La comédie sur-humaine
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Orakei
Rebecca
AleK
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La comédie sur-humaine
Voila, je livre a vos griffes acéré l'intro d'un de mes romans.
Ce n'est pas un exercice de style, ici je veux raconter une histoire, une longue histoire, j'aimerai avoir un avis sur la forme et le fond, sur les possible lourdeur.
Je "vise" un lectorat large - je pense que le préciser est nécessaire.
le roman est très documenté, mais je n'ai pas voulu faire crouler le lecteur sous les info, ici l'intro est light en fait historique.
"L'intelligence n'a d'égal que le pouvoir de suggestion". C'était par cette maxime que le professeur Grégoire Antonin débutait ses cours magistraux. Il adaptait généralement à loisir suivant l'actualité ou ses propres réflexions. Jamais homme de science n'avait été autant méprisé et renié par ses pairs. Il évoluait tellement à la limite de l'hérésie scientifique que son enseignement était distillé dans un bâtiment isolé, à deux niveaux, comportant un petit amphithéâtre au rez-de-chaussée et un vaste bureau à l'étage.
Son module d'enseignement portait un titre ronflant, "Science médico-parapsychologie". En bon scientiste convaincu, je me refusai à un jugement hâtif sur la personne du professeur. Mes premiers contacts avec lui furent impersonnels, noyés dans la faible masse de ses étudiants. Les critiques que j'avais lues sur cet homme et ses préceptes dont mes confrères se gaussaient furent vite oubliés tant sa prestance était grande. Il n'avait rien d'un bonimenteur, sa stature était haute, il parlait d'une voix grave, pleine d'emphase et ne cherchait pas à séduire, mais à enseigner. Ses propos n'avaient rien d'extravagant d'un premier abord, ils se voulaient posés et logiques, aucunement les sujets farfelus souvent rapportés lorsqu'on évoquait les théories du professeur.
A l'époque, en 1893, j'étais un nouvel entrant dans le laboratoire de zététique de Nice, mon ancien et regretté directeur de thèse au collège de France, Ernest
Ranan venait de nous quitter, non sans m'avoir recommandé à son confrère de Nice. Je versais alors dans le scientisme absolu, profondément sceptique, j'avais déjà eu l'occasion de me faire remarquer grâce à mon esprit d'analyse et à une affaire relevant de la mystification des plus primaires, habilement travestie.
Eugène Laurant était un bel homme, charmeur. C'était également un homme se présentant comme télékinésiste, qui nous démontrait son talent à l'aide de jonglerie. Le tour était rodé, assez spectaculaire. Il arrivait à jongler avec des petites billes d'acier sans les toucher. Et finissait en se faisant léviter. L'affaire était plutôt simple mais elle fit grand bruit ; des confrères reconnus et expérimentés ne purent mettre en doute un tel don.
Mon mentor, de son mouroir, m'envoya voir Monsieur Laurant, il ne pouvait se résoudre à partir en laissant cette énigme en suspens.
Je fus reçu seul au théâtre. On me plaça dans une salle de spectacle, on m'interdit de me lever pendant la durée de la démonstration. Les précautions me rendirent logiquement suspicieux. Eugène entra d'un pas leste, j'eus le sourire aux lèvres pendant une bonne partie de sa prestation, tellement les concepts simples peuvent devenir extraordinaires en les drapant d'une aura mystérieuse. Les prestidigitateurs n'avaient pas encore envahi l'hexagone et nous n'étions que peu à connaître les ballets des Frères Hanlon, mais un ami m'avait raconté comment une bicyclette semblait flotter à travers la scène, grâce à des petits câbles métalliques rendus invisibles par le fond et le décor.
Je ne suis pas à proprement parler timide, introspectif, on me dit réservé, mais je ne m'interdis aucune astuce pour arriver à mes fins lorsque le besoin s'en fait sentir. J'intervins lors de son salut à la foule invisible et à moi, en l'occurrence. Je me levai prestement, et applaudis avec élan, risquant des bravos sonores, dans cette salle déserte. J'avais soupçonné un ego démesuré à ce charlatan, en témoignaient les affiches rouge et or qui le présentaient aux quatre coins de la capitale. J'obtins l'effet voulu ; un sourire intrigué et satisfait, la tension et la méfiance disparues rapidement de son visage.
J'avançai dans l'allée, on m'avait placé à quelques sièges de la scène, et toujours applaudissant énergiquement, je m'approchai sensiblement d'Eugène. J'eus la chance de le trouver assez décontenancé pour le voir ne pas réagir lorsque je lui tendis une main admirative, son premier réflexe fut de me tendre la sienne et il ne put la retirer à temps. Je le saisis par un de ses gants, qu'il n'avait pas quitté et sentis immédiatement un objet solide à travers le cuir. Ces plaques de métal aimantées lui permettaient de repousser les billes d'aciers, avec un peu de dextérité, on peut les diriger assez correctement et parfaire l'illusion.
Le visage Eugène Laurant passa par diverses couleurs, du blanc livide de l'état de choc au rouge cramoisi de la colère. Il y eut des tentatives d'explication, des mensonges, des menaces, des promesses. Mais je ne répondis rien et le laissai là, rubicond et honteux. Ernest Ranan mourut peu de temps après ma visite, il parut soulagé des résultats de mon investigation, mais je perçus également chez lui une pointe de tristesse, comme s'il avait désiré secrètement une conclusion plus extraordinaire.
Peu après ces événements et en raison de mon jeune age, Pierre Duhem, le directeur du Laboratoire de zététique, me confia une mission. Elle consistait à assister aux cours du professeur Antonin, caché dans l'assistance, et à définir la dangerosité de ses enseignements. Je me perdis donc quelques semaines dans la foule estudiantine, allant jusqu'à goûter une oisiveté qui m'avait été refusée lors de mes propres études.
Ce n'est pas un exercice de style, ici je veux raconter une histoire, une longue histoire, j'aimerai avoir un avis sur la forme et le fond, sur les possible lourdeur.
Je "vise" un lectorat large - je pense que le préciser est nécessaire.
le roman est très documenté, mais je n'ai pas voulu faire crouler le lecteur sous les info, ici l'intro est light en fait historique.
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Où nous apprenons que la magie n'est pas de ce monde
Où nous apprenons que la magie n'est pas de ce monde
"L'intelligence n'a d'égal que le pouvoir de suggestion". C'était par cette maxime que le professeur Grégoire Antonin débutait ses cours magistraux. Il adaptait généralement à loisir suivant l'actualité ou ses propres réflexions. Jamais homme de science n'avait été autant méprisé et renié par ses pairs. Il évoluait tellement à la limite de l'hérésie scientifique que son enseignement était distillé dans un bâtiment isolé, à deux niveaux, comportant un petit amphithéâtre au rez-de-chaussée et un vaste bureau à l'étage.
Son module d'enseignement portait un titre ronflant, "Science médico-parapsychologie". En bon scientiste convaincu, je me refusai à un jugement hâtif sur la personne du professeur. Mes premiers contacts avec lui furent impersonnels, noyés dans la faible masse de ses étudiants. Les critiques que j'avais lues sur cet homme et ses préceptes dont mes confrères se gaussaient furent vite oubliés tant sa prestance était grande. Il n'avait rien d'un bonimenteur, sa stature était haute, il parlait d'une voix grave, pleine d'emphase et ne cherchait pas à séduire, mais à enseigner. Ses propos n'avaient rien d'extravagant d'un premier abord, ils se voulaient posés et logiques, aucunement les sujets farfelus souvent rapportés lorsqu'on évoquait les théories du professeur.
A l'époque, en 1893, j'étais un nouvel entrant dans le laboratoire de zététique de Nice, mon ancien et regretté directeur de thèse au collège de France, Ernest
Ranan venait de nous quitter, non sans m'avoir recommandé à son confrère de Nice. Je versais alors dans le scientisme absolu, profondément sceptique, j'avais déjà eu l'occasion de me faire remarquer grâce à mon esprit d'analyse et à une affaire relevant de la mystification des plus primaires, habilement travestie.
Eugène Laurant était un bel homme, charmeur. C'était également un homme se présentant comme télékinésiste, qui nous démontrait son talent à l'aide de jonglerie. Le tour était rodé, assez spectaculaire. Il arrivait à jongler avec des petites billes d'acier sans les toucher. Et finissait en se faisant léviter. L'affaire était plutôt simple mais elle fit grand bruit ; des confrères reconnus et expérimentés ne purent mettre en doute un tel don.
Mon mentor, de son mouroir, m'envoya voir Monsieur Laurant, il ne pouvait se résoudre à partir en laissant cette énigme en suspens.
Je fus reçu seul au théâtre. On me plaça dans une salle de spectacle, on m'interdit de me lever pendant la durée de la démonstration. Les précautions me rendirent logiquement suspicieux. Eugène entra d'un pas leste, j'eus le sourire aux lèvres pendant une bonne partie de sa prestation, tellement les concepts simples peuvent devenir extraordinaires en les drapant d'une aura mystérieuse. Les prestidigitateurs n'avaient pas encore envahi l'hexagone et nous n'étions que peu à connaître les ballets des Frères Hanlon, mais un ami m'avait raconté comment une bicyclette semblait flotter à travers la scène, grâce à des petits câbles métalliques rendus invisibles par le fond et le décor.
Je ne suis pas à proprement parler timide, introspectif, on me dit réservé, mais je ne m'interdis aucune astuce pour arriver à mes fins lorsque le besoin s'en fait sentir. J'intervins lors de son salut à la foule invisible et à moi, en l'occurrence. Je me levai prestement, et applaudis avec élan, risquant des bravos sonores, dans cette salle déserte. J'avais soupçonné un ego démesuré à ce charlatan, en témoignaient les affiches rouge et or qui le présentaient aux quatre coins de la capitale. J'obtins l'effet voulu ; un sourire intrigué et satisfait, la tension et la méfiance disparues rapidement de son visage.
J'avançai dans l'allée, on m'avait placé à quelques sièges de la scène, et toujours applaudissant énergiquement, je m'approchai sensiblement d'Eugène. J'eus la chance de le trouver assez décontenancé pour le voir ne pas réagir lorsque je lui tendis une main admirative, son premier réflexe fut de me tendre la sienne et il ne put la retirer à temps. Je le saisis par un de ses gants, qu'il n'avait pas quitté et sentis immédiatement un objet solide à travers le cuir. Ces plaques de métal aimantées lui permettaient de repousser les billes d'aciers, avec un peu de dextérité, on peut les diriger assez correctement et parfaire l'illusion.
Le visage Eugène Laurant passa par diverses couleurs, du blanc livide de l'état de choc au rouge cramoisi de la colère. Il y eut des tentatives d'explication, des mensonges, des menaces, des promesses. Mais je ne répondis rien et le laissai là, rubicond et honteux. Ernest Ranan mourut peu de temps après ma visite, il parut soulagé des résultats de mon investigation, mais je perçus également chez lui une pointe de tristesse, comme s'il avait désiré secrètement une conclusion plus extraordinaire.
Peu après ces événements et en raison de mon jeune age, Pierre Duhem, le directeur du Laboratoire de zététique, me confia une mission. Elle consistait à assister aux cours du professeur Antonin, caché dans l'assistance, et à définir la dangerosité de ses enseignements. Je me perdis donc quelques semaines dans la foule estudiantine, allant jusqu'à goûter une oisiveté qui m'avait été refusée lors de mes propres études.
Re: La comédie sur-humaine
J'ai trouvé le sujet clair et bien exposé.
Pour ce qui est de la forme, la construction de cette phrase m'a posé problème :
Ses propos n'avaient rien d'extravagant d'un premier abord, ils se voulaient posés et logiques, aucunement les sujets farfelus souvent rapportés lorsqu'on évoquait les théories du professeur.
J'aurais peut-être mis : différents en tout des sujets farfelus ...
Pour ce qui est de la forme, la construction de cette phrase m'a posé problème :
Ses propos n'avaient rien d'extravagant d'un premier abord, ils se voulaient posés et logiques, aucunement les sujets farfelus souvent rapportés lorsqu'on évoquait les théories du professeur.
J'aurais peut-être mis : différents en tout des sujets farfelus ...
Invité- Invité
Re: La comédie sur-humaine
J'aime bien apprendre en lisant, c'est le cas ici ; d'entrée, je tombe sur la "zététique" que je ne connaissais pas, cru d'abord au fruit de l'imagination du narrateur mais Wikipedia m'a expliqué.
Pour le moment, ce que j'ai lu me plaît et m'intéresse, ma première impression est favorable, ne serait-ce cette pléthore de "je je je je" ; il doit y avoir moyen de changer d'angle de narration.
Une petite erreur de langue ci :
Ses propos n'avaient rien d'extravagant d'un premier abord, "au")
Et une question : la comédie sur humaine ou surhumaine (autrement dit, l'espace est-elle un choix ou non ? Il est possible via la Modération de changer le titre si nécessaire).
Pour le moment, ce que j'ai lu me plaît et m'intéresse, ma première impression est favorable, ne serait-ce cette pléthore de "je je je je" ; il doit y avoir moyen de changer d'angle de narration.
Une petite erreur de langue ci :
Ses propos n'avaient rien d'extravagant d'un premier abord, "au")
Et une question : la comédie sur humaine ou surhumaine (autrement dit, l'espace est-elle un choix ou non ? Il est possible via la Modération de changer le titre si nécessaire).
Invité- Invité
Re: La comédie sur-humaine
Une trés bonne intro, je trouve et un sujet intéressant et divertissant.
L'écriture est agréable mais attention aux répétitions et lourdeurs : ici, deux fois la même tournure à intervalles trés rapprochés:
Il n'avait rien d'un bonimenteur, sa stature était haute, il parlait d'une voix grave, pleine d'emphase et ne cherchait pas à séduire, mais à enseigner. Ses propos n'avaient rien d'extravagant
Ici, pléthore de "était" banalisant le propos et qu'on pourrait aisément remplacer, ce qui en plus rythmerait mieux la narration:
Eugène Laurant était un bel homme, charmeur. C'était également un homme se présentant comme télékinésiste, qui nous démontrait son talent à l'aide de jonglerie. Le tour était rodé, assez spectaculaire. Il arrivait à jongler avec des petites billes d'acier sans les toucher. Et finissait en se faisant léviter. L'affaire était plutôt simple mais elle fit grand bruit ; des confrères reconnus et expérimentés ne purent mettre en doute un tel don.
Exemple de texte remanié en ne laissant qu'un verbe être :
Eugène Laurent était un bel homme, charmeur. Il se présentait comme télékinésiste, et nous démontrait son talent à l'aide de jonglerie. Son tour bien rodé se révélait assez spectaculaire. Il arrivait à jongler avec des petites billes d'acier sans les toucher. Et finissait en se faisant léviter. L'affaire, plutôt simple, fit grand bruit ; des confrères reconnus et expérimentés ne purent mettre en doute un tel don.
A bientôt de te lire encore.
L'écriture est agréable mais attention aux répétitions et lourdeurs : ici, deux fois la même tournure à intervalles trés rapprochés:
Il n'avait rien d'un bonimenteur, sa stature était haute, il parlait d'une voix grave, pleine d'emphase et ne cherchait pas à séduire, mais à enseigner. Ses propos n'avaient rien d'extravagant
Ici, pléthore de "était" banalisant le propos et qu'on pourrait aisément remplacer, ce qui en plus rythmerait mieux la narration:
Eugène Laurant était un bel homme, charmeur. C'était également un homme se présentant comme télékinésiste, qui nous démontrait son talent à l'aide de jonglerie. Le tour était rodé, assez spectaculaire. Il arrivait à jongler avec des petites billes d'acier sans les toucher. Et finissait en se faisant léviter. L'affaire était plutôt simple mais elle fit grand bruit ; des confrères reconnus et expérimentés ne purent mettre en doute un tel don.
Exemple de texte remanié en ne laissant qu'un verbe être :
Eugène Laurent était un bel homme, charmeur. Il se présentait comme télékinésiste, et nous démontrait son talent à l'aide de jonglerie. Son tour bien rodé se révélait assez spectaculaire. Il arrivait à jongler avec des petites billes d'acier sans les toucher. Et finissait en se faisant léviter. L'affaire, plutôt simple, fit grand bruit ; des confrères reconnus et expérimentés ne purent mettre en doute un tel don.
A bientôt de te lire encore.
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: La comédie sur-humaine
Je suis d'accord avec le message précédent. C'est une bonne intro dans l'ensemble, j'ai accroché et eu envie d'en lire davantage. Par contre j'ai tiqué sur quelques formulations un peu faciles du genre "Je ne suis pas à proprement parler timide...". Je trouve ça un peu pataud comme formule. De plus, on a l'impression avec cette phrase (qui se termine sur "...introspectif, on me dit réservé, mais je ne m'interdis aucune astuce pour arriver à mes fins lorsque le besoin s'en fait sentir.") que tu veux tout nous dire d'un seul coup sur la psychologie du personnage. En fait, je pense que c'est contre-productif parceque le lecteur a l'impression à cet instant de savoir à peu-près tout et à peu-près rien du personnage
Mais dans l'ensemble j'ai pris du plaisir à te lire !
Mais dans l'ensemble j'ai pris du plaisir à te lire !
Références.
Hello,
Fidèle à mon habitude, refusant de lire les commentaires précédents pour ne pas me faire influencer, quitte à répéter ce que mes estimés collègues ont dit avant moi ( me voilà à employer un ton tout à fait dans l'esprit du texte ), voici mes impressions en première lecture ( j'allais presque dire : en première instance ) :
J'ignore la signification ni même l'existence du mot "zététique". Si ce mot existe, il me fait l'effet, en attendant, d'être aussi bidon que celui de "scientologie".
Peu importe. Passons.
Passons aussi sur les fautes d'orthographe, puisque vous vous êtes expliqué à ce propos.
Reste le fond :
On pense beaucoup à ce film, "L'illusionniste". On pense aussi à Caleb Carr. Et à Conan Doyle également.
Ce sont pour moi de bonnes, d'excellentes références.
Il y a là les ingrédients pour une superbe histoire, passionnante, foisonnante, dont j'attends la suite avec une gourmandise anticipée.
Ubik.
Fidèle à mon habitude, refusant de lire les commentaires précédents pour ne pas me faire influencer, quitte à répéter ce que mes estimés collègues ont dit avant moi ( me voilà à employer un ton tout à fait dans l'esprit du texte ), voici mes impressions en première lecture ( j'allais presque dire : en première instance ) :
J'ignore la signification ni même l'existence du mot "zététique". Si ce mot existe, il me fait l'effet, en attendant, d'être aussi bidon que celui de "scientologie".
Peu importe. Passons.
Passons aussi sur les fautes d'orthographe, puisque vous vous êtes expliqué à ce propos.
Reste le fond :
On pense beaucoup à ce film, "L'illusionniste". On pense aussi à Caleb Carr. Et à Conan Doyle également.
Ce sont pour moi de bonnes, d'excellentes références.
Il y a là les ingrédients pour une superbe histoire, passionnante, foisonnante, dont j'attends la suite avec une gourmandise anticipée.
Ubik.
Re: La comédie sur-humaine
Ça promet d'être intéressant. Trop tôt, pour ma part, pour être happée dans l'histoire, mais je pense suivre la suite de ce roman, si elle se présente.
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: La comédie sur-humaine
la suite du chapitre donc, évidemment toute les remarques précédente sont noté et les changement seront effectué dans la prochaine version. A préciser que ces épisodes ont été écrit a chaud, sous forme de feuilleton, publié sur un blog toute les 2 semaines.
* *
Où Edmond s'invente une nouvelle vie.
Où Edmond s'invente une nouvelle vie.
Je me prêtais donc au jeu de l'étudiant issu d'une riche famille, oisif et nonchalant. Un rôle que je peaufinais afin de rendre crédible ma légère différence d'age. Je passais mes soirées avec un rassemblement de romantiques, soliloquant des phrases incompréhensibles et abusant de la fée verte. Je ne trempais que rarement mes lèvres dans l'absinthe, connaissant ses effets à long terme sur le cerveau pour avoir étudié certains cas à la Salpêtrière. En revanche, un soir, où mes amis saluaient dignement le départ de Maupassant, j'abusai volontiers d'un cru bordelais épargné par l'invasion phylloxera, ces insectes dévoreurs de vignes qui dévastaient les récoltes depuis plusieurs années. Ce fut donc d'un pas mal assuré que je me présentai au cours du Professeur Antonin le lendemain matin.
Je choisis par bonheur un siège en hauteur, loin de la lumière des fenêtres, blessant mes yeux fatigués. Par bonheur, dis-je, car un homme se tenait aux côtés du professeur. Il le dépassait d'une bonne tête, sa blondeur et ses yeux bleus ne pouvaient renier leurs origines slaves. Il portait une tenue sobre, complet veston surmonté d'une blouse blanche, il avait la mine sombre, les cheveux plaqués sans doute à l'huile de macassar, une moustache fournie cachait sa bouche. Il avait le caractère de son apparence, peu enclin au discours mais particulièrement consciencieux. Lorsqu'on creusait un peu sous le vernis, on y trouvait un homme inventif et agréable, capable du plus grand sérieux sur des choses anodines, leur donnant un aspect de nouveauté. J'avais passé bon nombres d'heures à parcourir les couloirs de la clinique, le suivant de près, l'écoutant les rares fois qu'il daignait s'adresser à moi. Il s'appelait Joseph Babinski, Médecin des Hôpitaux et protégé de Jean Martin Charcot.
Sa présence ne m'étonnait pas outre mesure, ses études menées avec Charcot sur le cerveau, l'hypnose et l'hystérie, faisaient référence. En revanche, ma présence en cette salle risquait fort de l'étonner, je m'avachis sur la chaise, évitant à tout prix son regard perçant.
Son exposé portait sur ses travaux de l'époque, les inflexions du système nerveux grâce à l'hypnose. J'écoutai d'une oreille distraite sa voix de baryton nous exposer l'importance d'un diagnostique neurologique dans la recherche d'une pathologie. L'hystérie semblait prendre une grande part dans ses recherches, il la définissait aussi précisément que l'époque le lui permettait, comme des phénomènes pithiatiques pouvant être reproduits par la suggestion. Il nous présentait ensuite l'ouvrage de Paul Briquet, le traité de l'hystérie, qui recensait les cas d'hystérie, les décrivait comme presque exclusivement féminins, héréditaires, et touchant une classe sociale très modeste. Il avança aussi en conclusion, en citant Platon:
- « L'utérus est un animal qui désire engendrer des enfants. Lorsqu'il demeure stérile trop longtemps après la puberté, il devient inquiet et, s'avançant à travers le corps et coupant le passage à l'air, il gêne la respiration, provoque de grandes souffrances et toutes espèces de maladies ».
Il se figea après cette phrase, il semblait observer un étudiant.
-Pouvez vous faire profiter l'assemblée de vos réflexions, Mademoiselle... ? commença Joseph, d'un ton d'instituteur sévère.
-Mlle Glaisette, Docteur Babinski, fit une voix d'un coup forte, teinte d'une pointe de rage contenue. Je me faisai la réflexion que cette phrase allait bien mieux dans la bouche d'un pédéraste mort depuis 2000 ans que dans celle d'un médecin de la salpêtrière.
Un silence gêné se fit entendre, tout le monde dans la salle connaissait Eugénie. Une féministe avant que la société ne les désigne comme telle, elle était une des premières femmes étudiantes, elle participait à de nombreux modules, passant des sciences appliquées à la littérature. Toujours en pantalon, elle narguait la loi en poussant une bicyclette ; je ne l'avais pourtant jamais vue chevaucher l'engin. Elle était fort agréable à regarder, ce qui semblait l'irriter au plus haut point, tant les attentions de ses camarades étudiants étaient prévenantes et pressantes.
Joseph partit d'un de ses rires carillonnant, faisant sursauter le premier rang de l'assistance.
- Et bien jeune fille, je plains votre futur mari, s'il a le malheur de vous contrarier. Mais j'avoue la pertinence de votre remarque. »
Je ne me penchai pas pour entrevoir la réaction d'Eugénie, craignant que ce mouvement soit capté par l'oeil toujours alerte de Joseph. Un éclat de rire partit des voisins d'Eugénie, elle qui était une habituée des répliques cinglantes avait dû trouver un mot d'esprit adéquat. Je profitai de la fin du cours et du mur formé par mes camarades interpellant Joseph pour sortir sans attirer l'attention. Je me trouvais juste derrière Eugénie, qui tirait vers elle les poignées de sa bicyclette. Je pressai le pas et me retrouvai à ses cotés.
- Excusez-moi, mademoiselle, aurais-je l'impudence de vous demander une chose ?
Elle se tourna vers moi. un air dédaigneux déformait une bouche fine et des yeux clairs. Elle me toisa proprement, sans doute ma fausse identité ne convenait pas à ses valeurs.
- Que voulez-vous ? Sachez que je ne suis pas ici pour trouver un galant.
- Loin de moi cette idée ! », lançai-je, sans doute inconsciemment j'aurais voulu la contrarier plus que de raison, voyant sa façon de se rendre supérieure à ces hommes bestiaux qui l'entouraient. « Je désirai juste connaître votre réponse au Docteur Babinski, d'où je me trouvais, je ne l'avais pas entendue.
- Ho, fit-elle en rougissant. J'ai simplement répondu que mon mari n'aurait que faire de mon caractère, si bien occupé qu'il serait à palier le peu de cas que j'apporte au ménage et aux convenances. »
Elle me laissait là, sur ces paroles si résolument modernes, intrinsèquement porteuses de l'hérésie sociétaire qui sera tellement en vogue au début du vingtième siècle. Ce jour-là, je commençai à l'admirer, même si je ne lui enviais pas sa force de conviction, car je me targue de faire de la mienne un choix de vie. Ce ne fut que quelques temps plus tard que l'admiration céda à la passion et enfin à la haine.
Je choisis par bonheur un siège en hauteur, loin de la lumière des fenêtres, blessant mes yeux fatigués. Par bonheur, dis-je, car un homme se tenait aux côtés du professeur. Il le dépassait d'une bonne tête, sa blondeur et ses yeux bleus ne pouvaient renier leurs origines slaves. Il portait une tenue sobre, complet veston surmonté d'une blouse blanche, il avait la mine sombre, les cheveux plaqués sans doute à l'huile de macassar, une moustache fournie cachait sa bouche. Il avait le caractère de son apparence, peu enclin au discours mais particulièrement consciencieux. Lorsqu'on creusait un peu sous le vernis, on y trouvait un homme inventif et agréable, capable du plus grand sérieux sur des choses anodines, leur donnant un aspect de nouveauté. J'avais passé bon nombres d'heures à parcourir les couloirs de la clinique, le suivant de près, l'écoutant les rares fois qu'il daignait s'adresser à moi. Il s'appelait Joseph Babinski, Médecin des Hôpitaux et protégé de Jean Martin Charcot.
Sa présence ne m'étonnait pas outre mesure, ses études menées avec Charcot sur le cerveau, l'hypnose et l'hystérie, faisaient référence. En revanche, ma présence en cette salle risquait fort de l'étonner, je m'avachis sur la chaise, évitant à tout prix son regard perçant.
Son exposé portait sur ses travaux de l'époque, les inflexions du système nerveux grâce à l'hypnose. J'écoutai d'une oreille distraite sa voix de baryton nous exposer l'importance d'un diagnostique neurologique dans la recherche d'une pathologie. L'hystérie semblait prendre une grande part dans ses recherches, il la définissait aussi précisément que l'époque le lui permettait, comme des phénomènes pithiatiques pouvant être reproduits par la suggestion. Il nous présentait ensuite l'ouvrage de Paul Briquet, le traité de l'hystérie, qui recensait les cas d'hystérie, les décrivait comme presque exclusivement féminins, héréditaires, et touchant une classe sociale très modeste. Il avança aussi en conclusion, en citant Platon:
- « L'utérus est un animal qui désire engendrer des enfants. Lorsqu'il demeure stérile trop longtemps après la puberté, il devient inquiet et, s'avançant à travers le corps et coupant le passage à l'air, il gêne la respiration, provoque de grandes souffrances et toutes espèces de maladies ».
Il se figea après cette phrase, il semblait observer un étudiant.
-Pouvez vous faire profiter l'assemblée de vos réflexions, Mademoiselle... ? commença Joseph, d'un ton d'instituteur sévère.
-Mlle Glaisette, Docteur Babinski, fit une voix d'un coup forte, teinte d'une pointe de rage contenue. Je me faisai la réflexion que cette phrase allait bien mieux dans la bouche d'un pédéraste mort depuis 2000 ans que dans celle d'un médecin de la salpêtrière.
Un silence gêné se fit entendre, tout le monde dans la salle connaissait Eugénie. Une féministe avant que la société ne les désigne comme telle, elle était une des premières femmes étudiantes, elle participait à de nombreux modules, passant des sciences appliquées à la littérature. Toujours en pantalon, elle narguait la loi en poussant une bicyclette ; je ne l'avais pourtant jamais vue chevaucher l'engin. Elle était fort agréable à regarder, ce qui semblait l'irriter au plus haut point, tant les attentions de ses camarades étudiants étaient prévenantes et pressantes.
Joseph partit d'un de ses rires carillonnant, faisant sursauter le premier rang de l'assistance.
- Et bien jeune fille, je plains votre futur mari, s'il a le malheur de vous contrarier. Mais j'avoue la pertinence de votre remarque. »
Je ne me penchai pas pour entrevoir la réaction d'Eugénie, craignant que ce mouvement soit capté par l'oeil toujours alerte de Joseph. Un éclat de rire partit des voisins d'Eugénie, elle qui était une habituée des répliques cinglantes avait dû trouver un mot d'esprit adéquat. Je profitai de la fin du cours et du mur formé par mes camarades interpellant Joseph pour sortir sans attirer l'attention. Je me trouvais juste derrière Eugénie, qui tirait vers elle les poignées de sa bicyclette. Je pressai le pas et me retrouvai à ses cotés.
- Excusez-moi, mademoiselle, aurais-je l'impudence de vous demander une chose ?
Elle se tourna vers moi. un air dédaigneux déformait une bouche fine et des yeux clairs. Elle me toisa proprement, sans doute ma fausse identité ne convenait pas à ses valeurs.
- Que voulez-vous ? Sachez que je ne suis pas ici pour trouver un galant.
- Loin de moi cette idée ! », lançai-je, sans doute inconsciemment j'aurais voulu la contrarier plus que de raison, voyant sa façon de se rendre supérieure à ces hommes bestiaux qui l'entouraient. « Je désirai juste connaître votre réponse au Docteur Babinski, d'où je me trouvais, je ne l'avais pas entendue.
- Ho, fit-elle en rougissant. J'ai simplement répondu que mon mari n'aurait que faire de mon caractère, si bien occupé qu'il serait à palier le peu de cas que j'apporte au ménage et aux convenances. »
Elle me laissait là, sur ces paroles si résolument modernes, intrinsèquement porteuses de l'hérésie sociétaire qui sera tellement en vogue au début du vingtième siècle. Ce jour-là, je commençai à l'admirer, même si je ne lui enviais pas sa force de conviction, car je me targue de faire de la mienne un choix de vie. Ce ne fut que quelques temps plus tard que l'admiration céda à la passion et enfin à la haine.
Bravo !
... Faisons abstraction une fois de plus de l'orthographe ; Oublions une ou deux formules un peu ampoulées...
Et quoi ?
Eh bien je me suis régalé, dans cet univers Steampunk. On s'y serait cru. C'était... palpable. Description et observation des personnages impeccable.
Et ça, pour moi, ça veut dire : bravo !
Ubik.
Et quoi ?
Eh bien je me suis régalé, dans cet univers Steampunk. On s'y serait cru. C'était... palpable. Description et observation des personnages impeccable.
Et ça, pour moi, ça veut dire : bravo !
Ubik.
Re: La comédie sur-humaine
Je ne sais pas si tout est à prendre pour argent comptant, en tout cas c'est plaisant à lire, chaleureux, vu du côté humain plutôt que de l'aridité scientifique, quoique le sujet ici évoqué me passionne. En ce qui concerne la forme, je ne sais pas si c'est justifié, j'ai eu l'impression d'une narration un peu hachée.
Ça suit donc, bien volontiers.
Ça suit donc, bien volontiers.
Invité- Invité
Re: La comédie sur-humaine
Z'ai trouvé l'arrivée dans le récit d'Eugène Laurants un peu abrupte (ze dis ze parce que zé des tics: -)))). Sinon le reste a été dit. Bien aimé la première partie. je lirais la seconde plus tard parce que j'ai la flegme.
Invité- Invité
Re: La comédie sur-humaine
* * *
Où Edmond fait la connaissance de ses futurs compagnons d'aventure.
Où Edmond fait la connaissance de ses futurs compagnons d'aventure.
Cela faisait maintenant plusieurs semaines que je suivais les cours de Grégoire Antonin. Loin d'être inintéressantes, ses théories étaient néanmoins consensuelles et n'apportaient rien de nouveau. Mes derniers rapports envoyés au laboratoire allaient en ce sens. Je me laissai la première semaine du second semestre pour conclure cette première investigation peu passionnante.
Quelques jours avant mon départ, le professeur me fit demander. J'étais plutôt intrigué par cette convocation, je ne lui connaissais pas cette habitude, préférant apostropher un étudiant en plein cours. Une méthode que je réprouvais, prenant cela pour de la lâcheté, je me suis vite rendu compte qu'il s'agissait plus d'une forme d'humiliation publique. L'étudiant se trouvait bien souvent mis en faute, face aux regards de ses pairs, il pouvait au plus bredouiller quelques mots. Bien évidemment certaines personnes échappaient à la règle, Eugénie en l'occurrence. Antonin avait fait l'erreur de l'apostropher sèchement, il avait reçu en retour, et pendant de longues minutes, une diatribe bien rodée sur la suffisance masculine dans les sciences.
Lorsque j'entrai dans le bureau, je pus constater que je n'étais pas le seul à intéresser le professeur. Il avait regroupé trois des étudiants les plus hauts en couleurs de son cours. Miss Glaisette s'était postée près de la fenêtre, une main négligemment glissée dans une poche de son pantalon. Vladimir était assis sur un des fauteuils, lustrant sa fine moustache de ses doigts délicats, l'air grave et pensif en bon marxiste. A côté de lui, un pétillant jeune noble, avec qui j'avais déjà échangé quelques propos, Henry de La Vaulx.
Le professeur frappa dans ses mains en me voyant, il se tenait à son bureau, visiblement en plein préambule.
- Ha ! Voilà donc le quatrième membre du groupe, je vais pouvoir enfin entrer dans le vif du sujet. Voyez-vous messieurs, et mademoiselle, fit-il après une légère hésitation qui fit pincer les douces lèvres d'Eugénie, vous n'êtes pas sans connaître les sujets de mon module, peut être avez-vous été déçus de la mollesse de mes propos, du manque d'audace de mes théories. On vous avait sans doute préparés à des découvertes pionnières sur l'esprit humain.
Il fit une pause, et observa son effet. Ses yeux avaient un pouvoir assurément hypnotique, et une ombre de gêne passait sur mes trois compagnons qui soutenaient son regard.
- Bref, continua-t-il, cela importe peu car je voulais avant tout choisir et prendre la mesure de mes futurs assistants. En fait, je me suis assuré en vous choisissant qu'aucune information préjudiciable à mon projet ne filtrerait. Je vous l'expliquerai individuellement plus tard. Avant le « pourquoi vous ? », je vais aborder le « pourquoi des assistants » ? Il faut savoir que je travaille sur des sujets vivants, qu'il me faut les observer à toute heure du jour et de la nuit, que leur nombre croissant ne me permet plus de passer autant de temps qu'il m'est nécessaire à leur étude. J'ai donc besoin de personnes compétentes, qui puissent faire preuve d'analyse, d'initiative et d'ouverture d'esprit. Ce sera je l'espère, une charge peu ingrate, vous serez au contact de mes sujets d'expérience et d'une façon d'aborder la médecine qui révolutionnera le vingtième siècle. Et je trouve cela plutôt réducteur, car ma découverte, ou plutôt ma thérapie, trouvera des implications dans tous les actes du quotidien, du plus anodin au plus conséquent.
Je voyais l'oeil de Vladimir s'allumer, il devait extrapoler quelques théories prolétaires ou égalitaires. La bouche d'Henry se fendait d'un sourire moqueur, persuadé certainement que le discours hyperbolique du professeur nous amènerait à un coup d'épée dans l'eau. Il se gaussait bien des avantages au quotidien, se présentant comme l'aventurier ultime, l'homme qui braverait les territoires vierges et sauvages. Pour Eugenie, tant que le professeur ne parlerait pas d'une amélioration de la qualité de vie des femmes, son intérêt pour cette réunion ne serait pas palpable. J'essayai pour ma part de cacher les prémices d'une excitation scientifique derrière un masque de désinvolture.
- Je vais parler à Mr Oulianov, je verrai les autres dans les jours à venir.
Nous nous apprêtions à sortir et à laisser Vladimir avec Antonin. Énormément de questions restaient sans réponses.
-« Après Mr Oulianov, nous apostropha-t-il une dernière fois, j'aimerais m'entretenir avec mademoiselle Glaisette, puis monsieur le Comte de La Vauxc. Je garderai Monsieur Sigognac pour la fin.
Sa façon de prononcer mon nom d'emprunt me fit tiquer, mais je préférai mettre cela de côté. Jamais il ne m'aurait convié dans un groupe de recherche s'il avait eu un doute sur mon identité. J'étais fixé quelques jours plus tard, lorsque qu'effectivement il m'expliqua nombre d'expériences fabuleuses, et qu'il me fit la démonstration de l'efficience d'une telle découverte.
Comme un rien.
C'est très bien et finement observé, comme toujours. Mais on n'y apprend guère plus. Peut-être aurait-il fallu mettre un extrait plus long ? Cela a filé comme un rien - compliment, en passant. Prouve que la chose est fluide et volatile. Mais à la sortie, qu'en reste-t-il ?
Enfin, du coup, on attend d'autres morceaux... C'est une bonne technique, en fait !
Ubik.
Enfin, du coup, on attend d'autres morceaux... C'est une bonne technique, en fait !
Ubik.
Re: La comédie sur-humaine
Alek, c'est bien écrit, agréable à lire et tout,mais c'est un univers qui m'est totalement étranger et auquel je n'accroche pas. Désolée.
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: La comédie sur-humaine
J'aime bien la façon d'observer les personnages, une espèce de distance teintée d'humour ; j'attends donc de voir ce qui va se passer maintenant.
Une remarque de forme, avec la lourdeur des deux participes présents ici : "J'étais plutôt intrigué par cette convocation, je ne lui connaissais pas cette habitude, préférant apostropher un étudiant en plein cours. Une méthode que je réprouvais, prenant cela pour de la lâcheté"
Une remarque de forme, avec la lourdeur des deux participes présents ici : "J'étais plutôt intrigué par cette convocation, je ne lui connaissais pas cette habitude, préférant apostropher un étudiant en plein cours. Une méthode que je réprouvais, prenant cela pour de la lâcheté"
Invité- Invité
Re: La comédie sur-humaine
Idem Easter (et Island itou) avec en plus :
une virgule est habituellement préférable après Bien évidemment puisqu’il s’agit d’un complément en début de phrase.Bien évidemment certaines personnes échappaient à la règle
: ÀA côté de lui
: Vousvous serez au contact de mes
: comteComte de La Vauxc
: lorsque effectivementlorsque qu'effectivement
Invité- Invité
Re: La comédie sur-humaine
Je commente déjà le premier texte. Je me suis aperçu après sa lecture que tu nous nous avais posté le bouquin entier à la suite, ça fait un peu trop de boulot pour moi (surtout le jour du Seigneur), j'y reviendrai plus tard.
Ce texte me rappelle un film – Le prestige – que j’ai vu il y a quelque années, où il est question de deux jeunes amis, étudiant les ficelles dans l’art du doute, qui scrutent et cherchent à percer des secrets en matière d'illusionnisme.
Alek, félicitation d’abord pour l’orthographe. Je n’ai trouvé que deux fautes dans ce texte (comme quoi en faisant des efforts, tu y arrives).
Orthographe et grammaire :
Grégoire Antonin débutait ses cours magistraux => le verbe débuter est intransitif, il faut choisir un autre verbe (commencer, entamer…) ou une autre formulation.
Les critiques que j'avais lues sur cet homme et ses préceptes dont mes confrères se gaussaient furent vite oubliés => on parle des critiques, donc ées
Peu après ces événements et en raison de mon jeune age => si tu ne mets pas d’accent circonflexe sur âge, on va confondre avec « Partie de la charrue destinée à transmettre au corps de l'instrument le mouvement qui lui est donné. L'age est horizontal ou incliné, droit ou courbe. » Littré
Sur la narration, un point n’a pas été immédiatement limpide pour moi : on commence à parler des cours du professeur Grégoire Antonin, le narrateur nous indique ensuite qu’en 1893, il était nouvel entrant dans le laboratoire de zététique de Nice, et que Ernest Ranan l’avait recommandé à son confrère de Nice. Je crois alors comprendre que ce confrère est le professeur Antonin. Vient immédiatement après, et sans transition, Eugène Laurant.
En fait, la transition existe mais non probante : j'avais déjà eu l'occasion de me faire remarquer grâce à mon esprit d'analyse et à une affaire relevant de la mystification des plus primaires, habilement travestie.
À mon avis, il manque juste une petite information qui nous permettrait de faire le lien de façon naturelle entre « l’affaire » et le nouveau personnage qui surgit.
qui nous démontrait son talent à l'aide de jonglerie => je ne suis pas convaincu par « à l’aide » car il démontre ses talents de jongleur télékinésiste ; je ne sais pas si on peut démontrer des talents à l’aide de jonglerie, à l’aide de musique, à l’aide de littérature, à l’aide de cinéma etc. Dans tous les cas, la matière qui « aide » se trouve être la démonstration elle-même.
Je ne suis pas à proprement parler timide, introspectif, on me dit réservé……
Ici, j’aurais mis un point après timide car on se trouve dans une suite de propositions, or la première est une négation tandis que les deux autres sont des affirmations. Ici, la construction est telle que l’on comprend : « je ne suis pas timide, ni introspectif… », il faut donc scinder :
« Je ne suis pas à proprement parler timide. Introspectif, on me dit réservé… »
En définitive, la lecture de ton texte, Alek, m’est facile car tout est clair et cela me donne l’envie d’en savoir plus sur ce personnage narrateur dont on ne connaît encore le nom.
À +
________________
Ce texte me rappelle un film – Le prestige – que j’ai vu il y a quelque années, où il est question de deux jeunes amis, étudiant les ficelles dans l’art du doute, qui scrutent et cherchent à percer des secrets en matière d'illusionnisme.
Alek, félicitation d’abord pour l’orthographe. Je n’ai trouvé que deux fautes dans ce texte (comme quoi en faisant des efforts, tu y arrives).
Orthographe et grammaire :
Grégoire Antonin débutait ses cours magistraux => le verbe débuter est intransitif, il faut choisir un autre verbe (commencer, entamer…) ou une autre formulation.
Les critiques que j'avais lues sur cet homme et ses préceptes dont mes confrères se gaussaient furent vite oubliés => on parle des critiques, donc ées
Peu après ces événements et en raison de mon jeune age => si tu ne mets pas d’accent circonflexe sur âge, on va confondre avec « Partie de la charrue destinée à transmettre au corps de l'instrument le mouvement qui lui est donné. L'age est horizontal ou incliné, droit ou courbe. » Littré
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Sur la narration, un point n’a pas été immédiatement limpide pour moi : on commence à parler des cours du professeur Grégoire Antonin, le narrateur nous indique ensuite qu’en 1893, il était nouvel entrant dans le laboratoire de zététique de Nice, et que Ernest Ranan l’avait recommandé à son confrère de Nice. Je crois alors comprendre que ce confrère est le professeur Antonin. Vient immédiatement après, et sans transition, Eugène Laurant.
En fait, la transition existe mais non probante : j'avais déjà eu l'occasion de me faire remarquer grâce à mon esprit d'analyse et à une affaire relevant de la mystification des plus primaires, habilement travestie.
À mon avis, il manque juste une petite information qui nous permettrait de faire le lien de façon naturelle entre « l’affaire » et le nouveau personnage qui surgit.
qui nous démontrait son talent à l'aide de jonglerie => je ne suis pas convaincu par « à l’aide » car il démontre ses talents de jongleur télékinésiste ; je ne sais pas si on peut démontrer des talents à l’aide de jonglerie, à l’aide de musique, à l’aide de littérature, à l’aide de cinéma etc. Dans tous les cas, la matière qui « aide » se trouve être la démonstration elle-même.
Je ne suis pas à proprement parler timide, introspectif, on me dit réservé……
Ici, j’aurais mis un point après timide car on se trouve dans une suite de propositions, or la première est une négation tandis que les deux autres sont des affirmations. Ici, la construction est telle que l’on comprend : « je ne suis pas timide, ni introspectif… », il faut donc scinder :
« Je ne suis pas à proprement parler timide. Introspectif, on me dit réservé… »
En définitive, la lecture de ton texte, Alek, m’est facile car tout est clair et cela me donne l’envie d’en savoir plus sur ce personnage narrateur dont on ne connaît encore le nom.
À +
Pascal-Claude Perrault- Nombre de messages : 5422
Age : 64
Localisation : Paris, ah Paris, ses ponts, ses monuments et ses merdes de chiens !
Date d'inscription : 20/02/2012
Re: La comédie sur-humaine
* * * *
Où l'odeur du thé délie les langues.
Où l'odeur du thé délie les langues.
Nous avions prévu de nous retrouver tous les quatre, les protégés d'Antonin, à une table du café de la commune. Peu de gens le fréquentait, la réputation du lieu restait furieusement anarchique, nous ne nous attendions pas à croiser un autre étudiant. Le choix de l'établissement revenait à Vladimir. Il se proclamait très nostalgique de cette période d'insurrection, bien qu'il ne l'eût évidemment pas connu. Henry décida de la boisson, il commanda des bières Moritz, encore totalement inconnues dans la capitale. D'après les dires du comte, la veuve Klein du VI brassait le houblon honorablement. Nous attendions nos chopes lorsque Eugénie sortie une blague a tabac et commença à rouler un long et fin cylindre. Après quelques bouffées, je fus interpellé par l'odeur entêtante de la cigarette. Voyant mon regard intrigué elle déclara :
-C'est du Keemun, très répandu chez mes amies anglaises, elles le fument à leur « Five O'Clock », d'ailleurs elles le boivent également de temps à autre.
-Elles le boivent ? M'enquerrai-je.
-Oui, c'est une sorte de Thé noir très parfumé, et également très doux en gorge.
-Fumer du Thé, répliquai-je, cela me semble plutôt désuet.
-Il se trouve, Monsieur, me fit-elle d'un air offusqué, que c'est là le tout dernier raffinement féminin britannique.
-Fumisterie ! Lança Vladimir, son accent roulant et son sourire appuyant le comique de sa réplique. L'élitiste fera tout pour se démarquer de la masse prolétaire, jusqu'à leur prendre leurs vieilles dépendances. Les fermiers chinois et les importateurs occidentaux fumaient le thé voilà des siècles. En Russie mes compatriotes préfèrent le mélange slave, parfumé au Jasmin.
Eugénie écrasa son mégot à peine entamé ; comme je l'avais remarqué à plusieurs reprises, elle n'aimait pas être prise en faute, voire gentiment rabrouée sur des sujets futiles.
-Allons Mademoiselle Eugénie, commença doucement Henry, qui avait visiblement des vues romantiques sur elle. Il ne faut pas prendre la mouche de la sorte lorsqu'on vous lance une pique. On risquerait de vous prendre pour une personne bien superficielle, finit-il en pouffant, anéantissant toute chance de réponse à ses galanteries futures.
-Je passerai donc outre. Mais si vous me comparez à un bovidé dans l'arène, simplement capable de taper du sabot, sachez que le rouge ne m'excite guère, et celui qui apparaît sur votre visage me laisse bien froide.
Henry, qui devenait effectivement écarlate, ouvrit la bouche pour répliquer. Je coupai court à ce duel de bons mots, et demandai à Vladimir :
-Pouvez vous maintenant, s'il vous plaît, nous entretenir de votre rencontre avec le professeur ?
-Et bien camarade, je n'ai pas le loisir de vous faire part des détails. D'ailleurs, j'ai bien peur que je ne puisse simplement pas vous parler du projet. Je connais les raisons qui me font rejoindre le professeur. Il me semble évident que vous y participerez, je me doute des bénéfices futurs pour Mademoiselle Eugénie et le Comte. Je m'interroge juste sur votre cas, Sigognac, conclut-t-il en me regardant d'un air mi-interrogatif, mi-méprisant.
-Je ne peux l'expliquer, me défendais-je, je ne suis pas quelqu'un d'aussi passionné que vous, je n'ai pas d'idéaux aussi extrêmes et novateurs, peut-être voulait-il un assistant plus indolent, moins prompt à juger les autres. Si ses expériences portent sur des sujets humains, mes connaissances en relations sociales peuvent être fortement utiles.
-Vous ne pouvez pas imaginer ce qui pourrait être utile au projet, répliqua Vladimir, les yeux brillants.
-Si on avait la moindre idée de ce dont vous parlez, s'enflamma Eugénie, peut être pourrions-nous nous enthousiasmer d'une pareille façon.
-Je ne peux pas, et vous le comprendrez demain, vous révéler la moindre chose à ce propos. J'ai sans doute fait une erreur en venant à ce rendez-vous inopportun.
Vladimir se leva, et quitta la table sans plus de cérémonie. Nous échangeâmes des regards. Personne ne réengagea la conversation pendant de nombreuses minutes. Nous savourions le houblon en silence. Eugénie roula une nouvelle cigarette de thé et l'alluma en frottant une allumette d'un geste vif sur le coin de la table.
-Vous êtes aussi curieux que moi, engagea enfin la demoiselle.
-J'avoue, répondit Henry, que bien des suppositions me passent en tête…
Il s'ensuivit une soirée très prolixe, où beaucoup de possibilités furent abordées. Mais aucune, fussent-elles délirantes, ne s'approchèrent réellement de la vérité.
-C'est du Keemun, très répandu chez mes amies anglaises, elles le fument à leur « Five O'Clock », d'ailleurs elles le boivent également de temps à autre.
-Elles le boivent ? M'enquerrai-je.
-Oui, c'est une sorte de Thé noir très parfumé, et également très doux en gorge.
-Fumer du Thé, répliquai-je, cela me semble plutôt désuet.
-Il se trouve, Monsieur, me fit-elle d'un air offusqué, que c'est là le tout dernier raffinement féminin britannique.
-Fumisterie ! Lança Vladimir, son accent roulant et son sourire appuyant le comique de sa réplique. L'élitiste fera tout pour se démarquer de la masse prolétaire, jusqu'à leur prendre leurs vieilles dépendances. Les fermiers chinois et les importateurs occidentaux fumaient le thé voilà des siècles. En Russie mes compatriotes préfèrent le mélange slave, parfumé au Jasmin.
Eugénie écrasa son mégot à peine entamé ; comme je l'avais remarqué à plusieurs reprises, elle n'aimait pas être prise en faute, voire gentiment rabrouée sur des sujets futiles.
-Allons Mademoiselle Eugénie, commença doucement Henry, qui avait visiblement des vues romantiques sur elle. Il ne faut pas prendre la mouche de la sorte lorsqu'on vous lance une pique. On risquerait de vous prendre pour une personne bien superficielle, finit-il en pouffant, anéantissant toute chance de réponse à ses galanteries futures.
-Je passerai donc outre. Mais si vous me comparez à un bovidé dans l'arène, simplement capable de taper du sabot, sachez que le rouge ne m'excite guère, et celui qui apparaît sur votre visage me laisse bien froide.
Henry, qui devenait effectivement écarlate, ouvrit la bouche pour répliquer. Je coupai court à ce duel de bons mots, et demandai à Vladimir :
-Pouvez vous maintenant, s'il vous plaît, nous entretenir de votre rencontre avec le professeur ?
-Et bien camarade, je n'ai pas le loisir de vous faire part des détails. D'ailleurs, j'ai bien peur que je ne puisse simplement pas vous parler du projet. Je connais les raisons qui me font rejoindre le professeur. Il me semble évident que vous y participerez, je me doute des bénéfices futurs pour Mademoiselle Eugénie et le Comte. Je m'interroge juste sur votre cas, Sigognac, conclut-t-il en me regardant d'un air mi-interrogatif, mi-méprisant.
-Je ne peux l'expliquer, me défendais-je, je ne suis pas quelqu'un d'aussi passionné que vous, je n'ai pas d'idéaux aussi extrêmes et novateurs, peut-être voulait-il un assistant plus indolent, moins prompt à juger les autres. Si ses expériences portent sur des sujets humains, mes connaissances en relations sociales peuvent être fortement utiles.
-Vous ne pouvez pas imaginer ce qui pourrait être utile au projet, répliqua Vladimir, les yeux brillants.
-Si on avait la moindre idée de ce dont vous parlez, s'enflamma Eugénie, peut être pourrions-nous nous enthousiasmer d'une pareille façon.
-Je ne peux pas, et vous le comprendrez demain, vous révéler la moindre chose à ce propos. J'ai sans doute fait une erreur en venant à ce rendez-vous inopportun.
Vladimir se leva, et quitta la table sans plus de cérémonie. Nous échangeâmes des regards. Personne ne réengagea la conversation pendant de nombreuses minutes. Nous savourions le houblon en silence. Eugénie roula une nouvelle cigarette de thé et l'alluma en frottant une allumette d'un geste vif sur le coin de la table.
-Vous êtes aussi curieux que moi, engagea enfin la demoiselle.
-J'avoue, répondit Henry, que bien des suppositions me passent en tête…
Il s'ensuivit une soirée très prolixe, où beaucoup de possibilités furent abordées. Mais aucune, fussent-elles délirantes, ne s'approchèrent réellement de la vérité.
Tu t'avances masqué.
Là encore, tu t'avances masqué. Tu dis sans rien révéler. Tu joues le suspense.
Attention, il ne faut pas trop pratiquer ce genre de choses : le lecteur, s'il n'a pas un os à ronger de temps en temps, se désintéresse.
Attention aussi au premier paragraphe : fautes, et tournures bizarres. Relis. Ou fais relire par ta précieuse... collaboratrice !
Autre chose : qui dit quoi à qui ? Gérer les dialogues. Epineux, quand il a plusieurs personnes.
Sinon, style agréable. Evidemment, je lirai la suite.
Ubik.
Attention, il ne faut pas trop pratiquer ce genre de choses : le lecteur, s'il n'a pas un os à ronger de temps en temps, se désintéresse.
Attention aussi au premier paragraphe : fautes, et tournures bizarres. Relis. Ou fais relire par ta précieuse... collaboratrice !
Autre chose : qui dit quoi à qui ? Gérer les dialogues. Epineux, quand il a plusieurs personnes.
Sinon, style agréable. Evidemment, je lirai la suite.
Ubik.
Re: La comédie sur-humaine
J'ai cette impression également de n'avoir pas de prise sur le texte ; autant au début j'ai aimé la narration détachée qui permet d'observer en retrait, autant là, je commence à sentir que cette position risque de devenir ennuyeuse au bout d'un moment.
Sinon, j'ai trouvé que les personnages viraient un peu à la caricature au début de cet extrait (Vladimir et Eugénie), le trait me paraît trop lourd.
Et que l'avant-dernière phrase faisait remplissage, genre devoir d'école, surtout le "beaucoup de possibilités furent abordées. " qui n'évoque rien de tangible au lecteur. Non plus d'ailleurs que le "une soirée très prolixe"
Sinon, j'ai trouvé que les personnages viraient un peu à la caricature au début de cet extrait (Vladimir et Eugénie), le trait me paraît trop lourd.
Et que l'avant-dernière phrase faisait remplissage, genre devoir d'école, surtout le "beaucoup de possibilités furent abordées. " qui n'évoque rien de tangible au lecteur. Non plus d'ailleurs que le "une soirée très prolixe"
Invité- Invité
Re: La comédie sur-humaine
Dernière partie du premier chapitre.
* * * * *
Où le professeur fait une confidence.
Où le professeur fait une confidence.
Je me présentais de nouveau à l'étage du bâtiment de sciences médico parapsychiques. Il m'avait été impossible d'entrer en contact avec mes nouveaux compagnons depuis leurs entretiens avec le professeur.
C'était plus curieux qu'inquiet que j'ouvrai la porte à l’invitation d'Antonin. Je le trouvai derrière son bureau, il me regarda d'un sourire complice.
-Ah ! Edmond Gautier, depuis le temps que j'entends parler de vous ! Asseyez-vous, nous pourrons cesser ce petit jeu de cache-cache et attaquer directement une conversation sur des sujets qui risquent d'être très difficilement concevables pour vous.
Je ne répondis rien, supposant qu'il ne pourrait résister à la tentation de me révéler comment il m'avait démasqué.
-Je ne me doutais de rien avant l'intervention de notre connaissance commune. Babinsky vous a reconnu dans l'assistance et m'a confié votre véritable identité, que j'ai recoupée facilement avec votre nom d'emprunt.
Mon grand-père Théophile avait effectivement écrit un roman qui prenait pour héros un certain Justinien de Sigognac, aussi appelé le Capitaine Fracasse. J'avais sous-estimé la culture littéraire des universitaires scientifiques. Je m'en trouvai légèrement contrit et vexé, mais je n'eus pas le temps de me plonger dans les affres des reproches. Il me vint la question dont la réponse aurait dissipé les zones d'ombres de la situation.
-Pourquoi avez-vous joué le jeu ? Pourquoi ne m'avez-vous pas prié de partir ?
-Mais voyons, vous veniez débusquer des imposteurs, vous vouliez trouver une supercherie ! Mais ici, il n'y en a pas, j'oserais même avancer que votre présence me ravit, elle me permettra à terme, de prouver au monde l'authenticité de ma découverte.
Je ne trouvai rien à répondre, la logique se tenait, mais je restai très sceptique quant-à la réalité de ses propos.
-Vous savez Edmond ; je me permets de vous appeler Edmond, nous sommes confrères après tout. Mais il est très difficile pour moi d'aborder avec vous un sujet aussi complexe. La physique est en complète évolution depuis près de 20 ans, des chercheurs tendent à prouver la non-immuabilité des choses. Je ne sais vraiment pas par où commencer. Vous savez que nous sommes constitués d'atomes, et que toute cette masse était déjà présente au début des temps. Je pense qu'à l'origine nous ne formions qu'un tout. Une dispersion fragmentaire a créé l'univers que l'on connaît. Je vois que vous faîtes les gros yeux ; en tant que scientiste, vous réfutez la thèse de la religion comme genèse de l'humanité, mais ne vous fermez pas aux explications non vérifiables. Il y a quelques années, aurions-nous pensé faire de la lumière à partir du néant ? Aujourd'hui, des chercheurs ont créé des lampes qui produisent de la lumière avec du gaz et cela sans combustion !
C'était déroutant de voir le professeur aussi exalté, je sentais qu'il essayait de se contenir, d'organiser ses arguments, mais cela restait chaotique.
-Je ne vois pas trop où vous voulez en venir Monsieur.
-Excusez moi cher confrère, je n'ai pas l'habitude d'exposer les choses de la sorte. Partez du postulat que nous sommes un tout, fait d'énergie. Théoriquement les transferts d'énergie sont possibles par de multiples interactions. Vous acceptez aisément le passage de l'état liquide à l'état gazeux de l'eau par simple chauffe. Et bien imaginez par exemple le passage de simples grains de sable en un mur de silicium par la simple volonté d'une personne. Le transfert d'énergie n'est pas plus complexe. Nous avons pu déterminer un processus viable pour faire évoluer certaines pathologies de la sorte. Nous avons guéri des hystériques et même des tuberculeux.
-Vous parlez d'hypnose ? D'une façon de suggérer au corps qu'il n'est pas malade et de faire disparaître simplement la maladie ?
-C'est un peu cela effectivement, mais c'est plus complexe et bien plus ambitieux. Nous pourrions en discuter des heures sans trouver le moindre argument théorique qui vous convaincrait.
-Je ne détiens pas la vérité universelle, mais j'ose dire que je suis sur la voie. Ses yeux brillaient, il ne semblait pas fanfaronner et n'avait sans doute pas l'impression d'avoir lancé une hyperbole présomptueuse.
-Je vais vous emmener sur votre futur lieu de travail, ne vous inquiétez pas, je vous présenterai le projet sans fard, libre à vous d'en faire part à vos supérieurs. Mon laboratoire se situe un peu en dehors de Paris, dans un manoir au calme. Mon cab nous attend, venez, comme dirait mon ami Lewis, passons de l'autre coté du miroir !
C'était plus curieux qu'inquiet que j'ouvrai la porte à l’invitation d'Antonin. Je le trouvai derrière son bureau, il me regarda d'un sourire complice.
-Ah ! Edmond Gautier, depuis le temps que j'entends parler de vous ! Asseyez-vous, nous pourrons cesser ce petit jeu de cache-cache et attaquer directement une conversation sur des sujets qui risquent d'être très difficilement concevables pour vous.
Je ne répondis rien, supposant qu'il ne pourrait résister à la tentation de me révéler comment il m'avait démasqué.
-Je ne me doutais de rien avant l'intervention de notre connaissance commune. Babinsky vous a reconnu dans l'assistance et m'a confié votre véritable identité, que j'ai recoupée facilement avec votre nom d'emprunt.
Mon grand-père Théophile avait effectivement écrit un roman qui prenait pour héros un certain Justinien de Sigognac, aussi appelé le Capitaine Fracasse. J'avais sous-estimé la culture littéraire des universitaires scientifiques. Je m'en trouvai légèrement contrit et vexé, mais je n'eus pas le temps de me plonger dans les affres des reproches. Il me vint la question dont la réponse aurait dissipé les zones d'ombres de la situation.
-Pourquoi avez-vous joué le jeu ? Pourquoi ne m'avez-vous pas prié de partir ?
-Mais voyons, vous veniez débusquer des imposteurs, vous vouliez trouver une supercherie ! Mais ici, il n'y en a pas, j'oserais même avancer que votre présence me ravit, elle me permettra à terme, de prouver au monde l'authenticité de ma découverte.
Je ne trouvai rien à répondre, la logique se tenait, mais je restai très sceptique quant-à la réalité de ses propos.
-Vous savez Edmond ; je me permets de vous appeler Edmond, nous sommes confrères après tout. Mais il est très difficile pour moi d'aborder avec vous un sujet aussi complexe. La physique est en complète évolution depuis près de 20 ans, des chercheurs tendent à prouver la non-immuabilité des choses. Je ne sais vraiment pas par où commencer. Vous savez que nous sommes constitués d'atomes, et que toute cette masse était déjà présente au début des temps. Je pense qu'à l'origine nous ne formions qu'un tout. Une dispersion fragmentaire a créé l'univers que l'on connaît. Je vois que vous faîtes les gros yeux ; en tant que scientiste, vous réfutez la thèse de la religion comme genèse de l'humanité, mais ne vous fermez pas aux explications non vérifiables. Il y a quelques années, aurions-nous pensé faire de la lumière à partir du néant ? Aujourd'hui, des chercheurs ont créé des lampes qui produisent de la lumière avec du gaz et cela sans combustion !
C'était déroutant de voir le professeur aussi exalté, je sentais qu'il essayait de se contenir, d'organiser ses arguments, mais cela restait chaotique.
-Je ne vois pas trop où vous voulez en venir Monsieur.
-Excusez moi cher confrère, je n'ai pas l'habitude d'exposer les choses de la sorte. Partez du postulat que nous sommes un tout, fait d'énergie. Théoriquement les transferts d'énergie sont possibles par de multiples interactions. Vous acceptez aisément le passage de l'état liquide à l'état gazeux de l'eau par simple chauffe. Et bien imaginez par exemple le passage de simples grains de sable en un mur de silicium par la simple volonté d'une personne. Le transfert d'énergie n'est pas plus complexe. Nous avons pu déterminer un processus viable pour faire évoluer certaines pathologies de la sorte. Nous avons guéri des hystériques et même des tuberculeux.
-Vous parlez d'hypnose ? D'une façon de suggérer au corps qu'il n'est pas malade et de faire disparaître simplement la maladie ?
-C'est un peu cela effectivement, mais c'est plus complexe et bien plus ambitieux. Nous pourrions en discuter des heures sans trouver le moindre argument théorique qui vous convaincrait.
-Je ne détiens pas la vérité universelle, mais j'ose dire que je suis sur la voie. Ses yeux brillaient, il ne semblait pas fanfaronner et n'avait sans doute pas l'impression d'avoir lancé une hyperbole présomptueuse.
-Je vais vous emmener sur votre futur lieu de travail, ne vous inquiétez pas, je vous présenterai le projet sans fard, libre à vous d'en faire part à vos supérieurs. Mon laboratoire se situe un peu en dehors de Paris, dans un manoir au calme. Mon cab nous attend, venez, comme dirait mon ami Lewis, passons de l'autre coté du miroir !
A la Jules Verne.
Hello,
Attention, des maladresses et effets de répétitions, surtout dans le premier paragraphe.
Sinon, j'avoue que cette atmosphère fin dix-neuvième siècle me plait bien, surtout dans un contexte scientifique et aventurier. Tout cela me fait penser à Jules Verne - même si je sens que tu vas répondre que je suis à côté complètement - peu importe.
Bon, là encore, tu avances tes pions avec parcimonie. Attention : le lecteur peut s'en lasser.
Voilà. J'ai apprécié. Je lirai volontiers encore des fragments de cette ambitieuse entreprise.
Ubik.
Attention, des maladresses et effets de répétitions, surtout dans le premier paragraphe.
Sinon, j'avoue que cette atmosphère fin dix-neuvième siècle me plait bien, surtout dans un contexte scientifique et aventurier. Tout cela me fait penser à Jules Verne - même si je sens que tu vas répondre que je suis à côté complètement - peu importe.
Bon, là encore, tu avances tes pions avec parcimonie. Attention : le lecteur peut s'en lasser.
Voilà. J'ai apprécié. Je lirai volontiers encore des fragments de cette ambitieuse entreprise.
Ubik.
Re: La comédie sur-humaine
Je passe dire que je suis toujours les péripéties.
Il me semble, mais c'est juste une impression, que le narrateur est bien soudainement démasqué, je veut dire dans la chronologie et le déroulé du récit - une façon assez abrupte de présenter la chose sans qu'on y soit préparé. Je suis curieuse de voir ce que cette découverte entraîne.
Autrement, rien à dire de mon côté sur la forme.
Il me semble, mais c'est juste une impression, que le narrateur est bien soudainement démasqué, je veut dire dans la chronologie et le déroulé du récit - une façon assez abrupte de présenter la chose sans qu'on y soit préparé. Je suis curieuse de voir ce que cette découverte entraîne.
Autrement, rien à dire de mon côté sur la forme.
Invité- Invité
La Comédie sur-humaine Chap2
le premier chapitre est complet et morcelé ici :
http://www.vosecrits.com/t11322-la-comedie-sur-humaine
http://www.vosecrits.com/t11322-la-comedie-sur-humaine
Chapitre 2
Juvisy
*
Où Edmond découvre un lieu peu commun.
Juvisy
*
Où Edmond découvre un lieu peu commun.
Le Cab tressautait sur la route cahoteuse de Juvisy, Le professeur trépignait sur son siège, espiègle comme un jeune enfant.
Il n'avait pu s'empêcher de me dévoiler quelques secrets sur le laboratoire. Situé sur l'observatoire astronomique et la demeure de Camille Flammarion. J'avouai le connaître plus pour ses regrettables penchants spiritistes que pour ses recherches astronomiques, ce qui fit sourire le professeur, qui ne prit pas la peine de lancer un débat sur le sujet. Il me parla des origines de ce lieu étrange.
-A l'origine auberge puis relais de poste, on y vit passer nombre de têtes couronnées jusqu'au « Père la Violette », Napoléon en personne, qui y apprit la dissolution de son empire. Les prussiens s'intéressèrent à ce manoir-auberge et en firent une de leurs résidences pendant l'occupation de 1870. Lorsqu'il retrouva sa demeure, le propriétaire fut tellement désemparé de retrouver ses jardins dévastés qu'il légua le tout à mon ami Flammarion. Et depuis 1883, c'est sa demeure et son observatoire.
-… et votre laboratoire, conclus-je.
- Pas vraiment, les pièces qu'occupent mes études ne sont pas à proprement parler dans l'observatoire, mais plutôt en dessous et dans le jardin. La raison pour laquelle les prussiens ont dévasté le jardin ornemental n'était pas que purement gratuite. Ils eurent comme projet de créer un complexe pour leur état-major.
Je ne demandai rien d'autre, préférant obliger mon cerveau à un peu de repos ; je pressentis qu'il allait être mis à rude épreuve dans les heures qui suivraient. Bientôt, en passant la tête par l'ouverture latérale du cab, j'entrevis un dôme bleuté entre les arbres. Le portail d'entrée me plut tout de suite, en fer forgé, massif, de belle conception et possédant des ornements majestueux. Une étoile le surmontait, on pouvait y lire une formule latine chère à mon cœur, Ad veritatem per scientam : la vérité par la science. La cour était au trois-quarts occupée par des moyens de transport divers.
- Qu'est-ce donc ? M'enquerrai-je en désignant un véhicule étrange ne possédant visiblement pas d'attelage.
- C'est un automobile voyons ! Le progrès en marche. Assurément un luxe pour la plupart des Français, mais pas pour tous. C'est le premier automobile créé en nombre dans une usine. L'exemple du taylorisme anglais et de son travail abrutissant et rédhibitoire.
- Je ne vous savais pas si critique, lui lançai-je en descendant de notre cab.
- Je suis pour la liberté et l'épanouissement de l'homme, je réprouve fortement ce système de « travail à la chaîne ». Un travail, qui plus est vital pour la survie de l'ouvrier, ne devrait pas se résoudre à visser une plaque de tôle sur une autre plaque de tôle. Nous allons voir se perdre un savoir-faire ancestral. Pourquoi aurions-nous besoin de Compagnons lorsque des ouvriers non qualifiés suffiront pour riveter ou coller. Mais ne dénigrons pas la beauté et l'ingéniosité des engins de Panhart et Levassor, le gotta parisien s'est déjà arraché la centaine d'exemplaires produits.
- Cela sonne déjà le glas de nombreux maréchaux-ferrants, dis-je.
- A plus ou moins longue échéance, oui. Un métier vieux de l'Antiquité... pensez-vous qu'il faille saluer le progrès ou le craindre ?
- Serait-ce une question rhétorique, professeur ?
- Qui sait... répondit-il de son air mi-sérieux mi-amusé inimitable.
Nous descendîmes du cab et traversâmes la cour. J’arrêtai le professeur d'une main, je montrai de la seconde une inscription sur le linteau de la porte d'entrée. Elle semblait pyrogravée.
- Qu'est ce que cela ? Elle ne m'est pas inconnue mais elle semble trop exotique pour une telle demeure.
En effet, il s'agissait d'une calligraphie que j'attribuais à la culture indoue, mais dont la signification m'échappait.
- C'est « Aum », qui signifie l'acceptation de l'absolu, elle a aussi d'autres définitions. C'est la volonté de Camille qui l'a gravée là.
- Cela me semble bien spirituel comme credo pour un observatoire.
- Oh, vous ne connaissez pas monsieur Flammarion. il risque de vous surprendre par son éclectisme. Juste après l'ouverture de l'observatoire, il fit un voyage dans l'union indochinoise en tant que conseiller du futur gouverneur général civil de l'Indo-Chine. Eternel assoiffé de connaissance, il s'aventura plus au sud et obtint des enseignements jaïniste et boudhiste auprès d’ermites ascètes. A dire vrai, je peux le préciser sans ambages, Camille nous a apporté les éléments qui manquaient dans notre conception occidentale de la vie et de la matière. Mais entrons jeune homme, je vous sais impatient de rencontrer mes confrères.
La porte faisait directement face à un banc où se tenaient deux personnes en grande conversation. A coté d'eux, mué dans une attitude à jamais neutre, les sourcils proéminents et la chevelure éternellement au vent, se trouvait le buste d'un homme qui se révéla le maître à penser de l’hôte des lieux : Francois Arago. Je connaissais les grandes lignes de la vie de cet homme de science. Il avait déterminé, entre autres, à quelle vitesse se déplaçait la lumière. Je le savais humaniste, il contribua à abolir l'esclavage, il exécrait par ailleurs la compromission. Il fit même face à Napoléon lorsque celui-ci lui demanda de prêter allégeance aux vues de ses charges politiques : Arago obtint gain de cause, Napoléon préférant passer outre cette formalité plutôt que de perdre un allié de poids. J'espérais secrètement Flammarion aussi charismatique et intéressant que son mentor.
Le professeur fit signe aux deux hommes mais ne me présenta pas. Dans l'escalier menant à l'observatoire, il se confia.
- Ne prenez pas cela comme une marque d'impolitesse à votre égard, je ne pouvais raisonnablement pas vous présenter sous votre véritable identité et ces messieurs, aussi brillants soit-ils, font malheureusement peu de cas du sang neuf estudiantin, par peur de la concurrence, assurément.
Il n'avait pu s'empêcher de me dévoiler quelques secrets sur le laboratoire. Situé sur l'observatoire astronomique et la demeure de Camille Flammarion. J'avouai le connaître plus pour ses regrettables penchants spiritistes que pour ses recherches astronomiques, ce qui fit sourire le professeur, qui ne prit pas la peine de lancer un débat sur le sujet. Il me parla des origines de ce lieu étrange.
-A l'origine auberge puis relais de poste, on y vit passer nombre de têtes couronnées jusqu'au « Père la Violette », Napoléon en personne, qui y apprit la dissolution de son empire. Les prussiens s'intéressèrent à ce manoir-auberge et en firent une de leurs résidences pendant l'occupation de 1870. Lorsqu'il retrouva sa demeure, le propriétaire fut tellement désemparé de retrouver ses jardins dévastés qu'il légua le tout à mon ami Flammarion. Et depuis 1883, c'est sa demeure et son observatoire.
-… et votre laboratoire, conclus-je.
- Pas vraiment, les pièces qu'occupent mes études ne sont pas à proprement parler dans l'observatoire, mais plutôt en dessous et dans le jardin. La raison pour laquelle les prussiens ont dévasté le jardin ornemental n'était pas que purement gratuite. Ils eurent comme projet de créer un complexe pour leur état-major.
Je ne demandai rien d'autre, préférant obliger mon cerveau à un peu de repos ; je pressentis qu'il allait être mis à rude épreuve dans les heures qui suivraient. Bientôt, en passant la tête par l'ouverture latérale du cab, j'entrevis un dôme bleuté entre les arbres. Le portail d'entrée me plut tout de suite, en fer forgé, massif, de belle conception et possédant des ornements majestueux. Une étoile le surmontait, on pouvait y lire une formule latine chère à mon cœur, Ad veritatem per scientam : la vérité par la science. La cour était au trois-quarts occupée par des moyens de transport divers.
- Qu'est-ce donc ? M'enquerrai-je en désignant un véhicule étrange ne possédant visiblement pas d'attelage.
- C'est un automobile voyons ! Le progrès en marche. Assurément un luxe pour la plupart des Français, mais pas pour tous. C'est le premier automobile créé en nombre dans une usine. L'exemple du taylorisme anglais et de son travail abrutissant et rédhibitoire.
- Je ne vous savais pas si critique, lui lançai-je en descendant de notre cab.
- Je suis pour la liberté et l'épanouissement de l'homme, je réprouve fortement ce système de « travail à la chaîne ». Un travail, qui plus est vital pour la survie de l'ouvrier, ne devrait pas se résoudre à visser une plaque de tôle sur une autre plaque de tôle. Nous allons voir se perdre un savoir-faire ancestral. Pourquoi aurions-nous besoin de Compagnons lorsque des ouvriers non qualifiés suffiront pour riveter ou coller. Mais ne dénigrons pas la beauté et l'ingéniosité des engins de Panhart et Levassor, le gotta parisien s'est déjà arraché la centaine d'exemplaires produits.
- Cela sonne déjà le glas de nombreux maréchaux-ferrants, dis-je.
- A plus ou moins longue échéance, oui. Un métier vieux de l'Antiquité... pensez-vous qu'il faille saluer le progrès ou le craindre ?
- Serait-ce une question rhétorique, professeur ?
- Qui sait... répondit-il de son air mi-sérieux mi-amusé inimitable.
Nous descendîmes du cab et traversâmes la cour. J’arrêtai le professeur d'une main, je montrai de la seconde une inscription sur le linteau de la porte d'entrée. Elle semblait pyrogravée.
- Qu'est ce que cela ? Elle ne m'est pas inconnue mais elle semble trop exotique pour une telle demeure.
En effet, il s'agissait d'une calligraphie que j'attribuais à la culture indoue, mais dont la signification m'échappait.
- C'est « Aum », qui signifie l'acceptation de l'absolu, elle a aussi d'autres définitions. C'est la volonté de Camille qui l'a gravée là.
- Cela me semble bien spirituel comme credo pour un observatoire.
- Oh, vous ne connaissez pas monsieur Flammarion. il risque de vous surprendre par son éclectisme. Juste après l'ouverture de l'observatoire, il fit un voyage dans l'union indochinoise en tant que conseiller du futur gouverneur général civil de l'Indo-Chine. Eternel assoiffé de connaissance, il s'aventura plus au sud et obtint des enseignements jaïniste et boudhiste auprès d’ermites ascètes. A dire vrai, je peux le préciser sans ambages, Camille nous a apporté les éléments qui manquaient dans notre conception occidentale de la vie et de la matière. Mais entrons jeune homme, je vous sais impatient de rencontrer mes confrères.
La porte faisait directement face à un banc où se tenaient deux personnes en grande conversation. A coté d'eux, mué dans une attitude à jamais neutre, les sourcils proéminents et la chevelure éternellement au vent, se trouvait le buste d'un homme qui se révéla le maître à penser de l’hôte des lieux : Francois Arago. Je connaissais les grandes lignes de la vie de cet homme de science. Il avait déterminé, entre autres, à quelle vitesse se déplaçait la lumière. Je le savais humaniste, il contribua à abolir l'esclavage, il exécrait par ailleurs la compromission. Il fit même face à Napoléon lorsque celui-ci lui demanda de prêter allégeance aux vues de ses charges politiques : Arago obtint gain de cause, Napoléon préférant passer outre cette formalité plutôt que de perdre un allié de poids. J'espérais secrètement Flammarion aussi charismatique et intéressant que son mentor.
Le professeur fit signe aux deux hommes mais ne me présenta pas. Dans l'escalier menant à l'observatoire, il se confia.
- Ne prenez pas cela comme une marque d'impolitesse à votre égard, je ne pouvais raisonnablement pas vous présenter sous votre véritable identité et ces messieurs, aussi brillants soit-ils, font malheureusement peu de cas du sang neuf estudiantin, par peur de la concurrence, assurément.
Re: La comédie sur-humaine
Rien trop à dire sur cet extrait.
J'aime beaucoup l'ambiance et le ton surannés ; je ne suis pas sûre d'enregistrer toutes les infos sur les personnages de l'époque mais j'ai grand plaisir à suivre le récit.
quelques remarques :
"automobile" au masculin à deux reprises dans le texte
"gotta" => gotha
"indoue" => hindoue
"des enseignements jaïniste et boudhiste" => bouddhiste
Sinon, le texte est fusionné au chapitre précédent avant tout pour des raisons pratiques de catalogage.
J'aime beaucoup l'ambiance et le ton surannés ; je ne suis pas sûre d'enregistrer toutes les infos sur les personnages de l'époque mais j'ai grand plaisir à suivre le récit.
quelques remarques :
"automobile" au masculin à deux reprises dans le texte
"gotta" => gotha
"indoue" => hindoue
"des enseignements jaïniste et boudhiste" => bouddhiste
Sinon, le texte est fusionné au chapitre précédent avant tout pour des raisons pratiques de catalogage.
Invité- Invité
Une vision de plasticien.
Toujours aussi plaisant et prometteur. On sent que derrière cette "mise en bouche", d'autres plats vont suivre, qui risquent d'être... salés !
Tes décors sont intéressants aussi. Il y a là une vision de plasticien, soucieuse des détails et de l'esthétique. Oui, une approche très visuelle. C'est vraiment agréable.
A suivre,
Ubik.
Tes décors sont intéressants aussi. Il y a là une vision de plasticien, soucieuse des détails et de l'esthétique. Oui, une approche très visuelle. C'est vraiment agréable.
A suivre,
Ubik.
Re: La comédie sur-humaine
merci ^^ à suivre donc la présentation d'un très gentil monsieur, qui veille sur l'avancé de mes écrits.:
* *
Où Edmond rencontre le maître des lieux.
Où Edmond rencontre le maître des lieux.
Flammarion nous attendait à l'étage de ses appartements, dans dans une grande pièce au bout d'un corridor sombre et étroit. J'entrai pour la première fois dans ce lieu magnifique, en boiserie gravée de signes astronomiques et mathématiques. Les mêmes sortes de pyrogravures ornant la porte principale du bâtiment, mais certaines étaient bien plus hésitantes et maladroites. Les étagères croulaient sous des reliures aux cuirs magnifiquement ouvragés.
L'homme avait les cheveux noirs parsemés de blanc, tellement fins qu'ils paraissaient crêpés, donnant à son allure une exubérance trompeuse. Le reste de sa personne respirait la sobriété et aucune touche d'exotisme ne trahissait son obédience au spiritisme. Une traditionnelle barbe taillée ceinturait un visage cinquantenaire aux yeux vifs et pénétrants, comparables à ceux du professeur.
Celui-ci me présenta sous mon vrai patronyme, et la discussion de politesse qui s'en suivit eut logiquement pour sujet la vie de mon grand-père. Cet homme aux talents reconnus, j'avouai l'avoir peu connu, mes souvenirs se résumaient à la vision d'un vieil homme ventripotent aux rires bruyants et à la chope sonore. Il fut inhumé avant mes 8 ans, je regrette encore aujourd'hui de ne pas avoir eu l'honneur de suivre ses enseignements.
Flammarion examinait un globe terrestre d'une taille respectable, d'environ un mètre de diamètre. Sa conception me parut familière ; j'en avais croisé de semblables, bien plus imposants, suspendus au plafond d'une salle de la bibliothèque royale.
- Est ce un globe de Coronelli ? m'enquerrai-je en me rapprochant pour saisir les fins détails des enluminures ; des constellations symbolisant des signes du zodiaque, des traits signifiant le passage des comètes, des illustrations d'apparitions mythologiques : autant de choses disparates et pourtant profondément entremêlées dans une unité. Cela me faisait penser à cet endroit, observatoire des étoiles et de l'au-delà, ou à cet homme, scientifique et spiritiste.
Flammarion me répondit qu'il avait acquis ce globe après l'exposition universelle de 1878. Seul le tracé des gravures était de Coronelli, reproduit grâce aux plaques de cuivre gardées au palais du Louvre. Il précisa que la grande fragilité et le diamètre du globe lui avaient valu des sueurs froides lors de son acheminement dans la bibliothèque, à cause de palans de fortune. Les ouvriers avaient même dû mettre à nu le châssis de la fenêtre pour permettre le passage de l'ouvrage.
L'astronome nous conduisit en haut d'un escalier en colimaçon s'ouvrant sur l'âme de la demeure : l'observatoire. Flammarion abordait ses récentes expériences, ses observations de Mars et la vie extraterrestre. La coupole nous surplombait ; je m'imaginais dans le char de Léonard, entouré de tout ce bois circulaire. Une grande lunette métallique trônait au milieu de la pièce, des hublots avaient été percés dans les murs et permettaient une entrée de lumière variable grâce à un système de caches semi-opaques de différentes couleurs. Une douce ambiance multicolore nous enveloppait.
Le professeur semblait réellement intéressé et la discussion s'avérait agréable, mais elle me parut également longue et stérile. J’enjoignis Antonin à rapidement m'expliquer la raison de ma présence. Le sourcil levé de Flammarion m'indiquait sa désapprobation devant une telle fougue en ce lieu empli de sérénité. Le professeur s'exclama.
- Ha ! L'impétuosité de la jeunesse, fou que je suis de vous priver plus longtemps de la connaissance qui changera sans doute votre vie. Venez avec moi, je vais vous présenter mon laboratoire, vous pourrez à loisir vous excuser plus tard auprès de notre hôte de votre mauvais caractère.
L'homme avait les cheveux noirs parsemés de blanc, tellement fins qu'ils paraissaient crêpés, donnant à son allure une exubérance trompeuse. Le reste de sa personne respirait la sobriété et aucune touche d'exotisme ne trahissait son obédience au spiritisme. Une traditionnelle barbe taillée ceinturait un visage cinquantenaire aux yeux vifs et pénétrants, comparables à ceux du professeur.
Celui-ci me présenta sous mon vrai patronyme, et la discussion de politesse qui s'en suivit eut logiquement pour sujet la vie de mon grand-père. Cet homme aux talents reconnus, j'avouai l'avoir peu connu, mes souvenirs se résumaient à la vision d'un vieil homme ventripotent aux rires bruyants et à la chope sonore. Il fut inhumé avant mes 8 ans, je regrette encore aujourd'hui de ne pas avoir eu l'honneur de suivre ses enseignements.
Flammarion examinait un globe terrestre d'une taille respectable, d'environ un mètre de diamètre. Sa conception me parut familière ; j'en avais croisé de semblables, bien plus imposants, suspendus au plafond d'une salle de la bibliothèque royale.
- Est ce un globe de Coronelli ? m'enquerrai-je en me rapprochant pour saisir les fins détails des enluminures ; des constellations symbolisant des signes du zodiaque, des traits signifiant le passage des comètes, des illustrations d'apparitions mythologiques : autant de choses disparates et pourtant profondément entremêlées dans une unité. Cela me faisait penser à cet endroit, observatoire des étoiles et de l'au-delà, ou à cet homme, scientifique et spiritiste.
Flammarion me répondit qu'il avait acquis ce globe après l'exposition universelle de 1878. Seul le tracé des gravures était de Coronelli, reproduit grâce aux plaques de cuivre gardées au palais du Louvre. Il précisa que la grande fragilité et le diamètre du globe lui avaient valu des sueurs froides lors de son acheminement dans la bibliothèque, à cause de palans de fortune. Les ouvriers avaient même dû mettre à nu le châssis de la fenêtre pour permettre le passage de l'ouvrage.
L'astronome nous conduisit en haut d'un escalier en colimaçon s'ouvrant sur l'âme de la demeure : l'observatoire. Flammarion abordait ses récentes expériences, ses observations de Mars et la vie extraterrestre. La coupole nous surplombait ; je m'imaginais dans le char de Léonard, entouré de tout ce bois circulaire. Une grande lunette métallique trônait au milieu de la pièce, des hublots avaient été percés dans les murs et permettaient une entrée de lumière variable grâce à un système de caches semi-opaques de différentes couleurs. Une douce ambiance multicolore nous enveloppait.
Le professeur semblait réellement intéressé et la discussion s'avérait agréable, mais elle me parut également longue et stérile. J’enjoignis Antonin à rapidement m'expliquer la raison de ma présence. Le sourcil levé de Flammarion m'indiquait sa désapprobation devant une telle fougue en ce lieu empli de sérénité. Le professeur s'exclama.
- Ha ! L'impétuosité de la jeunesse, fou que je suis de vous priver plus longtemps de la connaissance qui changera sans doute votre vie. Venez avec moi, je vais vous présenter mon laboratoire, vous pourrez à loisir vous excuser plus tard auprès de notre hôte de votre mauvais caractère.
Re: La comédie sur-humaine
Ah, les fameux globes de Coronelli !
C'est toujours aussi bon, je veux dire fluide, plaisant, sans accroc dans le déroulé.
Et j'apprends des choses (suis finalement allée me renseigner sur C. Flammarion).
Remarques de forme :
et la discussion de politesse qui s'en suivit (s'ensuivit)
j'en avais croisé de semblables, bien plus imposants, (ici, je trouve peu naturelle la juxtaposition des deux propositions. Je verrais bien un "mais" ou un "quoique" entre les deux pour indiquer l'opposition)
m'enquerrai-je en me rapprochant pour saisir les fins détails des enluminures (m'enquérai-je)
Cela me faisait penser à cet endroit, observatoire des étoiles et de l'au-delà, ou à cet homme, scientifique et spiritiste. (pas sûre de comprendre à quoi les deux démonstratifs renvoient ici)
Le professeur semblait réellement intéressé et la discussion s'avérait agréable, mais elle me parut également longue et stérile. J’enjoignis Antonin à rapidement m'expliquer la raison de ma présence. Le sourcil levé de Flammarion m'indiquait sa désapprobation (là, il y a à l'oreille pléthore de "me")
C'est toujours aussi bon, je veux dire fluide, plaisant, sans accroc dans le déroulé.
Et j'apprends des choses (suis finalement allée me renseigner sur C. Flammarion).
Remarques de forme :
et la discussion de politesse qui s'en suivit (s'ensuivit)
j'en avais croisé de semblables, bien plus imposants, (ici, je trouve peu naturelle la juxtaposition des deux propositions. Je verrais bien un "mais" ou un "quoique" entre les deux pour indiquer l'opposition)
m'enquerrai-je en me rapprochant pour saisir les fins détails des enluminures (m'enquérai-je)
Cela me faisait penser à cet endroit, observatoire des étoiles et de l'au-delà, ou à cet homme, scientifique et spiritiste. (pas sûre de comprendre à quoi les deux démonstratifs renvoient ici)
Le professeur semblait réellement intéressé et la discussion s'avérait agréable, mais elle me parut également longue et stérile. J’enjoignis Antonin à rapidement m'expliquer la raison de ma présence. Le sourcil levé de Flammarion m'indiquait sa désapprobation (là, il y a à l'oreille pléthore de "me")
Invité- Invité
Réjouissante lecture.
Des descriptions minutieuses, des personnages intéressants, des ambiances tout à fait étudiées et bien restituées... Vraiment, ça fonctionne ! Que voilà une réjouissante lecture !
Par contre, attention de ne pas y inclure toutes les célébrités de la création, sinon ça fera bottin mondain du siècle dernier : Arago, Flammarion, Lénine... Point n'est besoin d'un tel procédé pour donner de la valeur au texte.
A propos de valeur : celle-ci est toujours ternie par des maladresses, comme :
Au plaisir...
Ubik.
Par contre, attention de ne pas y inclure toutes les célébrités de la création, sinon ça fera bottin mondain du siècle dernier : Arago, Flammarion, Lénine... Point n'est besoin d'un tel procédé pour donner de la valeur au texte.
A propos de valeur : celle-ci est toujours ternie par des maladresses, comme :
Je sais bien que la dévouée correctrice, aux talents multiples, a fort à faire pour te satisfaire... Mais bon, restent des scories. Cent fois sur le métier...AleK a écrit:Cet homme aux talents reconnus, j'avouai l'avoir peu connu,
Au plaisir...
Ubik.
Re: La comédie sur-humaine
* * *
Où la vérité se trouve dans la pierre
Où la vérité se trouve dans la pierre
Le professeur Antonin m'amena aux jardins de la propriété. Le centre du parc paraissait artificiellement plat, comme un tapis vert. Je me souvins de ce que m'avait confié le professeur dans la calèche ; un complexe souterrain m'attendait sous le gazon. Je cherchais des yeux ce qu'on pouvait qualifier d'entrée, mais je n'en trouvai pas. Devant mon air perplexe, le professeur m'indiqua du menton un rocher herbeux, près des arbustes longeant le mur d'enceinte, à plus d'une centaine de mètres de l'observatoire.
Le fait de simplement imaginer la taille de l'imposant complexe souterrain me fit tourner la tête. Effectivement, j'allai de découverte en découverte. Aperçue au loin, la pierre semblait pleine, comme un bloc de granit posé là pour quelque sculpteur en mal d'inspiration. C'est en contournant la roche que je pus constater son évidement. En écartant un chèvrefeuille qui masquait partiellement le passage, le professeur me fit entrer dans cet igloo minéral.
- J'imagine une fois de plus votre étonnement devant cette entrée secrète digne d'un roman de votre aïeul. En réalité, elle était présente quand Camille prit possession de la propriété. Les Prusses sont un peuple étrangement prévoyant pour penser à construire des souterrains et des accès dissimulés ; j'ose même imaginer Bismark derrière ce projet. Ne cherchez pas de mécanisme d'ouverture visible, et regardez plutôt cet effleurement rocheux ici, dit-il en me désignant un détail sur la parois.
Tout en me regardant, certainement à l’affût de ma réaction, il posa la main sur le mur et poussa. Un bruit sourd de raclement et de frottement accompagna l'escamotage du pan de la cloison, libérant le passage vers un escalier en béton descendant dans l'obscurité.
- Voilà qui est loin d'être accueillant, maugréai-je.
- J'ai bien peur de ne pas avoir eu le luxe et la coquetterie d'arranger une décoration digne de ce nom, déclara doucement le professeur, le sourire aux lèvres. Mais je pressens que les aménagements conçus par des esprits modernes lors de la mise en œuvre des laboratoires vous intrigueront.
- Comme toute cette situation et ces mystères à répétition, conclus-je.
Au sortir de la volée de marches, nous pénétrâmes dans une pièce sans angles droits, si bien qu'il me fut difficile d’apprécier sa forme. Avec le temps, je penchai pour un losange, l'escalier d’accès formant la pointe nord. Les plafonds me parurent agréablement hauts, donnant une impression de volume respectable pour un complexe enterré.
Ce qui me frappa, après un temps de réflexion, fut l'éclairage printanier qui se diffusait par un puits de lumière. Je me plaçai à l’aplomb et levai la tête. Le ciel bleu était clairement visible, ainsi que le feuillage d'un arbre.
- Je n'ai pas remarqué d'ouvertures dans les jardins permettant de faire entrer autant de lumière.
- Effectivement, vous n'aurez sans doute pas besoin de moi pour m'expliquer ce phénomène, si votre réputation n'est pas galvaudée.
- Et bien, les réputations ont une chose en commun, elles sont faites par des personnes faisant peu de cas des faits, philosophai-je. Mais dans le cas présent je pense pouvoir m'éclairer de moi-même, comme ce système de réflexion totale de la lumière sans doute à base de miroirs et de réfraction. Visiblement la lumière est captée dans un point périphérique du jardin et est acheminée directement ici par un conduit souterrain. C'est admirable, la mise en pratique d'une expérience datant d'un demi-siècle. Malheureusement, il me semble qu'un réglage constant est nécessaire pour garder l’alignement parfait des miroirs et de la course du soleil ; sans cela, vous n'auriez que quelques minutes de lumière par jour.
- Remarquable ! Je ne pourrai précisément vous exposer les formules mathématiques complexes, ni la façon dont Camille et notre estimé Jean Daniel Colladon ont mesuré et conçu des sabliers, dirigeant les miroirs de façon très minutieuse et régulière.
- J'avoue avoir étudié une chose similaire des toits du laboratoires de zététique de Nice. Je pouvais observer un phénomène singulier : les côtes corses paraissaient à quelques milles nautiques de nous, alors qu'elles se situent à plus de 160 kilomètres.
- Malheureusement, le professeur Colladon nous a quitté cette année. Il était venu à la demande expresse de Camille pendant une longue période estivale, nous faisant don de certaines machines comme des dynamomètres de conception récente et de sa propre création. C'était il y a quelques années ; depuis la maladie et la vieillesse l'ont emporté. Je ne l'ai d'ailleurs jamais rencontré. Haussant le ton, le professeur reprit. Poursuivons la visite, il y a tant de choses à vous montrer, me dit-il en désignant la porte face à l'escalier. Je vous fais grâce dans l'immédiat de ces pièces sans intérêt, contenant éprouvettes et matériel de mesure. Allons plutôt voir nos volontaires.
- Des volontaires ? Vos sujet sont ici ?
- Ma foi, s'expliqua le professeur, toute cette expérience est basée sur la nature humaine : sans observations directes ni cobayes, nous ne pourrions pas recueillir des résultats concrets. J'ai jugé préférable de commencer les tests afin d'avoir des résultats concrets à présenter rapidement. Suivez-moi, vous vous ferez une idée par vous-même. Un léger incident m'oblige à recruter plus d'assistants. C'est d'ailleurs la raison de votre présence.
Le fait de simplement imaginer la taille de l'imposant complexe souterrain me fit tourner la tête. Effectivement, j'allai de découverte en découverte. Aperçue au loin, la pierre semblait pleine, comme un bloc de granit posé là pour quelque sculpteur en mal d'inspiration. C'est en contournant la roche que je pus constater son évidement. En écartant un chèvrefeuille qui masquait partiellement le passage, le professeur me fit entrer dans cet igloo minéral.
- J'imagine une fois de plus votre étonnement devant cette entrée secrète digne d'un roman de votre aïeul. En réalité, elle était présente quand Camille prit possession de la propriété. Les Prusses sont un peuple étrangement prévoyant pour penser à construire des souterrains et des accès dissimulés ; j'ose même imaginer Bismark derrière ce projet. Ne cherchez pas de mécanisme d'ouverture visible, et regardez plutôt cet effleurement rocheux ici, dit-il en me désignant un détail sur la parois.
Tout en me regardant, certainement à l’affût de ma réaction, il posa la main sur le mur et poussa. Un bruit sourd de raclement et de frottement accompagna l'escamotage du pan de la cloison, libérant le passage vers un escalier en béton descendant dans l'obscurité.
- Voilà qui est loin d'être accueillant, maugréai-je.
- J'ai bien peur de ne pas avoir eu le luxe et la coquetterie d'arranger une décoration digne de ce nom, déclara doucement le professeur, le sourire aux lèvres. Mais je pressens que les aménagements conçus par des esprits modernes lors de la mise en œuvre des laboratoires vous intrigueront.
- Comme toute cette situation et ces mystères à répétition, conclus-je.
Au sortir de la volée de marches, nous pénétrâmes dans une pièce sans angles droits, si bien qu'il me fut difficile d’apprécier sa forme. Avec le temps, je penchai pour un losange, l'escalier d’accès formant la pointe nord. Les plafonds me parurent agréablement hauts, donnant une impression de volume respectable pour un complexe enterré.
Ce qui me frappa, après un temps de réflexion, fut l'éclairage printanier qui se diffusait par un puits de lumière. Je me plaçai à l’aplomb et levai la tête. Le ciel bleu était clairement visible, ainsi que le feuillage d'un arbre.
- Je n'ai pas remarqué d'ouvertures dans les jardins permettant de faire entrer autant de lumière.
- Effectivement, vous n'aurez sans doute pas besoin de moi pour m'expliquer ce phénomène, si votre réputation n'est pas galvaudée.
- Et bien, les réputations ont une chose en commun, elles sont faites par des personnes faisant peu de cas des faits, philosophai-je. Mais dans le cas présent je pense pouvoir m'éclairer de moi-même, comme ce système de réflexion totale de la lumière sans doute à base de miroirs et de réfraction. Visiblement la lumière est captée dans un point périphérique du jardin et est acheminée directement ici par un conduit souterrain. C'est admirable, la mise en pratique d'une expérience datant d'un demi-siècle. Malheureusement, il me semble qu'un réglage constant est nécessaire pour garder l’alignement parfait des miroirs et de la course du soleil ; sans cela, vous n'auriez que quelques minutes de lumière par jour.
- Remarquable ! Je ne pourrai précisément vous exposer les formules mathématiques complexes, ni la façon dont Camille et notre estimé Jean Daniel Colladon ont mesuré et conçu des sabliers, dirigeant les miroirs de façon très minutieuse et régulière.
- J'avoue avoir étudié une chose similaire des toits du laboratoires de zététique de Nice. Je pouvais observer un phénomène singulier : les côtes corses paraissaient à quelques milles nautiques de nous, alors qu'elles se situent à plus de 160 kilomètres.
- Malheureusement, le professeur Colladon nous a quitté cette année. Il était venu à la demande expresse de Camille pendant une longue période estivale, nous faisant don de certaines machines comme des dynamomètres de conception récente et de sa propre création. C'était il y a quelques années ; depuis la maladie et la vieillesse l'ont emporté. Je ne l'ai d'ailleurs jamais rencontré. Haussant le ton, le professeur reprit. Poursuivons la visite, il y a tant de choses à vous montrer, me dit-il en désignant la porte face à l'escalier. Je vous fais grâce dans l'immédiat de ces pièces sans intérêt, contenant éprouvettes et matériel de mesure. Allons plutôt voir nos volontaires.
- Des volontaires ? Vos sujet sont ici ?
- Ma foi, s'expliqua le professeur, toute cette expérience est basée sur la nature humaine : sans observations directes ni cobayes, nous ne pourrions pas recueillir des résultats concrets. J'ai jugé préférable de commencer les tests afin d'avoir des résultats concrets à présenter rapidement. Suivez-moi, vous vous ferez une idée par vous-même. Un léger incident m'oblige à recruter plus d'assistants. C'est d'ailleurs la raison de votre présence.
Re: La comédie sur-humaine
Deux observations.
Tout d'abord la répétition rapprochée de "complexe souterrain " : "un complexe souterrain m'attendait sous le gazon. " et 4 lignes plus loin : "l'imposant complexe souterrain"
Ensuite vers la fin, un peu l'impression d'un dialogue de sourds, les deux protagonistes poursuivant chacun leur idée :
"- Remarquable ! Je ne pourrai précisément vous exposer les formules mathématiques complexes, ni la façon dont Camille et notre estimé Jean Daniel Colladon ont mesuré et conçu des sabliers, dirigeant les miroirs de façon très minutieuse et régulière.
- J'avoue avoir étudié une chose similaire des toits du laboratoires de zététique de Nice. Je pouvais observer un phénomène singulier : les côtes corses paraissaient à quelques milles nautiques de nous, alors qu'elles se situent à plus de 160 kilomètres.
- Malheureusement, le professeur Colladon nous a quitté cette année."
Et pour finir (ça fait 3 observations ! ), il reste des coquilles orthographiques.
Sinon, c'est tout bon, on se rapproche du moment, ou plutôt du lieu crucial.
Tout d'abord la répétition rapprochée de "complexe souterrain " : "un complexe souterrain m'attendait sous le gazon. " et 4 lignes plus loin : "l'imposant complexe souterrain"
Ensuite vers la fin, un peu l'impression d'un dialogue de sourds, les deux protagonistes poursuivant chacun leur idée :
"- Remarquable ! Je ne pourrai précisément vous exposer les formules mathématiques complexes, ni la façon dont Camille et notre estimé Jean Daniel Colladon ont mesuré et conçu des sabliers, dirigeant les miroirs de façon très minutieuse et régulière.
- J'avoue avoir étudié une chose similaire des toits du laboratoires de zététique de Nice. Je pouvais observer un phénomène singulier : les côtes corses paraissaient à quelques milles nautiques de nous, alors qu'elles se situent à plus de 160 kilomètres.
- Malheureusement, le professeur Colladon nous a quitté cette année."
Et pour finir (ça fait 3 observations ! ), il reste des coquilles orthographiques.
Sinon, c'est tout bon, on se rapproche du moment, ou plutôt du lieu crucial.
Invité- Invité
... Comment dire ?
Hello,
Toujours la même observation : petits bouts qui permettent de découvrir l'univers, mais qui laissent chaque fois un sentiment de frustration, car il manque un quelque chose : une chute, une conclusion, une remise en question, un élément inattendu... Une tension. Je ne sais comment dire.
Sinon, toujours aussi intéressant, passionnant... et des petites maladresses. Mais que fait-donc la super-correctrice ?
Univers réjouissant en tous cas, plein de cet optimisme, cette foi en la science qu'on retrouve chez Jules Verne. Le sentiment qu'à cette époque ( ? ), tout était encore possible.
A suivre,
Ubik.
Toujours la même observation : petits bouts qui permettent de découvrir l'univers, mais qui laissent chaque fois un sentiment de frustration, car il manque un quelque chose : une chute, une conclusion, une remise en question, un élément inattendu... Une tension. Je ne sais comment dire.
Sinon, toujours aussi intéressant, passionnant... et des petites maladresses. Mais que fait-donc la super-correctrice ?
Univers réjouissant en tous cas, plein de cet optimisme, cette foi en la science qu'on retrouve chez Jules Verne. Le sentiment qu'à cette époque ( ? ), tout était encore possible.
A suivre,
Ubik.
Re: La comédie sur-humaine
Voila après une retraite ascétique salvatrice, je revient à vous, plus léger et plus serein.
* * * *
Où le montreur d'ours nous présente ses animaux.
Où le montreur d'ours nous présente ses animaux.
Les lourdes portes cachaient une salle en longueur. On avait construit trois pièces contre le mur nord avec un espace de plusieurs mètres entre elles. Une boule se formait dans mes entrailles tant la ressemblance avec les chambres d'aliénés était frappantes. Un petit détail m'apaisa, je n'entrevoyais aucun tuyaux servant aux douches froides que les patients recevaient régulièrement lors de leurs crises de démence.
Un homme sortit du recoin entre les deux premières cellules. Son apparence de brigand déguisé en médecin, je me l'expliquai par un pistolet à sa ceinture dépassant entre les pans de sa blouse blanche, et une cicatrice courant le long de sa joue droite, de la tempe au menton. Le professeur parut un peu gêné de son apparition. Il aurait sans doute voulu me préparer à cette vision quelque peu incongrue au cœur d'un laboratoire.
L'homme fit un signe de tête à Antonin, et me fixa durement. A la lumière tombante du plafond, la cicatrice ressemblait à une chenille monstrueuse, le propriétaire de la joue ne pouvant correctement raser sa barbe dans cet amalgame de chair maladroitement recollé. Le professeur me présenta ce personnage comme étant Léocade Grivolas. Il ne me donna ni sa profession, ni son histoire personnelle, et je ne pouvais pas m’enquérir de ces choses auprès de l'intéressé car il n'avait plus de langue. J'eus la décence de contenir les questions qui me brûlaient les lèvres.
Il m'expliqua cependant les fonctions de Léo dans le laboratoire. Celui-ci était sensé surveiller les deux patients, leur fournir la nourriture et le nécessaire d'hygiène. Nous fîmes le tour de la première chambre. Sur le mur à gauche de la porte, un grand panneau de bois amovible permettait de le mettre à nu, laissant place à des barreaux. Antonin tenta de me rassurer immédiatement en me précisant que cette cage avait été montée par les prussiens et qu'il avait trouvé commode de garder ces protections face à d'éventuels sujets violents.
-D'ailleurs, monsieur Gauthier, l'homme que vous admirez ici, dit-il en montrant ostensiblement une personne dormant sur l'unique couchette de paille, a déjà fait preuve d'une sauvagerie notable. Il s'agit d'un ancien sous-officier du 60ème régiment d'infanterie de Besançon, soupçonné de violence sur des femmes et des subordonnés. Et sa vie sentimentale est aussi captivante. Pédéraste et habitué des filles de joie, il voulut s'acheter une conduite en épousant une dame qu'il courtisait. Malheureusement pour elle, il l'abattit de quatre balles lorsqu'elle refusa le mariage et vida les deux dernières dans sa propre tête. Les médecins l'ont sauver. Mais il est sourd d'une oreille et son visage est figé du coté droit. Il présente des cicatrices et possèdent des fragments de balle à la base de son crane. Ce sujet m'a été confié par un confrère de l'institut de Dole, où il séjournait depuis 2 ans, sans grande amélioration.
L'homme dormait paisiblement. Les apparences, dès le début de cette histoire se révélèrent très trompeuses. La deuxième cellule, car il s'avérait que ces chambres n'étaient pas autre chose, contenait une personne située à l’extrême opposé dans le caractère et dans l’apparence. La couchette aurait pu être faite pour de jeunes enfants si on en jugeait par les jambes qui dépassaient. Mais l'homme était un géant. Plus tard lorsque je le vis debout, j'estimais sa taille à deux bons mètres.
- Ce sujet d'observation est particulièrement singulier. Ouvrier à Fourmies, dans la région d'Avesnois au nord, il était en tête de cortège le 1er mai 1891, lors de la fameuse manifestation. Il reçut un tir de la nouvelle Lebel, la carabine Berthier. On raconte qu’avant sa fille, qui se tenait devant lui, il fut le premier à inaugurer l'arme. La balle, du 8mm, le traversa de part en part sans lui laisser de séquelles. Sa fille eut moins de chance et mourut dans ses bras. Il est depuis lors prostré, comme coupé du monde, docile comme une vache laitière. Ses collègues ouvriers parlaient de lui comme d'un meneur d'hommes, enjoué et charismatique, jamais colérique ni vindicatif. Ses deux ans d'internement à Arras n'ont pas modifié sa pathologie, et je n’eus aucun mal à convaincre son docteur de me le confier officieusement.
Il fit une pause, replaça le panneau de bois sur le châssis de la deuxième cellule, et reprit :
- Mes travaux de recherche théorique arrivent à leurs termes, et voilà mes deux cas pratiques. Mon but est simple : rendre monsieur Vacher inoffensif, complètement sain d'esprit et réveiller monsieur Tonnelier.
- En reprenant les techniques de Charcot et Babinsky ? demandai-je.
- En partie seulement, et complétées par mes propres médications. J'allierai l'hypnose, les drogues et une série d'entretiens avec mes patients. J'aimerai constater des effets notables sur leurs comportements d'ici quelques semaines.
- Et ma présence ? Vous n’arrêtez pas de me seriner qu'une chose d'apparence surnaturelle va naître de tout cela ! Je n'y vois qu'un projet ambitieux, qui nous délivrera des techniques bien plus efficaces et abouties que par le passé, mais rien ne me surprend outre mesure.
Le professeur parut fortement contrarié par ma réaction. Au vu des deux coupoles rubicondes qui se formaient au-dessus de sa barbe, je m'attendais à une explosion de colère comme celle qu'il semblait contenir face à la bêtise de certains étudiants. Ses yeux cillèrent par deux fois, et c'est par une mine perplexe et un peu hébétée, comme sortie brusquement d'un songe, qu'il me répondit :
- Oui... bien sûr. Veuillez m'excuser. Comprenez-moi, ma vie est vouée à cette vérité, je ne peux m'engager avec un collaborateur que je n'aurais éduqué aux principes fondamentaux.
Je m'attendais presque à ce qu'il me montre la sortie, et au fond de moi, je l'espérai certainement, tant son comportement étrange me décontenançait. Le pressentiment d'un drame et d'une fuite en avant pointait dans mon esprit. L'avenir me donna raison.
- Venez, reprit-il, nous allons converser de choses importantes devant un verre, en gentlemen qui se respectent.
Nous nous retrouvâmes attablés dans le jardin d'hiver de l'observatoire, exposé au soleil de cette fin d'après-midi. Et j'en conviens aujourd'hui, bien qu'anodine, cette conversation fut la plus importante de ma vie. Dès lors et pendant bien des mois, plus rien ne compta plus que l'expérience du professeur. Elle devint mon obsession, tout le jour et jusqu'à tard dans la nuit. Je vivais avec les sujets, j'avais une bonne raison : j'étais devenu l'un d'entre eux.
Un homme sortit du recoin entre les deux premières cellules. Son apparence de brigand déguisé en médecin, je me l'expliquai par un pistolet à sa ceinture dépassant entre les pans de sa blouse blanche, et une cicatrice courant le long de sa joue droite, de la tempe au menton. Le professeur parut un peu gêné de son apparition. Il aurait sans doute voulu me préparer à cette vision quelque peu incongrue au cœur d'un laboratoire.
L'homme fit un signe de tête à Antonin, et me fixa durement. A la lumière tombante du plafond, la cicatrice ressemblait à une chenille monstrueuse, le propriétaire de la joue ne pouvant correctement raser sa barbe dans cet amalgame de chair maladroitement recollé. Le professeur me présenta ce personnage comme étant Léocade Grivolas. Il ne me donna ni sa profession, ni son histoire personnelle, et je ne pouvais pas m’enquérir de ces choses auprès de l'intéressé car il n'avait plus de langue. J'eus la décence de contenir les questions qui me brûlaient les lèvres.
Il m'expliqua cependant les fonctions de Léo dans le laboratoire. Celui-ci était sensé surveiller les deux patients, leur fournir la nourriture et le nécessaire d'hygiène. Nous fîmes le tour de la première chambre. Sur le mur à gauche de la porte, un grand panneau de bois amovible permettait de le mettre à nu, laissant place à des barreaux. Antonin tenta de me rassurer immédiatement en me précisant que cette cage avait été montée par les prussiens et qu'il avait trouvé commode de garder ces protections face à d'éventuels sujets violents.
-D'ailleurs, monsieur Gauthier, l'homme que vous admirez ici, dit-il en montrant ostensiblement une personne dormant sur l'unique couchette de paille, a déjà fait preuve d'une sauvagerie notable. Il s'agit d'un ancien sous-officier du 60ème régiment d'infanterie de Besançon, soupçonné de violence sur des femmes et des subordonnés. Et sa vie sentimentale est aussi captivante. Pédéraste et habitué des filles de joie, il voulut s'acheter une conduite en épousant une dame qu'il courtisait. Malheureusement pour elle, il l'abattit de quatre balles lorsqu'elle refusa le mariage et vida les deux dernières dans sa propre tête. Les médecins l'ont sauver. Mais il est sourd d'une oreille et son visage est figé du coté droit. Il présente des cicatrices et possèdent des fragments de balle à la base de son crane. Ce sujet m'a été confié par un confrère de l'institut de Dole, où il séjournait depuis 2 ans, sans grande amélioration.
L'homme dormait paisiblement. Les apparences, dès le début de cette histoire se révélèrent très trompeuses. La deuxième cellule, car il s'avérait que ces chambres n'étaient pas autre chose, contenait une personne située à l’extrême opposé dans le caractère et dans l’apparence. La couchette aurait pu être faite pour de jeunes enfants si on en jugeait par les jambes qui dépassaient. Mais l'homme était un géant. Plus tard lorsque je le vis debout, j'estimais sa taille à deux bons mètres.
- Ce sujet d'observation est particulièrement singulier. Ouvrier à Fourmies, dans la région d'Avesnois au nord, il était en tête de cortège le 1er mai 1891, lors de la fameuse manifestation. Il reçut un tir de la nouvelle Lebel, la carabine Berthier. On raconte qu’avant sa fille, qui se tenait devant lui, il fut le premier à inaugurer l'arme. La balle, du 8mm, le traversa de part en part sans lui laisser de séquelles. Sa fille eut moins de chance et mourut dans ses bras. Il est depuis lors prostré, comme coupé du monde, docile comme une vache laitière. Ses collègues ouvriers parlaient de lui comme d'un meneur d'hommes, enjoué et charismatique, jamais colérique ni vindicatif. Ses deux ans d'internement à Arras n'ont pas modifié sa pathologie, et je n’eus aucun mal à convaincre son docteur de me le confier officieusement.
Il fit une pause, replaça le panneau de bois sur le châssis de la deuxième cellule, et reprit :
- Mes travaux de recherche théorique arrivent à leurs termes, et voilà mes deux cas pratiques. Mon but est simple : rendre monsieur Vacher inoffensif, complètement sain d'esprit et réveiller monsieur Tonnelier.
- En reprenant les techniques de Charcot et Babinsky ? demandai-je.
- En partie seulement, et complétées par mes propres médications. J'allierai l'hypnose, les drogues et une série d'entretiens avec mes patients. J'aimerai constater des effets notables sur leurs comportements d'ici quelques semaines.
- Et ma présence ? Vous n’arrêtez pas de me seriner qu'une chose d'apparence surnaturelle va naître de tout cela ! Je n'y vois qu'un projet ambitieux, qui nous délivrera des techniques bien plus efficaces et abouties que par le passé, mais rien ne me surprend outre mesure.
Le professeur parut fortement contrarié par ma réaction. Au vu des deux coupoles rubicondes qui se formaient au-dessus de sa barbe, je m'attendais à une explosion de colère comme celle qu'il semblait contenir face à la bêtise de certains étudiants. Ses yeux cillèrent par deux fois, et c'est par une mine perplexe et un peu hébétée, comme sortie brusquement d'un songe, qu'il me répondit :
- Oui... bien sûr. Veuillez m'excuser. Comprenez-moi, ma vie est vouée à cette vérité, je ne peux m'engager avec un collaborateur que je n'aurais éduqué aux principes fondamentaux.
Je m'attendais presque à ce qu'il me montre la sortie, et au fond de moi, je l'espérai certainement, tant son comportement étrange me décontenançait. Le pressentiment d'un drame et d'une fuite en avant pointait dans mon esprit. L'avenir me donna raison.
- Venez, reprit-il, nous allons converser de choses importantes devant un verre, en gentlemen qui se respectent.
Nous nous retrouvâmes attablés dans le jardin d'hiver de l'observatoire, exposé au soleil de cette fin d'après-midi. Et j'en conviens aujourd'hui, bien qu'anodine, cette conversation fut la plus importante de ma vie. Dès lors et pendant bien des mois, plus rien ne compta plus que l'expérience du professeur. Elle devint mon obsession, tout le jour et jusqu'à tard dans la nuit. Je vivais avec les sujets, j'avais une bonne raison : j'étais devenu l'un d'entre eux.
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