Pauvre Samuel

Samuel Patin, né le 5 décembre 1988, dans un froid hivernal et une écharpe rouge, dans les bras de sa mère mais en dehors de son ventre, vous informe que depuis, il n'y est jamais retourné.

La vie a pris sur lui ses armes de spectateur, il fait de la banque d'affaires chez Rochinmach et du swing triste le dimanche au Big Mac. Aïe tout de même, l'embarcation n'était pas si solide.
Va pour des espaces de liberté, des vacances à l'île de Ré avec René et Paul nomade, et trois petites notes de plaisir.
Sinon, la vie lui semble plutôt décevante. Après 150 années de sages décisions, de grands succès, et de fierté parentale, la vie lui semble, plutôt, décevante.

Après 150, il compte 151 et y pense, se dit qu'elle est belle cette île mais qu'on ne s'y sent pas si lien.

Ici non plus d'ailleurs, sauf à lire les lignes en trop. Samuel est fatigué et Samuel n'en rit pas, il n'en jouit pas, il s'en veut déjà d'être un rêveur vif, il veut un songe solitaire.

Le songe des probabilités effacées, le songe des chemins alternatifs et des autobus renversant. Systématiquement, il se dira quelques mots pour s'endormir, parce que le silence lui amène sans demander les dernières terminaisons de ses rêves perdus.

Celui-ci aussi est beau, étonnant de liberté flottante, et le même thème perdu il me semble que le précédent. Je crois que je l’aurais mis au rayon poésie à cause de cette « licence » qui l’irrigue, mais pas besoin d’étiquette.

Bonsoir Seyne,

Merci pour vos gentils messages. La limite de cette liberté que vous décrivez : la peur de s'exposer, dans ses faiblesses, et ses irrémédiables tentations d'être original, si faciles à cacher en quelques mots arrachés sur un coin de papier un après midi de juillet.

Mais je prends le compliment, for once !

Bonne soirée,

Antoine

Pour vous, il fera quelques efforts de clarté, et ne mettra pas toujours un voile de complexité sur les sentiments façonnés au jour le jour. L’intérêt de son message, Seyne, n’est pas spécialement la beauté, la vitesse et le feu le font rougir comme une tomate. Le soir près des bûches, quand les convives délivrent leurs histoires et s’enlacent de toute leur amitié, il y participe comme un seul invité. Toujours à l’écart, jamais en dedans, il s’accoude sagement aux lignes du quotidien. C’est un théâtre auquel il est convié comme un enfant se désigne pour le spectacle de fin d’école, ne voyant jamais encore les regards de tristesse et du temps qui passe, mais l’espoir d’une couronne. Le petit Napoléon des cœurs est déjà en exil, quatre-vingt années plus tard, le charbon a fini de brûler sa peau. Il y a un précipice béant à ses pieds, il penche un peu la tête, regarde ses souvenirs traverser l'horizon, et peut-être se délasse-t-il comme un suicide en renonçant finalement à toute forme de combat.

Good night !

Un petit calme de bureau avec le bruit des photocopieurs, des fourmillements de moquerie, de haine millénaire et bercé de pardons rêvés. On s'y croit comme dans une verrière à l'abri des gros oiseaux et des petits singes fantastiques. Sagement, il faudrait souffler des quinzaines et des quinzaines de bougies pour que ces oiseaux réalisent que leurs ailes font tomber la pluie.

Les marques de désespoir s'invitent sous ses yeux, grises, elles dégagent une violence et ferment l'horizon, ceux qui le regardent sourient avec une distance bien proche de la pitié.

Je lis, il y a trop de délicatesse dans ce récit ou ce portrait pour des commentaires analytiques...

Tentation d'être original, certes ... mais point trop n'en faut !

Une pointe d'émotion et de surréalisme dans ce texte, mais, bon...

C'est beau les écorchures d'enfance...