Animal Psycho
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Animal Psycho
De retour dans cette cage... L'odeur de soufre, de naphtaline et de merde s'engouffre dans ses
narines et il ne peut retenir la gerbe. Au moindre bruit derrière la porte, il sursaute, se recroqueville... Il a faim, tremble. Des milliers de fines lames lui coupent la peau, lui rentrent par les reins pour s'engouffrer directement dans son âme qui l'abandonne un peu plus chaque fois qu'il respire. Il la sait en lui... Une longue sangsue visqueuse, nichée dans les replis de son ventre et dans le canal de ses vertèbres, furtive comme un ver solitaire. Il n'est pas seul pourtant. Des boules de poils lui tiennent compagnie. Elles sont adorables, malgré les souillures, les blessures, elles restent blotties tout contre lui, comme pour le protéger. Ils sont si mignons, de formes et de tailles différentes. Il adore caresser leurs petites oreilles fraîches en formes de triangles. Par-delà les murs de cette pièce, sans fenêtre, sans le moindre meuble, les gémissements, les pleurs, les hurlements font trembler le papier peint crasseux, qui suinte et se décolle, laissant apparaître des taches de sang et autres sécrétions humaines ou animales. Il arrive à s'endormir des fois bercé par la chaleur et le souffle régulier de ses camarades. Le bruit de la porte le réveille. Il panique. Est-ce lui qu'on va amener dans la chambre et ramener dans la cage, ou un de ses amis pour un aller sans retour ? Il sait qu'il va prendre des coups, se faire encore casser les dents ou les côtes, mais chaque fois il essaie de protéger ses amis. En vain... Il ne compte plus, plusieurs fois par jours il va dans la chambre et doit être gentil avec des messieurs ou des mesdames. Il a pris l'habitude, comme de faire dans la litière et manger la pâtée pour animaux et ne ressent déjà plus rien. Mais il a mal, très mal, il souffre à en crever, à l’intérieur, ça cloque, ça suffoque. C'est comme une mâchoire de requin qui lui croque le cœur et ne le lâche plus. Il a mal pour ses compagnons, quand il passe d'une pièce à une autre et qu'il les aperçoit une fraction de seconde, leur minois innocent loin de leur corps, sans pattes ni queue, suspendus à un crochet, des fois agonisant lui jetant un ultime regard... Dans la chambre où il doit être gentil avec les adultes, quand on le laisse respirer un peu, il peut voir entre les barreaux de la fenêtre un océan réchauffé par un radieux soleil qui scintille à perte de vue, et des oiseaux étranges, majestueux, qui planent tels des anges portés par les brises marines, et des fois, des fois, l'odeur du goémon, le goût du sel, de l'écume, d'une glace à la vanille, viennent le caresser de l’intérieur et il ressent alors une chaleur dans le bas-ventre et ça lui donne de l'espoir, la force et le courage de tenir bon, car quelque part dehors il y a un monde merveilleux qui l'attend et alors il a juste à fermer les yeux entre deux passes, et il peut se voir voler pris entre le bleu de l'eau et celui d'un ciel infini... Et accomplir sa vengeance.
Les mensonges qu'on se fait nous rendent fous et les vérités qu'on se cache, nous torturent et nous tuent après. Les principes sauvent un temps.
Askine Noné ouvre les yeux... Dégouline de sueur, le cœur en feu, le souffle chaotique, il ne comprend pas où il se trouve ni qui il est. Il cherche la cage. Ses compagnons. L'écho des hurlements, des cris d'agonie, l'odeur du sang, du sperme et de la merde lui parviennent encore... Le goût du pâté froid lui remplit la bouche, lui colle au palais, s'installe entre ses dents, l’étouffe... Son esprit se déconnecte de son inconscient, pour revenir de ce côté-ci, son cerveau passe d'un programme à un autre... le téléchargement est parasité.... Le dos trempé collé au siège, comme au bord du toit d'un building, il balaye l'espace des yeux à plusieurs reprises, s'accroche où il peut, rencontre son regard dans le rétro... ne le reconnait pas tout de suite. Il se fige. Ce ne sont pas des yeux mais deux puits sans fond dans lesquels, un abyme de terreurs, de ténèbres, de désespoirs et de violence, stagne tranquille... attend d'être relâché encore une fois. Askine reprend le contrôle de ses bras pour commencer... les tend pour attraper le volant. Position de contrôle, agréable. Je suis aux manettes, je contrôle la situation. Il baisse la vitre, sort la tête et hume la nuit. Un ciel d'encre troué de diamants se tient au-dessus de lui immobile. Il ouvre la portière, se met en position. Ça vient, ça vient... flot de gerbe... Une fois sûr qu'il n'a plus rien à rendre, il se redresse, essuie ses larmes. Souffle un bon coup. Ça fait du bien. De la vie lui revient... La moiteur du mois d’août aux heures tardives, le parfums des capucines, des cosmos, des Lobelias ployant sous les caresses d'un vent chaud... jonchent le bosquet de bouleaux du parking... les échos de soirées enivrées aux balcons dorés, les cris de la jeunesse qui exulte, bourrée, droguée, sur la Promenade bondée et un peu partout autour de lui, tout ça le ramène à la réalité de l'instant, loin de son cauchemar comme si cela était arrivé à un autre, l'enfance d'un autre, et il se sent prendre de la consistance, de l’épaisseur, devenir plus solide, plus vivant.
Oui...c’est toujours comme ça quand il fait une sieste, qu'il se retrouve capturé encore dans ce cauchemar.
Il est encore tôt. Il démarre le Pick-up. En faisant demi-tour pour quitter le parking, il s'attarde sur une Berline. Les vitres embuées, sur la banquette arrière deux silhouettes n'en font plus qu'une. Un jeune Africain au crâne parfait, rasé de près chevauche un visage tanné, cramé par le soleil, la crinière argenté, ses biceps énormes resserrant sa proie de toute sa masse. A leur décharge, ils sont silencieux. A la place du mort, un labrador attaché au volant par une longue corde, les regarde avec beaucoup d'attention. Pris par le plaisir, ils ne font pas attention à Askine. Il pèse le pour et le contre. Se tâte. Pourquoi pas... Le labrador comme averti de l'intention du voyeur tourne le museau. Askine lui fait coucou. Il remue la queue. Tu as besoin d'aide... demande Askine. Ha...si tu le dis... L'animal pose ses pattes sur le dossier... aboie... Un bruit sourd résonne dans la berline.
—Putain... Ma tête... il est vraiment con ce chien... il m’a fait peur !
—C'est rien....Calme-toi...Reviens par là...
—Hé mais y a quelqu'un qui nous mate...
—Où ça ? Où ça ? Attends je vais lui montrer moi...
Le vieux costaud claque la portière. A poil, aidé d'une batte en aluminium, il s'approche du Pick-up. Askine baisse la vitre.
—C'est quoi ton problème ? T'es un foutu emmerdeur ? T'es un chasseur d'homos ? J'en ai ras le cul de vous, bordel ! Laissez-nous tranquilles bon sang !
Le jeune Noir, taillé comme un Kényan, pendu à la fenêtre arrière, les yeux brillants, globuleux, se lèche les lèvres à chaque menace que hurle son amant.
—Dis quelque chose bordel ! Ou je te fracasse la voiture !
Askine esquisse un sourire.
—Votre chien...
—Quoi le chien ?
—Il est très beau... Prenez en soin, svp...
—De quoi ?
Le regard du vieux fait des allers-retours entre la brave bête et Askine. La pointe de la batte touche le gravier. Le vieux costaud se pince le bout du nez... secoue la tête... Il ne bombe plus le torse.
—Oui...Oui mon gars je prends soin de Marvin encore plus que de moi. Il est tout ce que j'ai...
—Marvin, répéta Askine en penchant la tête pour voir le toutou.
—Oui c'est son nom....
—Je crois qu'il n'aime pas trop ce prénom...
—C’était le nom de mon père...
—Vas-yyyy casse luiiii sa petite tête de con, B-B! —Ta gueule Clyde, retourne sur la banquette, j'arrive...
—Désolé pour le dérangement, dit Askine, Passez une bonne fin de soirée.
Il laisse le vieux pantois sur le parking. Une main sur le volant... les ongles plantés dans sa cuisse... Askine le fixe dans le rétro jusqu'à qu'il disparaisse.
Le pied léger, il remonte la Prom en ébullition. Riches et pauvres, autochtones et touristes, dansent. D’autres se battent, liesse et fureur partout, et les eaux nocturnes, les palmiers aux feuilles mornes, les paquebots à partouzes à l'horizon qui ne font plus qu'un avec la voûte céleste tout ça défile sous ses paupières encore humides.
Il bifurque au niveau du port et remonte par la basse corniche. Joue avec le bouton de la radio, hoche la tête puis tapote en rythme le volant du bout du doigt... Le Mont-Boron montre ses cimes. Après la pancarte « Interdit aux animaux la nuit », il passe en mode furtif. Radio off. Le pick-up ferme les yeux. Les lueurs faiblardes, orangées, des lampadaires rouillés, balisent le sentier pédestre du parc. Il est bordé de calamines en fleur et de brouillouses un peu passées dont les pétales noircis jonchent le bitume.
Askine effleure la pédale pour apprécier ce spectacle qui lui évoque une marche nuptiale. Après un léger dénivelé, on entre dans le cœur du parc. Ça le reprend. La tête qui picote. Oreilles qui bourdonnent. Il se gratte la nuque. Pupilles dilatées. Poils de bras au garde-à-vous. Échine en sueur. Il se redresse. Se fusille du regard dans le rétro. Prend une goulée d'air et compte à rebours pendant qu'il expire. Le pick-up disparaît dans les ténèbres.
Des silhouettes se meuvent aux abords du cabanon d’accueil. Trois silhouettes. Askine enfile sa cagoule, ouvre la portière en délicatesse. Le bruissement des arbres s’évapore comme on arrête un disque. Depuis les rives de Villefranche, juste derrière la forêt endormie, s’élève le bruit doux et rauque des vagues. Il accélère le pas. Un lampadaire au loin donne un peu de lumière. Tout juste de quoi voir à quelques pas. De voir cette pauvre merde d'humain en train de foutre de gros coups de pied dans les flancs de ce Bull-dog. Il ne peut pas hurler sa douleur, à cause de la muselière. Il couine à peine... presque inconscient. Le gars a une dégaine de soldat, mâchoire carrée, coupé court, gonflé à l'hélium, habillé propre. La femme à coté pleure, le visage gonflé, collant déchiré, le retenant par le bras, faisant ce qu'elle peut en vain. Il lui envoie un bon revers.
Askine grince des dents. La percussion résonne si fort qu'ils se retournent sur lui.
—C'est qui ça ? T'es qui toi ? Encore un taré sexuel ! C'est plus bas si tu cherches de la queue...
—Bonsoir...
—Qu'est-ce tu veux... Tu vois pas qu'on est occupé ?
Askine les mains dans le dos, la cagoule trempée de larmes, contemple l'animal en boule qui n'ose plus ouvrir les yeux.
—Je suis là, dit Askine, tu n'as plus à avoir peur...
—C'est à qui que tu parles espèce d'enculé...
Le bull-dog ouvre les yeux, dresse une oreille et se pose sur son arrière train.
—Allez viens mon ami, c'est fini...
—Je vais t'exploser la tronche tu vas voir !
Askine sort une main de son dos au bout de laquelle il tient un fusil harpon.
La femme se tient tranquille, l’œil vif malgré les hématomes, sans la moindre peur. Un vent chaud traverse le plateau.
Le soldat risque un pas en avant... l'index presse la gâchette... La flèche fait chanter l'air... transperce la cuisse... Il tombe comme un fruit pourri... Regarde autour de lui... C’est bien réel. La douleur lui arrive en différé... Le liquide épais vermillon crache par saccade comme d'un tuyau percé.
—Haaa...J'ai mal..J'ai mal... putain ! Pourquoi t'as fait ça !!!
—Ta gueule ! Espèce de merde. Tiens-toi tranquille ou la prochaine fois je te perfore l'anus !
Askine tire une seringue de sa poche... arrache le bouchon avec les dents... pique le cou du soldat. Il retire la muselière... Caresse le dessus du crâne du molosse.
—C'est un boubou d'amour, il s'appelle Gonzo, dit la jeune femme.
—Je suis désolé de vous dire ça mais je vais devoir prendre Gonzo avec moi. Et vous, vous allez rentrer chez vous, soigner vos blessures et dire que votre ami est sorti promener le chien et qu'il n'est jamais revenu.
La femme ne répond rien. Les rides de son front se plissent, des pattes d'oies sur ses joues se creusent, sa bouche tremblotante, elle prend la main d'Askine dans la sienne.
—Vous êtes qui ? Vous venez du futur ?
Il retire sa main... baisse la tête et se gratte la nuque... Cherche des mots qui ne viennent pas.
Il retourne au Pick-up, prend la corde à l’arrière, l'attache solidement au pare-choc arrière et à la pointe ronde de la flèche plantée dans la cuisse du soldat. La femme observe le spectacle en tirant une bouffée.
Gonzo sur le siège passager, Askine démarre. Rallume la radio. Il prend le chemin de la haute corniche loin de la civilisation, il va traîner ce fils de pute sur plusieurs kilomètres avant de le ramener à la maison.
Les mensonges qu'on se fait nous rendent fous et les vérités qu'on se cache, nous torturent et nous tuent après. Les principes sauvent un temps.
Askine Noné ouvre les yeux... Dégouline de sueur, le cœur en feu, le souffle chaotique, il ne comprend pas où il se trouve ni qui il est. Il cherche la cage. Ses compagnons. L'écho des hurlements, des cris d'agonie, l'odeur du sang, du sperme et de la merde lui parviennent encore... Le goût du pâté froid lui remplit la bouche, lui colle au palais, s'installe entre ses dents, l’étouffe... Son esprit se déconnecte de son inconscient, pour revenir de ce côté-ci, son cerveau passe d'un programme à un autre... le téléchargement est parasité.... Le dos trempé collé au siège, comme au bord du toit d'un building, il balaye l'espace des yeux à plusieurs reprises, s'accroche où il peut, rencontre son regard dans le rétro... ne le reconnait pas tout de suite. Il se fige. Ce ne sont pas des yeux mais deux puits sans fond dans lesquels, un abyme de terreurs, de ténèbres, de désespoirs et de violence, stagne tranquille... attend d'être relâché encore une fois. Askine reprend le contrôle de ses bras pour commencer... les tend pour attraper le volant. Position de contrôle, agréable. Je suis aux manettes, je contrôle la situation. Il baisse la vitre, sort la tête et hume la nuit. Un ciel d'encre troué de diamants se tient au-dessus de lui immobile. Il ouvre la portière, se met en position. Ça vient, ça vient... flot de gerbe... Une fois sûr qu'il n'a plus rien à rendre, il se redresse, essuie ses larmes. Souffle un bon coup. Ça fait du bien. De la vie lui revient... La moiteur du mois d’août aux heures tardives, le parfums des capucines, des cosmos, des Lobelias ployant sous les caresses d'un vent chaud... jonchent le bosquet de bouleaux du parking... les échos de soirées enivrées aux balcons dorés, les cris de la jeunesse qui exulte, bourrée, droguée, sur la Promenade bondée et un peu partout autour de lui, tout ça le ramène à la réalité de l'instant, loin de son cauchemar comme si cela était arrivé à un autre, l'enfance d'un autre, et il se sent prendre de la consistance, de l’épaisseur, devenir plus solide, plus vivant.
Oui...c’est toujours comme ça quand il fait une sieste, qu'il se retrouve capturé encore dans ce cauchemar.
Il est encore tôt. Il démarre le Pick-up. En faisant demi-tour pour quitter le parking, il s'attarde sur une Berline. Les vitres embuées, sur la banquette arrière deux silhouettes n'en font plus qu'une. Un jeune Africain au crâne parfait, rasé de près chevauche un visage tanné, cramé par le soleil, la crinière argenté, ses biceps énormes resserrant sa proie de toute sa masse. A leur décharge, ils sont silencieux. A la place du mort, un labrador attaché au volant par une longue corde, les regarde avec beaucoup d'attention. Pris par le plaisir, ils ne font pas attention à Askine. Il pèse le pour et le contre. Se tâte. Pourquoi pas... Le labrador comme averti de l'intention du voyeur tourne le museau. Askine lui fait coucou. Il remue la queue. Tu as besoin d'aide... demande Askine. Ha...si tu le dis... L'animal pose ses pattes sur le dossier... aboie... Un bruit sourd résonne dans la berline.
—Putain... Ma tête... il est vraiment con ce chien... il m’a fait peur !
—C'est rien....Calme-toi...Reviens par là...
—Hé mais y a quelqu'un qui nous mate...
—Où ça ? Où ça ? Attends je vais lui montrer moi...
Le vieux costaud claque la portière. A poil, aidé d'une batte en aluminium, il s'approche du Pick-up. Askine baisse la vitre.
—C'est quoi ton problème ? T'es un foutu emmerdeur ? T'es un chasseur d'homos ? J'en ai ras le cul de vous, bordel ! Laissez-nous tranquilles bon sang !
Le jeune Noir, taillé comme un Kényan, pendu à la fenêtre arrière, les yeux brillants, globuleux, se lèche les lèvres à chaque menace que hurle son amant.
—Dis quelque chose bordel ! Ou je te fracasse la voiture !
Askine esquisse un sourire.
—Votre chien...
—Quoi le chien ?
—Il est très beau... Prenez en soin, svp...
—De quoi ?
Le regard du vieux fait des allers-retours entre la brave bête et Askine. La pointe de la batte touche le gravier. Le vieux costaud se pince le bout du nez... secoue la tête... Il ne bombe plus le torse.
—Oui...Oui mon gars je prends soin de Marvin encore plus que de moi. Il est tout ce que j'ai...
—Marvin, répéta Askine en penchant la tête pour voir le toutou.
—Oui c'est son nom....
—Je crois qu'il n'aime pas trop ce prénom...
—C’était le nom de mon père...
—Vas-yyyy casse luiiii sa petite tête de con, B-B! —Ta gueule Clyde, retourne sur la banquette, j'arrive...
—Désolé pour le dérangement, dit Askine, Passez une bonne fin de soirée.
Il laisse le vieux pantois sur le parking. Une main sur le volant... les ongles plantés dans sa cuisse... Askine le fixe dans le rétro jusqu'à qu'il disparaisse.
Le pied léger, il remonte la Prom en ébullition. Riches et pauvres, autochtones et touristes, dansent. D’autres se battent, liesse et fureur partout, et les eaux nocturnes, les palmiers aux feuilles mornes, les paquebots à partouzes à l'horizon qui ne font plus qu'un avec la voûte céleste tout ça défile sous ses paupières encore humides.
Il bifurque au niveau du port et remonte par la basse corniche. Joue avec le bouton de la radio, hoche la tête puis tapote en rythme le volant du bout du doigt... Le Mont-Boron montre ses cimes. Après la pancarte « Interdit aux animaux la nuit », il passe en mode furtif. Radio off. Le pick-up ferme les yeux. Les lueurs faiblardes, orangées, des lampadaires rouillés, balisent le sentier pédestre du parc. Il est bordé de calamines en fleur et de brouillouses un peu passées dont les pétales noircis jonchent le bitume.
Askine effleure la pédale pour apprécier ce spectacle qui lui évoque une marche nuptiale. Après un léger dénivelé, on entre dans le cœur du parc. Ça le reprend. La tête qui picote. Oreilles qui bourdonnent. Il se gratte la nuque. Pupilles dilatées. Poils de bras au garde-à-vous. Échine en sueur. Il se redresse. Se fusille du regard dans le rétro. Prend une goulée d'air et compte à rebours pendant qu'il expire. Le pick-up disparaît dans les ténèbres.
Des silhouettes se meuvent aux abords du cabanon d’accueil. Trois silhouettes. Askine enfile sa cagoule, ouvre la portière en délicatesse. Le bruissement des arbres s’évapore comme on arrête un disque. Depuis les rives de Villefranche, juste derrière la forêt endormie, s’élève le bruit doux et rauque des vagues. Il accélère le pas. Un lampadaire au loin donne un peu de lumière. Tout juste de quoi voir à quelques pas. De voir cette pauvre merde d'humain en train de foutre de gros coups de pied dans les flancs de ce Bull-dog. Il ne peut pas hurler sa douleur, à cause de la muselière. Il couine à peine... presque inconscient. Le gars a une dégaine de soldat, mâchoire carrée, coupé court, gonflé à l'hélium, habillé propre. La femme à coté pleure, le visage gonflé, collant déchiré, le retenant par le bras, faisant ce qu'elle peut en vain. Il lui envoie un bon revers.
Askine grince des dents. La percussion résonne si fort qu'ils se retournent sur lui.
—C'est qui ça ? T'es qui toi ? Encore un taré sexuel ! C'est plus bas si tu cherches de la queue...
—Bonsoir...
—Qu'est-ce tu veux... Tu vois pas qu'on est occupé ?
Askine les mains dans le dos, la cagoule trempée de larmes, contemple l'animal en boule qui n'ose plus ouvrir les yeux.
—Je suis là, dit Askine, tu n'as plus à avoir peur...
—C'est à qui que tu parles espèce d'enculé...
Le bull-dog ouvre les yeux, dresse une oreille et se pose sur son arrière train.
—Allez viens mon ami, c'est fini...
—Je vais t'exploser la tronche tu vas voir !
Askine sort une main de son dos au bout de laquelle il tient un fusil harpon.
La femme se tient tranquille, l’œil vif malgré les hématomes, sans la moindre peur. Un vent chaud traverse le plateau.
Le soldat risque un pas en avant... l'index presse la gâchette... La flèche fait chanter l'air... transperce la cuisse... Il tombe comme un fruit pourri... Regarde autour de lui... C’est bien réel. La douleur lui arrive en différé... Le liquide épais vermillon crache par saccade comme d'un tuyau percé.
—Haaa...J'ai mal..J'ai mal... putain ! Pourquoi t'as fait ça !!!
—Ta gueule ! Espèce de merde. Tiens-toi tranquille ou la prochaine fois je te perfore l'anus !
Askine tire une seringue de sa poche... arrache le bouchon avec les dents... pique le cou du soldat. Il retire la muselière... Caresse le dessus du crâne du molosse.
—C'est un boubou d'amour, il s'appelle Gonzo, dit la jeune femme.
—Je suis désolé de vous dire ça mais je vais devoir prendre Gonzo avec moi. Et vous, vous allez rentrer chez vous, soigner vos blessures et dire que votre ami est sorti promener le chien et qu'il n'est jamais revenu.
La femme ne répond rien. Les rides de son front se plissent, des pattes d'oies sur ses joues se creusent, sa bouche tremblotante, elle prend la main d'Askine dans la sienne.
—Vous êtes qui ? Vous venez du futur ?
Il retire sa main... baisse la tête et se gratte la nuque... Cherche des mots qui ne viennent pas.
Il retourne au Pick-up, prend la corde à l’arrière, l'attache solidement au pare-choc arrière et à la pointe ronde de la flèche plantée dans la cuisse du soldat. La femme observe le spectacle en tirant une bouffée.
Gonzo sur le siège passager, Askine démarre. Rallume la radio. Il prend le chemin de la haute corniche loin de la civilisation, il va traîner ce fils de pute sur plusieurs kilomètres avant de le ramener à la maison.
Rezkallah- Nombre de messages : 54
Age : 42
Date d'inscription : 21/03/2015
Re: Animal Psycho
Bonjour Rezkallah. J'ai relu ton texte deux fois, et j'avoue ne pas être sortie de la confusion. J'ai le sentiment que le thème est la maltraitance animale, mais qui est le héros (un hybride ?), où se trouve-t-il, quels sont les protagonistes, c'est difficile à comprendre.
En dehors de ce problème, pour moi les notations de violence, de cruauté, de souffrance sont trop appuyées et répétitives, on a l'impression d'une certaine complaisance.
Bref, j'avais bien aimé tes écrits précédents mais là, je suis complètement restée en dehors.
En dehors de ce problème, pour moi les notations de violence, de cruauté, de souffrance sont trop appuyées et répétitives, on a l'impression d'une certaine complaisance.
Bref, j'avais bien aimé tes écrits précédents mais là, je suis complètement restée en dehors.
Re: Animal Psycho
Bonsoir Seyne et merci,seyne a écrit:Félicitations !
En effet lire le premier chapitre comme ça peut être compliqué. j'aurai dû y penser. Merci de me l'avoir fait remarquer.
Rezkallah- Nombre de messages : 54
Age : 42
Date d'inscription : 21/03/2015
Re: Animal Psycho
Oui, un texte posté ici normalement doit se suffire à lui même, c'est une question passionnante d'ailleurs : est-ce que je donne à mon lecteur les clefs nécessaires et suffisantes ? Encore plus en poésie d'ailleurs, naturellement énigmatique. C'est aussi l'intérêt de ce forum.
Mais ton roman doit être très intéressant, mon commentaire était un peu l'expression de ma frustration devant ce qui paraissait riche et foisonnant mais incompréhensible et qui me laissait sur le seuil. Et les notations de cruauté peuvent avoir une place très différente dans un récit long.
Mais ton roman doit être très intéressant, mon commentaire était un peu l'expression de ma frustration devant ce qui paraissait riche et foisonnant mais incompréhensible et qui me laissait sur le seuil. Et les notations de cruauté peuvent avoir une place très différente dans un récit long.
Re: Animal Psycho
Tu as tout à fait raison, et je l'ai senti comme tel, un commentaire bienveillant. Oui trop en donner au lecteur ou pas assez? Avoir confiance pour être compris sans trop expliquer? Pas evident.seyne a écrit:Oui, un texte posté ici normalement doit se suffire à lui même, c'est une question passionnante d'ailleurs : est-ce que je donne à mon lecteur les clefs nécessaires et suffisantes ? Encore plus en poésie d'ailleurs, naturellement énigmatique. C'est aussi l'intérêt de ce forum.
Mais ton roman doit être très intéressant, mon commentaire était un peu l'expression de ma frustration devant ce qui paraissait riche et foisonnant mais incompréhensible et qui me laissait sur le seuil. Et les notations de cruauté peuvent avoir une place très différente dans un récit long.
J'ai gardé ce roman secret le temps de sa rédaction et de sa publication, pratiquement deux ans... Alors l'envie de le partager m'a un peu possédé . Je partage le PDF complet avec un grand plaisir.
Rezkallah- Nombre de messages : 54
Age : 42
Date d'inscription : 21/03/2015
Re: Animal Psycho
Je le lirai avec plaisir. Il y a mon mail sur le forum si tu veux m'envoyer le pdf.
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