Marie
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Marie
19 MARS 2009
Assise dans son lit, Marie se tient très droite et a sa tête des mauvais jours ; qui est cette vieille femme aux cheveux blancs qui la regarde fixement de ses yeux noirs ? Elle n’aime pas cette intruse dans sa chambre ! Qu’on la laisse tranquille ! Elle attend Fulbert ! Il viendra sûrement aujourd’hui !
Ils iront danser à Brizambourg, c’est son bal préféré ! Fulbert la tiendra bien serrée contre lui – d’abord lorsqu’elle sera assise sur le cadre de sa bicyclette – ensuite sur le parquet ciré de la salle des fêtes – et elle tournera….elle tournera sans fin dans les bras de cet homme qui la trouble tant.
Fulbert ne viendra pas ! Il est parti ! Marie est fatiguée – le temps dur longtemps – depuis trop longtemps…. Quand va-t’elle mourir ? Elle aimerait partir elle aussi…et manger !
Quand mange-t-on ? Hélène ! J’ai faim ! Hélène ! qui est cette « vieille » qui me regarde toute la journée ?
Maman ! C'est toi, tu te regardes dans le miroir de ta chambre !
Silence !
Non, c’est insupportable, Marie ne peut pas être ce visage là ! Ces cheveux là ! Marie n’est pas dans son lit ! Marie joue à la balle, contre le mur de la grange, de son limousin natal. Elle a pu acheter cette balle au marchand ambulant car elle a économisé sur la menue monnaie que sa mère lui remet tous les dimanches pour Mr le Curé…il est tellement gras ce curé, qu’elle n’a aucun remords.
Louis vient de la surprendre, il lui a chipé sa balle et l’a donné au chien….il ricane bêtement…. C’est bon de faire pleurer Marie….il n’a pas le temps de jouer ‘ lui ‘ !
Il faut aider la Mère aux champs ! Il faut supporter la tyrannie de l’aîné – Joseph – qui est revenu haineux de la guerre de 14 ! Il faut supporter le silence de la Mère – drapée dans sa douleur de veuve – même pas veuve de guerre ! Pas de pension ! Non !
Son Jean, il est mort d’avoir attrapé froid à l’église – en plein été - après avoir maîtrisé le cheval énervé qui trainait la charrette transportant le cercueil d’un voisin.
Elle était ‘grosse’ de Marie, qui est arrivée avant terme en Août 1913. Elle ne survivra pas disait le vieux tonton, raidi par les douleurs, cantonné au coin de la cheminée. C’est lui qui veillait sur la p’tite toute la journée…..elle vivra pas….marmonnait-il.
Marie aura 96 ans cet été 2009 ! Hélène, sa fille aînée, la dorlote comme une vieille poupée fragile qu’on aime car on a tant partagé ensemble, et que l’on déteste parce qu’elle est tout ce qu’on ne veut pas devenir.
Marie n’a jamais eu de poupée ! Si, une toute petite, en chiffons mais Louis l’avait brûlée dans la cheminée.
Hélène a eu un ours en peluche, mais son frère l’a brûlé dans la cuisinière à bois et lui aussi ricanait bêtement devant les pleurs de sa sœur….époques différentes, mêmes anecdotes, mêmes chagrins de petites filles. Reste un vieux cliché en noir et blanc, qui montre Hélène et son ours, assis dans une brouette en bois.
Marie est une guerrière, qui à cause d' Alzheimer ne porte plus ses armes !
30 Mars 2009
Marie apprivoise la vieille aux yeux noirs qui la fixe dans le miroir ; elle lui fait quelques signes de la main, la vieille répond aussitôt. Encouragée, Marie lui parle un peu, de tout, de petits riens, de ses peurs, des absents qu'elle va bientôt rejoindre.....elle est si fatiguée. Elle parle de cette maison étrange, où on la garde couchée – dans un drôle de lit – Marie veut retourner chez elle, dans son Limousin natal, elle veut retrouver son jupon blanc – celui qu'elle a brodé en pensant à son amoureux – ce Fulbert qui dansait si bien pour le mariage de sa copine Marguerite en Charente.
Le revoir, retourner là bas et qui sait ? Peut-être l'épouser, lui faire des enfants – quitter cette campagne où rien de bon ne l'attend – quitter son frère Joseph qui est si dur avec elle et cette Maria qu'il a épousé parce qu'elle est dure au travail, mais qui a le cœur sec. Quitter sa pauvre mère, qui ne vit plus que dans ses souvenirs.
Marie a 18 ans et veut vivre loin de la terre, elle rêve de la ville, de belles robes, de chapeaux, de souliers élégants, de vraies culottes douces et bien coupées – pas de ces horreurs en lin rugueux que sa mère ramène de Limoges – sa décision est prise, elle partira à la ville – elle sera bonne pardi ! Car elle n'est pas allée souvent à l'école – 3 kilomètres à pieds à l'aller, autant au retour, par tous les temps – avec une gamelle de patates – parfois un bout de lard – pour seul repas – en fait, l'école c'était seulement les mois d'hiver, les autres il fallait aider aux champs. Un matin bien noir, glacé, elle a vu briller les yeux d'un loup, elle a frappé ses sabots de bois pour l'effrayer puis elle a couru comme une folle jusqu'à la petite école sans feu – il fallait allumer le grand poêle à bois tous les jours et mettre les capuchons à sécher ! Puis remettre de l'encre dans les encriers en porcelaine et supporter pendant des heures la cruauté gratuite et sans fin d'un Maître souvent ivre et parfois violent.
Marie n'a pas eu son Certificat d'études – elle s'est bien promis que chacun de ses enfants – un jour – le passerait et l'obtiendrait.
Ainsi fut fait !
24 Juin 2009
Le miroir de Marie s'est brusquement obscurci.
Ses grands yeux noirs ont cessé de scruter sans fin l'eau profonde de ce lac cerclé de bois où ses rêves et ses désirs se fracassaient incessamment comme des marées sans lunes.
Marie est partie.
Assise dans son lit, Marie se tient très droite et a sa tête des mauvais jours ; qui est cette vieille femme aux cheveux blancs qui la regarde fixement de ses yeux noirs ? Elle n’aime pas cette intruse dans sa chambre ! Qu’on la laisse tranquille ! Elle attend Fulbert ! Il viendra sûrement aujourd’hui !
Ils iront danser à Brizambourg, c’est son bal préféré ! Fulbert la tiendra bien serrée contre lui – d’abord lorsqu’elle sera assise sur le cadre de sa bicyclette – ensuite sur le parquet ciré de la salle des fêtes – et elle tournera….elle tournera sans fin dans les bras de cet homme qui la trouble tant.
Fulbert ne viendra pas ! Il est parti ! Marie est fatiguée – le temps dur longtemps – depuis trop longtemps…. Quand va-t’elle mourir ? Elle aimerait partir elle aussi…et manger !
Quand mange-t-on ? Hélène ! J’ai faim ! Hélène ! qui est cette « vieille » qui me regarde toute la journée ?
Maman ! C'est toi, tu te regardes dans le miroir de ta chambre !
Silence !
Non, c’est insupportable, Marie ne peut pas être ce visage là ! Ces cheveux là ! Marie n’est pas dans son lit ! Marie joue à la balle, contre le mur de la grange, de son limousin natal. Elle a pu acheter cette balle au marchand ambulant car elle a économisé sur la menue monnaie que sa mère lui remet tous les dimanches pour Mr le Curé…il est tellement gras ce curé, qu’elle n’a aucun remords.
Louis vient de la surprendre, il lui a chipé sa balle et l’a donné au chien….il ricane bêtement…. C’est bon de faire pleurer Marie….il n’a pas le temps de jouer ‘ lui ‘ !
Il faut aider la Mère aux champs ! Il faut supporter la tyrannie de l’aîné – Joseph – qui est revenu haineux de la guerre de 14 ! Il faut supporter le silence de la Mère – drapée dans sa douleur de veuve – même pas veuve de guerre ! Pas de pension ! Non !
Son Jean, il est mort d’avoir attrapé froid à l’église – en plein été - après avoir maîtrisé le cheval énervé qui trainait la charrette transportant le cercueil d’un voisin.
Elle était ‘grosse’ de Marie, qui est arrivée avant terme en Août 1913. Elle ne survivra pas disait le vieux tonton, raidi par les douleurs, cantonné au coin de la cheminée. C’est lui qui veillait sur la p’tite toute la journée…..elle vivra pas….marmonnait-il.
Marie aura 96 ans cet été 2009 ! Hélène, sa fille aînée, la dorlote comme une vieille poupée fragile qu’on aime car on a tant partagé ensemble, et que l’on déteste parce qu’elle est tout ce qu’on ne veut pas devenir.
Marie n’a jamais eu de poupée ! Si, une toute petite, en chiffons mais Louis l’avait brûlée dans la cheminée.
Hélène a eu un ours en peluche, mais son frère l’a brûlé dans la cuisinière à bois et lui aussi ricanait bêtement devant les pleurs de sa sœur….époques différentes, mêmes anecdotes, mêmes chagrins de petites filles. Reste un vieux cliché en noir et blanc, qui montre Hélène et son ours, assis dans une brouette en bois.
Marie est une guerrière, qui à cause d' Alzheimer ne porte plus ses armes !
30 Mars 2009
Marie apprivoise la vieille aux yeux noirs qui la fixe dans le miroir ; elle lui fait quelques signes de la main, la vieille répond aussitôt. Encouragée, Marie lui parle un peu, de tout, de petits riens, de ses peurs, des absents qu'elle va bientôt rejoindre.....elle est si fatiguée. Elle parle de cette maison étrange, où on la garde couchée – dans un drôle de lit – Marie veut retourner chez elle, dans son Limousin natal, elle veut retrouver son jupon blanc – celui qu'elle a brodé en pensant à son amoureux – ce Fulbert qui dansait si bien pour le mariage de sa copine Marguerite en Charente.
Le revoir, retourner là bas et qui sait ? Peut-être l'épouser, lui faire des enfants – quitter cette campagne où rien de bon ne l'attend – quitter son frère Joseph qui est si dur avec elle et cette Maria qu'il a épousé parce qu'elle est dure au travail, mais qui a le cœur sec. Quitter sa pauvre mère, qui ne vit plus que dans ses souvenirs.
Marie a 18 ans et veut vivre loin de la terre, elle rêve de la ville, de belles robes, de chapeaux, de souliers élégants, de vraies culottes douces et bien coupées – pas de ces horreurs en lin rugueux que sa mère ramène de Limoges – sa décision est prise, elle partira à la ville – elle sera bonne pardi ! Car elle n'est pas allée souvent à l'école – 3 kilomètres à pieds à l'aller, autant au retour, par tous les temps – avec une gamelle de patates – parfois un bout de lard – pour seul repas – en fait, l'école c'était seulement les mois d'hiver, les autres il fallait aider aux champs. Un matin bien noir, glacé, elle a vu briller les yeux d'un loup, elle a frappé ses sabots de bois pour l'effrayer puis elle a couru comme une folle jusqu'à la petite école sans feu – il fallait allumer le grand poêle à bois tous les jours et mettre les capuchons à sécher ! Puis remettre de l'encre dans les encriers en porcelaine et supporter pendant des heures la cruauté gratuite et sans fin d'un Maître souvent ivre et parfois violent.
Marie n'a pas eu son Certificat d'études – elle s'est bien promis que chacun de ses enfants – un jour – le passerait et l'obtiendrait.
Ainsi fut fait !
24 Juin 2009
Le miroir de Marie s'est brusquement obscurci.
Ses grands yeux noirs ont cessé de scruter sans fin l'eau profonde de ce lac cerclé de bois où ses rêves et ses désirs se fracassaient incessamment comme des marées sans lunes.
Marie est partie.
Re: Marie
Le problème que j'ai eu en lisant votre texte, c'est que, dès les premières lignes, j'ai compris la situation ; du coup l'effet de surprise était gâché. Peut-être aussi suis-je mal disposée ce soir, j'ai eu l'impression que vous donniez dans le pathos à partir d'une situation qui, certes, l'appelle. Désolée, j'espère mieux réagir une prochaine fois.
Invité- Invité
Re: Marie
Je ne sais pas ce que tu avais en tête avec ce texte, peut-être de relater une histoire personnelle, de rendre hommage à quelqu'un. Je ne sais pas, mais j'ai été déçue de comprendre d'emblée de quoi il retournait et de ne faire ensuite que plonger dans des souvenirs qui n'ont pas réussi à me toucher parce qu'il me semble avoir souvent lu de semblables descriptions .
Bref, le texte, bien écrit, manque d'ampleur à mon goût, d'envergure, en tant que lectrice je reste sur la touche.
NB : Marie est fatiguée – le temps dure longtemps – depuis trop longtemps…. Quand va-t-elle mourir ?
Bref, le texte, bien écrit, manque d'ampleur à mon goût, d'envergure, en tant que lectrice je reste sur la touche.
NB : Marie est fatiguée – le temps dure longtemps – depuis trop longtemps…. Quand va-t-elle mourir ?
Invité- Invité
Re: Marie
Je ne souhaitais pas créer de suspense mais...je suis mécontente de ce texte. Mes émotions trop récentes additionnées à une volonté de sobriété et de légèreté en ont fait un catalogue duquel rien d'intéressant ne ressort.
Merci pour vos lectures et votre regard.
Merci pour vos lectures et votre regard.
Re: Marie
Un bon travail de refonte permettrait d'extirper de ce texte quelques lourdeurs et de démêler un écheveau embrouillé. Il y a beaucoup de personnages en peu de lignes.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Marie
Le personnage de Marie est sans doute très riche, attachant au possible mais tu le noies ici sous une tonne de bons sentiments, alors que le lecteur paut aisément deviner ce qui se trame, sans que tu en fasses autant. Je pense que ça vaudrait la peine de sabrer, de reprendre tout ça car la base est bonne et tu en as le potentiel. Certains détails sont inutiles, d'autres redondants; secoue tout ça.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Marie
Rien d'intéressant, je ne dirais pas cela, pas du tout. Mais tu n'as pas tort en évoquant un catalogue; c'est vrai que tout est présent, étalé, dans ton texte et c'est sans doute ce qui coince.CROISIC a écrit:Mes émotions trop récentes additionnées à une volonté de sobriété et de légèreté en ont fait un catalogue duquel rien d'intéressant ne ressort.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Marie
Oui, certains passages sont un peu lourds. Peut-être qu'il y a trop de détails par-ci. par là. Sans doute.
Mais j'ai été touchée par ce texte. Le fait de savoir dès les premières lignes de quoi il s'agissait ne m'a pas déstabilisée, et m'a aidée à mieux comprendre les sentiments qui envahissaient le personnage. Peut-être que le fait de ne pas deviner aurait rendu le texte plus saisissant. Ça reste un peut-être méfiant. Plus la fin approche, plus j'ai apprecié les tristes phrases qui se dégagaient.
Vous trouvez que votre texte est inintéressant, et je m'en désole. Il n'est pas parfait, c'est sûr. Mais pour moi, il possède déjà quelque chose d'essentiel: les sentiments sont transmis.
Mais j'ai été touchée par ce texte. Le fait de savoir dès les premières lignes de quoi il s'agissait ne m'a pas déstabilisée, et m'a aidée à mieux comprendre les sentiments qui envahissaient le personnage. Peut-être que le fait de ne pas deviner aurait rendu le texte plus saisissant. Ça reste un peut-être méfiant. Plus la fin approche, plus j'ai apprecié les tristes phrases qui se dégagaient.
Vous trouvez que votre texte est inintéressant, et je m'en désole. Il n'est pas parfait, c'est sûr. Mais pour moi, il possède déjà quelque chose d'essentiel: les sentiments sont transmis.
Miinda- Nombre de messages : 103
Age : 31
Date d'inscription : 07/07/2009
Re: Marie
Miinda : l'appréciation que vous me donnez me touche d'autant plus que votre jeunesse s'allie a une grande maturité.
Sahkti : j'ai bien compris vos messages, mais j'attends le "déclic" ! pour l'instant Marie paralyse ma plume.
Sahkti : j'ai bien compris vos messages, mais j'attends le "déclic" ! pour l'instant Marie paralyse ma plume.
Re: Marie
Bonjour Croisic, moi j'aime bien le texte tel qu'il est, dans ce désordre flou où les images se télescopent, dans cette confusion que je trouve que tu rends bien, ce poids de situations rejouées de générations en générations. Je ne suis pas sûr qu'il soit si essentiel que ça de surprendre le lecteur par une surprise inattendue de fin de texte, je vois plutôt un kaléidoscope des constantes que vivaient les petites gens, avec si peu de maîtrise de leur destin individuel, et où, à la campagne, on disait souvent aux enfants qu'il vaut mieux avoir une vache qu'un gosse: ça coûte moins et ça rapporte plus.
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 67
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Marie
Je suis contente que ma critique vous ait touchée, bonne continuation!
Miinda- Nombre de messages : 103
Age : 31
Date d'inscription : 07/07/2009
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