Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
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Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
LA SOUPE DES CAMPS (1)
La chaleur d’août faisait vibrer l’air sur la plaine de Silésie. Les mouches et les moustiques, plaqués au sol par cette chape moite, s’agglutinaient sur les corps dénudés durant les interminables appels du matin et du soir. En dépit de l’effrayante mortalité qui était la norme à Birkenau, les maîtres comptaient et recomptaient les détenues avec une méticulosité d’expert-comptable : du sang neuf irriguait quotidiennement cet organisme vivant qu’était le camp d’Auschwitz avec ses innombrables satellites. Derrière les baraquements aux murs de planches pourrissantes, les immenses cheminées des crématoires crucifiaient le ciel barbouillé de suie : le camp des femmes n’était séparé des installations de « traitement spécial » que par deux rangées de barbelés électrifié. A chaque appel, les matraques des kapos, les auxiliaires féminines des bourreaux, s’abattaient sur…STOP ! Peux pas. Peux plus. VEUX PLUS !
Je ne veux pas vous servir une nouvelle tranche de Shoah découpée comme une rondelle dans un interminable saucisson, je veux juste vous faire connaître ma grand-mère Hilda, la propre mère de ma propre mère. Je veux vous raconter ce qu’elle m’a raconté avec ses mots à elle, non pas la vérité, mais sa vérité, la vérité d’une femme qu’à trente-neuf ans on a tassée à coups de crosse dans un wagon, non pas à bestiaux, mais de marchandises, et qu’on a déversée avec ses compagnons d’infortune comme un tas d’ordures sur le carreau de cet immense déchetterie qui s’appelait Auschwitz. Je dirai par la suite qui elle était, pourquoi et comment elle s’est retrouvé là, et ce qu’il advint d’elle par la suite, ainsi que des siens, mais aujourd’hui, j’aimerais vous raconter, comme il lui arrivait de le faire, l’histoire d’une soupe qui lui a sauvé la vie. Le soleil couchant teignait en rouge la baie d’Haïfa, et j’avais apporté une boîte de pralines et une bouteille de Gewürtzraminer. Ou peut-être était-ce sur la terrasse de l’appartement de mes parents à Saint-Germain-en-Laye. En tous cas je me souviens du vin et des chocolats…
« Je me trouvais à Birkenau depuis le mois de juin, parmi plusieurs dizaine de milliers de détenues comme moi, toutes des femmes valides et en état de travailler. On nous gardait en vie uniquement pour nous expédier un jour ou l’autre dans une usine, un chantier, une carrière ou tout autre lieu de peine. Les autres, malades, infirmes, trop jeunes ou trop vieux, étaient dès leur arrivée passés par les cheminées. Comme ça, kaputt, comme disaient les SS. A Birkenau – comme dans tous les camps que j’ai connu par la suite – notre principal souci était la nourriture. Pour survivre là-bas, il fallait être fort, très fort, et pour cela il fallait manger. On ne nous donnait, après l’appel du soir et du matin, qu’une écuelle de soupe – en vérité de l’eau chaude où s’entortillaient des filaments de légumes décomposés et parfois quelques morceaux de gras –et par jour une boule de pain qui contenait plus de sciure et de son que de farine. Tu penses, pour une fille comme moi, en pleine force de l’âge, plutôt ronde et gourmande, comment ce régime me convenait ! Certaines d’entre nous se débrouillaient.
Celles qui travaillaient aux cuisines ou au garde-manger parvenaient à chiper de la nourriture, qui un bout de saucisson, qui une pomme de terre pourrissante, qui un bout de pain rassis. Il y en avait d’autres, plus téméraires encore, qui avaient réussi à dissimuler quelque objet de valeur ou de l’argent, ou même à en dérober dans l’entrepôt où l’administration du camp entassait les biens volés aux victimes. Les SS ukrainiens, et même certains allemands, étaient d’une cupidité sans limite, et on pouvait ainsi obtenir d’eux, en s’y prenant prudemment, un supplément de pain, un cube de margarine, un peu de sucre, un fruit, voire même du chocolat. Inutile de te dire que celles qui se faisaient attraper passaient un sale quart d’heure. Bien entendu, on les tuait, mais pas de la manière habituelle. A Auschwitz, la mort par le gaz était la manière normale de mourir, réservée aux faibles, aux malades, ou tout simplement à ceux qu’on avait décidé d’éliminer dès leur arrivée. Mais celles qui avaient volé de la nourriture avaient droit à un châtiment exemplaire : elles avaient commis le plus grand des crimes : voler le Reich. Ou plus exactement reprendre au Reich une infime partie de ce qu’on leur avait volé. Enfin c’est comme ça que nous, nous voyions les choses, au moins. Celles-là on les pendait, en présence de tout leur baraquement aligné comme à la parade, ou bien encore on les fouettait à mort, et en musique, s’il te plaît ! A Birkenau, tout se faisait en musique, les allemands sont un peuple très mélomane, et ce n’étaient pas les bons musiciens qui manquaient, les Juifs aussi sont un peuple très mélomane et tu sais que je joue du piano. Enfin j’en jouais. Pour passer au travers de la sélection, il valait mieux être violoniste ou couturière que femme de lettres ou simplement mère de famille.
Pour tout t’avouer, je volais moi aussi, quand je le pouvais. Avant ma déportation, à Budapest, jamais je n’aurais osé même chiper un bonbon dans un magasin, j’avais bien trop peur de la police, et puis on ne m’avait pas éduquée de la sorte, tu peux me croire : tu ne voleras point, dit notre Loi. Mais là-bas, le monde marchait sur la tête, et des filles à qui on aurait jadis confié son portefeuille le cœur serein se révélaient plus douées pour le chapardage qu’un voyou endurci. Malheureusement, je ne travaillais ni aux cuisines ni aux entrepôts ; en vérité, comme la plupart des détenues, je ne travaillais pratiquement pas, sauf quelques corvées humiliantes qu’on nous imposait à tour de rôle. Quand ce n’était pas l’heure des appels, nous n’avions rien d’autre à faire que rester les unes sur les autres à gémir sur le bon temps passé et à spéculer sur celui à venir. Nous parlions surtout des bonnes choses que nous avions mangé – la cuisine juive, surtout la hongroise, est délicieuse – et de celles que nous mangerions…si nous sortions vivantes de tout cela ! Nous parlions peu, voire jamais, de nos parents, nos maris, nos enfants : nous ignorions pour la plupart où ils se trouvaient ou nous ne le savions que trop bien. Moi, Dieu merci, je savais où était ma fille chérie, ta mère, et qu’elle était en sécurité en Roumanie. Enfin si tant est qu’on pouvait être en sécurité durant la guerre…
A ce moment, cela faisait belle lurette que j’avais dépensé les quelques billets que j’avais pu cacher à mon arrivée, échangés à un jeune SS ukrainien rougeaud et boutonneux, contre du chocolat de troupe, sec comme la puszta et plus dur qu’un bouchon de liège, mais pour moi c’était le Paradis tout le temps que je le mâchais. Tu sais à quel point je raffole du chocolat et fais donc un peu tourner ces pralines à la crème, égoïste, mon histoire me donne faim. Bref, je n’avais plus rien à monnayer, et pas d’occasion de chaparder quoi que ce soit. J’avais pourtant remarqué que mon jeune ukrainien, comme tous ceux de sa race, était plutôt porté sur la boisson, et qu’il dissimulait une bouteille d’eau-de-vie sous l’escalier de bois de son poste de garde. Dès qu’il était sûr qu’aucun de ses collègues ou de ses supérieurs ne pouvait le voir, il filait s’en glisser une lampée derrière la cravate. Quant aux détenues, il s’en moquait : c’était des juives. Autant dire personne.
Ton pauvre grand-père ne touchait jamais à l’alcool ; au restaurant, il ne commandait jamais que du café au lait. Même avec le goulasch ou des boulettes frites. Pouah ! Moi, tu sais que je ne crache pas sur un bon verre de vin ou même deux…oui c’est cela, verse encore un peu de ce joli vin d’Alsace, il me rappelle le Tokay…et là, cette bouteille, certainement pleine de vodka ou d’alcool de prune comme les polonais savent si bien le faire, je la convoitais avec les yeux du renard devant le poulailler. J’imaginais déjà la coulée parfumée se déverser sur ma langue, inonder ma gorge et réchauffer mes boyaux ! En m’y prenant comme il fallait, j’étais sûre de pouvoir lui dérober une ou deux gorgées quotidiennes sans qu’il sans aperçoive. Seulement pour cela, il fallait que je trouve un prétexte pour traîner autour de ce poste de garde sans attirer l’attention. J’ai demandé à la chef des gardiennes, une polonaise qui détestait les Juifs encore plus que les Allemands et qui avait le coup de matraque facile, si je pouvais me rendre utile en balayant l’escalier et la terrasse du poste. Elle a ricané, tu t’ennuies, la Juive, ou alors c’est pour tournicoter autour de tous ces beaux mâles, mais elle m’a quand même donné un balai en ajoutant et fais gaffe à ce que soit bien propre : si je vois un seul grain de poussière, tu vas comprendre ta douleur.
Tous les matins et tous les après-midi, j’étais là, prête à jouer du balai dès que quelqu’un entrait ou sortait du poste. Le regard des gardes glissait sur moi sans même me voir : pour eux nous étions interchangeables. Ils ne nous remarquaient que s’il se passait quelque chose d’insolite ou simplement s’ils étaient de mauvais poil, et là…Au début, je me suis contentée de faire mon travail en essayant de me faire transparente. Au début, la chef m’avait à l’œil, mais au bout de quelques jours, elle n’a plus pris garde à moi. Quand j’ai jugé le moment venu, je me suis rapprochée en douce de la cache au trésor, tu ne peux pas savoir comme mon cœur battait…un coup d’œil à gauche un coup d’œil à droite, pas de casque de fer ni de matraque de gardienne en vue, j’ai glissé la main dans le recoin et, hop, ni vu ni connu, une grande lampée dans le gosier. Ah, mensch…tu ne peux pas savoir l’effet que ça m’a fait ! C’est comme si le soleil m’était descendu dans l’estomac, j’ai bien cru que j’allais tomber raide sur la terre battue, et qu’on allait m’emmener directement pour m’évacuer par la cheminée. Quand je suis rentrée au baraquement pour l’appel, les autres détenues me regardaient d’un drôle d’œil, mais personne n’a rien dit. J’ai continué ce petit jeu, deux fois par jour, pendant au moins deux semaines. La bouteille de l’ukrainien semblait sans fond. Je suppose qu’il la remplissait régulièrement, où et comment, je ne le savais pas. L’alcool n’était pas une chose courante à Birkenau et les Allemands ne badinaient pas avec la discipline. .../...
La chaleur d’août faisait vibrer l’air sur la plaine de Silésie. Les mouches et les moustiques, plaqués au sol par cette chape moite, s’agglutinaient sur les corps dénudés durant les interminables appels du matin et du soir. En dépit de l’effrayante mortalité qui était la norme à Birkenau, les maîtres comptaient et recomptaient les détenues avec une méticulosité d’expert-comptable : du sang neuf irriguait quotidiennement cet organisme vivant qu’était le camp d’Auschwitz avec ses innombrables satellites. Derrière les baraquements aux murs de planches pourrissantes, les immenses cheminées des crématoires crucifiaient le ciel barbouillé de suie : le camp des femmes n’était séparé des installations de « traitement spécial » que par deux rangées de barbelés électrifié. A chaque appel, les matraques des kapos, les auxiliaires féminines des bourreaux, s’abattaient sur…STOP ! Peux pas. Peux plus. VEUX PLUS !
Je ne veux pas vous servir une nouvelle tranche de Shoah découpée comme une rondelle dans un interminable saucisson, je veux juste vous faire connaître ma grand-mère Hilda, la propre mère de ma propre mère. Je veux vous raconter ce qu’elle m’a raconté avec ses mots à elle, non pas la vérité, mais sa vérité, la vérité d’une femme qu’à trente-neuf ans on a tassée à coups de crosse dans un wagon, non pas à bestiaux, mais de marchandises, et qu’on a déversée avec ses compagnons d’infortune comme un tas d’ordures sur le carreau de cet immense déchetterie qui s’appelait Auschwitz. Je dirai par la suite qui elle était, pourquoi et comment elle s’est retrouvé là, et ce qu’il advint d’elle par la suite, ainsi que des siens, mais aujourd’hui, j’aimerais vous raconter, comme il lui arrivait de le faire, l’histoire d’une soupe qui lui a sauvé la vie. Le soleil couchant teignait en rouge la baie d’Haïfa, et j’avais apporté une boîte de pralines et une bouteille de Gewürtzraminer. Ou peut-être était-ce sur la terrasse de l’appartement de mes parents à Saint-Germain-en-Laye. En tous cas je me souviens du vin et des chocolats…
« Je me trouvais à Birkenau depuis le mois de juin, parmi plusieurs dizaine de milliers de détenues comme moi, toutes des femmes valides et en état de travailler. On nous gardait en vie uniquement pour nous expédier un jour ou l’autre dans une usine, un chantier, une carrière ou tout autre lieu de peine. Les autres, malades, infirmes, trop jeunes ou trop vieux, étaient dès leur arrivée passés par les cheminées. Comme ça, kaputt, comme disaient les SS. A Birkenau – comme dans tous les camps que j’ai connu par la suite – notre principal souci était la nourriture. Pour survivre là-bas, il fallait être fort, très fort, et pour cela il fallait manger. On ne nous donnait, après l’appel du soir et du matin, qu’une écuelle de soupe – en vérité de l’eau chaude où s’entortillaient des filaments de légumes décomposés et parfois quelques morceaux de gras –et par jour une boule de pain qui contenait plus de sciure et de son que de farine. Tu penses, pour une fille comme moi, en pleine force de l’âge, plutôt ronde et gourmande, comment ce régime me convenait ! Certaines d’entre nous se débrouillaient.
Celles qui travaillaient aux cuisines ou au garde-manger parvenaient à chiper de la nourriture, qui un bout de saucisson, qui une pomme de terre pourrissante, qui un bout de pain rassis. Il y en avait d’autres, plus téméraires encore, qui avaient réussi à dissimuler quelque objet de valeur ou de l’argent, ou même à en dérober dans l’entrepôt où l’administration du camp entassait les biens volés aux victimes. Les SS ukrainiens, et même certains allemands, étaient d’une cupidité sans limite, et on pouvait ainsi obtenir d’eux, en s’y prenant prudemment, un supplément de pain, un cube de margarine, un peu de sucre, un fruit, voire même du chocolat. Inutile de te dire que celles qui se faisaient attraper passaient un sale quart d’heure. Bien entendu, on les tuait, mais pas de la manière habituelle. A Auschwitz, la mort par le gaz était la manière normale de mourir, réservée aux faibles, aux malades, ou tout simplement à ceux qu’on avait décidé d’éliminer dès leur arrivée. Mais celles qui avaient volé de la nourriture avaient droit à un châtiment exemplaire : elles avaient commis le plus grand des crimes : voler le Reich. Ou plus exactement reprendre au Reich une infime partie de ce qu’on leur avait volé. Enfin c’est comme ça que nous, nous voyions les choses, au moins. Celles-là on les pendait, en présence de tout leur baraquement aligné comme à la parade, ou bien encore on les fouettait à mort, et en musique, s’il te plaît ! A Birkenau, tout se faisait en musique, les allemands sont un peuple très mélomane, et ce n’étaient pas les bons musiciens qui manquaient, les Juifs aussi sont un peuple très mélomane et tu sais que je joue du piano. Enfin j’en jouais. Pour passer au travers de la sélection, il valait mieux être violoniste ou couturière que femme de lettres ou simplement mère de famille.
Pour tout t’avouer, je volais moi aussi, quand je le pouvais. Avant ma déportation, à Budapest, jamais je n’aurais osé même chiper un bonbon dans un magasin, j’avais bien trop peur de la police, et puis on ne m’avait pas éduquée de la sorte, tu peux me croire : tu ne voleras point, dit notre Loi. Mais là-bas, le monde marchait sur la tête, et des filles à qui on aurait jadis confié son portefeuille le cœur serein se révélaient plus douées pour le chapardage qu’un voyou endurci. Malheureusement, je ne travaillais ni aux cuisines ni aux entrepôts ; en vérité, comme la plupart des détenues, je ne travaillais pratiquement pas, sauf quelques corvées humiliantes qu’on nous imposait à tour de rôle. Quand ce n’était pas l’heure des appels, nous n’avions rien d’autre à faire que rester les unes sur les autres à gémir sur le bon temps passé et à spéculer sur celui à venir. Nous parlions surtout des bonnes choses que nous avions mangé – la cuisine juive, surtout la hongroise, est délicieuse – et de celles que nous mangerions…si nous sortions vivantes de tout cela ! Nous parlions peu, voire jamais, de nos parents, nos maris, nos enfants : nous ignorions pour la plupart où ils se trouvaient ou nous ne le savions que trop bien. Moi, Dieu merci, je savais où était ma fille chérie, ta mère, et qu’elle était en sécurité en Roumanie. Enfin si tant est qu’on pouvait être en sécurité durant la guerre…
A ce moment, cela faisait belle lurette que j’avais dépensé les quelques billets que j’avais pu cacher à mon arrivée, échangés à un jeune SS ukrainien rougeaud et boutonneux, contre du chocolat de troupe, sec comme la puszta et plus dur qu’un bouchon de liège, mais pour moi c’était le Paradis tout le temps que je le mâchais. Tu sais à quel point je raffole du chocolat et fais donc un peu tourner ces pralines à la crème, égoïste, mon histoire me donne faim. Bref, je n’avais plus rien à monnayer, et pas d’occasion de chaparder quoi que ce soit. J’avais pourtant remarqué que mon jeune ukrainien, comme tous ceux de sa race, était plutôt porté sur la boisson, et qu’il dissimulait une bouteille d’eau-de-vie sous l’escalier de bois de son poste de garde. Dès qu’il était sûr qu’aucun de ses collègues ou de ses supérieurs ne pouvait le voir, il filait s’en glisser une lampée derrière la cravate. Quant aux détenues, il s’en moquait : c’était des juives. Autant dire personne.
Ton pauvre grand-père ne touchait jamais à l’alcool ; au restaurant, il ne commandait jamais que du café au lait. Même avec le goulasch ou des boulettes frites. Pouah ! Moi, tu sais que je ne crache pas sur un bon verre de vin ou même deux…oui c’est cela, verse encore un peu de ce joli vin d’Alsace, il me rappelle le Tokay…et là, cette bouteille, certainement pleine de vodka ou d’alcool de prune comme les polonais savent si bien le faire, je la convoitais avec les yeux du renard devant le poulailler. J’imaginais déjà la coulée parfumée se déverser sur ma langue, inonder ma gorge et réchauffer mes boyaux ! En m’y prenant comme il fallait, j’étais sûre de pouvoir lui dérober une ou deux gorgées quotidiennes sans qu’il sans aperçoive. Seulement pour cela, il fallait que je trouve un prétexte pour traîner autour de ce poste de garde sans attirer l’attention. J’ai demandé à la chef des gardiennes, une polonaise qui détestait les Juifs encore plus que les Allemands et qui avait le coup de matraque facile, si je pouvais me rendre utile en balayant l’escalier et la terrasse du poste. Elle a ricané, tu t’ennuies, la Juive, ou alors c’est pour tournicoter autour de tous ces beaux mâles, mais elle m’a quand même donné un balai en ajoutant et fais gaffe à ce que soit bien propre : si je vois un seul grain de poussière, tu vas comprendre ta douleur.
Tous les matins et tous les après-midi, j’étais là, prête à jouer du balai dès que quelqu’un entrait ou sortait du poste. Le regard des gardes glissait sur moi sans même me voir : pour eux nous étions interchangeables. Ils ne nous remarquaient que s’il se passait quelque chose d’insolite ou simplement s’ils étaient de mauvais poil, et là…Au début, je me suis contentée de faire mon travail en essayant de me faire transparente. Au début, la chef m’avait à l’œil, mais au bout de quelques jours, elle n’a plus pris garde à moi. Quand j’ai jugé le moment venu, je me suis rapprochée en douce de la cache au trésor, tu ne peux pas savoir comme mon cœur battait…un coup d’œil à gauche un coup d’œil à droite, pas de casque de fer ni de matraque de gardienne en vue, j’ai glissé la main dans le recoin et, hop, ni vu ni connu, une grande lampée dans le gosier. Ah, mensch…tu ne peux pas savoir l’effet que ça m’a fait ! C’est comme si le soleil m’était descendu dans l’estomac, j’ai bien cru que j’allais tomber raide sur la terre battue, et qu’on allait m’emmener directement pour m’évacuer par la cheminée. Quand je suis rentrée au baraquement pour l’appel, les autres détenues me regardaient d’un drôle d’œil, mais personne n’a rien dit. J’ai continué ce petit jeu, deux fois par jour, pendant au moins deux semaines. La bouteille de l’ukrainien semblait sans fond. Je suppose qu’il la remplissait régulièrement, où et comment, je ne le savais pas. L’alcool n’était pas une chose courante à Birkenau et les Allemands ne badinaient pas avec la discipline. .../...
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 70
Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
...Hélas les meilleures choses ont une fin et mon ukrainien avait dû finir par s’apercevoir que quelqu’un trinquait au même goulot que lui. J’étais devenue trop maligne pour qu’on puisse me prendre sur le fait, mais il était retors aussi. Je ne t’ai pas dit, mais sa bouteille, elle n’était pas transparente, elle était de verre sombre, opaque, de sorte qu’on ne pouvait pas distinguer ce qui se trouvait à l’intérieur. Une après-midi, alors que je m’étais bien assuré de ne pas être surprise, j’ai aspiré comme d’habitude ma dose de remontant, et j’ai cru cette fois-ci que c’était l’Enfer qui dégringolait dans mes tripes. Avant d’avoir compris ce qui m’arrivait, j’avais avalé une grande gorgée d’un liquide abominable, épais, atrocement râpeux, au goût de brûlé et de rouille. Le salopard avait remplacé son nectar par de l’huile de vidange. Note bien…il aurait tout aussi bien pu y mettre du poison ou de l’acide et je ne serais pas là pour te raconter cette histoire. Mais bon, je pense qu’il avait surtout voulu jouer un tour de cochon à celui qui se rinçait la dalle à ses frais, et puis il devait penser que c’était un collègue. L’idée qu’il puisse s’agir d’une détenue ne lui serait même pas venue à l’esprit : les Juifs n’oseraient jamais voler un SS ! Je ne pouvais même pas recracher, et surtout il ne fallait pas que je vomisse : à Auschwitz un détenu malade était un détenu mort. Kaputt. Le soir, j’ai bien cru que j’allais défaillir pendant l’appel, encore plus éprouvant que d’habitude, mais j’ai réussi à tenir debout jusqu’à ce que je puisse m’effondrer entre mes deux camarades de lit. Nous dormions à trois par paillasse, sur des couchettes superposées par trois aussi. Des harengs dans la saumure, je te dis. La nuit, en bousculant mes compagnes, j’ai réussi à me traîner jusqu’au seau hygiénique où j’ai enfin pu vider mes tripes.
Seulement voilà, le lendemain, à l’heure de l’appel du matin, impossible de me lever. Je ne tenais pas sur mes jambes et j’avais l’impression d’avoir une enclume dans le ventre. Deux filles, de Budapest comme moi, plus charitables que les autres, m’aidèrent à me lever et à me traîner dehors. Durant tout l’appel, elles se serrèrent contre moi chacune de leur côté pour m’empêcher de tomber. Celle qui tombait ne se relevait pas, ou alors c’était pour être emmenée de l’autre côté des barbelés. Quand l’appel fut enfin terminé, nous dûmes nous mettre en rang pour la distribution de la soupe. Je n’avais même pas la force de tendre ma gamelle, et la kapo qui versait nos rations s’en aperçut. Elle appela immédiatement la chef en criant, eh chef eh chef, elle est malade celle-là, il faut l’emmener au revier (l’infirmerie) ce qui voulait dire la mort : les médecins allemands ne soignaient pas les Juifs. Il les tuaient La chef s’approchait déjà, faisant sauter sa matraque dans sa paume, un grand sourire au lèvre. Elle n’avait encore assommé personne ce jour-là et sa matraque la démangeait. Les autres s’était écartées en regardant ailleurs, j’ai bien cru que ma dernière heure était arrivée et j’ai baissé les paupières en priant que pour que ça aille vite. Une voix allemande m’a rappelé à moi. Was ist los ? Qu’est-ce qui se passe ici ? J’ai ouvert les yeux et j’ai vu tout un groupe de SS, dont plusieurs officiers, qui faisaient une tournée d’inspection. Il était très rare que les Allemands se rendent dans notre camp, et encore moins des officiers. Les seuls qu’on pouvait voir se tenaient dans les miradors, bien au-dessus de nous, prêts à ouvrir le feu sur tout ce qui bougeait. Un des officiers s’est avancé, je l’ai reconnu tout de suite, comment ne pas le reconnaître ? Il portait un uniforme très bien coupé, parfaitement ajusté à la taille, et il était chaussé de bottes brillantes comme des miroirs. A Birkenau, tout le monde l’appelait l’Ange de la Mort, car c’était le plus souvent lui qui, de sa cravache, indiquait aux nouveaux arrivants la direction à prendre, droite ou gauche, la vie, ou la mort. Il m’avait rappelé alors que je soutenais une pauvre vieille qui arrivait à peine à marcher, et fait changer de colonne. C’était Joseph Mengele. Le docteur Mengele.
Il s’adressa d’abord sèchement à la chef. Que se passe-t-il ? Un problème. La chef en bégayait de terreur et de rage, c’est… c’est cette chienne-là, mon commandant, répondit-elle dans un allemand lamentable, avec un fort accent polonais…elle…elle est malade…Elle ne veut pas manger ! Mengele se tourna vers moi. Je te raconte ce dialogue comme je m'en souviens :
- C’est vrai ce que dis la chef ? Tu es malade ? me dit-il d’une voix doucereuse.
- Non mon commandant. Je vais très bien. Je vous assure je vais très bien.
Moi en revanche, je parlais parfaitement l’allemand : j’avais écrit de nombreuses critiques de théâtre et de musique dans cette langue, et je lisais Goethe et Schiller dans le texte. Le docteur, surpris, m’en complimenta.
- Mais vous parlez très bien allemand, chère Madame.
C’est tout juste s’il n’allait pas me faire le baisemain. Il poursuivit sur le même ton.
- Il paraît que vous ne voulez pas manger, chère Madame. Seriez-vous souffrante ? dans ce cas, je vais tout de suite donner des instructions pour qu’on vous transfère à l’infirmerie. Nous ne pouvons pas laisser des malades parmi les détenues en bonne santé, vous me comprendrez aisément.
- Non non, mon commandant, je vous assure que je vais parfaitement bien.
Les autres SS, amusés, s’étaient approchés ; la chef, quant à elle, semblait changée en statue de sel. Les colères du docteur étaient tout à fait imprévisibles.
- Mais dans ce cas, chère Madame, il faut manger. Si l’on ne mange pas, on s’affaiblit, et quand on s’affaiblit, on tombe malade. Pourquoi ne voulez-vous pas manger ?
Que répondre ? Si je disais que j’étais malade je signais mon arrêt de mort mais si je ne répondais pas, c’était encore pire. Il n’y avait qu’une solution.
- Ce n’est pas bon, ce qu’on nous sert. Je ne veux pas manger cette soupe infâme.
Alors là, mensch, la foudre se serait abattue au milieu de nous que ça n’aurait pas été pire. Toute voix s’était tue, et on aurait dit que même les mouches et les taons faisaient silence.
- Ah je vois…la soupe ne vous convient pas. Eh bien je vais la goûter.
Et comme personne n’osait bouger, il cria.
- Qu’on m’amène une gamelle de cette soupe, Schnell !
La chef elle-même se précipita, une écuelle fumante en mains. Mengele renifla la chose avec méfiance, y trempa les lèvres, et avala une petite gorgée de la soupe des camps. Il fit la grimace et donna un grand coup de pied dans la marmite qui roula par terrre en répandant tout son contenu.
- C’est vrai que ce n’est pas bon ! C’est même immangeable ! Je comprends très bien que vous ne vouliez pas avaler ceci, chère Madame. Mais dites-moi un peu : que souhaiteriez-vous manger à la place ? Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ?
J’ai dit la première chose qui m’est passée par la tête.
- Eh bien, mon commandant, voilà un certain temps que je n’ai pas mangé une bonne soupe aux choux et aux pommes de terre, avec beaucoup de lard, comme on sait les préparer en Bavière…
- Qu’on amène immédiatement une grande marmite de soupe aux choux et aux pommes de terre pour cette baraque !
Un des SS tenta d’objecter. Où allait-on trouver cela ? Mengele lui répondit d’une voix dangereusement douce.
- Allez immédiatement me demander ça au mess des officiers. Et n’oubliez pas : avec beaucoup de lard. Exécution.
Le soldat se jeta au garde-à-vous. Pas à dire, la discipline SS c’était quelque chose.
- A vos ordres, mon Commandant.
A peine dix minutes plus tard, le soldat revenait, en compagnie de deux gardes ukrainiens taillés comme des bûcherons qui portaient une grosse marmite suspendue à deux longues perches. Et c’est ainsi que ce jour-là, parce que j’avais avalé dix centilitres d’huile de vidange, tout mon baraquement s’est régalé de bonne soupe aux choux. Allez, ressers-moi encore un doigt de vin et trinquons : depuis ce jour-là, je sais le prix de la vie. Et celui des bonnes choses ! »
Gobu
Seulement voilà, le lendemain, à l’heure de l’appel du matin, impossible de me lever. Je ne tenais pas sur mes jambes et j’avais l’impression d’avoir une enclume dans le ventre. Deux filles, de Budapest comme moi, plus charitables que les autres, m’aidèrent à me lever et à me traîner dehors. Durant tout l’appel, elles se serrèrent contre moi chacune de leur côté pour m’empêcher de tomber. Celle qui tombait ne se relevait pas, ou alors c’était pour être emmenée de l’autre côté des barbelés. Quand l’appel fut enfin terminé, nous dûmes nous mettre en rang pour la distribution de la soupe. Je n’avais même pas la force de tendre ma gamelle, et la kapo qui versait nos rations s’en aperçut. Elle appela immédiatement la chef en criant, eh chef eh chef, elle est malade celle-là, il faut l’emmener au revier (l’infirmerie) ce qui voulait dire la mort : les médecins allemands ne soignaient pas les Juifs. Il les tuaient La chef s’approchait déjà, faisant sauter sa matraque dans sa paume, un grand sourire au lèvre. Elle n’avait encore assommé personne ce jour-là et sa matraque la démangeait. Les autres s’était écartées en regardant ailleurs, j’ai bien cru que ma dernière heure était arrivée et j’ai baissé les paupières en priant que pour que ça aille vite. Une voix allemande m’a rappelé à moi. Was ist los ? Qu’est-ce qui se passe ici ? J’ai ouvert les yeux et j’ai vu tout un groupe de SS, dont plusieurs officiers, qui faisaient une tournée d’inspection. Il était très rare que les Allemands se rendent dans notre camp, et encore moins des officiers. Les seuls qu’on pouvait voir se tenaient dans les miradors, bien au-dessus de nous, prêts à ouvrir le feu sur tout ce qui bougeait. Un des officiers s’est avancé, je l’ai reconnu tout de suite, comment ne pas le reconnaître ? Il portait un uniforme très bien coupé, parfaitement ajusté à la taille, et il était chaussé de bottes brillantes comme des miroirs. A Birkenau, tout le monde l’appelait l’Ange de la Mort, car c’était le plus souvent lui qui, de sa cravache, indiquait aux nouveaux arrivants la direction à prendre, droite ou gauche, la vie, ou la mort. Il m’avait rappelé alors que je soutenais une pauvre vieille qui arrivait à peine à marcher, et fait changer de colonne. C’était Joseph Mengele. Le docteur Mengele.
Il s’adressa d’abord sèchement à la chef. Que se passe-t-il ? Un problème. La chef en bégayait de terreur et de rage, c’est… c’est cette chienne-là, mon commandant, répondit-elle dans un allemand lamentable, avec un fort accent polonais…elle…elle est malade…Elle ne veut pas manger ! Mengele se tourna vers moi. Je te raconte ce dialogue comme je m'en souviens :
- C’est vrai ce que dis la chef ? Tu es malade ? me dit-il d’une voix doucereuse.
- Non mon commandant. Je vais très bien. Je vous assure je vais très bien.
Moi en revanche, je parlais parfaitement l’allemand : j’avais écrit de nombreuses critiques de théâtre et de musique dans cette langue, et je lisais Goethe et Schiller dans le texte. Le docteur, surpris, m’en complimenta.
- Mais vous parlez très bien allemand, chère Madame.
C’est tout juste s’il n’allait pas me faire le baisemain. Il poursuivit sur le même ton.
- Il paraît que vous ne voulez pas manger, chère Madame. Seriez-vous souffrante ? dans ce cas, je vais tout de suite donner des instructions pour qu’on vous transfère à l’infirmerie. Nous ne pouvons pas laisser des malades parmi les détenues en bonne santé, vous me comprendrez aisément.
- Non non, mon commandant, je vous assure que je vais parfaitement bien.
Les autres SS, amusés, s’étaient approchés ; la chef, quant à elle, semblait changée en statue de sel. Les colères du docteur étaient tout à fait imprévisibles.
- Mais dans ce cas, chère Madame, il faut manger. Si l’on ne mange pas, on s’affaiblit, et quand on s’affaiblit, on tombe malade. Pourquoi ne voulez-vous pas manger ?
Que répondre ? Si je disais que j’étais malade je signais mon arrêt de mort mais si je ne répondais pas, c’était encore pire. Il n’y avait qu’une solution.
- Ce n’est pas bon, ce qu’on nous sert. Je ne veux pas manger cette soupe infâme.
Alors là, mensch, la foudre se serait abattue au milieu de nous que ça n’aurait pas été pire. Toute voix s’était tue, et on aurait dit que même les mouches et les taons faisaient silence.
- Ah je vois…la soupe ne vous convient pas. Eh bien je vais la goûter.
Et comme personne n’osait bouger, il cria.
- Qu’on m’amène une gamelle de cette soupe, Schnell !
La chef elle-même se précipita, une écuelle fumante en mains. Mengele renifla la chose avec méfiance, y trempa les lèvres, et avala une petite gorgée de la soupe des camps. Il fit la grimace et donna un grand coup de pied dans la marmite qui roula par terrre en répandant tout son contenu.
- C’est vrai que ce n’est pas bon ! C’est même immangeable ! Je comprends très bien que vous ne vouliez pas avaler ceci, chère Madame. Mais dites-moi un peu : que souhaiteriez-vous manger à la place ? Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ?
J’ai dit la première chose qui m’est passée par la tête.
- Eh bien, mon commandant, voilà un certain temps que je n’ai pas mangé une bonne soupe aux choux et aux pommes de terre, avec beaucoup de lard, comme on sait les préparer en Bavière…
- Qu’on amène immédiatement une grande marmite de soupe aux choux et aux pommes de terre pour cette baraque !
Un des SS tenta d’objecter. Où allait-on trouver cela ? Mengele lui répondit d’une voix dangereusement douce.
- Allez immédiatement me demander ça au mess des officiers. Et n’oubliez pas : avec beaucoup de lard. Exécution.
Le soldat se jeta au garde-à-vous. Pas à dire, la discipline SS c’était quelque chose.
- A vos ordres, mon Commandant.
A peine dix minutes plus tard, le soldat revenait, en compagnie de deux gardes ukrainiens taillés comme des bûcherons qui portaient une grosse marmite suspendue à deux longues perches. Et c’est ainsi que ce jour-là, parce que j’avais avalé dix centilitres d’huile de vidange, tout mon baraquement s’est régalé de bonne soupe aux choux. Allez, ressers-moi encore un doigt de vin et trinquons : depuis ce jour-là, je sais le prix de la vie. Et celui des bonnes choses ! »
Gobu
Gobu- Nombre de messages : 2400
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Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Emue, encore une fois. fffff... Parce que les souvenirs de grand-mère Hilda trouvent un écho, en éveillent d'autres. Et que tout ça, ben... ça bouleverse un peu de l'intérieur.
Alors, à chaud, eh bien : elle est très belle "grand-mère, Hilda"... Un sacré personnage, quand-même ! J'aime ! Son ton, sa manière de raconter, avec humour, sans tristesse. Pas du genre à larmoyer. Je ne crois pas ! Elle vit, on l'entend rire, se moquer de "son ukrainien" et même narguer finement "la chef".
Non, les camps c'était l'horreur... mais même dans l'horreur, il y a aussi "les petites histoires", légères... et certaines ont un goût particulier... peut-être celui d'une petite victoire... sur un rien... mais une "bataille" remportée quand même, et on continue d'exister, on résiste encore, on se bat encore.
Alors, à chaud, eh bien : elle est très belle "grand-mère, Hilda"... Un sacré personnage, quand-même ! J'aime ! Son ton, sa manière de raconter, avec humour, sans tristesse. Pas du genre à larmoyer. Je ne crois pas ! Elle vit, on l'entend rire, se moquer de "son ukrainien" et même narguer finement "la chef".
Non, les camps c'était l'horreur... mais même dans l'horreur, il y a aussi "les petites histoires", légères... et certaines ont un goût particulier... peut-être celui d'une petite victoire... sur un rien... mais une "bataille" remportée quand même, et on continue d'exister, on résiste encore, on se bat encore.
Reginelle- Nombre de messages : 1753
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Localisation : au fil de l'eau
Date d'inscription : 07/03/2008
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Bouleversant.
J'ai un peu honte de relever quelques fautes, tant cela semble futile au regard de ce récit que vous avez si bien su porter.
s’est retrouvée là,
plusieurs dizaines
camps que j’ai connus
à « en » dérober : léger doute : « en » : argent ? nourriture plutôt ? les deux ?
les Allemands
manquaient, les Juifs (peut-être un point ou un point-virgule, non ? La virgule me semble faible.
jeune Ukrainien
les Polonais/ une Polonaise/ les juifs( ?)/ la juive/
beaux mâles, mais elle (idem pour la virgule)
mon Ukrainien
n eh chef eh chef
les autres s’étaient écartées
J'ai un peu honte de relever quelques fautes, tant cela semble futile au regard de ce récit que vous avez si bien su porter.
s’est retrouvée là,
plusieurs dizaines
camps que j’ai connus
à « en » dérober : léger doute : « en » : argent ? nourriture plutôt ? les deux ?
les Allemands
manquaient, les Juifs (peut-être un point ou un point-virgule, non ? La virgule me semble faible.
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pierre-henri- Nombre de messages : 699
Age : 66
Localisation : Raiatea
Date d'inscription : 17/02/2008
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
pierre-henri a écrit:Bouleversant.
J'ai un peu honte de relever quelques fautes, tant cela semble futile au regard de ce récit que vous avez si bien su porter.
s’est retrouvée là,
plusieurs dizaines
camps que j’ai connus
à « en » dérober : léger doute : « en » : argent ? nourriture plutôt ? les deux ?
les Allemands
manquaient, les Juifs (peut-être un point ou un point-virgule, non ? La virgule me semble faible.
jeune Ukrainien
les Polonais/ une Polonaise/ les juifs( ?)/ la juive/
beaux mâles, mais elle (idem pour la virgule)
mon Ukrainien
n eh chef eh chef
les autres s’étaient écartées
Oui, j'ai toujours eu un petit problème avec l'accord des participes passés des verbes pronominaux.
S'agissant de la majuscule des adjectifs de nationalité utilisés comme substantifs, normalement, je la mets (sinon c'est une faute de distraction !) sauf lorsque se sont les Allemands qui parlent des juifs. Dans leur esprit, ils n'avaient pas droit à une majuscule. Ils n'avaient d'ailleurs droit à rien du tout.
Il y a en effet quelques erreurs -involontaires- de ponctuation. Relecture insuffisante, je le crains fort. J'ai fini ce texte hier à minuit et je n'avais plus tout à fait les yeux en face des trous...:0)
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 70
Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Oui, malgré mon "jeune âge", beaucoup d'echo, en effet.
On se laisse emmener par ton récit.
Chapeau bas comme toujours Gobu... Merci
On se laisse emmener par ton récit.
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ninananere- Nombre de messages : 1010
Age : 49
Localisation : A droite en haut des marches
Date d'inscription : 14/03/2007
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Quand l'histoire s'inscrit dans l'Histoire...Crédible, émouvant sans être mièvre ou forcer l'attendrissement. Presque drôle par moments. Elle a du caractère cette grand-mère, et de la répartie.
Attention à "voire même", redondant
Attention à "voire même", redondant
Invité- Invité
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Je trouve ton texte très émouvant et l'histoire que tu écris tellement vraie. Surtout quand tu parles de la réaction de mengele, ce besoin qu'ont les boureaux d'avoir ponctuellement dans leur vie de cruauté des "raptus" de bienveillance. ca leur arrive surtout quand ils sont entourés de leurs larbins (je parle là des officiers qu'il s'agit d'étonner ce qui lui permet de se conforter dans sa "puissance" par rapport au système qu'ils sont sensé servir, ce besoin s'inscrit tellement justement dans ton récit. Maintenant deux choses qui me gènent beaucoup!, parce que trop généralistes "les allemands ne bidinaient pas avec la discipline " et un prisonnier malade était un prisonnier mort" C'est des choses qu'on entend banalement. Dire par exemple qu'on allait pas continuer à alimenter un prisonnier ayant cessé d'être productif,donc c'était la mort! parlerait mieux. Même chose pour la première phrase, tout le monde sait l'amour immodéré de l'Allemand pour la discipline . Même en dehors de toute sorte de guerre. Aussi là aussi faudrait à mon avis formuler ça d'une façon plus mordante dans le genre "donnaient libre court à la haine mortelle qu'ils portent à tout esprit épris de la moindre liberté. Enfin le dire autrement, pour que ça fasse moins cliché. Ton texte ne mérite pas ça, ces phrases là banalisent le récit et l'histoire vécue qui est derrière, et qui, a part cela est d'une telle autre dimenssion. Enfin c'est à toi de voir. Ca tient la route, faut absolument faire la suite!Gobu a écrit:LA SOUPE DES CAMPS (1)
[i]La chaleur , je ne le savais pas. L’alcool n’était pas une chose courante à Birkenau et les Allemands ne badinaient pas avec la discipline. .../...
outretemps- Nombre de messages : 615
Age : 77
Date d'inscription : 19/01/2008
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Dans ce contexte, ça ne prend pas de majuscule. Ou alors il faudrait en mettre une à catholique ou musulman, par exemple.Gobu a écrit: sauf lorsque se sont les Allemands qui parlent des juifs. Dans leur esprit, ils n'avaient pas droit à une majuscule. Ils n'avaient d'ailleurs droit à rien du tout.
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Plus ça va, plus tu m'épates ... Gobu, tu es un vrai romancier ! Totalement emporté par ton texte, la tension, l'émotion, tout est formidablement rendu ... un vrai tour de force tant l'exercice me semble complexe et le sujet sensible !
Est ce que Grand Mère Hilda existe vraiment ? ça sonne terriblement vrai ...
Quand est ce que tu nous fais un livre, Gobu ? Quand, bon sang ?
Est ce que Grand Mère Hilda existe vraiment ? ça sonne terriblement vrai ...
Quand est ce que tu nous fais un livre, Gobu ? Quand, bon sang ?
Charles- Nombre de messages : 6288
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Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
outretemps a écrit:"les allemands ne bidinaient pas avec la discipline " et un prisonnier malade était un prisonnier mort" C'est des choses qu'on entend banalement. Dire par exemple qu'on allait pas continuer à alimenter un prisonnier ayant cessé d'être productif,donc c'était la mort! parlerait mieux. Même chose pour la première phrase, tout le monde sait l'amour immodéré de l'Allemand pour la discipline .Gobu a écrit:LA SOUPE DES CAMPS (1)
[i]La chaleur , je ne le savais pas. L’alcool n’était pas une chose courante à Birkenau et les Allemands ne badinaient pas avec la discipline. .../...
Tout d'abord merci pour ton commentaire attentif.
Mais je voudrais préciser 2 points :
1) Non, à Birkenau en tous cas, et partout d'ailleurs en ce qui concerne les Juifs, les détenus malades devenus improductifs n'étaient pas simplement privés de nourriture, ils étaient tués. En plus des gazages de masse à l'arrivée des convois, les SS ratissaient chaque jour les différents camps dépendant d'Auschwitz pour sélectionner les "bouches inutiles" et les emmener à la chambre à gaz. Souvent, aussi, eux ou même les gardiens détenus les tuaient sur place, par balle ou plus généralement à coups de bâton ou de pelle. Fallait pas gaspiller les munitions. A côté de l'extermination industrielle, il y avait quotidiennement ainsi des dizaines d'assassinats individuels, souvent simplement motivés par des pulsions sadiques.
2) Je ne suis pas convaincu que les Allemands ont tant que cela le sens de la discipline "même en dehors de toute guerre". Un peu à l'instar des Japonais, ils ont même une tendance historique au désordre, à l'anarchie, voire au nihilisme qui les a conduits probablement à s'imposer un carcan disciplinaire justement en réaction. D'une certaine manière, la Shoah et plus généralement le déchaînement de la barbarie nazie durant toute la guerre ont été l'expression d'une explosion de violence collective probablement unique dans l'Histoire de l'humanité par son ampleur, ses modalités et ses conséquences. Que ce déchaînement ait été encouragé, sévérement encadré et canalisé pour servir les objectifs et les intérêts du pouvoir national-socialiste et de ses soutiens est évident, mais c'est un autre débat. Reste, évidemment, que la SS en tant qu'organisation était un modèle de discipline de fer (on parlait déjà de Kadaverdiziplin dans l'armée impériale de Guillaume II) et d'obéissance aveugle. Si je fais dire à ma grand-mère "les Allemands ne badinaient pas, etc..." c'est avant tout parce que lorsqu'elle parlait de ses bourreaux et de ceux de son peuple, elle employait le mot "Allemands" sachant par expérience personnelle que c'était bien l'Etat allemand, avec, hélas, l'assentiment au moins tacite de la grande majorité du peuple allemand, qui avait mis sur pied et mené à bien cette entreprise de destruction. Même si d'autres nations y ont peu ou prou collaboré...
Gobu- Nombre de messages : 2400
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Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Charles a écrit:Est ce que Grand Mère Hilda existe vraiment ? ça sonne terriblement vrai ...
Grand-Mère Hilda a bel et bien existé. Elle a survécu à tout ça et est morte au début des années 90, au Luxembourg. Et je raconte cette histoire telle qu'elle me l'a racontée à maintes reprises...
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 70
Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Gobu a écrit:Charles a écrit:Est ce que Grand Mère Hilda existe vraiment ? ça sonne terriblement vrai ...
Grand-Mère Hilda a bel et bien existé. Elle a survécu à tout ça et est morte au début des années 90, au Luxembourg. Et je raconte cette histoire telle qu'elle me l'a racontée à maintes reprises...
Et tu la raconte très très bien !
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 49
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
"Aux angles des murs, sont accrochés des ongles,
les ongles ont griffé les murs..."
A l'embarquement des portes passagères...
les ongles ont griffé les murs..."
A l'embarquement des portes passagères...
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
[quote="Gobu"][quote="outretemps"]
Salut Gobu. Je comprends fort bien tout ce que tu dis. mais le reste du texte est d'une telle tenue qu'il faudrait que t'arrives à écrire ces deux phrases autrement, car elles ne sont pas assez fortes. Remplace par Kadaverdiziplin, par exemple, c'est excellent et inédit, ça frappe et tout le monde comprend. j'aimerai que tu soumettes la question de ces deux phrases à tous ce qui te commentent, je ne me sens pas compétent suffisamment. Quand au carcan par réaction je suis pas d'accord. prends les peuples dits disciplinés ,c 'est le carnaval qui leur sert d'exutoire. C'est à mon avis historiquement comme ça que ça doit se voir. J'ai fait mon service en allemagne. juste devant le mess quand on sortait il fallait entendre les allemands quand on traversait à pied le passage quand c'était au rouge " Ach diesse Frantzosen". Et les entendre en Alsace "Bei uns ist es so schönner" , à se demander ce qu'ils sont venus foutre en France.Gobu a écrit:LA SOUPE DES CAMPS (1)
...
outretemps- Nombre de messages : 615
Age : 77
Date d'inscription : 19/01/2008
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Hilda s'en est sortie, on se demande comment ces gens ont pu tenir, elle a sans doute bien raconté et fait passer le message parce que, Gobu, tu retranscris à merveille
Ca prend à la gorge, c'est criant de réalisme et d'horreur
Ha c'est le genre de texte dont peut s'enorgueillir VE en comparaison de... bon je continue pas
Merci Gobu !
Ca prend à la gorge, c'est criant de réalisme et d'horreur
Ha c'est le genre de texte dont peut s'enorgueillir VE en comparaison de... bon je continue pas
Merci Gobu !
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Que dire… C'est écrit juste, le texte s'équilibre fort bien entre passé et présent, si bien que l'on imagine avec aisance ces deux personnages distincts mais pourtant un seul. C'est une nouvelle, et c'est pas rien, lui manque plus que le papier pour se coucher dessus. J'aime à tous points de vu.
Yali- Nombre de messages : 8624
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Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Tu écris très bien Gobu, pas de doutes là-dessus.
Je ne commenterai pas plus...
Je ne commenterai pas plus...
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
gobu avertit le lecteur
Sur l'ensemble, gobu, connaissant à présent ta grand-mère, j'ai trouvé dans son discours un air de famille caractérisé par la longueur des phrases.
Surtout, ne change pas, tu tiens le bon bout.
...non pas la vérité, mais sa vérité...
L'utilisation du qui est très agréable à l'oreille lors d'une énumération mais associée au qui pronom relatif, alourdit le visuel....Celles qui travaillaient aux cuisines ou au garde-manger parvenaient à chiper de la nourriture, qui un bout de saucisson, qui une pomme de terre pourrissante, qui un bout de pain rassis. Il y en avait d’autres, plus téméraires encore, qui avaient réussi à dissimuler...
même remarque que précédemment, pour le ou, où....nous ignorions pour la plupart où ils se trouvaient ou nous ne le savions que trop bien. Moi, Dieu merci, je savais où était ma fille chérie,...
Sur l'ensemble, gobu, connaissant à présent ta grand-mère, j'ai trouvé dans son discours un air de famille caractérisé par la longueur des phrases.
Surtout, ne change pas, tu tiens le bon bout.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Effectivement, un très bon texte. J'ai lu d'un seul trait.
Superbe, vraiment.
Superbe, vraiment.
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
bertrand-môgendre a écrit:gobu avertit le lecteur...non pas la vérité, mais sa vérité...L'utilisation du qui est très agréable à l'oreille lors d'une énumération mais associée au qui pronom relatif, alourdit le visuel....Celles qui travaillaient aux cuisines ou au garde-manger parvenaient à chiper de la nourriture, qui un bout de saucisson, qui une pomme de terre pourrissante, qui un bout de pain rassis. Il y en avait d’autres, plus téméraires encore, qui avaient réussi à dissimuler...même remarque que précédemment, pour le ou, où....nous ignorions pour la plupart où ils se trouvaient ou nous ne le savions que trop bien. Moi, Dieu merci, je savais où était ma fille chérie,...
Sur l'ensemble, gobu, connaissant à présent ta grand-mère, j'ai trouvé dans son discours un air de famille caractérisé par la longueur des phrases.
Surtout, ne change pas, tu tiens le bon bout.
Merci pour tes remarques, camarade lecteur.
D'accord pour le pronom relatif, je vais changer : "D'autres, plus téméraires encore, etc..."
Ok aussi pour le "ou" et les "ou", mais ça va être plus ardu, pour ne pas dénaturer le sens. Enfin j'ai ma petite idée...
Quant à la longueur des phrases, je ne suis pas sûr que celles de Hilda Mèmè (c'est comme ça qu'on l'appelait en hongrois) étaient aussi longues que les miennes, mais bon, c'est de l'écrit, et elle c'était de l'oral...
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 70
Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Lu bien entendu, je me suis arrêté sur la soupe au lard.
La soupe au lard de cochon ou le sadisme culinaire.
Ma réflexion sur les rappels pour mémoire est très complexe, je vous l'épargnerai donc. C'est un beau texte, un format adapté. Une bien belle nouvelle. Merci Gobu.
La soupe au lard de cochon ou le sadisme culinaire.
Ma réflexion sur les rappels pour mémoire est très complexe, je vous l'épargnerai donc. C'est un beau texte, un format adapté. Une bien belle nouvelle. Merci Gobu.
Invité- Invité
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
pandaworks a écrit:Lu bien entendu, je me suis arrêté sur la soupe au lard.
La soupe au lard de cochon ou le sadisme culinaire.
Ma réflexion sur les rappels pour mémoire est très complexe, je vous l'épargnerai donc. C'est un beau texte, un format adapté. Une bien belle nouvelle. Merci Gobu.
Ben moi, elle m'intéresserait, ta réflexion sur les rappels pour mémoire. C'est un sujet qui me tient à coeur aussi...
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 70
Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Notre "devoir de mémoire". Une vigilance. Un mode veille qui nous permet d'établir "les bases du danger" en faire une référence un scanner à drame. L'anticipation du délire humain par l'exemple passé. Et si nous n'en avions pas besoin? Nazisme, esclavagisme, stratification des peuples, délires religieux. Nous ne sommes à ce jour jamais sortis du bourbier qu'il nous plaît, par tendresse, militantisme, charité, compassion, de remonter en épouvantail les années, que dis-je les siècles sombres qui nous séparent de "l'homme de Florès". A ce demander si déjà au cryogène l'homme n'avait pas déjà listé les déviations qui l'habite, avant même d'être sorti de sa première testicule. A voir la géostratégie faire ses grandes manœuvres tous les jours et tout le temps, j'en viens à me dire que le passé, atroce et dur, n'est même pas à même de concurrencer notre présent, atroce et aveuglé.
De Birkenau je ne retiens qu'il en existe encore de par le monde, qu'il en existera d'autre, malgré "la connaissance" qui nous alimente de ses mises en gardes. Le bordel en Afrique, exacerbation des instincts tribaux, guerres moyennes-Orientales comme une guirlande de qui dirige qui, exploitation de l'homme dans 75 % des pays du monde. L'homme ne change en rien de celui de 45. Des ordures, des approbateurs, silencieux ou publics, des soumis, des impuissant et les inertes.
Ceux que la société jouissive du confort acquis dorlote comme pour se tenir à l'écart.
Des enfants dans les champs de cotons ouzbeks
Des enfants dans les briquèteries chinoises
Des femmes dans les bordels De séoul
Des hommes de Goa trempés jusqu'à l'os des teintures textiles en péroxyde d'Azote.
Et rédiger la liste complète des micro-nazismes me tuera avant que mes ongles aient gratté le clavier pour en être polis.
Nos rappels pour mémoire, très cher ami,dissipent l'attention face au fascisme moderne. Tu nous sert ce texte au moment même de la visite
de Merckel en Israel, comme pour nous balancer un "mais". Mais oui, mais. Ce n'est plus la vision que je me fait du combat.
Du passé nous n'avons rien retenu, inlassablement reproduisant les schémas post-colonialistes, conquêtes et reconquêtes au nom de l'économie moderne. Et youpi, du progrès, de l'humanité, de la démocratie. Le pire n'est pas derrière, il est devant. En créant de toute pièce la prospérité universelle "accessible au prix de", nous plantons tous les jours les semences des atrocités de demain, tout en ignorant celles d'aujourd'hui, sauf si elle sont profitables à l'égo. Les camps reviendrons Gob, car il sont déjà là. Ils n'ont jamais cessé d'être là.
Je te mets ici deux petits textes courts qui trainent sur Ve. Pour moi la prépondérance de la misère- présent ne laisse plus place aux nostalgies militantes.
Je suis occupé aux révolutions. Dans mon domaine, les micros-révolutions liées aux métissages des races, ou, à défaut de leur coabitation. J'ai le regret de ne plus pleurer pour hier. Désolé.
I
hier ne ressemblait plus à l'idée que je m'en étais faite.
disons déjà plus
disons déjà parti
hier ne ressemblait plus à l'idée dont j'étais fait
disait jamais plus
disait déjà fini.
passé dirons-nous. Pourri lui-même.
II
les murs de Berlin que l'on élève à nouveau
sont partout
les murs de Berlin que l'on croyait cassés de cailloux
sont partout
les murs de Berlin que l'on élève à nouveau
sont en nous.
De Birkenau je ne retiens qu'il en existe encore de par le monde, qu'il en existera d'autre, malgré "la connaissance" qui nous alimente de ses mises en gardes. Le bordel en Afrique, exacerbation des instincts tribaux, guerres moyennes-Orientales comme une guirlande de qui dirige qui, exploitation de l'homme dans 75 % des pays du monde. L'homme ne change en rien de celui de 45. Des ordures, des approbateurs, silencieux ou publics, des soumis, des impuissant et les inertes.
Ceux que la société jouissive du confort acquis dorlote comme pour se tenir à l'écart.
Des enfants dans les champs de cotons ouzbeks
Des enfants dans les briquèteries chinoises
Des femmes dans les bordels De séoul
Des hommes de Goa trempés jusqu'à l'os des teintures textiles en péroxyde d'Azote.
Et rédiger la liste complète des micro-nazismes me tuera avant que mes ongles aient gratté le clavier pour en être polis.
Nos rappels pour mémoire, très cher ami,dissipent l'attention face au fascisme moderne. Tu nous sert ce texte au moment même de la visite
de Merckel en Israel, comme pour nous balancer un "mais". Mais oui, mais. Ce n'est plus la vision que je me fait du combat.
Du passé nous n'avons rien retenu, inlassablement reproduisant les schémas post-colonialistes, conquêtes et reconquêtes au nom de l'économie moderne. Et youpi, du progrès, de l'humanité, de la démocratie. Le pire n'est pas derrière, il est devant. En créant de toute pièce la prospérité universelle "accessible au prix de", nous plantons tous les jours les semences des atrocités de demain, tout en ignorant celles d'aujourd'hui, sauf si elle sont profitables à l'égo. Les camps reviendrons Gob, car il sont déjà là. Ils n'ont jamais cessé d'être là.
Je te mets ici deux petits textes courts qui trainent sur Ve. Pour moi la prépondérance de la misère- présent ne laisse plus place aux nostalgies militantes.
Je suis occupé aux révolutions. Dans mon domaine, les micros-révolutions liées aux métissages des races, ou, à défaut de leur coabitation. J'ai le regret de ne plus pleurer pour hier. Désolé.
I
hier ne ressemblait plus à l'idée que je m'en étais faite.
disons déjà plus
disons déjà parti
hier ne ressemblait plus à l'idée dont j'étais fait
disait jamais plus
disait déjà fini.
passé dirons-nous. Pourri lui-même.
II
les murs de Berlin que l'on élève à nouveau
sont partout
les murs de Berlin que l'on croyait cassés de cailloux
sont partout
les murs de Berlin que l'on élève à nouveau
sont en nous.
Invité- Invité
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Tout à fait d'accord avec toi Panda, le pire est à venir, car l'homme n'a pas changé. Il n'y a que les victimes qui ont et vont encore changer.pandaworks a écrit:Notre "devoir de mémoire". Une vigilance. . Et youpi, du progrès, de l'humanité, de la démocratie. Le pire n'est pas derrière, il est devant. En créant de toute pièce la prospérité universelle "accessible au prix de", nous plantons tous les jours les semences des atrocités de demain, tout en ignorant celles d'aujourd'hui, sauf si elle sont profitables à l'égo. Les camps reviendrons Gob, car il sont déjà là. Ils n'ont jamais cessé d'être là.
[/i]
Ceci dit, je trouve que l'excellent texte de Gobu, pour moi, ne s'inscrit pas ou ne devrait pas s'inscrire dans un devoir de mémoire, mais dans une envie ou un besoin de raconter "sa mémoire". Et si elle passe, sa mémoire, par les camps, il faut qu'il l'écrive comme il l'a commencée. il n'y a rien à commisérer dans tout ça, il relate avec talent, simplement. (C'est pour cela que je lui avais fait une remarque sur un court passage)Quant aux malheurs dont tu nous causes, parce que t'as le nez dessus plus que nous, ils s'abattront sans aucun doute à plus ou moins long terme sur d'autres régions du monde que nous pensons encore à l'abri. Aussi si on veut laisser au texte toutes ses qualités, il ne faudrait surtout pas y voir autre chose qu'une brillante naration d'un pan de mémoire douloureux. Comme d'ailleurs tu l'avais sugéré à Gobu. Et espérer, que surtout il continue son histoire
outretemps- Nombre de messages : 615
Age : 77
Date d'inscription : 19/01/2008
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
pandaworks a écrit:Notre "devoir de mémoire". Une vigilance. Un mode veille qui nous permet d'établir "les bases du danger" en faire une référence un scanner à drame. L'anticipation du délire humain par l'exemple passé. Et si nous n'en avions pas besoin? Nazisme, esclavagisme, stratification des peuples, délires religieux. Nous ne sommes à ce jour jamais sortis du bourbier qu'il nous plaît, par tendresse, militantisme, charité, compassion, de remonter en épouvantail les années, que dis-je les siècles sombres qui nous séparent de "l'homme de Florès". A ce demander si déjà au cryogène l'homme n'avait pas déjà listé les déviations qui l'habite, avant même d'être sorti de sa première testicule. A voir la géostratégie faire ses grandes manœuvres tous les jours et tout le temps, j'en viens à me dire que le passé, atroce et dur, n'est même pas à même de concurrencer notre présent, atroce et aveuglé.
De Birkenau je ne retiens qu'il en existe encore de par le monde, qu'il en existera d'autre, malgré "la connaissance" qui nous alimente de ses mises en gardes. Le bordel en Afrique, exacerbation des instincts tribaux, guerres moyennes-Orientales comme une guirlande de qui dirige qui, exploitation de l'homme dans 75 % des pays du monde. L'homme ne change en rien de celui de 45. Des ordures, des approbateurs, silencieux ou publics, des soumis, des impuissant et les inertes.
Ceux que la société jouissive du confort acquis dorlote comme pour se tenir à l'écart.
Des enfants dans les champs de cotons ouzbeks
Des enfants dans les briquèteries chinoises
Des femmes dans les bordels De séoul
Des hommes de Goa trempés jusqu'à l'os des teintures textiles en péroxyde d'Azote.
Et rédiger la liste complète des micro-nazismes me tuera avant que mes ongles aient gratté le clavier pour en être polis.
Nos rappels pour mémoire, très cher ami,dissipent l'attention face au fascisme moderne. Tu nous sert ce texte au moment même de la visite
de Merckel en Israel, comme pour nous balancer un "mais". Mais oui, mais. Ce n'est plus la vision que je me fait du combat.
Du passé nous n'avons rien retenu, inlassablement reproduisant les schémas post-colonialistes, conquêtes et reconquêtes au nom de l'économie moderne. Et youpi, du progrès, de l'humanité, de la démocratie. Le pire n'est pas derrière, il est devant. En créant de toute pièce la prospérité universelle "accessible au prix de", nous plantons tous les jours les semences des atrocités de demain, tout en ignorant celles d'aujourd'hui, sauf si elle sont profitables à l'égo. Les camps reviendrons Gob, car il sont déjà là. Ils n'ont jamais cessé d'être là.
Je te mets ici deux petits textes courts qui trainent sur Ve. Pour moi la prépondérance de la misère- présent ne laisse plus place aux nostalgies militantes.
Je suis occupé aux révolutions. Dans mon domaine, les micros-révolutions liées aux métissages des races, ou, à défaut de leur coabitation. J'ai le regret de ne plus pleurer pour hier. Désolé.
I
hier ne ressemblait plus à l'idée que je m'en étais faite.
disons déjà plus
disons déjà parti
hier ne ressemblait plus à l'idée dont j'étais fait
disait jamais plus
disait déjà fini.
passé dirons-nous. Pourri lui-même.
II
les murs de Berlin que l'on élève à nouveau
sont partout
les murs de Berlin que l'on croyait cassés de cailloux
sont partout
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sont en nous.
Désolé d'encombrer un peu ce fil, Panda, mais là, fallait que je réponde en personne. C'est d'ailleurs pour cela que je t'avais demandé de développer un peu ton point de vue, ce dont je te remercie.
1) Je t’arrête tout de suite. Je n’ai pas envoyé ce texte pour distraire de quelque visite de qui que ce soit en Israël ou ailleurs. C’est me prêter une intention malhonnête ou partisane, et là je m’insurge. La « question palestinienne » ou plus exactement l’injustice faite au peuple palestinien, est au cœur de mes préoccupations et même d’une partie de mes actes depuis plus de trente ans et on pourrait en reparler plus longuement sur un autre fil. En tous cas mon propos n’était nullement de détourner l’attention de cette tragédie présente (mais qui plonge aussi ses racines dans l’Histoire !) pour faire pleurnicher sur des drames passés. Il était seulement de retranscrire des histoires dont je me sens dépositaire parce que c’est à moi que les a racontées une personne que j’aimais et respectais. Et accessoirement d’en faire un récit qui fasse plaisir à lire. Sans pleurnicherie.
2) Les horreurs du présent n’oblitèrent pas les horreurs du passé. Bien au contraire. Après tout les arméniens se battent depuis presque un siècle pour faire reconnaître les torts dont ils ont été victimes en 14-18, et ils n’ont pas encore obtenu justice ni réparation, ou si peu. De même pour les peaux-rouges, dont la situation actuelle est directement issue de crimes commis principalement aux XVIIIème et XIXème siècle. Faudrait-il, en ce qui concerne les USA, ne plus parler de Wounded Knee ou jeter Sitting Bull et Crazy Horse aux poubelles de l’Histoire sous prétexte qu’aujourd’hui, le drame des homeless ou le sort tragique des immigrants clandestins du Mexique sont autrement plus actuels ? De même, les Africains se battent encore aujourd’hui (à juste raison, ô combien !) pour obtenir, sinon réparation (ce qu’on ne pourra jamais, hélas) tout au moins la reconnaissance de l’immense forfait qu’a été l’esclavage érigé en système par les puissances coloniales. Ils sont loin d’avoir obtenu gain de cause. Je pourrais t’en citer comme cela ad nauseam. Je pense à l’inverse (et là nous sommes apparemment en désaccord total) que l’oubli, quand ce n’est pas la banalisation ou la négation des crimes passés, constitue un terreau de choix pour la prolifération des crimes présents et à venir.
3) Non, il n’existe plus, en tous cas pas encore, de Birkenau aujourd’hui. L’entreprise de destruction systématique et industrielle de tout un peuple à travers tout un continent (qui s’étendait d’ailleurs déjà aux tziganes et aurait pu se poursuivre avec d’autres races de « sous-hommes » si les nazis avaient gagné la guerre) a été pour l’instant un phénomène unique dans l’Histoire de l’Humanité, je le répète, tant par son ampleur que par ses modalités et ses conséquences. Même la « Révolution Culturelle » chinoise, dont tu es bien placé pour connaître les horreurs ou bien encore le génocide commis par les Khmers Rouges contre une partie de leur peuple ne présentaient pas le caractère absolu de la politique d’extermination mise en place par Hitler et ses séides. Bien entendu, une victime juive innocente ne vaut ni plus ni moins que n’importe quelle victime innocente de n’importe quel peuple et les charniers de Treblinka, de Sobibor ou de Belzec ne peuvent et ne doivent nullement servir à occulter ou pire, à justifier quelque massacre que ce soit. J’espère que tu voudras bien croire que ce n’était pas mon intention.
4) En revanche, je suis parfaitement d’accord avec toi, à la fois lorsque tu dis que les hommes n’ont pas changé depuis 45, et lorsque tu te révoltes contre les immenses injustices et crimes qui fleurissent de nos jours, en particulier à cause du triomphe planétaire du néo-libéralisme, et de ses terribles conséquences tant sur le plan de la paix et de la justice sociale que sur l’avenir de l’espèce humaine en général et même de toute la planète. Sans doute n’en parlé-je pas assez sur VE, voire pas du tout. Faut dire que j’ai assez donné dans le temps, et, comme toi me semble-t-il, je me suis aperçu que le militantisme révolutionnaire, tout au moins dans l’acception traditionnelle du terme, était surtout générateur de bonne conscience, quand il ne servait pas à préparer les geôles et les charniers de demain. Ou simplement à se ménager de bonnes places. Y a qu’à voir ce que sont devenus la plupart des « enragés » de Mai 68. Ce qui n’enlève rien à l’importance et aux côtés positifs de ce vaste bouillonnement contestataire. Ce n’est pas un hasard si le pouvoir actuel crache à ce point sur cette époque et sur ses acquis, de plus en plus remis en question d’ailleurs.
5) Enfin pour conclure, je dirais, oui tu es dans le vrai, oui les camps sont toujours là, oui ils seront toujours là, et c’est justement pour cette raison que je m’efforce de raconter des histoires qui montrent comment des innocents pleins de courage, d’humour et de vitalité, arrivent, même au cœur de la barbarie la plus noire, à triompher, ne fût-ce que momentanément, des forces de la Mort et maintenir allumé le flambeau de la dignité humaine. Dès lors, qu’importe qu’il s’agisse du présent, du passé ou même du futur, le combat reste le même.
Venceremos, compañero.
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 70
Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Merci Gobu pour ton texte.
Pour tout dire, j’ai commencé à le lire et puis je l’ai imprimé. J’ai vu qu'il était long et je savais que ça valait la peine de lire la fin. Mais bon… si j’imprime tous les textes que j’aime bien, ma cartouche laser ne va pas faire long feu…
J’ai lu ce récit d’une traite, sans chercher à voir les imperfections éventuelles. Donc je ne peux pas te conseiller de retravail éventuel.
C’est une histoire que je ne vais pas oublier (comment l’oublier ?)
Il y a juste le début qui m’a posé problème. Je comprends ta démarche. Tu voulais un contraste entre celui-ci et le reste du texte (n’est-ce pas ?). Mais il m’a ennuyée. Heureusement, je suis allée plus loin dans ma lecture, mais j’aurais pu m’arrêter avant.
Pour tout dire, j’ai commencé à le lire et puis je l’ai imprimé. J’ai vu qu'il était long et je savais que ça valait la peine de lire la fin. Mais bon… si j’imprime tous les textes que j’aime bien, ma cartouche laser ne va pas faire long feu…
J’ai lu ce récit d’une traite, sans chercher à voir les imperfections éventuelles. Donc je ne peux pas te conseiller de retravail éventuel.
C’est une histoire que je ne vais pas oublier (comment l’oublier ?)
Il y a juste le début qui m’a posé problème. Je comprends ta démarche. Tu voulais un contraste entre celui-ci et le reste du texte (n’est-ce pas ?). Mais il m’a ennuyée. Heureusement, je suis allée plus loin dans ma lecture, mais j’aurais pu m’arrêter avant.
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Ca me plait vraiment beaucoup !
J'ai trouvé une très grande qualité d'écriture, dans le style, dans le traitement. C'était un sujet difficile, délicat, et que tu traites à mon sens idéalement, avec le dosage, la retenue, la subtilité qu'il faut.
Je suis admiratif ! Je pense aussi que cette nouvelle mériterait d'être couchée sur papier.
J'ai trouvé une très grande qualité d'écriture, dans le style, dans le traitement. C'était un sujet difficile, délicat, et que tu traites à mon sens idéalement, avec le dosage, la retenue, la subtilité qu'il faut.
Je suis admiratif ! Je pense aussi que cette nouvelle mériterait d'être couchée sur papier.
Loupbleu- Nombre de messages : 5838
Age : 52
Localisation : loupbleu@vosecrits.com
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
J'ai eu beaucoup de plaisir à lire ce récit. C'est raconté avec intelligence, élégance et légèreté malgré le poids du contexte. Bravo.
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
C'est effectivement un très beau texte, et de fait je n'ai pas beaucoup de commentaires à faire mis à part celui-là. J'ai trouvé intéressant, en termes de réflexion sur la notion de représentation, le début en italiques, nié ensuite par le témoignage ; les mouches, etc, toute la spectacularisation morbide, tout "l'imaginaire Auschwitz" obscène et obsédant laissent la place non à un récit de mort mais à un récit de vie ; et c'est sans doute la meilleure façon ou une des plus belles façons, en tout cas, d'évoquer cet épisode doublement, ici, intime et historique. Je suis impressionné par la tenue et le juste équilibre du style ; j'aime particulièrement également la référence au vin et au chocolat ; je suis assez partisan, moi aussi, de ces plaisirs, et tout à fait convaincu de leur importante dans l'affirmation d'une vie joyeuse. Je me demande, enfin, comment le fait que ce récit soit vrai a nourri le récit en profondeur ; j'ai le sentiment que partout dans ton texte se lit la vérité de l'histoire vécue, avec le sentiment qu'une histoire fictive (qui eût été identique) n'aurait pu être racontée de la même façon sans qu'elle paraisse invraisemblable ("rencontre" de Mengele, etc) ; cela m'interroge : qu'est-ce qui fait la frontière fine, et mince, entre ce texte et son double, le fictif qui n'aurait pas sonné juste, alors que celui-là dégage au contraire le sentiment d'une très grande justesse ? J'ai souvent remarqué d'ailleurs que la seconde guerre mondiale fournissait souvent (malheureusement) à partir de faits réels de tels sentiments de justesse du récit, et je m'interroge sur ce phénomène.
Une note : "Le soleil couchant teignait en rouge la baie d'Haïfa, et j'avais apporté une boîte de pralines et une bouteille de Gewürtzraminer. Ou peut-être était-ce sur la terrasse de l'appartement de mes parents à Saint-Germain-en-Laye. En tous cas je me souviens du vin et des chocolats." Ce passage me semble dire beaucoup de choses ; et il résonne de façon étrange avec la diaspora juive ; un exemple de phrase où se lit en filigrane :
- le récit personnel et l'intimité, saisi à travers le sentiment d'une introspection (je me souviens), agissant elle-même comme sas narratif, comme moyen d'enchâsser ensuite l'histoire de la grand-mère, c'est-à-dire comme lieu de passation : glissement d'une histoire qu'on devine (la relation auteur-grand-mère) à une histoire racontée. Et un don-contre-don : le chocolat et le vin "contre" le témoignage, agissant aussi pourtant comme principe métonymique et mise en abyme : car le chocolat et le vin de l'histoire enchâssante devient la poursuite et le double, la bulle dans laquelle se reproduit l'histoire de la nourriture et de la boisson des camps.
- ces aliments agissent aussi comme punctum (Barthes) : lieu de cristallisation affective (1), puis de philosophie de l'existence (le vin et le chocolat comme affirmation de la vie avant tout)
- l'histoire d'un peuple (la baie d'Haïfa) et ce que je te disais sur la diaspora (Israël / France, Israël / Europe)
- un récit de filiation (grand-mère, parents, et auteur, lequel ne peut exister - et c'est aussi ce qui est troublant, et émouvant, dans le texte -- que par le courage de cette grand-mère)
Je te remercie, en tout cas, pour cette lecture.
Une note : "Le soleil couchant teignait en rouge la baie d'Haïfa, et j'avais apporté une boîte de pralines et une bouteille de Gewürtzraminer. Ou peut-être était-ce sur la terrasse de l'appartement de mes parents à Saint-Germain-en-Laye. En tous cas je me souviens du vin et des chocolats." Ce passage me semble dire beaucoup de choses ; et il résonne de façon étrange avec la diaspora juive ; un exemple de phrase où se lit en filigrane :
- le récit personnel et l'intimité, saisi à travers le sentiment d'une introspection (je me souviens), agissant elle-même comme sas narratif, comme moyen d'enchâsser ensuite l'histoire de la grand-mère, c'est-à-dire comme lieu de passation : glissement d'une histoire qu'on devine (la relation auteur-grand-mère) à une histoire racontée. Et un don-contre-don : le chocolat et le vin "contre" le témoignage, agissant aussi pourtant comme principe métonymique et mise en abyme : car le chocolat et le vin de l'histoire enchâssante devient la poursuite et le double, la bulle dans laquelle se reproduit l'histoire de la nourriture et de la boisson des camps.
- ces aliments agissent aussi comme punctum (Barthes) : lieu de cristallisation affective (1), puis de philosophie de l'existence (le vin et le chocolat comme affirmation de la vie avant tout)
- l'histoire d'un peuple (la baie d'Haïfa) et ce que je te disais sur la diaspora (Israël / France, Israël / Europe)
- un récit de filiation (grand-mère, parents, et auteur, lequel ne peut exister - et c'est aussi ce qui est troublant, et émouvant, dans le texte -- que par le courage de cette grand-mère)
Je te remercie, en tout cas, pour cette lecture.
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
C'est bien fait, on se plonge vraiment dans cette histoire et on a envie de savoir la suite ! Je me méfie des histoires qui ont comme contexte la seconde guerre mondiale parce que c'est un passage très douloureux de notre histoire qui a tendance a me fait perdre foi en l'humanité. Mais cette histoire m'a plut, certainement parce qu'elle montre qu'au milieu de la mort, il y avait aussi la vie. On décrit souvent les détenus comme des gens déjà mort, fantômes d'eux-mêmes, et les imaginer seulement est une vision d'horreur. Ta grand-mère a une grande force intérieure je crois. Garder le désir dans ce genre de moments, c'est ce qui doit faire tenir.
gaelle- Nombre de messages : 23
Age : 30
Date d'inscription : 05/05/2017
Re: Récits de ma grand mère Hilda : la soupe des camps
Ce texte a quelque chose de formidable que je n'arrive pas encore à saisir, je reviendrai pour vous en dire plus ! ahah
Jand- Nombre de messages : 306
Age : 27
Date d'inscription : 05/04/2016
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