrais vous voir si je l’entends.
- Ah !... Et ça ?
- C’est un vieux gramophone. Il marche. Il peut servir pour vous distraire.
Le domestique salue et se retire.
L’Autre reste seul. Méditatif, il regarde le salon, la tapisserie jaunie, le canapé usé, le gramophone, et la lumière au plafond implacable qui éblouit ce décor austère. Un miroir est fixé au-dessus de la cheminée. L’Autre y jette un regard, c’est un rictus amer qui lui est renvoyé, comme une sévère punition.
Il ne sait combien de temps s’écoule, jusqu’à ce que quelqu’un entre, introduit par le domestique. Une personne entre et elle passe devant l’Autre qui s’est assis. Une Passante qui reste debout. Une Passante qui se dit que l’Autre pourrait l’aborder. L’Autre l’aborde disant :
- Toi aussi tu es là.
La Passante ne répond pas, elle observe l’Autre.
- Viens donc te reposer un peu, dit l’Autre, montrant le canapé. Je dois te parler.
Mais la Passante ne cesse de passer devant lui, muette. L’Autre dit :
- Je t’ai beaucoup aimé tu sais.
- Menteur ! la Passante dit. Menteur ! Tu n’as jamais été capable d’aimer.
L’Autre se lève. Il enlace tendrement la Passante. Elle dit :
- Maintenant c’est trop tard !
Elle s’échappe des bras de l’Autre, elle se dirige vers le gramophone qu’elle actionne. Le disque grésille. On entend une chanson : « De chrysanthème en chrysanthème, nos amitiés sont en partance. De chrysanthème en chrysanthème, la mort potence nos dulcinées. De chrysanthème en chrysanthème, les autres fleurs font ce qu’elles peuvent… ». C’est la voix d’une femme, une célèbre chanteuse.
L’Autre s’est plongé la tête dans les mains. Puis rageusement il appuie sur la sonnette, elle ne marche pas.
La chanson défile : « De chrysanthème en chrysanthème, les hommes pleurent, les femmes pleurent. De chrysanthème en chrysanthème, chaque fois plus solitaire… ».
La Passante est assise sur la canapé, raide et intangible, elle dit :
- Je n’ai fait que passer dans ta vie, durant quarante ans. Aujourd’hui c’est trop tard.
« J’arrive, j’arrive. Mais qu’est-ce que j’aurais bien aimé encore une fois prendre un amour, comme on prend le train pour ne plus être seul. J’arrive, j’arrive. Mais qu’est-ce que j’aurais bien aimé encore une fois remplir l’étoile. Un corps qui tremble et tomber mort, brûlé d’amour, le cœur en cendre… » L’Autre écoute la voix de la chanteuse grésiller, brûler son cerveau de regrets et de remords. La Passante arrête le disque. Le pavillon du gramophone ressemble à une immense fleur de l’au-delà.
La Passante revient s’asseoir, mais l’Autre ne peut plus occuper cette place vide à côté d’elle. C’est une femme sans corps qu’il étreindrait maintenant. Quand il s’avance vers la cheminée, l’Autre dans le miroir, lui-même se voit, si grisonnant, le visage ridé, les yeux enfouis dans leur orbite, presque absents. C’est alors qu’il se laisse choir, contre la cheminée de marbre. Des minutes passent, sans respiration. L’ampoule électrique au plafond, impitoyable, éclaire la scène sinistre. Les rayures napoléoniennes de la tapisserie bavent leur humidité.
Pendant cette éternité, le domestique ouvre la porte. Il introduit quelqu’un d’autre dans le salon. L’Autre s’est redressé murmurant, bouleversé : « Ma petite ! ».
Elle rentre. Elle s’approche timidement. La Petite tient entre ses mains un minuscule sac de jeune fille. La Passante se lève, libérant le canapé. Elle dit : « Tu veux t’asseoir ? ».
La Petite semble effrayée mais elle s’assoit. L’Autre hésitant vient s’asseoir auprès de la Petite. Ils se regardent. Puis la Petite se précipitant dans les bras de l’Autre crie « Papa ! ». Ils demeurent comme ça enlacés pendant plusieurs minutes. La Passante dit :
- C’est trop tard. Notre enfant, tu l’as ignorée. Elle avait tellement besoin de toi.
L’Autre chuchote dans les cheveux de l’enfant :
- Je t’aime ma petite, je t’aime…
Mais elle se redresse et crie :
- Je ne suis plus ta petite ! J’ai vingt huit ans papa ! Je n’ai pas de métier, je me drogue et tous les matins en me réveillant je ne pense qu’à me jeter par la fenêtre de la minable mansarde où j’habite !
- Je vais m’occuper de toi maintenant, dit l’Autre.
- Trop tard ! Maintenant le mal est fait ! Tout est fini ! hurle la Passante.
- Tu vas te taire ! Je vais t’assommer !
Il bondit vers la cheminée, saisissant le bronze de Barbedienne, mais le bloc lui résiste, tout lui résiste, le bronze ne bouge pas, l’existence entière est devenue de bronze pour l’Autre, coulée en lui comme une masse indéfectible dont il ne peut plus se défaire, se démettre, se disculper. Le huis-clos devient infernal. La Passante explose de rire. La Petite pleure. Le gramophone tourne : « De chrysanthème en chrysanthème, j’arrive. Mais pourquoi moi, pourquoi maintenant, pourquoi déjà et où aller ? J’arrive bien sûr, j’arrive. N’ai-je rien fait d’autre qu’arriver ?... »
- Arrête cette chanson, je t’en supplie ! hurle l’Autre, arquebouté sur le bronze immuable.
La Passante est souveraine, elle demeure figée, l’œil inquisiteur planté sur l’Autre. Puis brutalement un personnage nouveau fait irruption dans le salon, il relève le bras du gramophone, stoppe le disque, il se présente : « C’est moi, je suis la star ! ». Stupéfaction des trois autres. C’est un homme élégant, dans la force de l’âge. Il se déplace dans le salon avec la supériorité et l’aisance des vedettes. La Passante et la Petite se sont réfugiées dans un angle de la pièce. L’Autre regarde la Star. Son incompréhension est troublante. Il cherche un regard, derrière les lunettes fumées qui voilent souvent les yeux des stars. Dans les miroir les stars s’admirent. Celle-ci s’admire, enlève ses lunettes fumées et croise dans le miroir le regard de l’Autre qui dévisage la Star dans le reflet du miroir. C’est un même regard pour deux. La Passante s’adresse à la Star :
- Qui êtes-vous ?
La Star réplique avec aplomb. Un enthousiasme considérable irrigue chacune de ses paroles.
- Les débuts ont été difficiles. Mais j’ai persévéré. J’aime mon public et il me le rend bien. L’important c’est d’y croire !
- Vous avez une femme et des enfants, demande la Passante.
- Ce n’est pas incompatible.
L’Autre est effondré dans le canapé, à côté de la Star. Les deux hommes pourraient ne faire qu’un sur le canapé, comme les deux faces d’une même monnaie. L’étrange vision pétrifie la Passante. Elle dit :
- Quand nous nous sommes connus, il y a quarante ans, toi aussi…
- Non, jamais, jamais, j’ai eu l’ambition d’une star. Tu te trompes.
- Oui, je me suis trompée pendant quarante ans, c’est ça, admet alors la Passante.
La Star demande soudain :
- Il n’y a pas de fenêtre ici ?
- Des fenêtres, pourquoi faire ? dit la Passante, pour voir au loin ? Y a plus d’avenir ici. Seuls des murs avec des papiers rongés par les cafards, et un gramophone qui ressasse des chansonnettes. Elle récite de mémoire sans chanter : « De chrysanthème en chrysanthème, j’arrive, j’arrive. Mais qu’est-ce que j’aurais bien aimé, encore une fois, voir si le fleuve est encore fleuve, voir si le port est encore port, m’voir encore… De chrysanthème en chrysanthème… » La Star poursuit la chanson, fredonnant l’air « J’arrive, j’arrive. C’est même toi qui est en avance. C’est déjà moi qui suis en r’tard. J’arrive bien sûr j’arrive. N’ai-je jamais rien fait d’autre qu’arriver ? » Dans une élan joyeux, la Passante reprend le refrain de la chanson en duo avec la Star. La Star attrape la femme par la taille pour terminer ensemble en apothéose. L’Autre écrase désespérément le bouton de la sonnette, on entend le domestique courir dans les étages, mais ses pas s’éloignent, négligeant de libérer ses clients du huis-clos infernal. Le silence retombe, pesant. Tous sont suspendus, aux aguets d’un signe de vie qui ne vient pas. La Petite est secouée de soubresauts inquiétant, recroquevillée dans un coin de la pièce. Soudain l’ampoule électrique s’éteint, plongeant le salon dans les ténèbres. Fin. Le rideau se referme. Des salves d’applaudissement crépitent dans la salle. Les acteurs, à l’avant-scène, viennent saluer. Après un moment, la Star, un peu solennel, fait une annonce : « Mesdames et messieurs, notre émotion ce soir est particulière, puisque pour la dernière fois, devant vous, nous venons de jouer cette pièce. Mais notre émotion est double ce soir, car notre camarade Pierre Rigault, en effet, a pris la décision, après cette ultime représentation, de quitter la scène définitivement. Pierre maintenant va entamer une retraite, qu’il aura enfin bien méritée. Je vous demande d’applaudir un merveilleux artiste que nous regretterons tous ; Pierre Rigault ! ».
L’Autre s’avance et salue. Les applaudissements s’intensifient. Dans la salle il y a tout un monde. Un monde que Pierre Rigault va quitter. Des amis, des collègues, des adversaires, des rivaux. Il les reconnaît tous. Pierre Rigault pourrait dire quelques mots. Tous attendraient cela de lui. Il s’approche de la rampe, lève une main. Les applaudissements faiblissent. Pierre Rigault inspire profondément, ouvre la bouche, mais un tout petit couic d’oiseau, imperceptible, fuse péniblement de sa gorge. Il s’en sort par un bref salut, maladroit et confus. Le personnage de l’Autre n’en a pas fini encore avec Pierre Rigault, son interprète.
L’artiste arrive. Au terme de sa carrière. Au terme de sa vie, l’artiste est arrivé. A la Toussaint, les proches lui apportent des fleurs, une femme passe déposer des chrysanthèmes, accompagnée d’une petite enfant de vingt huit ans. A chaque chrysanthème, Pierre Rigault a une pensée pour les vivants, de l’autre côté, qu’il aurait bien voulu aimer davantage. Dans sa retraite définitive, maintenant il traîne ses os à loisir. Il va voir couler le fleuve, il traîne sur le port, sous un soleil fixe dans un éternel été. Dans chaque chrysanthème, il y a un cœur qui tremble comme une étoile. Il est arrivé Pierre Rigault cette fois, au bout de ses peines, affranchi enfin de la comédie de la vie. Il compte les chrysanthèmes qu’on passe lui déposer, mais à celles qui passent ils leurs dit, vous aussi vous arriverez un jour, vous arriverez à me rejoindre, puisqu’on ne fait jamais rien d’autre qu’arriver. Alors, une fois ensemble arrivés, je vous aimerais. Nous aurons rien d’autre à faire qu’à nous aimer. Plus personne d’autre ne viendra nous déposer des chrysanthèmes. La Passante, la Petite et moi nous serons réunis. Quant à la Star, qu’elle chante, qu’elle joue. Une star ça brille, elle ne doit pas s’arrêter sur la tombe des morts.
Mais dans le ciel, elle monte pour eux.

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Le cimetière des retrouvailles Empty Re: Le cimetière des retrouvailles

Message  Invité Dim 11 Mar 2012 - 11:48

Tout au long de la lecture, jusqu'à ce que le rideau se ferme de manière explicite, je n'ai cessé de penser à une pièce de théatre.
J'ai beaucoup aimé ce texte avec ses accents de grande solitude entre les êtres.

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Le cimetière des retrouvailles Empty Mon moral remonte vers le zéro.

Message  ubikmagic Dim 11 Mar 2012 - 12:01

Salut,

Je me risque à corriger votre texte, malgré un ordi qui plante de plus en plus. Si vous ne me voyez pas, c'est que tout aura sauté. Essayons :

Démarre étrangement, cette histoire. On a l'impression que l'Autre est un tiers. Va falloir éclairer ça, je crois.
J'aime bien le domestique, insaisissable, et l'atmosphère surréaliste. Le gramophone m'a rappelé l'ambiance de certaines scènes du "Malpertuis" de Harry Kümel.
Mais à Sartre que je pense surtout. Du reste, vous prononcez les deux mots, plus loin, par deux fois. Est-ce voulu, ça aussi ?
Quelques petites choses qui m'ont plu ( mais j'ai peut-être mauvais goût ) :

Raoulraoul a écrit: L’Autre y jette un regard, c’est un rictus amer qui lui est renvoyé, comme une sévère punition.

Le pavillon du gramophone ressemble à une immense fleur de l’au-delà.

Les rayures napoléoniennes de la tapisserie bavent leur humidité.

le bloc lui résiste, tout lui résiste, le bronze ne bouge pas, l’existence entière est devenue de bronze pour l’Autre,

... Des choses qui me dérangent :

Raoulraoul a écrit:lui-même se voit, si grisonnant, le visage ridé, les yeux enfouis dans leur orbite, presque absents. L’ampoule électrique au plafond, impitoyable, éclaire la scène sinistre.

Serait-ce un cyclope ?

Raoulraoul a écrit:- Arrête cette chanson, je t’en supplie ! hurle l’Autre, arquebouté sur le bronze immuable.

Arc-bouté.

Raoulraoul a écrit:Celle-ci s’admire, enlève ses lunettes fumées et croise dans le miroir le regard de l’Autre qui dévisage la Star dans le reflet du miroir.

La construction est alambiquée. Faut simplifier ou trouver une autre formule.

Dans l'ensemble, belle performance. Des idées. Et la façon dont ça retombe sur ses pattes, bravo.
Cela ressemble à du théâtre, se dit-on. Puis on apprend que c'en est. Finalement, c'était l'évocation de souvenirs de théâtre. Bravo pour ces changement de réalité dans le même texte.
Une mention spéciale pour le "couic" du type qui se croit encore au bord de la scène. Et puis j'adore, finalement, cette histoire de "l'Autre", ce qui veut dire que notre acteur n'est, finalement, plus personne.

Comme disait Louis Pons, "Je me sens beaucoup mieux, ces derniers temps. Mon moral remonte vers le zéro".

Heureusement que dehors, il fait beau.

Merci pour ce texte. Vraiment intéressant.

Ubik.
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Message  Carnavale Dim 11 Mar 2012 - 13:09

La référence à Sartre est à peine voilée...
C'est bien fait mais c'est proprement du "à la manière de" mal redigéré .

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Message  Rebecca Dim 11 Mar 2012 - 14:04

Pourquoi mal redigéré ?
Oups on ne commente pas les commentaires.
Je trouve ce "à la manière de " trés réussi car il est aussi chiant que l'original :-)))
Maintenant j'ai du lire Huis clos il y a trente cinq ans et surement pas en entier ... c'était chiant dans mon souvenir, cousu de fil blanc, démonstratif, légèrement hystérique ... peut être y trouverai je aujourd'hui des subtilités qui m'échappèrent qui sait ...hum...non tu me prouves que je ne tiendrai pas plus d'une page de ce style...amidonné...
J'aime bien raoul raoul les défis que tu te lances, les contraintes que tu t'imposes, et comme j'adore en général les pastiches...
Maintenant ayant trés peu lu,après celui ci dont la thématique est immédiatement reconnaissable et celui de Duras ( dont les tics d'écriture sont faciles à reconnaitre ) , je ne risque plus de reconnaitre grand monde, n'ayant pas beaucoup plus de deux auteurs à mon tableau de chasse :-)

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Message  Invité Dim 11 Mar 2012 - 15:19

Sartre, évidemment. Et Brel, donc !
Un peu déçue à la première lecture : c'est bien fichu, mais je trouve que ça manque de conviction, malgré une bonne dose de dérision.
Deuxième lecture : la mise en abyme me saute à l'entendement. C'est habile et excellent. Comme toujours.

Il y a ça et là deux ou trois fautes, je ne les ai pas relevées. Et ceci, avec à mon avis la précision inutilement explicative : "Le personnage de l’Autre n’en a pas fini encore avec Pierre Rigault, son interprète. ".

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Message  Raoulraoul Lun 19 Mar 2012 - 14:43

Bien sûr "Huis clôs" plusieurs fois de Sartre en citation, dans mon texte. Mais en effet, et surtout, le clin d'oeil appuyé à la chanson de Brel "J'arrive". Bravo encore une fois à Easter, qui a débusqué cette source. D'ailleurs l'idée de ce texte m'est venue exclusivement de cette chanson que j'ai entendue pour la première fois récemment chantée par Gréco. J'ai repris textuellement des passages de cette chanson que j'ai détournée et mis en scène dans cette nouvelle sur les thèmes du remord et du rachat après la mort... (donc au "cimetière des retrouvailles" heureuses...)
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