VOISIN-VOISINE: Pour bâtir haut, il faut creuser profond

Un lundi de septembre, une fin de matinée ensoleillée. Un homme creuse un trou au pied d'un immense sapin. Sa femme échange quelques mots avec leur voisin. Une haie de buis les sépare.

— Il fait quoi Marcelin?
— Il creuse un trou
— Merci, je vois bien, mais à part ça?
— Il enterre Neptune
— Le poisson rouge de Julien?
— Oui
— Ça fait gros comme trou pour un poisson rouge…
— C'est parce qu'il y a aussi Isidore
— Le chat?
— Oui.
— Il est mort le chat?
— Oui, en même temps que le poisson rouge
— Faut arrêter de leur servir tes restes de rôti

Le voisin se marre de sa plaisanterie idiote. La voisine ne sourit pas. Lui lance même un regard sombre.

— Isidore a mangé Neptune
— Il s'est étouffé avec? C'est pour ça qu'il est mort?
— Non. Marcelin l'a tué, pour le punir
— Mais il est fou? Tuer son chat à cause d'un bête poisson rouge?!
— Neptune n'était pas bête, il pouvait passer dix fois de suite dans l'anneau qu'on avait mis dans l'aquarium
— Tout de même… L'est pas bien le Marcelin. Et toi tu dis rien?!
— Non, il a raison. Sinon, ça sera l'anarchie


Stupéfait, le voisin rentre chez lui, ramassant au passage son chat qui se prélasse dans le jardin. Mieux vaut être prudent…


Deux jours plus tard. Le même jardin. Les mêmes voisins. L'homme creuse encore un trou. Plus grand cette fois. Sa femme taille un morceau de la haie. Le voisin s'approche, goguenard.

— Il enterre qui aujourd'hui Marcelin?
— Julien
— Hein??!
— Julien
— Ton fils??
— Oui
— Tu me fais une blague là? Hein?!
— Non. Marcelin l'a surpris en train de voler dans mon portefeuille, il fallait le punir
— Huguette, sans déconner, tu te fiches de moi là? Allez…
— Demande à Marcelin

Le Marcelin en question, qui a arrêté de creuser, se dirige vers eux. Sa pelle est pleine de terre, on y distingue même un peu de rouge. Du sang?
Par réflexe, François recule de trois mètres et se met à bégayer.

— Ça… ça va Mar… Marcelin?
— Oui et toi?
— Oui, oui… tu fais quoi là?
— Je creuse un trou
— Je vois bien mais y a quoi dans le trou?
— Julien
— Non mais c'est pas vrai, vous êtes complètement dingues tous les deux!
— Ben non, pourquoi? Il faut sévir François quand l'ivraie étouffe le bon grain, faut pas traîner
— Mais c'est ton fils, bon sang?!
— Raison de plus
— T'as quand même pas tué ton gamin?
— Je ne l'ai pas tué, je lui ai montré le chemin à suivre
— Dans un trou? Six pieds sous terre??
— Hmmm… Je dirais même dix pieds je crois
— Pas possible, t'es complètement barge! Je préviens les flics.

François rentre chez lui d'un pas furieux. Huguette et Marcelin se regardent sans rien dire. Puis Marcelin éclate de rire. La femme reprend la taille de la haie. L'homme retourne à son trou.
Chez lui, François s'est affalé dans le canapé. Il hésite à appeler la police, des fois que l'histoire serait fausse.

Une bouteille de whiskey plus tard, François retourne le long de la haie. Huguette n'est plus là. Marcelin travaille toujours dans le trou.
Engaillardi par l'acool, François débarque chez le voisin et se met à crier.

— Je te laisserai pas faire, tu m'entends!
— Qu'est-ce que tu dis?
— Que tu n'enterreras pas Julien !
— Ha… tu en es toujours là, toi…
— Pourquoi, il y en a un autre en plus depuis tout à l'heure?
— Non mais Julien est ressuscité

Sort alors du trou un jeune homme couvert de boue, pestant contre les canalisations qui se bouchent. Marcelin affiche un sourire béat. François un air abasourdi.

— Mais t'es pas mort Julien?
— Heu… je crois pas non. Je devrais?
— Mais c'est ton père qui m'a dit que…

Marcelin éclate de rire, bientôt imité par Julien qui a tout compris.
Furieux d'avoir été berné, François balance sa bouteille vide au visage du voisin puis rentre chez lui en claquant la porte.

Cela s'est passé il y a deux ans. Vingt-quatre mois pendant lesquels François n'a plus jamais adressé la parole à ses voisins. Que ceux-ci se nomment Julien, Marcelin ou Huguette.

Tout ça pour ça? Et oui, toutes ces lignes pour cela.
Parce que cela tient parfois à ça les relations de voisinage, à des platitudes à travers des haies entachées de blagues de potaches.

Elle est pas belle la vie?

Je trouve que la blague "traîne" par trop ; le texte démarre bien, mais m'a lassée sur la fin. En outre je ne comprends pas bien l'intérêt de la coda, un peu moralisatrice à mon goût.

C'est très bon au début, les dialogues bien menés et puis ça perd de son rythme, et la dernière partie est un peu décevante, pas à la hauteur du reste, à partir de :

Sort alors du trou un jeune homme couvert de boue, pestant contre les canalisations qui se bouchent. Marcelin affiche un sourire béat. François un air abasourdi.

On a presque le sentiment que toute la fin est improvisée, comme si tu avais eu du mal à conclure.

j'aime bien les dialogues, ici, et j'admire parce que c'est dur dur à retranscrire pour que ça sonne vrai
bon, c'est vrai que la fin est un peu poussive, la conclusion disons... bancale ;-)
mais l'idée de départ est bonne
même si je constate qu'on est partis toi et moi de la même blagounette du trou un peu grand :-)))

Moi j'adore !

La blague du poisson enterré avec le chat est super connue et circule sur le net.
ça me rappelle Guy Montagné qui avait l'art de faire d'une blague de 3 mn un scketch de 30 mn.
L'exemple n'est pas du tout péjoratif, c'est un art la narration !!

Merci Sahkti , tu m'as régalé !!

Manu

J'ai bien ri !

La fin ne m'a pas déplu, mais aurait peut-être nécessité plus de rapidité, du côté incisif qui va si bien au début de l'histoire !

Et pis, la conclusion, du genre j'ai raconté une histoire de la vie, j'aime bien aussi.

Effectivement, j'ai été surpris de découvrir la même blague que dans le texte de mentor !

Comme quoi c'est dans les bons pots...

Même réflexion sur la fin mais l'ensemble m'a bien plu.

ça se lit, mais bon! pas de quoi enterrer un chat.
manque pas grand chose, pourtant, pour que ce soit amusant.
peut-être un peu moins explicite...

C'est bien du dialogue, mais ça se traine un peu, oui.

Deux fois que je lis une allusion au texte de Mentor... je précise que je ne l'ai pas lu (encore) ce texte!
Pour la blague, tu as raison Manu, elle circule bien, je l'avais recopiée ici en son temps. C'est le genre de blague idiote que j'arrive à comprendre :-)

Les dialogues sonnent juste. J'admire...
La fin me laisse dubitative. Je t'attendais plus ironique dans les dernières lignes et il y a un passage qui ne me semble pas indispensable:

Huguette n'est plus là. Marcelin travaille toujours dans le trou.
Engaillardi par l'acool, François débarque chez le voisin et se met à crier.

— Je te laisserai pas faire, tu m'entends!
— Qu'est-ce que tu dis?
— Que tu n'enterreras pas Julien !
— Ha… tu en es toujours là, toi…
— Pourquoi, il y en a un autre en plus depuis tout à l'heure?
— Non mais Julien est ressuscité

Mais je peux me tromper et je ferais sûrement mieux de m'occuper du beurre d'ail de mes escargots que de tailler la haie des copines!

Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? J'ai cru qu'Huguette y était passée elle aussi ! J'adore le ton cynique des voisins de François. Le texte crée même un malaise. La "morale" me gêne un peu, mais sais pas comment améliorer.

Pas mal, cela m'a rappele un Tarantino, ave le mec qui Hurle :
Elle est ou ma copine ? et l'autre de répondre: elle me faisait suer, elle est dans le coffre..

Le début est bon (y avait pas un truc similaire chez Mentor?) par contre à la fin... la chute est manquée, le texte tombe au fond du trou en même temps que Julien en remonte. C'est dommage, ça partait bien pourtant, mais malgré les trous, le final est tout plat. Peut-être qu'effectivement, les relations de voisinage, ça ne tient parfois qu'à ça?

Simple et efficace la tension monte entre les rapports de voisinage surtout lorsque ceux-ci gardent une part de mystère genre jardin secret.

Pourtant, je ne crois pas trop à la réapparition du fiston qui pour travailler si longtemps sous terre Sort alors du trou aurait dû employer un autre genre de matériel qu'une simple pioche.

Avertissement entre bons voisins : m'est d'avis que tu devrais surveiller tes perruches, surtout si de nouveaux venus s’installent près de chez toi. (n'est-ce pas mentor ?)

C'est une bonne idée, un texte drôle mais parfois un peu trop étiré. Je n'ai pas trop aimé la "morale" de fin, mais si elle est juste

Pas vraiment emballée par ce dialogue qui repose sur pas grand chose. Pourtant, l'idée d'écrire sur des "platitudes" comme tu dis, n'est pas mauvaise, loin de là, mais il me semble qu'il aurait fallu trouver un angle de vue un peu différent ou travailler peut-être le style différemment.
Cela dit, la lecture n'est pas déplaisante pour autant.