Histoire colorée d'édredon aigre-doux de fin novembre

Il se penche sur elle, la regarde et ne la reconnait plus.
Elle dort noyée dans un édredon de plumes. Il se souvient d'elle, de l'édredon.
Un matin de novembre, alors que le ciel se saturait de nuages aussi diffus que si le firmament avait décidé de se la jouer laiteux à qui mieux mieux, il descendait les quelques étages le séparant du parking couvert et s'installait derrière son volant en pensant que c'était une sacrée bonne idée que de lui offrir un édredon.
— J'ai froid elle avait dit , alors qu'elle se lovait dans un drap, toute pleine du plaisir partagée.
Il avait tourné la clé, le moteur s'était lancé, avait pensé une fois encore : "Une chouette idée, l'idée de l'édredon !", tout en l'imaginant, toujours lovée, s'alanguissant dans une aube poissée, muquée d'humeurs charnelles.
Cet édredon, il le trouva dans le premier magasin venu. Que ce soit le premier magasin venu, lui s'en foutait. Il mit donc ça sur le compte du hasard, fit empaqueter son achat et sortit, édredon crème 100% pure plume sous le bras. Plumes de canard, vu que de l'oie "#J'an ai pu ! :-) " avait répondu la vendeuse.
Crème, c'est joli avait-il pensé, s'imaginant une colonie d'eiders s'envolant puis s'étiolant dans le ciel de novembre.
Elle dormait encore.

Elle dort encore.
Mais à présent, il ne la regarde plus, il l'observe.
Et ne la reconnait pas davantage.
Ce qu'il aimerait, là et maintenant, c'est  ne pas l'avoir acheté cet édredon. Ce qu'il voudrait c'est retrouver ce simple drap dans lequel elle s'enroulait après. Ce qu'il désire, c'est se perdre sous un léger millimètre de tissu turquoise, avec elle.
Un tissu plein drap qui depuis flirte avec les bleus pales.
Mais il n'ose plus.

Il repousse l'édredon, repousse d'un geste vague une nuée d'Eiders, se lève et se prépare un café crème.

Le buvant à petits traits, il se demande à quoi ressemblerait un monde sans canard et sans plume, sans envie d'édredon et sans vendeuse précédant chaque phrase d'un # et les terminant par une parenthèse ?

Ce qu'il se demande, c'est à quoi ressemblerait un monde qui jamais ne se délave ?

On peut se demander aussi si ce sont les objets qui se délavent ou notre regard
à force de voir le temps qui passe essorer nos illusions ?
Ah la subtilité des détails qui transforment ( altèrent, soulignent, accompagnent, décalent ?) notre réalité ou la perception qu'on en a .
Jolie plume !

Rebecca a écrit:On peut se demander aussi si ce sont les objets qui se délavent ou notre regard
à force de voir le temps qui passe essorer nos illusions ?

notre regard n'a pas toujours l'acuité nécessaire pour voir si nos illusions se font la malle, par contre les objets sont inertes et c'est la poussière qui entretient l'illusion

ça sent le viandu camionneur qui se repasse en boucle ses propres films, en s'auto-gratifiant ses titres de singularité. le style est parfait, il traduit bien l'aspect relou.

Je suis assez d'accord avec hi wen, ça manque d'ambition... La dernière phrase fait réfléchir, ça me plaît bien, mais le reste (c'est peut-être voulu) ressemble à une publicité un peu lourde à laquelle je ne goûte pas.

Je ressens ici une petite et timide tentative d'émancipation vers le surréalisme, avec encore une nette propension au classissisme phéromonoménal.
Rien qui soit un pas décisif vers la littérature de demain, mais tout de même la volonté de publier quelque chose tout en sachant fort bien que rien n'existe.
Ce serait un texte comme un auto bertillonnage, une expression de l'animal triste (post coïtum), un texte qui cherche…

Est-ce en effet notre regard qui change, un jour, sans prévenir ?
Ou bien nous, plutôt, qui un jour arrêtons de nous mentir et de faire semblant, même si nous n'en avions pas conscience. Les gens et le regard n'ont pas bougé, pas changé, le monde a continué de tourner mais sans nous, pendant quelques secondes et ça crée un décalage, un gouffre béant au bord duquel o aime à se pencher, quoi qu'on en dise.
Sentiment de peur et de vertige qui est là, dans tes mots, même pas déguisé, y a pas d'effets, c'est juste là, juste beau, parce que vrai.

tu as la force de l'écriture
dommage pour les couleurs

de ce passé délavé
ce présent qui l'avait délavé
reste le futur