Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
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Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
.
Il n’aimait pas lire. Il était persuadé que la littérature n’avait pas d’autre but que de faire vivre un langage que plus personne n’utilisait depuis des années. Voire des siècles.
— T’en connais des gens qui parlent encore en « âtes »? Du style : nous nous rencontrâtes un jeudi et nous décidâtes blablabla…
— Rencontrâmes, pas rencontrâtes. Et décidâmes.
— Bien ce que je dis, plus personne ne parle en « âtes »…
La dernière fois qu’il avait ouvert un livre, il était tombé dès la deuxième page sur le mot « thuriféraire » et il avait refermé le bouquin aussi sec.
Ça m’avait fait sourire parce que c’était pas de chance, quand même : « thuriféraire ».
Et tandis que je lisais, que j’avalais par centaines, par milliers, les phrases, les paragraphes, les chapitres de tout ce qui me tombait sous la main, il écrivait. Sans arrêt. Tout, rien, n’importe quoi. Mais des mots sans « âtes ». C’était sa manière à lui de protester contre une littérature qu’il jugeait inaccessible, « illicite ». Je me suis longtemps demandé ce qu’il entendait par là. J’ai cherché en quoi écrire au passé simple n’était pas quelque chose de légitime, jusqu’à ce que je comprenne que, dans son esprit parfois un peu pêle-mêle, les mots voyageaient assez librement d’un sens à l’autre. Par illicite, il entendait ainsi élitiste...
Il avait le lapsus à fleur de lèvres et de la fuite dans les idées. C’était touchant, mais pas seulement. Je trouvais sa manière d’aborder le monde à la fois naïve et évidente. J’ai toujours pensé que le vrai se cachait quelque part, derrière tout ça. Qu’au-delà des mots, de leur signification, il y avait le voyage. Pas celui de l’histoire, de la linguistique ou de l’étymologie, non rien de ce genre. Le vrai voyage, je veux dire, celui du son, du sens, celui qui fait que les mots se baladent, se promènent dans les silences, qu’ils s’égarent aussi parfois. Et si on pouvait perdre ses mots, un peu comme on perd ses clés, et les retrouver un jour, sous le canapé ?
Derrière chacun de ses non-dits et chacune de ses errances, je voyais quelque chose de profondément décalé, quelque chose qui dépassait l’itinéraire habituel des mots pour les porter vers un ailleurs infiniment moins commun, et peut-être plus juste. C’était sa façon à lui de percevoir le monde et de le retranscrire.
Il se méfiait des phrases trop droites, trop propres, il avait peur de les abîmer. Il se méfiait des autres aussi. Il m’avait demandé, une fois, si je ne pensais pas que les mots courants étaient fatigués à force d’avoir trop couru. J’avais répondu que oui, c’était probable.
Il aurait aimé, je crois, que les termes ne soient ni trop ordinaires, ni trop « thuriféraires ». Il en avait conclu qu’ils devaient être à usage unique pour être justes, et donc jetables en quelque sorte. Je me disais que c’était peut-être ce à quoi il consacrait ses journées : inventer des mots-kleenex. En vérité, je n’en sais rien, je n’ai jamais lu ce qu’il écrivait. J’ai essayé, une fois, il m’a arraché le carnet des mains, ne m’a plus parlé pendant des semaines. C’est comme s’il avait craint qu’il suffise que je lise ses phrases pour qu’elles ne lui appartiennent plus tout à fait. Je me souviens avoir alors songé à tous les auteurs que j’avais pillés au cours de ces dernières années et je me suis demandé si leurs mots étaient devenus un peu les miens, si une partie de leur inspiration s’était nichée quelque part, en moi, dans un endroit secret que peut-être je découvrirais plus tard. J’ai aimé cette idée-là, j’ai continué à avaler les livres par dizaines mais je me suis faite à l’idée que jamais je ne lirais ces petits carnets noirs qui traînaient un peu partout dans notre appartement.
Et puis un jour, je n’en n’ai plus vu aucun. Quand je lui ai demandé où ils étaient passés, il a juste dit :
— Partis. Dans un train, en partance pour très loin.
— Très loin comment ?
— Comme Vladivostok. Ou pire.
Il m’a ensuite expliqué qu’il avait compris que les mots, c’était fait pour voyager, et tant pis s’ils devaient ne pas revenir, tant pis s’ils devaient ne plus jamais lui appartenir.
J’ai senti que ça lui avait fait un peu mal alors j’ai posé ma tête sur son épaule et ma main au creux de sa douleur. J’ai promis que tout se passerait bien et il a demandé :
— Au fait ?
— Oui ?
— Nous nous rencontrâtes un jeudi ou un vendredi ?
— C’était un jeudi.
Il a souri.
Et on s’est endormis.
Les mots-kleenex
Il n’aimait pas lire. Il était persuadé que la littérature n’avait pas d’autre but que de faire vivre un langage que plus personne n’utilisait depuis des années. Voire des siècles.
— T’en connais des gens qui parlent encore en « âtes »? Du style : nous nous rencontrâtes un jeudi et nous décidâtes blablabla…
— Rencontrâmes, pas rencontrâtes. Et décidâmes.
— Bien ce que je dis, plus personne ne parle en « âtes »…
La dernière fois qu’il avait ouvert un livre, il était tombé dès la deuxième page sur le mot « thuriféraire » et il avait refermé le bouquin aussi sec.
Ça m’avait fait sourire parce que c’était pas de chance, quand même : « thuriféraire ».
Et tandis que je lisais, que j’avalais par centaines, par milliers, les phrases, les paragraphes, les chapitres de tout ce qui me tombait sous la main, il écrivait. Sans arrêt. Tout, rien, n’importe quoi. Mais des mots sans « âtes ». C’était sa manière à lui de protester contre une littérature qu’il jugeait inaccessible, « illicite ». Je me suis longtemps demandé ce qu’il entendait par là. J’ai cherché en quoi écrire au passé simple n’était pas quelque chose de légitime, jusqu’à ce que je comprenne que, dans son esprit parfois un peu pêle-mêle, les mots voyageaient assez librement d’un sens à l’autre. Par illicite, il entendait ainsi élitiste...
Il avait le lapsus à fleur de lèvres et de la fuite dans les idées. C’était touchant, mais pas seulement. Je trouvais sa manière d’aborder le monde à la fois naïve et évidente. J’ai toujours pensé que le vrai se cachait quelque part, derrière tout ça. Qu’au-delà des mots, de leur signification, il y avait le voyage. Pas celui de l’histoire, de la linguistique ou de l’étymologie, non rien de ce genre. Le vrai voyage, je veux dire, celui du son, du sens, celui qui fait que les mots se baladent, se promènent dans les silences, qu’ils s’égarent aussi parfois. Et si on pouvait perdre ses mots, un peu comme on perd ses clés, et les retrouver un jour, sous le canapé ?
Derrière chacun de ses non-dits et chacune de ses errances, je voyais quelque chose de profondément décalé, quelque chose qui dépassait l’itinéraire habituel des mots pour les porter vers un ailleurs infiniment moins commun, et peut-être plus juste. C’était sa façon à lui de percevoir le monde et de le retranscrire.
Il se méfiait des phrases trop droites, trop propres, il avait peur de les abîmer. Il se méfiait des autres aussi. Il m’avait demandé, une fois, si je ne pensais pas que les mots courants étaient fatigués à force d’avoir trop couru. J’avais répondu que oui, c’était probable.
Il aurait aimé, je crois, que les termes ne soient ni trop ordinaires, ni trop « thuriféraires ». Il en avait conclu qu’ils devaient être à usage unique pour être justes, et donc jetables en quelque sorte. Je me disais que c’était peut-être ce à quoi il consacrait ses journées : inventer des mots-kleenex. En vérité, je n’en sais rien, je n’ai jamais lu ce qu’il écrivait. J’ai essayé, une fois, il m’a arraché le carnet des mains, ne m’a plus parlé pendant des semaines. C’est comme s’il avait craint qu’il suffise que je lise ses phrases pour qu’elles ne lui appartiennent plus tout à fait. Je me souviens avoir alors songé à tous les auteurs que j’avais pillés au cours de ces dernières années et je me suis demandé si leurs mots étaient devenus un peu les miens, si une partie de leur inspiration s’était nichée quelque part, en moi, dans un endroit secret que peut-être je découvrirais plus tard. J’ai aimé cette idée-là, j’ai continué à avaler les livres par dizaines mais je me suis faite à l’idée que jamais je ne lirais ces petits carnets noirs qui traînaient un peu partout dans notre appartement.
Et puis un jour, je n’en n’ai plus vu aucun. Quand je lui ai demandé où ils étaient passés, il a juste dit :
— Partis. Dans un train, en partance pour très loin.
— Très loin comment ?
— Comme Vladivostok. Ou pire.
Il m’a ensuite expliqué qu’il avait compris que les mots, c’était fait pour voyager, et tant pis s’ils devaient ne pas revenir, tant pis s’ils devaient ne plus jamais lui appartenir.
J’ai senti que ça lui avait fait un peu mal alors j’ai posé ma tête sur son épaule et ma main au creux de sa douleur. J’ai promis que tout se passerait bien et il a demandé :
— Au fait ?
— Oui ?
— Nous nous rencontrâtes un jeudi ou un vendredi ?
— C’était un jeudi.
Il a souri.
Et on s’est endormis.
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
J'aime beaucoup l'idée des mots jetables !
Très joli texte... tout doux... pleins d'amour... l'amour des mots... l'amour tout court...
Je bute sur 2 ou 3 phrases... est-ce que je suis mal réveillé mais il est vrai que j'ai du relire certaines phrases tout doucement pour les comprendre.
Et, pour ma part, je n'aurai pas mis le "et" de "et on s'est endormi". ça fait un frein juste à la fin.
Voilou mais ta plume est toujours aussi légère et jolie krystelle ...
Très joli texte... tout doux... pleins d'amour... l'amour des mots... l'amour tout court...
Je bute sur 2 ou 3 phrases... est-ce que je suis mal réveillé mais il est vrai que j'ai du relire certaines phrases tout doucement pour les comprendre.
Et, pour ma part, je n'aurai pas mis le "et" de "et on s'est endormi". ça fait un frein juste à la fin.
Voilou mais ta plume est toujours aussi légère et jolie krystelle ...
evaetjean- Nombre de messages : 408
Age : 44
Localisation : Entre ici et nulle part...
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Un texte très intéressant à mon avis, à première vue léger mais intense, un peu mélancolique, et qui va plus loin que l'anecdote. J'en ai beaucoup aimé l'écriture et l'argument.
...et adoré : "Ça m’avait fait sourire parce que c’était pas de chance, quand même : « thuriféraire »."
Belle réussite !
...et adoré : "Ça m’avait fait sourire parce que c’était pas de chance, quand même : « thuriféraire »."
Belle réussite !
Invité- Invité
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
T'as gagné une thuriféraire inconditionnelle, Krys, j'ai savouré !
Invité- Invité
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Touchée ! J'ai adoré !
Flaneuse- Nombre de messages : 49
Age : 57
Date d'inscription : 16/10/2008
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Un portrait tendre derrière lequel se cache une importante question. Bravo.
Invité- Invité
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
J'aime énormément ce texte, et j'adore la fin. Original dans sa forme de dialogues, très vivant.
Beaucoup d'humour, de tendresse dans les attitudes comme dans les mots, une façon subtile et aérienne de traiter le sujet. Une bien belle rencontre et un regard sur l'écriture que je partage. et une façon d'apprivoiser le personnage tout à fait éloquente et plein de charme.
Oui, j'ai un faible pour "Lui" aussi. Bravo Chrystelle.
J'y reviendrais.
Beaucoup d'humour, de tendresse dans les attitudes comme dans les mots, une façon subtile et aérienne de traiter le sujet. Une bien belle rencontre et un regard sur l'écriture que je partage. et une façon d'apprivoiser le personnage tout à fait éloquente et plein de charme.
Oui, j'ai un faible pour "Lui" aussi. Bravo Chrystelle.
J'y reviendrais.
Aftermidnight- Nombre de messages : 19
Age : 63
Date d'inscription : 23/11/2008
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
C'est un style dont je raffole. Merci pour ce beau moment d'émotion intense et pour le talent.
Aftermidnight- Nombre de messages : 19
Age : 63
Date d'inscription : 23/11/2008
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Oui, je suis d'accord, un texte qui ne se perd pas dans les méandres philosophiques et où tout est dit avec humour, tendresse, en douceur... ça se boit d'un trait...On en redemande!Easter(Island) a écrit:Un portrait tendre derrière lequel se cache une importante question. Bravo.
XX
Aftermidnight- Nombre de messages : 19
Age : 63
Date d'inscription : 23/11/2008
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Beaucoup de poésie dans ce personnage et de sensibilité dans le portrait qui en est fait. J'aime particulièrement:
Il avait le lapsus à fleur de lèvres et de la fuite dans les idées. C’était touchant, mais pas seulement. Je trouvais sa manière d’aborder le monde à la fois naïve et évidente. J’ai toujours pensé que le vrai se cachait quelque part, derrière tout ça. Qu’au-delà des mots, de leur signification, il y avait le voyage. Pas celui de l’histoire, de la linguistique ou de l’étymologie, non rien de ce genre. Le vrai voyage, je veux dire, celui du son, du sens, celui qui fait que les mots se baladent, se promènent dans les silences, qu’ils s’égarent aussi parfois...
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Elle est jolie la tendresse qui se niche dans ce texte.
J'ai aimé aussi le crescendo puis le decresendo : le texte prend de l'ampleur, puis se pose avec douceur.
Et puis sans y toucher, il a du sens et c'est agréable. Merci j'ai passé un bon moment.
Ce personnage qui mélange un peu les mots, en invente m'a fait penser à celui d'une chanson de Sanseverino, avec un peu la même ambiance aussi.
J'ai aimé aussi le crescendo puis le decresendo : le texte prend de l'ampleur, puis se pose avec douceur.
Et puis sans y toucher, il a du sens et c'est agréable. Merci j'ai passé un bon moment.
Ce personnage qui mélange un peu les mots, en invente m'a fait penser à celui d'une chanson de Sanseverino, avec un peu la même ambiance aussi.
lilicub- Nombre de messages : 147
Age : 53
Date d'inscription : 18/11/2008
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Ce personnage qui mélange un peu les mots et qui se refuse à employer des mots d'outre-tombe; moi aussi il me fait penser à quelqu'un :-)
Un texte tout en douceur et tout en ceux. Du bel ouvrage !
Un texte tout en douceur et tout en ceux. Du bel ouvrage !
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Une grande douceur et beaucoup d'émotion(s). Un bien joli texte, Krystelle !
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
J'aime : les questions que pose ce texte et les réponses qu'il ne donne pas!
Travail efficace et de lecture agréable.
Travail efficace et de lecture agréable.
Roz-gingembre- Nombre de messages : 1044
Age : 62
Date d'inscription : 14/11/2008
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
c'est tendre, doux, intelligent. C'est toi !
c'est lui aussi :-))
c'est lui aussi :-))
grieg- Nombre de messages : 6156
Localisation : plus très loin
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Beaucoup aimé.
Une réflexion sur le rapport qu'on entretient avec les mots. L'air de rien, très profonde, cette réflexion.
Une belle écriture très perso.
Une réflexion sur le rapport qu'on entretient avec les mots. L'air de rien, très profonde, cette réflexion.
Une belle écriture très perso.
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Je ne peux qu'adhérer à ce genre de texte où les mots sont au centre de la pièce. Il me semble si important de les entretenir car cette génération du tout-jetable risque bien de selectionner par le vide notre richesse potentielle.
... Il avait le lapsus à fleur de lèvres et de la fuite dans les idées... celle là est bonne. J'aimerai bien la caser pour un septuagénaire.
... l’itinéraire habituel des mots pour les porter vers un ailleurs infiniment moins commun, et peut-être plus juste... voilà un argument à développer, celui de la précision.
... Il avait le lapsus à fleur de lèvres et de la fuite dans les idées... celle là est bonne. J'aimerai bien la caser pour un septuagénaire.
... l’itinéraire habituel des mots pour les porter vers un ailleurs infiniment moins commun, et peut-être plus juste... voilà un argument à développer, celui de la précision.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Une belle réflexion qui n'étouffe pas pour autant l'aspect littéraire du texte. Bravo !
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
J'arrive un peu tard (because internet intermittent et aléatoire), j'ai des dizaines de pages à lire!
Quelle idée originale et comme c'est bien dit! le poids tout relatif des mots.
Beaucoup de trouvailles savoureuses.
Quelle idée originale et comme c'est bien dit! le poids tout relatif des mots.
Beaucoup de trouvailles savoureuses.
muzzo- Nombre de messages : 618
Age : 90
Localisation : Va savoir...!
Date d'inscription : 13/07/2008
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
C'est doux, tendre, j'aime le concept des mots-kleenex. Plein de belles petites touches sensibles ici et là.
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Remarquable propos traité sous un mode tendre-doux. J'ai retrouvé (d'autres aussi, je suppose ?) des échos à ce qui me traverse souvent l'esprit, l'usure des mots, leurs voyages, leur alchimie, le charme des verbes d'antan...
Un jour, je me souviens avoir paniqué ; et si nous arrivions au fond du chaudron de la création ? Si un jour nous nous apercevions avoir épuisé toutes les noces, tous les assemblages, tous les styles, toutes les originalités, tous les rythmes... Je me souviens de cet instant comme d'un gros chagrin suivant une peur panique, avant de décider que c'était impossible.
Ton texte ravive ce souvenir, j'aime terriblement ces deux personnages et leur histoire. Et puis... il y a l'hommage aux "âtes", un peu comme ce soir, quand j'évoquais ailleurs chez moi le charme des chignons, des tailleurs, et de la finesse des bas sur les jambes des femmes d'antan.
C'est drôle comme les mots peuvent faire bouger tant de choses en chacun de leurs lecteurs...
Un jour, je me souviens avoir paniqué ; et si nous arrivions au fond du chaudron de la création ? Si un jour nous nous apercevions avoir épuisé toutes les noces, tous les assemblages, tous les styles, toutes les originalités, tous les rythmes... Je me souviens de cet instant comme d'un gros chagrin suivant une peur panique, avant de décider que c'était impossible.
Ton texte ravive ce souvenir, j'aime terriblement ces deux personnages et leur histoire. Et puis... il y a l'hommage aux "âtes", un peu comme ce soir, quand j'évoquais ailleurs chez moi le charme des chignons, des tailleurs, et de la finesse des bas sur les jambes des femmes d'antan.
C'est drôle comme les mots peuvent faire bouger tant de choses en chacun de leurs lecteurs...
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
"itinéraire" et "ordinaire", ils y sont ^^
Plus sérieusement... et puis non, pas sérieusement! Ton texte met en confrontation deux différents amours des mots, et finalement... les mots s'envolent, ne reste que l'amour!
Merci Krys
Plus sérieusement... et puis non, pas sérieusement! Ton texte met en confrontation deux différents amours des mots, et finalement... les mots s'envolent, ne reste que l'amour!
Merci Krys
Chako Noir- Nombre de messages : 5442
Age : 34
Localisation : Neverland
Date d'inscription : 08/04/2008
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Par moments, je trouve les explications et les justifications laborieuses. Cet alter ego est présenté sous un jour plutôt humain, sympathique même, donc je n'estime pas nécessaire de répéter l'idée sous des formules diverses pour arriver à la démonstration. Au point que j'ai en fait pensé que c'était la narratrice qui tentait de se convaincre elle-même, à travers le regard des autres, de la conviction de ses propres pensées, comme si elle-même en doutait pas mal.
Heureusement, les dialogues viennent alléger un peu tout cela mais au final, je reste sur ma faim, il me manque un brin de folie, de joie aussi, quelque part. L'écriture est soignée, travaillée mais trop sage à mon goût.
Heureusement, les dialogues viennent alléger un peu tout cela mais au final, je reste sur ma faim, il me manque un brin de folie, de joie aussi, quelque part. L'écriture est soignée, travaillée mais trop sage à mon goût.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
C'est – comme toujours – très bien écrit, avec fluidité et drôlerie.
Je suis toujours réservé sur les écrivains qui parlent de mots ou d'écriture – ça sera mon petit reproche, rapport à mon goût perso – mais là, le traitement est agréablement léger, et l'occasion de raconter (plus que de se la raconter).
A noter que le début et la fin du texte sont particulièrement bons.
Je suis toujours réservé sur les écrivains qui parlent de mots ou d'écriture – ça sera mon petit reproche, rapport à mon goût perso – mais là, le traitement est agréablement léger, et l'occasion de raconter (plus que de se la raconter).
A noter que le début et la fin du texte sont particulièrement bons.
Loupbleu- Nombre de messages : 5838
Age : 52
Localisation : loupbleu@vosecrits.com
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Très belle écriture, assurément, qui se démarque dès les premiers mots. On n'y décèle aucune contrainte ou rupture de forme; le tout est fluide et cohérent, avec cette douce émotion en filigrane.
Excellent
Excellent
Invité- Invité
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
je rejoins Loup sur
et aussi Sahkti surLoupbleu a écrit:Je suis toujours réservé sur les écrivains qui parlent de mots ou d'écriture – ça sera mon petit reproche, rapport à mon goût perso – mais là, le traitement est agréablement léger, et l'occasion de raconter (plus que de se la raconter).
bref, j'ai aimé mais peut être que je m'attendais à quelque chose d'encore meilleur. En entamant la lecture, j'avais en tête un autre texte de toi que j'avais adoré "les mots missiles", je crois. et celui-là m'a semblé moins inspiré, plus classique, moins envolé ...Sahkti a écrit:au final, je reste sur ma faim, il me manque un brin de folie, de joie aussi, quelque part. L'écriture est soignée, travaillée mais trop sage à mon goût
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 49
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
ça aurait pu s’appeler « pas toujours simple, le passé ». Toi tu as toujours le chic des phrases qui touchent, des aphorismes qui s’ignorent, comme « Il avait le lapsus à fleur de lèvres et de la fuite dans les idées ». J’aime beaucoup. Très touchant. Très touché.
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Quand même, c'est dommage, tous ces wagons de mots perdus. Si les russes pouvaient nous les rendre....
Joli travail, fin et travaillé. J'aime l'idée comme la manière de le mettre en mots.
Joli travail, fin et travaillé. J'aime l'idée comme la manière de le mettre en mots.
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 67
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Extrèmement touchant, à la douceur bien plus parfaite que celle d'un Kleenex, aucun accro, aucune résèrve...
Cette femme qui se décrit est un paradis, à mettre en pendant au portrait de folle furieuse d'Halicante dans "le viol universel" qui représenterait plutôt l'enfer...
C'est étonnant, mais la douceur de cette femme éclipse presque en ce qui me concerne le propos principal du texte, à savoir son homme s'entêtant dans deux refus, celui d'utiliser un certain niveau de langage et de lui montrer ses textes...
Une belle pudeur (que le mot est laid, il faudrait un kleenex pour le ramasser celui-là) chez cette femme...
Cette femme qui se décrit est un paradis, à mettre en pendant au portrait de folle furieuse d'Halicante dans "le viol universel" qui représenterait plutôt l'enfer...
C'est étonnant, mais la douceur de cette femme éclipse presque en ce qui me concerne le propos principal du texte, à savoir son homme s'entêtant dans deux refus, celui d'utiliser un certain niveau de langage et de lui montrer ses textes...
Une belle pudeur (que le mot est laid, il faudrait un kleenex pour le ramasser celui-là) chez cette femme...
boc21fr- Nombre de messages : 4770
Age : 54
Localisation : Grugeons, ville de culture...de vin rouge et de moutarde
Date d'inscription : 03/01/2008
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Ha ! Ha ! La folle furieuse ! ;-)boc21fr a écrit:Cette femme qui se décrit est un paradis, à mettre en pendant au portrait de folle furieuse d'Halicante dans "le viol universel" qui représenterait plutôt l'enfer...
Ce texte très beau et très bien écrit m'a évoqué deux choses : tout d'abord les livres qu'on abandonne sur un banc ou dans un train après les avoir lus, pour que quelqu'un puisse en profiter à son tour... J'aime beaucoup laisser un livre dans un lieu public et imaginer qui va le trouver, si cette personne va le lire, si ce livre va changer sa vie ou si le livre va simplement finir détrempé sous la pluie...
Puis cette idée de mots à usage unique qui me fait penser à une autre théorie qui concerne la musique, et selon laquelle les morceaux de musique ne devraient être écoutés qu'une seule fois dans une vie, ce qui est à l'extrème opposé du matraquage radiophonique. C'est une idée que j'aime bien car elle redonne du sens et de la valeur aux choses.
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Un dernier que je fais remonter et puis j'arrête, mais ce texte également m'avait beaucoup plus...
Peter Pan- Nombre de messages : 3709
Age : 49
Localisation : Pays des rêves et de l'imaginaire
Date d'inscription : 16/04/2009
Re: Itinéraires ordinaires : Les mots-kleenex
Le sens des mots ou ce que l'on souhaite y mettre lorsqu'on les utilise...Une très belle lecture, délicate, touchante et profonde sans en avoir l'air. Merci pour ce bon moment.
Sweet Heart
Sweet Heart
Sweet Heart- Nombre de messages : 98
Age : 46
Date d'inscription : 11/09/2011
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