Roman : Le Pays de Nod
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Roman : Le Pays de Nod
Il va falloir en faire plus qu’une tentative. Il va me falloir aller au bout de l’aventure. Voici le début-début d’un roman qui a besoin d’être écrit à ce moment précis ! Chaque semaine, une partie de l’histoire devra voir le jour. Comme j’ai commencé à le faire depuis quelques temps, je ne commenterai pas les commentaires qui pourraient être faits, sauf en cas de nécessité (clarification de vocabulaire, orthographe ou autre question demandant réponse) et jamais dans ce fil pour ne pas le faire remonter plus que nécessaire. S’il faut justifier si ou ça, c’est que c’est à jeter et je reprendrai.
Je lis tous les commentaires et en tiens évidemment compte mais ne les commente pas, non par manque de politesse, mais dans un souci de travail d’écriture.
Avertissements : Je ne prends aucune note à l’avance, mon moleskine est « cheap » c’est ma cervelle de moineau – c’est ici que naît et évolue l’histoire, je ne prends note d’aucune idée. Ceci pour dire que si je sais ce qui va s’y dérouler dans l’ensemble, il se peut que je me laisse emporter par des éléments nouveaux et inattendus et qu’un passage puisse être déconseillé à un public plus jeune.
L’autre avertissement tient au vocabulaire canadien-français que vous risquez de trouver par-ci, par-là, voire anglais. Pas de glossaire dans cette histoire, les personnages qui s’y trouvent vivant des situations d’incompréhension face à une langue qui n’est pas la leur et que le lecteur unilingue ressentira. Par ailleurs, pour avoir acheté un « long john » ou deux à la « bakery », je ne peux pas dire que je sois allée à la boulangerie : ce serait un mensonge. Après tout, on dit bien ranch et pas ferme : et pourtant, les deux sont similaires. Ce n’est pas dans la traduction d’un terme qu’on explique le mieux la chose, mais dans la manière dont cette chose est amenée.
Le titre de l’histoire est provisoire.
Un gros merci à Easter qui a lu et biffé la première mouture de ce qui vous est proposé, aujourd’hui !!!
Je lis tous les commentaires et en tiens évidemment compte mais ne les commente pas, non par manque de politesse, mais dans un souci de travail d’écriture.
Avertissements : Je ne prends aucune note à l’avance, mon moleskine est « cheap » c’est ma cervelle de moineau – c’est ici que naît et évolue l’histoire, je ne prends note d’aucune idée. Ceci pour dire que si je sais ce qui va s’y dérouler dans l’ensemble, il se peut que je me laisse emporter par des éléments nouveaux et inattendus et qu’un passage puisse être déconseillé à un public plus jeune.
L’autre avertissement tient au vocabulaire canadien-français que vous risquez de trouver par-ci, par-là, voire anglais. Pas de glossaire dans cette histoire, les personnages qui s’y trouvent vivant des situations d’incompréhension face à une langue qui n’est pas la leur et que le lecteur unilingue ressentira. Par ailleurs, pour avoir acheté un « long john » ou deux à la « bakery », je ne peux pas dire que je sois allée à la boulangerie : ce serait un mensonge. Après tout, on dit bien ranch et pas ferme : et pourtant, les deux sont similaires. Ce n’est pas dans la traduction d’un terme qu’on explique le mieux la chose, mais dans la manière dont cette chose est amenée.
Le titre de l’histoire est provisoire.
Un gros merci à Easter qui a lu et biffé la première mouture de ce qui vous est proposé, aujourd’hui !!!
Léthargie. Prison de sommeil opiacé aux vapeurs chargées d’ombres menaçantes, apaisantes. Les morts ayant pour eux la mémoire des vivants viennent les troubler dans leurs songes, dans la moiteur de l’alcool : recomposés.
Tocsin.
Les paupières, lourdes, se soulèvent. Et le bourdon retentit dans le noir.
Elle bascule de l’autre côté ; et le vent de souffler et d’emporter dans son sillage les sourdes lamentations d’une cloche invisible. Son corps, léger comme folle avoine, prend son envol, se coule hors du lit dans lequel il repose, glisse bientôt sur le sable chaud et râpeux d’une ville endormie à l’ouest du monde.
Elle erre entre les planches de maisons peuplées de fantômes. Alors qu’un jour sans aube se lève, elle revoit le clocher de l’église, la bakery, l’école et le grocery store. Un peu en retrait du cimetière, le ranch des Knight et le fort viennent redéfinir la géographie de ces terres arides et inhospitalières.
La gueule d’un serpent écrasée sous le sabot de cet Appaloosa dont elle reconnaît le cavalier montre ses crocs saillants, mais ce sont les mains qui emprisonnent ses chevilles qu’elle redoute le plus. Alors qu’elle s’enfonce dans les profondeurs de la terre, elle sent que c’est de cette manière que tout doit prendre fin.
Avalant l’air glacé de la nuit, elle met fin au rêve.
Tocsin.
Les paupières, lourdes, se soulèvent. Et le bourdon retentit dans le noir.
Elle bascule de l’autre côté ; et le vent de souffler et d’emporter dans son sillage les sourdes lamentations d’une cloche invisible. Son corps, léger comme folle avoine, prend son envol, se coule hors du lit dans lequel il repose, glisse bientôt sur le sable chaud et râpeux d’une ville endormie à l’ouest du monde.
Elle erre entre les planches de maisons peuplées de fantômes. Alors qu’un jour sans aube se lève, elle revoit le clocher de l’église, la bakery, l’école et le grocery store. Un peu en retrait du cimetière, le ranch des Knight et le fort viennent redéfinir la géographie de ces terres arides et inhospitalières.
La gueule d’un serpent écrasée sous le sabot de cet Appaloosa dont elle reconnaît le cavalier montre ses crocs saillants, mais ce sont les mains qui emprisonnent ses chevilles qu’elle redoute le plus. Alors qu’elle s’enfonce dans les profondeurs de la terre, elle sent que c’est de cette manière que tout doit prendre fin.
Avalant l’air glacé de la nuit, elle met fin au rêve.
La Ville du grand sommeil
- Et pourquoi on n’est pas restées là-bas, au juste ?
- Pour l’aventure !
- Le vieux Québec, ça m’allait très bien.
Pas de réponse. À croire que tout le monde se foutait bien de voyager depuis trois jours et plus dans une vieille bagnole sans climatisation, à s’extasier sur un paysage de plus en plus tarte, en écoutant de la musique merdique. Des plaines à perte de vue. Depuis le Manitoba, ça ne changeait plus. Puis cet air sec qui jaunissait la végétation ! Et où était-il ce vert qu’on voyait sur grand écran quand les indiens chassaient les bisons ?
- Ils doivent coller des filtres sur leurs caméras…
- Tu dis ?
- Où est-ce qu’on va ? Ça fait des jours qu’on roule pour rouler. C’était pas prévu au programme.
- C’est à se demander qui est la plus jeune de la bande…
Elle le savait qu’elle était la plus jeune et, surtout, la moins dégourdie. Le camping sauvage ne lui faisait pas vraiment envie et elle se sentait bien dans cette auberge de jeunesse, dans cette ville frisquette qui lui rappelait un petit coin de Bretagne. La chaleur écrasante de l’ouest canadien la rebutait et elle se foutait bien d’aller voir les Rocheuses, contrairement aux autres.
L’idée d’acheter une voiture bonne pour la casse venait de Laura, évidemment. Payée cash, sans assurance : idée géniale ! Elle se demandait comment les flics avaient fait pour ne pas leur être encore tombés dessus. Laura conduisait. Elle disait que si elles se faisaient pincer, elle expliquerait que c’était son idée. Catherine jouait les copilotes. En même temps, la route, elle était pas compliquée. Toujours tout droit sur la « Highway » – parce qu’on ne disait plus autoroute maintenant qu’on était dans l’ouest, n’est-ce pas ! – il se pointait un panneau de circulation de temps à autre, entre deux villes plus ou moins grosses, et voilà.
Elle et Eldrid se tenaient à l’arrière, comme des gamines : celle qui rumine et celle qui roupille.
- Regardez ! On devrait s’arrêter.
Avant qu’elles aient pu voir quoi que ce soit et pour la énième fois depuis le lever du jour, la voiture fit une embardée et alla se garer tant bien que mal près d’une pierre affublée d’une plaque de métal. À croire que tous les maudits rochers de la plaine s’étaient ligués contre elles pour les retarder dans leur périple vers la Colombie-Britannique, but avéré de ce voyage chaotique et ô combien déprimant.
- Vous voyez, il y avait une ville ici. Imaginez ça ! Ensevelie sous le sable. Ça me donne des envies de fouilles.
Elle, ça lui donnait des envies d’ailleurs, mais quand Laura trouvait le moindre truc d’aspect vieillot, on ne pouvait plus l’arrêter.
Elle revoit encore sa sœur s’éloigner dans la chaleur et la poussière, sous l’écrasante lumière du soleil de midi. Puis, Catherine qui sans la moindre hésitation, laissant ses affaires dans l’automobile, lui emboîte le pas. Enfin, Eldrid qui lui demande : « Tu viens ? » en disparaissant comme au ralenti à leur suite et elle-même jetant un dernier regard à l’antique Chevrolet avant de lever les bras au ciel et de les suivre.
La facilité et la rapidité avec lesquelles tout s’était passé la troublaient encore. Elles avaient laissé Laura décider de leurs vies, en vertu de l’aventure et d’un stupide caillou planté au milieu de nulle part. Et, bientôt, il ne leur resterait plus que leurs yeux pour pleurer.
- Pour l’aventure !
- Le vieux Québec, ça m’allait très bien.
Pas de réponse. À croire que tout le monde se foutait bien de voyager depuis trois jours et plus dans une vieille bagnole sans climatisation, à s’extasier sur un paysage de plus en plus tarte, en écoutant de la musique merdique. Des plaines à perte de vue. Depuis le Manitoba, ça ne changeait plus. Puis cet air sec qui jaunissait la végétation ! Et où était-il ce vert qu’on voyait sur grand écran quand les indiens chassaient les bisons ?
- Ils doivent coller des filtres sur leurs caméras…
- Tu dis ?
- Où est-ce qu’on va ? Ça fait des jours qu’on roule pour rouler. C’était pas prévu au programme.
- C’est à se demander qui est la plus jeune de la bande…
Elle le savait qu’elle était la plus jeune et, surtout, la moins dégourdie. Le camping sauvage ne lui faisait pas vraiment envie et elle se sentait bien dans cette auberge de jeunesse, dans cette ville frisquette qui lui rappelait un petit coin de Bretagne. La chaleur écrasante de l’ouest canadien la rebutait et elle se foutait bien d’aller voir les Rocheuses, contrairement aux autres.
L’idée d’acheter une voiture bonne pour la casse venait de Laura, évidemment. Payée cash, sans assurance : idée géniale ! Elle se demandait comment les flics avaient fait pour ne pas leur être encore tombés dessus. Laura conduisait. Elle disait que si elles se faisaient pincer, elle expliquerait que c’était son idée. Catherine jouait les copilotes. En même temps, la route, elle était pas compliquée. Toujours tout droit sur la « Highway » – parce qu’on ne disait plus autoroute maintenant qu’on était dans l’ouest, n’est-ce pas ! – il se pointait un panneau de circulation de temps à autre, entre deux villes plus ou moins grosses, et voilà.
Elle et Eldrid se tenaient à l’arrière, comme des gamines : celle qui rumine et celle qui roupille.
- Regardez ! On devrait s’arrêter.
Avant qu’elles aient pu voir quoi que ce soit et pour la énième fois depuis le lever du jour, la voiture fit une embardée et alla se garer tant bien que mal près d’une pierre affublée d’une plaque de métal. À croire que tous les maudits rochers de la plaine s’étaient ligués contre elles pour les retarder dans leur périple vers la Colombie-Britannique, but avéré de ce voyage chaotique et ô combien déprimant.
- Vous voyez, il y avait une ville ici. Imaginez ça ! Ensevelie sous le sable. Ça me donne des envies de fouilles.
Elle, ça lui donnait des envies d’ailleurs, mais quand Laura trouvait le moindre truc d’aspect vieillot, on ne pouvait plus l’arrêter.
Elle revoit encore sa sœur s’éloigner dans la chaleur et la poussière, sous l’écrasante lumière du soleil de midi. Puis, Catherine qui sans la moindre hésitation, laissant ses affaires dans l’automobile, lui emboîte le pas. Enfin, Eldrid qui lui demande : « Tu viens ? » en disparaissant comme au ralenti à leur suite et elle-même jetant un dernier regard à l’antique Chevrolet avant de lever les bras au ciel et de les suivre.
La facilité et la rapidité avec lesquelles tout s’était passé la troublaient encore. Elles avaient laissé Laura décider de leurs vies, en vertu de l’aventure et d’un stupide caillou planté au milieu de nulle part. Et, bientôt, il ne leur resterait plus que leurs yeux pour pleurer.
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Roman : Le Pays de Nod
En route pour l'aventure, Lucy (je parle du projet de roman...) !
Prête à te suivre et éventuellement à donner un coup d'éperon si nécessaire.
D'ores et déjà, j'aime l'idée d'un récit à l'Ouest :-)
Prête à te suivre et éventuellement à donner un coup d'éperon si nécessaire.
D'ores et déjà, j'aime l'idée d'un récit à l'Ouest :-)
Invité- Invité
Roman - Rouen SK
Je ne sais pas encore où tu vas, mais je te suis volontiers
Albert-Robert- Nombre de messages : 492
Age : 82
Localisation : Drôme
Date d'inscription : 21/04/2012
Re: Roman : Le Pays de Nod
J'ai eu du mal avec le début, c'est bien écrit, ça crée de suite une ambiance, du mystère, mais c'est le genre de chose qui ne m'accroche pas et je n'étais pas prête à en lire encore longtemps comme ça (goûts personnels).
Heureusement, j'ai voulu lire la suite tout de même, et là j'accroche, beaucoup même.
Cliente pour la suite.
Heureusement, j'ai voulu lire la suite tout de même, et là j'accroche, beaucoup même.
Cliente pour la suite.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Roman : Le Pays de Nod
C'est très bien écrit et comme je ne sais pas encore où tu vas, je ne devine pas encore quelle tournure prendra cette histoire, dans quel style de récit nous sommes, etc., eh bien je te suis volontiers aussi. C'est vraiment bien écrit.
Remus- Nombre de messages : 2098
Age : 34
Date d'inscription : 02/01/2012
Re: Roman : Le Pays de Nod
Ici, j'aurais mis une incise :
pour une meilleure compréhension.La gueule d’un serpent écrasée sous le sabot de cet Appaloosa – dont elle reconnaît le cavalier – montre ses crocs saillants…
Invité- Invité
Re: Roman : Le Pays de Nod
Bonjour.
Eh bien, je n'ai qu'une remarque à faire. A part ça, j'aime bien. C'est court, j'attends la suite, mais c'est agréable et, effectivement, bien écrit.
Eh bien, je n'ai qu'une remarque à faire. A part ça, j'aime bien. C'est court, j'attends la suite, mais c'est agréable et, effectivement, bien écrit.
Lucy a écrit:[...]
Les paupières, lourdes, se soulèvent. Et le bourdon retentit dans le noir. Simple proposition. "Les paupières lourdes se soulèvent, et le bourdon retentit dans le noir.
[...]
TerebHantin- Nombre de messages : 27
Age : 84
Localisation : Picardie
Date d'inscription : 31/07/2012
Re: Roman : Le Pays de Nod
Chaque semaine, qu'elle disait... ^^ Suite !
- Il fait chaud, lâcha Gaïa.
- C’est l’été, constata Eldrid avec simplicité.
- Rien ne te trouble, toi ! En même temps, tu es amie avec ma sœur.
Eldrid esquissa ce sourire à faire chavirer le monde. La douceur de son visage qui s’offrait sans retenue, simplement, apaisa l’humeur de Gaïa. Elle distinguait vaguement le discours plein de sens de Catherine qui lui vantait la chance qu’elle avait, du haut de ses dix-sept ans, de pouvoir se targuer d’avoir fait le tour du monde ou presque grâce à son énergumène de sœur et à ses amies. Comme elle levait les yeux au ciel, Eldrid lui décocha son sourire complice : l’autre sourire. Et Gaïa se mit à rire avant de lui emboîter le pas.
Le chemin de terre desséché qu’elles foulaient les entraînait à travers des champs de blé, de colza, peuplés de lourdes pierres et d’herbes folles.
- Ça sent bon, souffla Gaïa, les yeux mi-clos.
- Tu vois, tu commences à apprécier le paysage, glissa Eldrid à son oreille.
- Faut pas exagérer !
C’était vrai. Le parfum des trèfles ne suffisait pas à embellir la campagne environnante : quand on aime la ville et son béton… mais, tout de même. Le ciel, immense, s’étirait à l’infini vers l’horizon. C’était comme contempler la mer, une étendue ondulante faite d’herbe et de champs cultivés. Le vent faisait danser les vagues végétales teintées d’or et d’émeraude. En regardant vers le firmament à l’azur vierge de tout nuage, la jeune fille fut prise d’un léger vertige.
Foutue nuit, fallait dire ! Laura s’était perdue sur un chemin de terre et une tempête de tous les diables s’était levée dans la foulée, faisant trembler la carlingue de l’automobile. La gravelle du chemin conjuguée à l’usure des pneus avait manqué les envoyer dans le décor, si bien que leur conductrice s’était garée – avait freiné à mort, en d’autres termes – là où elle avait pu. Les phares mourants de la Chevrolet avaient éclairé, à la manière d’un flash d’appareil photo, un panneau indiquant un parc provincial. Une aubaine pour Laura qui avait coupé le moteur essoufflé, plongeant ses compagnes dans les ténèbres. Dormir sur place leur permettrait d’être les premières présentes sur les lieux au petit matin. Dormir dans une auto n’avait jamais tué personne. L’affaire était entendue.
Gaïa n’en revenait pas que ses deux copines se soient, bien gentiment, roulées en boule pour ronfler sur les banquettes en simili cuir. Quant à elle, elle n’avait quasiment pas fermé l’œil. Au beau milieu d’un moment de léthargie profonde, un 4X4 était passé en trombe sur la route, tout près, la faisant sursauter. Catherine, la voix pâteuse, avait émergé un instant de son rêve pour lui dire que ce n’était qu’une voiture, que ce n’était rien et qu’elle pouvait se rendormir. Pourtant, comment dormir quand son imagination bien en éveil lui montrait des images de tortures, d’enlèvements et de Dieu savait quoi d’autre, glanées dans des films et des bouquins qu’elle aimait à lire malgré – surtout pour – les frissons qu’ils lui collaient ? L’imagination, ça n’avait pas que du bon, surtout quand on se retrouvait dans des situations pas possibles. Que se passerait-il s’ils revenaient, les occupants de la grosse bagnole ? Elle frissonna derechef. Et si les journées étaient chaudes, les nuits étaient plus que fraîches. On n’était pas loin d’un climat désertique, comme elle se plaisait à le répéter à ses compagnes d’infortune depuis qu’elle avait, sous ses pas pressés, découvert un cactus qui fleurissait entre deux touffes de verdure jaune.
La tempête du siècle passée, la lumière du jour avait crevé l’obscurité et révélé ce qui semblait être une petite forêt. C’est ainsi que, vers les quatre heures du matin, elle s’était glissée hors de l’automobile. Enroulée dans une couverture pour affronter les bourrasques frisquettes qui s’acharnaient à vous secouer comme un prunier, elle s’était réfugiée sous le couvert des arbres. Suivant le sentier étroit qui sillonnait entre les branchages et les graminées, elle avait marché d’un pas léger. Alléchée par des odeurs d’humus et de mousse des bois, savourant le contact des plantes sauvages qui lui caressaient les mollets, regardant avec un plaisir grandissant les bouleaux et les frênes qui poussaient tout autour du chemin escarpé, Gaïa avait enjambé un petit pont aux planches disjointes avant de tomber nez à nez avec un immense grillage placé par des hommes soucieux de préserver un site historique d’une valeur inestimable. Derrière le rideau de fer, on ne pouvait que voir un énorme rocher recouvert de lichen et abritant des pétroglyphes tracés par les mains des ancêtres des premières nations de la Saskatchewan. Elle s’était amusé, alors, à imaginer les indiens des films de son enfance, avec un faciès genre néanderthal, accroupis sur la roche et communiquant par des bruits de gorge tout en faisant admirer à leurs congénères les signes qu’ils venaient de graver dans la pierre.
Oui, mais bon ! Les souvenirs de la nuit passée n’apporteraient rien au présent. Gaïa se mit en quête de sa sœur qui allait bientôt entendre parler du pays si elle se mettait en tête de les faire griller plus longtemps sur place. C’est alors que quelqu’un siffla. Au beau milieu de nulle part, perchée sur un petit monticule de terre, Laura leur faisait signe d’approcher. En tendant l’oreille, les filles discernèrent des jappements.
- Des chiens de prairie, cria Laura en agitant le bras. Venez !
Sa rancœur envolée, ses dix-sept ans retrouvés, Gaïa s’élança à la rencontre de sa sœur. C’est ainsi qu’elle vit Laura sauter de son perchoir avant de disparaître, dévorée par la lumière aveuglante du soleil.
C’est au moment où elles avaient décidé de regagner leur véhicule que les choses avaient dérapées. Cela faisait des lustres qu’elles s’amusaient à observer des bestioles japper, perchées sur des mottes de terre. Gaïa avait l’impression d’être enfermée dans un sarcophage de fer chauffé à blanc. Si l’été était fait pour transpirer, alors il avait réussi son coup. Elle, ce qu’il lui fallait, c’était un bon repas, à boire et une salle bien climatisée. Chaque fois qu’elle posait les yeux sur sa sœur, c’était pour la voir s’extasier devant deux grains de sable qui se battaient en duel, et elle ne savait plus entre son désir de manger ou de lui botter le cul, lequel primait. Quand, enfin, la grande aventurière qui leur servait de chauffeur décida qu’il était temps de partir, elle fit une nouvelle découverte. Un chemin recouvert, masqué par des pierres énormes, avait failli échapper à sa vigilance. Déjà, elle faisait signe aux autres. Déjà, Gaïa sentait les effluves de son repas disparaître et la fraîcheur de la salle de restaurant qu’elle avait imaginé, partir en fumée.
Sous le sable bat le cœur de la ville endormie.
Entouré d’aspérités rocheuses, d’arbustes et d’une flore assez difficile à identifier, le site historique enseveli ressemblait à s’y méprendre à un cirque à l’abandon. En progressant de plus en plus difficilement dans cette arène improvisée, Gaïa s’aperçut que la semelle d’une de ses chaussures s’était décollée.
- Elle est foutue, souffla-t-elle avant de s’amuser à faire bailler son soulier, monstre de fortune dévorant la terre qu’il recrachait en gerbes brunes à chaque pas.
Un cri.
Elle vit Laura accroupie près d’Eldrid qui, pétrifiée, déchiffrait des mots gravés sur ce qu’elle identifia comme une pierre tombale. La jeune femme se releva assez brusquement avant que Laura ne se penchât à son tour sur la stèle pour en lire les inscriptions.
- Je reconnais que c’est saisissant, mais…
- Saisissant ? Tu avoueras que c’est plus que ça. C’est vraiment pas commun. C’est ahurissant et de mauvais goût.
Gaïa ne comprenait rien à ce qui se passait. Elle observait Laura, toujours à genoux devant la pierre qu’elle balayait de la main afin de déchiffrer les inscriptions cachées sous le sable et la poussière. Avant d’arriver à sa hauteur, elle regarda avec une attention redoublée le paysage qui les entourait. Toute concentrée sur ses pieds, elle en avait oublié de voir alentour, et voilà qu’elle distinguait des croix de bois ou de fer jetées à terre par le vent et le temps, des stèles à demi enfoncées dans le sol, des plaques brisées et enfouies, oubliées. En tournant sur elle-même, elle négligea de soulever ses pieds et sentit le monde se dérober sous ses pas. C’est ainsi qu’elle se retrouva nez à nez avec l’inscription qui avait tant choqué leur amie.
- Comment ton nom s’est-il retrouvé là, Eldrid ?
- Je ne sais pas. Demande à ta sœur ! Elle en a peut-être une idée.
Bouche bée, Laura secouait la tête pour montrer son incompréhension. Catherine laissait son regard aller de l’une à l’autre, aux mots gravés dans la pierre avant de contempler les lieux, visiblement interdite et ne sachant que penser.
- Je te jure, commença Laura avant qu’une bourrasque de vent d’une violence à couper le souffle ne l’obligeât à interrompre son discours et ne pressa les filles à protéger leurs visages d’une poussière aussi coupante que du verre.
- C’est l’été, constata Eldrid avec simplicité.
- Rien ne te trouble, toi ! En même temps, tu es amie avec ma sœur.
Eldrid esquissa ce sourire à faire chavirer le monde. La douceur de son visage qui s’offrait sans retenue, simplement, apaisa l’humeur de Gaïa. Elle distinguait vaguement le discours plein de sens de Catherine qui lui vantait la chance qu’elle avait, du haut de ses dix-sept ans, de pouvoir se targuer d’avoir fait le tour du monde ou presque grâce à son énergumène de sœur et à ses amies. Comme elle levait les yeux au ciel, Eldrid lui décocha son sourire complice : l’autre sourire. Et Gaïa se mit à rire avant de lui emboîter le pas.
Le chemin de terre desséché qu’elles foulaient les entraînait à travers des champs de blé, de colza, peuplés de lourdes pierres et d’herbes folles.
- Ça sent bon, souffla Gaïa, les yeux mi-clos.
- Tu vois, tu commences à apprécier le paysage, glissa Eldrid à son oreille.
- Faut pas exagérer !
C’était vrai. Le parfum des trèfles ne suffisait pas à embellir la campagne environnante : quand on aime la ville et son béton… mais, tout de même. Le ciel, immense, s’étirait à l’infini vers l’horizon. C’était comme contempler la mer, une étendue ondulante faite d’herbe et de champs cultivés. Le vent faisait danser les vagues végétales teintées d’or et d’émeraude. En regardant vers le firmament à l’azur vierge de tout nuage, la jeune fille fut prise d’un léger vertige.
Foutue nuit, fallait dire ! Laura s’était perdue sur un chemin de terre et une tempête de tous les diables s’était levée dans la foulée, faisant trembler la carlingue de l’automobile. La gravelle du chemin conjuguée à l’usure des pneus avait manqué les envoyer dans le décor, si bien que leur conductrice s’était garée – avait freiné à mort, en d’autres termes – là où elle avait pu. Les phares mourants de la Chevrolet avaient éclairé, à la manière d’un flash d’appareil photo, un panneau indiquant un parc provincial. Une aubaine pour Laura qui avait coupé le moteur essoufflé, plongeant ses compagnes dans les ténèbres. Dormir sur place leur permettrait d’être les premières présentes sur les lieux au petit matin. Dormir dans une auto n’avait jamais tué personne. L’affaire était entendue.
Gaïa n’en revenait pas que ses deux copines se soient, bien gentiment, roulées en boule pour ronfler sur les banquettes en simili cuir. Quant à elle, elle n’avait quasiment pas fermé l’œil. Au beau milieu d’un moment de léthargie profonde, un 4X4 était passé en trombe sur la route, tout près, la faisant sursauter. Catherine, la voix pâteuse, avait émergé un instant de son rêve pour lui dire que ce n’était qu’une voiture, que ce n’était rien et qu’elle pouvait se rendormir. Pourtant, comment dormir quand son imagination bien en éveil lui montrait des images de tortures, d’enlèvements et de Dieu savait quoi d’autre, glanées dans des films et des bouquins qu’elle aimait à lire malgré – surtout pour – les frissons qu’ils lui collaient ? L’imagination, ça n’avait pas que du bon, surtout quand on se retrouvait dans des situations pas possibles. Que se passerait-il s’ils revenaient, les occupants de la grosse bagnole ? Elle frissonna derechef. Et si les journées étaient chaudes, les nuits étaient plus que fraîches. On n’était pas loin d’un climat désertique, comme elle se plaisait à le répéter à ses compagnes d’infortune depuis qu’elle avait, sous ses pas pressés, découvert un cactus qui fleurissait entre deux touffes de verdure jaune.
La tempête du siècle passée, la lumière du jour avait crevé l’obscurité et révélé ce qui semblait être une petite forêt. C’est ainsi que, vers les quatre heures du matin, elle s’était glissée hors de l’automobile. Enroulée dans une couverture pour affronter les bourrasques frisquettes qui s’acharnaient à vous secouer comme un prunier, elle s’était réfugiée sous le couvert des arbres. Suivant le sentier étroit qui sillonnait entre les branchages et les graminées, elle avait marché d’un pas léger. Alléchée par des odeurs d’humus et de mousse des bois, savourant le contact des plantes sauvages qui lui caressaient les mollets, regardant avec un plaisir grandissant les bouleaux et les frênes qui poussaient tout autour du chemin escarpé, Gaïa avait enjambé un petit pont aux planches disjointes avant de tomber nez à nez avec un immense grillage placé par des hommes soucieux de préserver un site historique d’une valeur inestimable. Derrière le rideau de fer, on ne pouvait que voir un énorme rocher recouvert de lichen et abritant des pétroglyphes tracés par les mains des ancêtres des premières nations de la Saskatchewan. Elle s’était amusé, alors, à imaginer les indiens des films de son enfance, avec un faciès genre néanderthal, accroupis sur la roche et communiquant par des bruits de gorge tout en faisant admirer à leurs congénères les signes qu’ils venaient de graver dans la pierre.
Oui, mais bon ! Les souvenirs de la nuit passée n’apporteraient rien au présent. Gaïa se mit en quête de sa sœur qui allait bientôt entendre parler du pays si elle se mettait en tête de les faire griller plus longtemps sur place. C’est alors que quelqu’un siffla. Au beau milieu de nulle part, perchée sur un petit monticule de terre, Laura leur faisait signe d’approcher. En tendant l’oreille, les filles discernèrent des jappements.
- Des chiens de prairie, cria Laura en agitant le bras. Venez !
Sa rancœur envolée, ses dix-sept ans retrouvés, Gaïa s’élança à la rencontre de sa sœur. C’est ainsi qu’elle vit Laura sauter de son perchoir avant de disparaître, dévorée par la lumière aveuglante du soleil.
C’est au moment où elles avaient décidé de regagner leur véhicule que les choses avaient dérapées. Cela faisait des lustres qu’elles s’amusaient à observer des bestioles japper, perchées sur des mottes de terre. Gaïa avait l’impression d’être enfermée dans un sarcophage de fer chauffé à blanc. Si l’été était fait pour transpirer, alors il avait réussi son coup. Elle, ce qu’il lui fallait, c’était un bon repas, à boire et une salle bien climatisée. Chaque fois qu’elle posait les yeux sur sa sœur, c’était pour la voir s’extasier devant deux grains de sable qui se battaient en duel, et elle ne savait plus entre son désir de manger ou de lui botter le cul, lequel primait. Quand, enfin, la grande aventurière qui leur servait de chauffeur décida qu’il était temps de partir, elle fit une nouvelle découverte. Un chemin recouvert, masqué par des pierres énormes, avait failli échapper à sa vigilance. Déjà, elle faisait signe aux autres. Déjà, Gaïa sentait les effluves de son repas disparaître et la fraîcheur de la salle de restaurant qu’elle avait imaginé, partir en fumée.
Sous le sable bat le cœur de la ville endormie.
Entouré d’aspérités rocheuses, d’arbustes et d’une flore assez difficile à identifier, le site historique enseveli ressemblait à s’y méprendre à un cirque à l’abandon. En progressant de plus en plus difficilement dans cette arène improvisée, Gaïa s’aperçut que la semelle d’une de ses chaussures s’était décollée.
- Elle est foutue, souffla-t-elle avant de s’amuser à faire bailler son soulier, monstre de fortune dévorant la terre qu’il recrachait en gerbes brunes à chaque pas.
Un cri.
Elle vit Laura accroupie près d’Eldrid qui, pétrifiée, déchiffrait des mots gravés sur ce qu’elle identifia comme une pierre tombale. La jeune femme se releva assez brusquement avant que Laura ne se penchât à son tour sur la stèle pour en lire les inscriptions.
- Je reconnais que c’est saisissant, mais…
- Saisissant ? Tu avoueras que c’est plus que ça. C’est vraiment pas commun. C’est ahurissant et de mauvais goût.
Gaïa ne comprenait rien à ce qui se passait. Elle observait Laura, toujours à genoux devant la pierre qu’elle balayait de la main afin de déchiffrer les inscriptions cachées sous le sable et la poussière. Avant d’arriver à sa hauteur, elle regarda avec une attention redoublée le paysage qui les entourait. Toute concentrée sur ses pieds, elle en avait oublié de voir alentour, et voilà qu’elle distinguait des croix de bois ou de fer jetées à terre par le vent et le temps, des stèles à demi enfoncées dans le sol, des plaques brisées et enfouies, oubliées. En tournant sur elle-même, elle négligea de soulever ses pieds et sentit le monde se dérober sous ses pas. C’est ainsi qu’elle se retrouva nez à nez avec l’inscription qui avait tant choqué leur amie.
- Comment ton nom s’est-il retrouvé là, Eldrid ?
- Je ne sais pas. Demande à ta sœur ! Elle en a peut-être une idée.
Bouche bée, Laura secouait la tête pour montrer son incompréhension. Catherine laissait son regard aller de l’une à l’autre, aux mots gravés dans la pierre avant de contempler les lieux, visiblement interdite et ne sachant que penser.
- Je te jure, commença Laura avant qu’une bourrasque de vent d’une violence à couper le souffle ne l’obligeât à interrompre son discours et ne pressa les filles à protéger leurs visages d’une poussière aussi coupante que du verre.
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Roman : Le Pays de Nod
C'est vraiment très bellement écrit, on sent que tu te complais à trouver le mot juste et dérouler la phrase. Toutefois, je trouve justement que la forme prend le pas sur le fond.
Les paragraphes qui mènent à la découverte de la tombe sont longs, laissent espérer quelque chose qui ne vient pas, comme un suspense avorté. Cela permet bien sûr de faire passer le sentiment d'une menace imprécise qui plane mais je trouve que ça s'étire un peu trop.
Si j'osais, je comparerais les étapes de ce passage à des scènes de film. Mais ce qui se déroulerait assez rapidement au cinéma est plus lent et moins vif, moins instantané à lire.
Deux coquilles :
3ème grand paragraphe : "que les choses avaient dérapées" (dérapé)
Dernier paragraphe : "avant que [...] ne l'obligeât [...] et ne pressa" (pressât)
Les paragraphes qui mènent à la découverte de la tombe sont longs, laissent espérer quelque chose qui ne vient pas, comme un suspense avorté. Cela permet bien sûr de faire passer le sentiment d'une menace imprécise qui plane mais je trouve que ça s'étire un peu trop.
Si j'osais, je comparerais les étapes de ce passage à des scènes de film. Mais ce qui se déroulerait assez rapidement au cinéma est plus lent et moins vif, moins instantané à lire.
Deux coquilles :
3ème grand paragraphe : "que les choses avaient dérapées" (dérapé)
Dernier paragraphe : "avant que [...] ne l'obligeât [...] et ne pressa" (pressât)
Invité- Invité
Re: Roman : Le Pays de Nod
J'ai été captivée par ce récit bien écrit. J'étais persuadée de l'avoir déjà commenté. Enfin commenté... disons que j'étais persuadée d'avoir laissé quelques mots pour manifester le plaisir que j'ai eu à le lire.
J'attends la suite.
J'attends la suite.
Invité- Invité
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