Son sang, sur mes épaules
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Lucy
Janis
Marine
Phoenamandre
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Son sang, sur mes épaules
Je suis assis, sur une chaise en bois, et je regarde le soleil se lever, avec lenteur. L’air sent bon le savon, le propre, la javel, on entend les oiseaux piailler, dehors un ciel mélange le rouge le bleu, et le blanc, au sol tout est vert. J’attends.
Quelques gouttes d’eau sur le plancher me rappelle le sang, son sang, sang humide, les traces rouges de mains sur les murs, jusqu’à ma porte, goût amer, odeur nauséabonde.
Calme, savon, repos.
Un corbeau rit près de ma fenêtre, un vent frais soulève mes rideaux.
Je soupire.
Elle pleurait, assise par terre, entourée de morceaux de verre, dans son sang, du sang plein la bouche, de cette plaie, de ce trou qu’elle avait voulu combler.
Dans un grondement, les escaliers, les couloirs, les chambres répétaient ses hurlements.
« Je meurs, je meurs, criait-elle, je vois plus rien, je vois plus rien, me souffla-t-elle. »
J’avais les pieds dans les bouteilles brisées, où se mélangeait le sang, son sang, sang humide, j’avais peur, elle avait peur, nous ne bougions plus.
Seul son regard, sans me voir, ses yeux étaient plongés dans les miens, son visage paraissait si froid.
« Tu as du sang partout, je suis désolée, je suis désolée, s’excusa-t-elle. »
Il était trop tard, trop tard pour elle, elle n’y était pour rien.
Je m’abaissais, je la pris dans mes bras, doucement, sans lui faire le moindre mal. L’odeur, le rouge, la détresse, son cœur qui battait, vainement, dans le vide.
Elle se fit brique, s’effondra, j’attendis, immobile. Son poids. Son corps froid.
Les sirènes de pompiers. Les ambulances. Des bruits de pas, on courait dans les escaliers, je ne regardais qu’elle, si pâle, si froide.
« Trop tard, me dit-on. »
Sans blague.
« Vous la connaissiez ? »
Non.
J’aurais pu, j’aurais dû, mais non.
Goût amer.
On m’amena à l’hôpital. On me parlait, je voyais tout, tout sauf elle, je voulais son doux visage, sans le sang, la regarder, une fois encore.
« Vous devez vous reposer. »
J’étais rouge, rouge de son sang, sur ma nuque, où elle avait posé son bras, sur mes pieds, que le verre avait entaillés.
Rempli de sa mort, on me montra les douches. L’eau, froide ou chaude ? Le savon, nettoyage, d’abord la tête, les cheveux, je voyais chaque goutte couler, larmes tantôt transparentes tantôt rosées. Le torse, les épaules, je pleurais. Puis le ventre, puis le dos, à quoi bon ? Mes jambes, mes pieds, j’avais mal.
Sur mon pied gauche, je gardais une goutte de son sang, une goutte, une seule. Plus tard j’appris qu’elle avait le sida.
L’air sent bon le propre, le soleil s’est levé. Je vois son visage, je souris.
Phoenamandre- Nombre de messages : 2423
Age : 33
Date d'inscription : 08/03/2009
Re: Son sang, sur mes épaules
Eh bien ce texte, c'est comme un coup de poing dans le plexus. Cela fait mal, comme a mal celui qui raconte.
Du coup, j'ose à peine faire deux petites remarques :
Au début, je pense qu'il faut supprimer la virgule entre "se lever" et "avec lenteur". C'est le soleil qui se lève, et avec la virgule, on dirait que c'est "je".
Quelques gouttes me rappellent.
Du coup, j'ose à peine faire deux petites remarques :
Au début, je pense qu'il faut supprimer la virgule entre "se lever" et "avec lenteur". C'est le soleil qui se lève, et avec la virgule, on dirait que c'est "je".
Quelques gouttes me rappellent.
Invité- Invité
Re: Son sang, sur mes épaules
oh phœnamandre, c'est bon !
décidément, j'aime ce que tu écris, tu es trop rare ici
je relis ça tranquillou dès que
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Son sang, sur mes épaules
Je vais être un peu à côté de la plaque, mais il me manque un petit quelque chose.
Si j'ai aimé ton texte ? Oui.
Il faudrait que je prenne le temps de relire pour que ce commentaire puisse avoir une quelconque utilité... Désolée de ne pouvoir mettre le doigt sur ce qui me chiffonne pour le moment.
Si j'ai aimé ton texte ? Oui.
Il faudrait que je prenne le temps de relire pour que ce commentaire puisse avoir une quelconque utilité... Désolée de ne pouvoir mettre le doigt sur ce qui me chiffonne pour le moment.
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Son sang, sur mes épaules
J'aime beaucoup, Phoena ; la progression de ce récit, avec le retour au point de départ pour boucler la boucle, et les détails discrètement distillés ici et là.
Je reprocherais toutefois une tendance trop fréquente à la répétition voulue :
le sang, son sang, sang humide,
« Je meurs, je meurs, criait-elle, je vois plus rien, je vois plus rien,
« Tu as du sang partout, je suis désolée, je suis désolée, s’excusa-t-elle. »
Il était trop tard, trop tard pour elle,
J’étais rouge, rouge de son sang
(et puis un cadavre ne refroidit pas si vite que ça)
Je reprocherais toutefois une tendance trop fréquente à la répétition voulue :
le sang, son sang, sang humide,
« Je meurs, je meurs, criait-elle, je vois plus rien, je vois plus rien,
« Tu as du sang partout, je suis désolée, je suis désolée, s’excusa-t-elle. »
Il était trop tard, trop tard pour elle,
J’étais rouge, rouge de son sang
(et puis un cadavre ne refroidit pas si vite que ça)
Invité- Invité
Re: Son sang, sur mes épaules
Je trouve ce texte très bon aussi, pour ma part. Pas sûre d'avoir interprété la fin de la bonne façon ! m'enfin, tant pis. Je l'ai interprété à ma manière et le texte me plait énormément. Peut-être alléger un peu du côté des répétitions, je partage l'avis d'Easter de ce point de vue là. Peut-être contextualiser un peu plus ? mais ça perdrait de sa force, ça perdrait un peu de cette violence que l'on ressent à la lecture.
Remus- Nombre de messages : 2098
Age : 34
Date d'inscription : 02/01/2012
Re: Son sang, sur mes épaules
Excellent, j'ai beaucoup aimé la progression, les précisions qui aident à planter une situation sans trop en dire, les portes ouvertes pour que le lecteur puisse choisir celle qui lui convient le mieux. ha oui, c'est un bon texte, merci !
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Son sang, sur mes épaules
ah oui ça c'est très bon.
glaçant, terrible, ferrugineux.
plein de tessons.
brrrr.
morbide, mais élégamment.
première fois que je te lis...je crois?
je reviendrai !
enchantée pour la rencontre.
glaçant, terrible, ferrugineux.
plein de tessons.
brrrr.
morbide, mais élégamment.
première fois que je te lis...je crois?
je reviendrai !
enchantée pour la rencontre.
Invité- Invité
Re: Son sang, sur mes épaules
Un texte étonnant par ses contrastes. Le fracas le drame le sang et puis le savon le calme revenu le sourire. Trés bon.
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Son sang, sur mes épaules
Je n'arrive pas trop à savoir si j'ai aimé...
Les répétitions m'ont un peu gênée aussi. Sinon tout se passe très vite, on ressent bien le côté "coup de marteau" sur la tête du narrateur, une sorte de lente panique, mais quelque chose me manque aussi sans que je parvienne à dire quoi, là, tout de suite.
Les répétitions m'ont un peu gênée aussi. Sinon tout se passe très vite, on ressent bien le côté "coup de marteau" sur la tête du narrateur, une sorte de lente panique, mais quelque chose me manque aussi sans que je parvienne à dire quoi, là, tout de suite.
Re: Son sang, sur mes épaules
Dans un grondement, les escaliers, les couloirs, les chambres répétaient ses hurlements.
ça c'est très beau!
ça c'est très beau!
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