VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
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VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
Elle ne me répond pas. Elle doit dormir. J’insiste, je susurre plus fort :
— Tu dors ?
Rien. Alors je dis :
— Moi j’arrive pas à dormir. Comme quand j’ai bu du Coca avant de me coucher. Depuis tout ça, c’est comme si j’en buvais tous les soirs.
Silence.
— Bon, tu dois déjà dormir. Bonne nuit, je lui souhaite.
Je ferme les yeux et attends. Je finirai bien par rêver.
— Bonjour !
Elle était timide. Normal, ça fait peur ici ; surtout quand on n’a pas l’habitude.
— Bonjour, j’ai répondu. Tu t’appelles comment ?
— Célia.
— C’est joli. Moi, c’est Émilie.
Sa valise en toile était un peu grosse pour elle. Elle la traînait parce que c’était trop lourd. Je me demandais ce qu’elle pouvait bien apporter ici qui prenait tant de place. Je me souviens, moi, je n’avais pas grand-chose en arrivant. De toute façon, on n’a besoin de rien quand on est là. Et puis, beaucoup de choses disparaissent.
Elle s’est assise sur son lit.
Le monsieur lui a dit que je serai sa voisine et est parti. La porte a claqué. Célia a souri un peu. A Ouvert sa valise, en a sorti une petite peluche. Un panda, je crois.
— Il est beau, j’ai dit.
— Oui, elle a répondu en le regardant droit dans les yeux.
Derrière elle la fenêtre était toute blanche.
C’est l’hiver, les arbres n’ont plus de feuilles. Je n’aime pas voir le jardin comme ça : je le préfère tout vert. Et avec des fleurs.
— Tu as déjà planté des fleurs ? je lui ai demandé.
— Non.
— Je t’apprendrai si tu veux ?
— Oui, j’aimerais bien.
Elle ne souriait plus. Après un moment, elle a tourné la tête puis s’est couchée, s’est glissée sous la couverture. Il faisait froid.
Voilà comment nous nous sommes rencontrées.
Je rêve enfin. Je le sais mais je m’en fiche. On est bien, dans ses rêves ; je fais comme si.
Célia est devenue ma sœur. Nous jouons dans mon ancien jardin, chez mes parents. Elle a une jolie robe blanche avec de la dentelle en bas.
Après son tour de balançoire, elle me dit :
— On s’en va ? en me montrant la forêt, juste derrière le grand chêne.
— Non, c’est dangereux !
— Mais c’est amusant !
— Je ne sais pas…Papa dit toujours qu’il faut faire attention.
— Il n’en saura rien.
— Mais si je me salis…Maman ne sera pas contente…
— Écoute, Émilie, elle dit avec un air grave.
— Non.
— Si, il faut que tu l’entendes.
— NON ! je crie.
Je me bouche les oreilles, appuie de toutes mes forces. Mais je l’entends quand même :
— Tes parents sont morts.
Je voudrais crier mais aucun son ne sort de ma bouche. Mon ventre me fait mal.
Je me réveille en sursaut.
Et pleure comme ce jour-là, quand la dame sociale est venue m’annoncer ça à l’école.
J’enfonce le visage dans l’oreiller. Mon souffle est chaud. Je veux dormir, oublier.
— Tu es là depuis quand ?
— Depuis Février, j’ai répondu.
— Ça fait longtemps !
— Oui.
— Et tu as quel âge ?
— Neuf ans et demi.
— Tu es plus grande que moi, je n’ai que huit ans. Pourquoi tu es venue ?
Je ne savais pas quoi répondre.
À chaque fois que je le pense, que je le dis, ça brûle.
Elle a dit, tout doucement :
— Moi, mes parents m’ont abandonnée quand j’étais un bébé. C’est ma grand-mère qui m’a recueillie. (Elle a baissé les yeux). Mais elle est morte. Alors je suis vraiment toute seule, maintenant.
J’avais une boule dans la gorge. Le silence a duré. Puis elle m’a demandé :
— Tu crois que quelqu’un voudra de moi ?
Elle a regardé ses mains.
Dehors, il pleuvait.
— Tu dors ?
Rien. Alors je dis :
— Moi j’arrive pas à dormir. Comme quand j’ai bu du Coca avant de me coucher. Depuis tout ça, c’est comme si j’en buvais tous les soirs.
Silence.
— Bon, tu dois déjà dormir. Bonne nuit, je lui souhaite.
Je ferme les yeux et attends. Je finirai bien par rêver.
— Bonjour !
Elle était timide. Normal, ça fait peur ici ; surtout quand on n’a pas l’habitude.
— Bonjour, j’ai répondu. Tu t’appelles comment ?
— Célia.
— C’est joli. Moi, c’est Émilie.
Sa valise en toile était un peu grosse pour elle. Elle la traînait parce que c’était trop lourd. Je me demandais ce qu’elle pouvait bien apporter ici qui prenait tant de place. Je me souviens, moi, je n’avais pas grand-chose en arrivant. De toute façon, on n’a besoin de rien quand on est là. Et puis, beaucoup de choses disparaissent.
Elle s’est assise sur son lit.
Le monsieur lui a dit que je serai sa voisine et est parti. La porte a claqué. Célia a souri un peu. A Ouvert sa valise, en a sorti une petite peluche. Un panda, je crois.
— Il est beau, j’ai dit.
— Oui, elle a répondu en le regardant droit dans les yeux.
Derrière elle la fenêtre était toute blanche.
C’est l’hiver, les arbres n’ont plus de feuilles. Je n’aime pas voir le jardin comme ça : je le préfère tout vert. Et avec des fleurs.
— Tu as déjà planté des fleurs ? je lui ai demandé.
— Non.
— Je t’apprendrai si tu veux ?
— Oui, j’aimerais bien.
Elle ne souriait plus. Après un moment, elle a tourné la tête puis s’est couchée, s’est glissée sous la couverture. Il faisait froid.
Voilà comment nous nous sommes rencontrées.
Je rêve enfin. Je le sais mais je m’en fiche. On est bien, dans ses rêves ; je fais comme si.
Célia est devenue ma sœur. Nous jouons dans mon ancien jardin, chez mes parents. Elle a une jolie robe blanche avec de la dentelle en bas.
Après son tour de balançoire, elle me dit :
— On s’en va ? en me montrant la forêt, juste derrière le grand chêne.
— Non, c’est dangereux !
— Mais c’est amusant !
— Je ne sais pas…Papa dit toujours qu’il faut faire attention.
— Il n’en saura rien.
— Mais si je me salis…Maman ne sera pas contente…
— Écoute, Émilie, elle dit avec un air grave.
— Non.
— Si, il faut que tu l’entendes.
— NON ! je crie.
Je me bouche les oreilles, appuie de toutes mes forces. Mais je l’entends quand même :
— Tes parents sont morts.
Je voudrais crier mais aucun son ne sort de ma bouche. Mon ventre me fait mal.
Je me réveille en sursaut.
Et pleure comme ce jour-là, quand la dame sociale est venue m’annoncer ça à l’école.
J’enfonce le visage dans l’oreiller. Mon souffle est chaud. Je veux dormir, oublier.
— Tu es là depuis quand ?
— Depuis Février, j’ai répondu.
— Ça fait longtemps !
— Oui.
— Et tu as quel âge ?
— Neuf ans et demi.
— Tu es plus grande que moi, je n’ai que huit ans. Pourquoi tu es venue ?
Je ne savais pas quoi répondre.
À chaque fois que je le pense, que je le dis, ça brûle.
Elle a dit, tout doucement :
— Moi, mes parents m’ont abandonnée quand j’étais un bébé. C’est ma grand-mère qui m’a recueillie. (Elle a baissé les yeux). Mais elle est morte. Alors je suis vraiment toute seule, maintenant.
J’avais une boule dans la gorge. Le silence a duré. Puis elle m’a demandé :
— Tu crois que quelqu’un voudra de moi ?
Elle a regardé ses mains.
Dehors, il pleuvait.
J'avais presque oublié l'exo.
C'est du live, tout frais.
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
Poignant ! C'est très réussi je trouve, kazar, avec simplicité et sobriété.
Invité- Invité
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
Beaucoup de sensibilité Kazar, pas une fausse note je crois. Et puis se mettre dans la peau d'une toute jeune fille, je ne suis pas sûre que ce soit si simple. Bravo.
Invité- Invité
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
Dialogue qui sonne très naturel. Une histoire émouvante rendue avec beaucoup de sobriété.
Marc Galan- Nombre de messages : 63
Age : 64
Date d'inscription : 19/10/2008
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
Sobriété, simplicité qui riment avec sensibilité, vérité et, en définitive, avec élégance.
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
Oui, "élégance" est un mot qui convient admirablement à ce texte !
Invité- Invité
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
Très réussi Kazar !
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
Que dire de plus devant tant de compliments mérités
Merci pour ce moment d'intense émotion.
J'ai encore en mémoire:
Merci pour ce moment d'intense émotion.
J'ai encore en mémoire:
— Moi, mes parents m’ont abandonnée quand j’étais un bébé. C’est ma grand-mère qui m’a recueillie. (Elle baisse les yeux). Mais elle est morte. Alors je suis vraiment toute seule, maintenant.
J’avais une boule dans la gorge. Le silence a duré. Puis elle m’a demandé :
— Tu crois que quelqu’un voudra de moi ?
Elle a regardé ses mains.
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
simple, sobre, sensible, vrai et élégant
que du bon
chapeau Kazar
que du bon
chapeau Kazar
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
Bravo !
Tout a déjà été dit alors, je réitère : bravo !
Tout a déjà été dit alors, je réitère : bravo !
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
kazar a écrit:
J'avais presque oublié l'exo.
C'est du live, tout frais.
ben! continue comme ça
frais, sobre et juste
ça te va bien
ça me va bien
(que lis tu en ce moment?)
grieg- Nombre de messages : 6156
Localisation : plus très loin
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
Une histoire qui roule, une histoire qu'on lit jusqu'au bout.
pierre-henri- Nombre de messages : 699
Age : 66
Localisation : Raiatea
Date d'inscription : 17/02/2008
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
Kazar, quand tu écris comme ça, je perds mes mots... et le pire : j'en suis contente !
Invité- Invité
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
grieg a écrit:
(que lis tu en ce moment?)
C'est en haut, je réponds !
J'ai pas encore fini Kafka sur le rivage !
;-)
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
C'est un très beau texte, j'aime beaucoup la pudeur des personnages.
Annween- Nombre de messages : 9
Age : 45
Date d'inscription : 22/10/2008
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
Que dire de plus! J'arrive trop tard, mais je ne regrette pas d'être le dernier à avoir lu ce texte .
muzzo- Nombre de messages : 618
Age : 90
Localisation : Va savoir...!
Date d'inscription : 13/07/2008
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
Le thème est traité de façon original mais un peu trop de pathos à mon goût.
Zou- Nombre de messages : 5470
Age : 62
Localisation : Poupée nageuse n°165, Bergamini, Italie, 1950-1960
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
J'ai bien aimé l'écriture. Le sujet lui ne déclenche pas d'émotion particulière chez moi. Donc difficile de complimenter trop haut.
Invité- Invité
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
--> moi aussi, à présent. à fleur de peau, bravo kazar.kazar a écrit:J’avais une boule dans la gorge
Chako Noir- Nombre de messages : 5442
Age : 34
Localisation : Neverland
Date d'inscription : 08/04/2008
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
Si l'intention est louable, l'écriture construite et bien ordonnée, le dialogue entre les deux enfants n'a aucune correspondance entre la réalité du langage utilisé à cet âge là et le besoin d'emprunter une codification littéraire déjà bien trop élaborée.
Ce qui n'enlève rien au plaisir de lire ce texte agréable, avec au passage de belles images retranscrites.
Ce qui n'enlève rien au plaisir de lire ce texte agréable, avec au passage de belles images retranscrites.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
C'est très beau, et très triste aussi.
Marie D- Nombre de messages : 36
Age : 39
Localisation : dans mon univers, ou en gironde
Date d'inscription : 27/10/2008
Re: VOISIN-VOISINE : Dehors, il pleuvait
Tu joues sur la corde sensible du lecteur, c'est un peu facile, mais c'est plutôt bien fait.
J'ai particulièrement aimé le début de ton texte et cette manière d'introduire l'histoire par le dialogue.
D'une manière générale, je trouve que la construction est habile.
J'ai particulièrement aimé le début de ton texte et cette manière d'introduire l'histoire par le dialogue.
D'une manière générale, je trouve que la construction est habile.
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