Lettres muettes

Je marche sans me reconnaître,
Mon ombre ne peut t’apparaître,
Je m’efface et suis sans visage,
Comme du livre on arrache les pages.

L’histoire s’envole,
L’oiseau sans vol.

Pas d’empreinte sous mon pas,
Aucun souffle à mon passage.
Ma mort n’existe pas,
Ma vie est un mirage.

Je suis un mot sans voyelle,
Colombe sans aile,
Je suis un mot sans consonne,
Aucun sens ne résonne.

Silence éloquent ,
Sans précédent.

Comme un livre sans virgule,
Où les mots courent essoufflés,
Epuisé, le lecteur capitule,
De ne pouvoir un moment respirer.

Muette,
D’avoir trop à dire
La lettre,
Figée dans la cire,

Point de majuscule pour dire la grandeur,
Reste minuscule pour dire la pudeur .
Le point s’efface aussi,
Et le commencement en finit.

L’adjectif sans couleur,
Paysages insipides.
Les mots sans teneur,
Pour dire le vide.

L’encre blanche sous la plume,
Pour les mots qui s’exhument,
Se réécrire sans rature,
Trépasse la censure .

Sous l’encre rouge, la Genèse,
Ou qu’à jamais, les mots ne se taisent.