Modestine : Un itinéraire ordinaire

Modestine – « Un itinéraire ordinaire »




Fin de journée. Soleil couchant. En moins d’un quart d’heure, il fait nuit. Le moment que je préfère.

Le carbet s’anime. Les bipèdes rentrent au bercail. Les lumières s’allument.

Nath, c’est un rite, vient vérifier ma présence. Les ondes de sa voix vibrent de gentillesse. Elle m’apporte, comme chaque soir, un cadavre quelconque. Que je m’empresse d’enfouir au fond de ma cache, derrière la poutre. Je le jetterai dehors plus tard. Comment lui faire comprendre ? J’aime tellement mieux chasser le vif.

Je me fais belle. Quelques passages de pattes arrière sur le dos, histoire de lisser le pelage dans le bon sens. Qui sait, j’aurai peut-être besoin, cette nuit, de toutes mes défenses contre un ennemi sous estimé.

Petite attente encore. Pour la forme. Des fois que Guy rentrerait à l’heure… Peu d’espoir. J’aime quand il vient. Dans ce cas, c’est lui qui me lisse le dos. Plaisir.

Bruit de vaisselle, odeurs de cuisine. Je n’en raffole pas. La seule fois où j’y suis allée voir – je suis très curieuse – j’ai cauchemardé toute la nuit. J’ai compris qu’ils faisaient CUIRE ce qu’ils mangeaient ! Et puis je déteste la fumée, vraiment. C’est pour ça que je me suis installée sous les tôles de la terrasse, c’est mieux aéré. Et plus indépendant.

J’y tiens à mon indépendance. Même si je crois comprendre que Guy et Nath me verraient bien m’intégrer encore plus. A preuve leurs tentatives de me faire dormir dans la chambre… Pour leur faire plaisir j’avais accepté une séance photos. Sur le lit, sur les bras, sur les épaules de Nath, sur… bon, je ne vais pas tout dire ici non plus. N’empêche que la longue balade sur cette peau de pêche brunie de soleil et aux fragrances de vétiver me laisseront un grand souvenir… Je les soupçonne d’avoir voulu frimer avec leurs correspondants de métropole. Mais je n’ai pas cédé : dodo terrasse.

Il est temps. J’ai l’estomac dans le thorax.

Il me faut quelques enjambées pour descendre la poutre maîtresse et me voilà courant le long du pripri qui mène à la forêt.

En chemin, un mégasoma de ma connaissance passe me saluer en vrombissant à fond les décibels pour m’impressionner. Passe le bonjour à madame, hé, frimeur !

Voici un awara, comme je les aime : un tronc facile à escalader – même si on est vulnérable tout du long – et une fois là haut, l’idéal pour chasser. Des pointes de partout qui dissuadent les malfaisants de vouloir s’en prendre à moi. J’y ai repéré une cigale. Trop facile. Ca stridule tellement que c’en est suicidaire. Elle n’a pas remarqué qu’il faisait déjà nuit ? Ce sera sa dernière erreur. D’un bond je lui coupe le sifflet. Chélicères en action, une légère injection suffit, pas la peine de gâcher. C’est pas marqué « à consommer sur place », mais tant pis, j’ai trop faim.

Rien de tel pour digérer qu’une branchette épineuse horizontale. Le grage grands-carreaux que je devine ondulant dans les hautes herbes ne montera pas m’ennuyer. En revanche le tig’ rouge qui chasse plus loin devrait s’en méfier…

Les babounes hurlent en chœur, il est temps d’aller faire la tournée des popotes.

Cette nuit j’ai rencard avec Teraphosa. Je l’aime bien, Tera. Elle m’impressionne. C’est une rouquine, Trois fois plus grande que moi, c’est dire. Elle s’est fait un terrier au bord d’un layon, et elle ne laisse rien passer ! J’ai voulu la persuader de vivre chez nous, mais pas moyen. Elle a un croc contre les humains. Depuis qu’un touriste a voulu l’enfumer pour l’obliger à sortir de sa cache. Elle en a gardé une mauvaise toux.

J’ai intérêt à tricoter des gambettes, parce que la pluie n’est pas loin. Et quand ça arrive, c’est brutal.

Tiède mais brutal.

Téra a bouclé son repaire avec un voilage de soie étanche, en prévision. Elle me laisse entrer et on taille une bavette comme si on ne s’était pas vues depuis des lustres.

Elle s’est offert une grenouille hylode juste avant mon arrivée. Elle en rote encore, avec des bulles…

Les heures ont passé. Je crois qu’on s’est endormies, un peu. Il faut que je retourne au carbet avant le jour.

Nath et Guy seraient inquiets de ne pas me trouver au nid.

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Un texte sur Modestine
Comme c'est miiiiiignon
Depuis le temps que je l'attendais celui-là
La faiblesse de ton texte, mais aussi sa qualité, c'est que tu apprécies tellement cette sa... euh cette adorable créature que tu l'as carrément anthropomorphisée !
Du coup, nécessité pour le lecteur de s'identifier au personnage.
Déjà pour ceux qui savent qui est Modestine cela peut faire un "gloups" (traduire : un peu effrayer certains membres de la gente féminine).
Mais alors pour ceux qui ne savent pas, je crois que le coup de la chasse à la cigale va glacer au-delà du cercle restreint des fans de Pagnol.
Alors oui, pour ma part, j’apprécie cette tranche de vie de ton adorable petit NAC, j’aime sentir son contentement lorsque tu lui lustres le dos, sa bonne volonté lorsqu’elle feint d’aimer les cadavres qu’on lui jette…
Mais je suis impatient de lire les autres commentaires !

Sans déconner, il y a une Teraphosa à coté de chez toi ?
Parce que ça…c’est une vraie teigne !

Sacré Guy ^^
On découvre plein de zanimaux, des grosses araignées velues au vulnérable puma (je savais pas que le grage était un serpent).
Pis un peu plus sur la vie de Guy&Nath.. Y en a qui caressent un chien ou un chat (ou homologues féminins) en rentrant maison, eux c'est une mygale... Faut de tout pour faire un monde!
N'empêche, une belle petite tranche de vie pour un personnage qu'on connaît depuis longtemps sans l'avoir jamais entendu prononcer / vu écrire un mot.
Alors, comme disait boc, c'est miiiiignon ^^

Comme les précédents, je l'ai trouvé super-mignon ce texte à la Beatrix Potter (l'exotisme en plus !). Sympa la façon dont tu retournes la situation pour nous rendre sympathique un animal qui a priori, hein ... Attention toutefois à ne pas trop l'humaniser Modestine, qu'elle ne perde pas en crédibilité. Jolie lecture.

très joli texte, Mentor. beaucoup aimé les tribulations de Modestine.

bon, par contre, même si ça l'a rend sympa, elle me file toujours le frisson tout de même ;-))

Bien d'accord avec Modestine: par ces jours de chaleur, autant ne pas faire trop mijoter les plats.

Une lecture doublement agréable...
Ce serait malheureux de "ne pas régner sur la toile, pour une araignée !"
http://la-cle-a-mots-lettres.over-blog.com/article-28142616.html

C'est très plaisant à lire, et je n'aurais jamais cru que des pensées aussi complexifiées puissent émaner d'un corps aussi minuscule: comme quoi, ce n'est pas la taille du processeur qui compte.
J'espère que Guy va lire avec attention ce qui te fait plaisir et s'abstenir à l'avenir de ses élucubrations de bipède, notamment les barbecues.
Surtout que c'est pas gagné, d'être coopté dans la sororité des orthognates: déjà, il faut être capable de muer. Et à ce point de vue, Guy, il assure pas du tout. Sauf avec les ti-punchs: là, il mue, mais presque trop.

Un petit miracle, ce texte : Il est parvenu à me faire entrer, tout en douceur et avec tendresse, dans la carapace de Modestine ! J'aurais jamais cru ça possible.
Merci Mentor, tu soignes mon arachnophobie avec une grande délicatesse et j'apprécie !

Je suis ravie d'avoir fait la connaissance de Modestine et en plus j'ai plein de mots à chercher dans le dictionnaire !
C'est évidemment tout à fait charmant mais pas enfantin. J'aime bien le passage de ses hôtes et des photos ! Il fallait y penser !

Elle me plaît, Modestine !

Enfin, le texte me plaît car les araignées... depuis que j'ai voyagé à côté d'une mygale et que j'ai marché sur une araignée cheval (désolée Mentor, je ne connais pas son nom savant : c'est ainsi qu'on l'appelait en Afrique de l'ouest), je ne suis plus fan. Je ne l'ai jamais été d'ailleurs...
Mais les récits, ça me va...

Bref, j'ai beaucoup aimé !

Bien écrit et assez surprenant.
Vrai que des histoires d'araignées tueuses, c'est rare. (je n'en avais jamais lues... mais, je ne lis pas donc. :-))))
Je trouve dommage de ne pas avoir tout saisi à la venue de certains animaux. (flemmite aigüe de chercher dans l'encyclo zoo.)

Sinon, comme disent d'autres, c'est mignooooon ! ;-)

Est-ce que c'est le portrait de Modestine, sur ton avatar ?
Quel joli prénom pour ce noir animal ! Et quelle tendresse pour ses hôtes !
J'aime beaucoup ce texte.

CROISIC a écrit:Est-ce que c'est le portrait de Modestine, sur ton avatar ?
Quel joli prénom pour ce noir animal ! Et quelle tendresse pour ses hôtes !
J'aime beaucoup ce texte.

Ben ça vaut mieux! Tu connais pas les pouvoirs de Modestine: tout ce qu'elle susurre à Guy, il le fait : imagine qu'elle te prenne en grippe, hop, plus de textes, tout en blanc.

Joli texte, j'aime bien suivre la journée de Modestine (même si je ne m'identifie pas trop :)). J'aime beaucoup aussi le côté documentaire, ou en tout cas documenté, sur la flore et la faune de chez vous, à l'occasion de sa balade vespérale.
Agréable façon de connaître un peu plus Modestine et ses hôtes à deux pattes.

silene82 a écrit:

CROISIC a écrit:Est-ce que c'est le portrait de Modestine, sur ton avatar ?
Quel joli prénom pour ce noir animal ! Et quelle tendresse pour ses hôtes !
J'aime beaucoup ce texte.

Ben ça vaut mieux! Tu connais pas les pouvoirs de Modestine: tout ce qu'elle susurre à Guy, il le fait : imagine qu'elle te prenne en grippe, hop, plus de textes, tout en blanc.

Fichtre ! Je l'ai échappé belle ! Pour cette fois !
Il faut absolument que je parle à Guy !

CROISIC a écrit:Il faut absolument que je parle à Guy !

je ne consulte que par téléphone (CB acceptée) et entre 22h et 23h, heure du 97

Je me suis posée la question l'autre jour... tu l'avais à Besançon Modestine ? T'as pu l'embarquer dans l'avion avec toi au retour ? En soûte?

Suis curieuse de savoir :-)

Quelques maladresses dans le style et le rythme, des propos par moments manquant de relief mais en même temps emplis d'une sincérité assez touchante et c'est ce qui fait le charme du texte; on devine un véritable amour.

Je relève cette phrase :

"N’empêche que la longue balade sur cette peau de pêche brunie de soleil et aux fragrances de vétiver me laisserONTont un grand souvenir…"

La balade ...me laisserA un grand souvenir....plutôt !

Modestine est une héroïne que j' ai bien aimé accompagner dans cette balade en suivant le fil tortueux et cuisant de ses pensées les plus intimes
et de ses observations acérées.

oups en te recopiant je rajoute des fautes !! il n'y avait pas deux fois le "ont" bien sur

Sahkti a écrit:Je me suis posée la question l'autre jour... tu l'avais à Besançon Modestine ? T'as pu l'embarquer dans l'avion avec toi au retour ? En soûte?

Suis curieuse de savoir :-)

Ah je n'avais pas vu cette question! Et Guy non plus sans doute!
Noooon!! Pas en Métropole, je pense qu'elle n'aurait pas supporté le froid et l'air sec. Et puis effectivement pour les trajets avion, ç'aurait été délicat!
Non, en fait elle était chez la Maman et Guy a filé la récupérer je crois le jour même de notre arrivée fin 2006! J'avais vu des photos, heureusement qu'il m'avait prévenue!... On s'habitue vite.
Merci Rebecca, pour la faute, ça va lui plaire ça, je le sens... :)))

J'attendais qu'elle se brise une patte, qu'elle se brûle la fourrure sous la loupe curieuse d'un touriste, qu'elle échappe de justesse à l'écrasement d'un véhicule motorisé, qu'elle déglutisse un pesticide... même pas. C'est d'un banal cette vie.
Écriture sobre. Manque de PUNCH !

Une lecture agréable, la focalisation interne colle bien.

Ce n'est pas magistral (je pense que si on remplace la mygale par un chien ça devient un peu plus banal ) mais le sujet insolite ajoute justement ce petit soupçon d'originalité qui rend le texte intéressant.