FIGURES DE STYLE : Sauver Lyon

23 octobre 2011
Ma petite princesse,
Ainsi de la liberté ne connaîtrai-je décidément que le nom. C’est à cause de ces fichus Dieux dont on ne peut se défaire et qui étranglent immanquablement l’espace où elle pourrait s’exprimer. A moins qu’elle n’existe pas. Tiens, manquerait plus que ça, qu’elle n’existe pas, qu’elle ne soit qu’un leurre. Mais ce leurre d’où vient-il ? Quel est-t-il ? Comment remettre en question sa matérialité quand comme moi on a passé sa vie au service de la physique ? Le résultat est le même. ILS décident pour nous, imposent leur didact, nous confinent dans la seule nécessité d’avancer vers leur dessein. ILS… tu ne devineras jamais mon enfant. Ici, ILS prennent une forme des plus inattendues, ils exercent un pouvoir que tu ne peux même pas concevoir. Dire que je me suis exilé pour ne pas mettre ma science au service de dangereux Ayatollahs parce que ce qu’ils avaient fait de mon Dieu me faisait peur et voilà que je me retrouve dans ce pays non pas devant une parole imaginaire et tronquée comme en Irak, mais bien devant Des Dieux en chair et en os et au pouvoir on ne peut plus destructeur. Vois-tu mon enfant, étouffé j’étais chez nous, rongé je suis ici.
Laisse-moi te raconter mon histoire.

Tu le sais, je n’étais pas malheureux d’arriver à Lyon voilà trois ans. Bien sûr ce travail de gardien de nuit chez Groupama n’était pas à la hauteur de mes espérances, mais je faisais contre mauvaise fortune bon cœur. Et j’aimais cette ville, ses collines et ses fleuves. C’est lors d’un tour de garde que tout a commencé. Le responsable de l’agence m’attendait ce soir-là pour me signaler un phénomène étrange qui se déroulait dans les sous-sols du bâtiment. Depuis quelques mois, il n’était plus nécessaire de vider les poubelles pourtant remplies dans la journée. Aussi surprenant que cela puisse paraître, leur contenu -de papier principalement il est vrai, disparaissait dans la nuit. Au début les agents d’entretien trouvèrent cela confortable, tu comprends, du coup cela allégeait leur travail. Mais au bout de quelque temps ils durent signaler les faits aux responsables. Des caméras furent discrètement installées (pas question tu t’en doutes de paniquer le personnel, le chiffre des nouveaux contrats est à faire) mais étonnamment elles ne montrèrent rien qui puisse donner un soupçon d’explication : le soir les poubelles étaient pleines, le lendemain matin vides, et entre temps, rien ! C’est dans ces conditions que je fus chargé de surveiller les sous-sols pendant mes gardes de nuit. Et c’est alors que je fis la découverte la plus ahurissante qu’il soit.

Je ne sais pas encore comment je vais pouvoir t’expliquer ça. Je poste cette lettre aujourd’hui ma fille et j’essaie dans les prochains jours de trouver les mots pour te décrire ce qui se passe ici et comment l’humanité glisse vers le désastre.
Je t’embrasse princesse.
Papa



10 juin 2012
Ma princesse,
Voilà quelques mois que je ne t’ai pas écrit, très exactement depuis mes révélations, or je sais que tu t’inquiètes. Il va pourtant m’être difficile de te rassurer. Sans compter que ce que tu m’annonces dans ton dernier courrier ne peut que m’effrayer. Si effectivement le haut de la lettre manque comme tu me le décris, c’est que le pouvoir de Louis XIV et de sa cour progresse. Il ne leur suffisait pas de se réunir dans les sous-sols de Groupama et de subtiliser les ordures. Ils se sont étendus, ils ont proliféré, plus aucune poubelle à vider le matin, partout le même spectacle de désolation. Les éboueurs sont en chômage technique, les usines d’incinération ferment à la pelle et ce n’est rien par rapport à la catastrophe annoncée : car mon enfant, figure-toi que ces détritus disparus ne le sont pas vraiment mais qu’ils sont transformés de la plus naturelle des manières par le roi et ses acolytes en gaz à effet de serre. Oui, tu comprends bien, c’est par un phénomène de digestion que disparaissent les ordures, digestion très particulière qui entraîne une forte flatulence et par conséquent une quantité d’émanation entérique telle que c’est l’avenir de la planète qui est en jeu ! La situation est grave, car tu te doutes qu’aucune étude n’avait osé envisager ce phénomène, que les écolos, pourtant très présents et actifs dans ce pays n’avaient imaginé qu’un manque d’ordures entraînerait plus de problèmes qu’une surproduction d’ordures!
Sans compter qu’en même temps que la couche d’ozone disparaît, la secte royale, elle, ne cesse de s’étendre. Le pouvoir de Louis XIV inféode désormais la totalité de la région, se faisant fi des frontières. Mais ce n’est pas tout, la disparition de certains déchets pouvant poser de graves problèmes, c’est par précaution que les autorités ont demandé l’arrêt des centrales nucléaires qui ponctuent ce grand fleuve qu’est le Rhône. Du coup le pays vit au ralenti, ce qui est un moindre mal ; mais bien plus grave, les bras mineurs du fleuve se retrouvent avec un tel débit que tout l’écosystème est déséquilibré ; les espèces en voie de disparition réapparaissent et ce qui pourrait sembler être une bonne nouvelle s’avère catastrophique. Car vois-tu ma fille, la diminution de la pollution dans les cours d’eau a fait subitement disparaître tous les phénomènes d’eutrophisation qui limitaient la reproduction aquatique, les poissons pullulant de nouveau dans les eaux claires ont pour néfaste conséquence le retour des baigneuses du vieux Rhône. Je t’explique : elles en sont elles aussi, courtisanes de Louis XIV, elles se sont installées sur tous les rivages, imposant leur présence dont on connait maintenant les pouvoirs dévastateurs.
Heureuse sois-tu à Bagdad ma fille, l’avenir de notre survivance ne dépend pas du Moyen-Orient mais bien de Louis XIV et de ses moustachus.

Tant de tendresse dans mes pensées pour toi.
Papa



11 septembre 2012
Princesse,
Ton père n’est qu’un abruti, un sot, un débile mental au ciboulot de la taille d’un petit pois. Et c’est en colère d’être si stupide qu’il t’écrit cette lettre. Si stupide et pourtant si content… car les rats ont quitté le navire. Louis XIV, ce mâle dominant n’est plus, la cour est désintégrée, les baigneuses sont parties sécher au fond du fleuve et tout ça grâce à quoi ?
La légende du joueur de flûte de la ville de Hamelin, te souviens-tu princesse de cette histoire que je te racontais quand tu étais enfant et qui te faisait si peur ?
La solution était dans cette histoire et c’est un petit groupe de Lyonnais dont je regrette tant de ne pas avoir fait partie qui l’a magnifiquement exploitée.
Ils ont commencé par lancer un soit disant concours : tous les joueurs de cuivre de la ville devaient se présenter sur le parvis de la basilique de Fourvière pour se confronter. Ils vinrent par centaines, jamais je n’aurais cru que la ville de Lyon abritait tant et tant de tonitruantes trompettes à faire péter les tympans. Evidemment il ne s’agissait pas d’un concours mais bien de jouer, et de jouer fort. Toutes les trompettes, les cors et les saxophones de la région, regroupés sur le point dominant la ville se mirent à sonner des heures et des heures provoquant la panique dans les rangs des rats qui ne trouvèrent pas mieux que de se jeter dans le Rhône et de s’y noyer.
Aussi simple que ça, princesse.
Et ce n’est pas mon idée !
Tu comprends alors pourquoi c’est dans une heureuse colère que je t’écris cette lettre. Heureux d’être débarrassé des envahisseurs et dépité de ne pas avoir été à l’origine de cette pourtant simplissime idée, la seule capable d’anéantir le règne du râ soleil.

Ton petit papa.

Je n'ai pas accroché, désolée, j'ai trouvé l'argument trop mince (en fait je n'ai pas compris en quoi la disparition de la pollution était si grave), les éléments mal raccordés entre eux. En outre, l'écriture manquait de relief à mon goût.

Une ou deux remarques :
"C’est dans ces conditions que je fus chargé de surveiller les sous-sols pendant mes gardes de nuit. Et c’est alors que je fis la découverte la plus ahurissante qu’il soit."
"leur présence dont on connaît maintenant les pouvoirs dévastateurs"
"un soi-disant concours "

J'ai mis du temps à comprendre certains éléments et encore je n'ai pas tout compris ...Si la paranomase devait être implicite, il me semble qu'un texte plus explicite m'eut permis une lecture plus fluide...

Il y a plusieurs pistes dans le texte, l'idée maîtresse semble se perdre un peu dans l'ensemble. J'aurais peut-être vu la dernière lettre plus étoffée ; en l'état, la solution présentée ainsi sans détour lui fait peut-être perdre de sa pertinence ? (là, je me pose vraiment la question à moi-même)

Je n'ai pas bien compris qui étaient les oppresseurs (rats, secte ou dieux ?), mais j'ai bien aimé l'idée de retourner le problème environnemental. La solution de faire du bruit pour faire fuir des importuns a réellement été utilisée, pour faire fuir des oiseaux, je crois, mais je ne sais plus dans quelle ville.
Chasi Goura en exil retombant sous une autre forme de joug est aussi une bonne idée, je trouve.

Aliénor : Les rats, seulement les rats. Après secte, dieu, on donne le nom qu'on veut à son oppresseur ...

Socque : ce sont surtout les gaz émis par la digestion des rats qui posent problème.
un petit clin d'oeil à ça :
http://badbuzz.wordpress.com/2008/04/08/effet-de-serre-les-bovins-polluent-plus-que-les-voitures/

Roz-gingembre a écrit:Aliénor : Les rats, seulement les rats. Après secte, dieu, on donne le nom qu'on veut à son oppresseur ...

Houlà, moi qui ne me pensais pas encore complètement aliénée, on dirait que j'ai finalement basculé du côté obscur ! Les rats, bien sûr ! Ce sont les rats qui mangent les ordures... C'est tellement évident que, parmi tous ces Louis XIV en goguette dans cet exo, je me suis perdue en conjectures, une fois de plus...
Sinon, Roz, je crois qu'il existe bien quelqu'un qui porte le pseudo Alienor sur VE, mais moi c'est Halicante, la maman de Léna ;-)
(As-tu bien reçu le chèque des Muses, au fait ?!)

oups! C'est que tu as une tête d'Alienor Halicante... parce que je n'ai pas oublié la frimousse de Lena, à qui je fais un petit bisou d'ailleurs en lui soufflant à l'oreille d'éviter porter ses poupées à la bouche quand elles ont un gout bizarre...
Pour le reste je continue en off

J'ai trouvé l'argumentation compliquée, façon coupure de cheveux en quatre.
L'écriture est pourtant limpides mais le récit est dur à suivre: trop explicatif, manquant d'aération, de relief, de légèreté, je ne sais pas.
Pas un texte pour la lectrice paresseuse que je suis.

Je viens de relire. Roz, tu as l'imagination fertile et la créativité subtile, pas étonnant que Easter aux pieds d'airain ait perdu un peu le fil...

Bonjour Roz-gingembre,

j'ai trouvé ton exo frais et sympathique, je me suis laissé porter par l'histoire sans chercher à tout comprendre au fur et à mesure ; du coup, j'ai passé un bon moment avec les selles et rats (désolé).

J'ai bien aimé cet indice qui met discrètement le lecteur sur la piste

rongé je suis ici.

Par contre, les caméras de surveillance auraient dû filmer les rats en train de bouffer le papier dans les poubelles, non ?

Un sacré fourre-tout ! Je ne suis pas sûre d'avoir tout saisi, mais le gars a sans doute pas mal fumé pour écrire tout ça à sa fille. Voilà qui fourmille d'idées ! Trop pour ma petite tête de pinceau usé.

Je ne comprend pas l'écart dans la datation des lettres. Bon il va falloir relire.

le texte semble avoir été conçu pour la double paronomase implicite du râ soleil (qui aurait pu être "rat soleil", plus explicite dans le contexte, et qui n'aurait en rien occulté le râ, mais c'est question de goût (rat goût, bien sûr) et c'est bien

comme pour les autres, "les baigneuses du rhône" sont passées d'analepse à simple contrainte de mot

sinon, le texte se lit bien, le ton est juste, l'écriture fluide et les idées nombreuses...

PS: attention à ne pas donner matière aux critiques farceurs qui pourraient conclure que ceci "ne vaut pas un pet"

Une histoire peu banale, noire sur les bords, sombre dans le milieu. Non, non, Lyon est une ville propre, grise aussi mais avec un masque à gaz c'est supportable.
Sache que lorsque, dans le Rhône les adorateurs d'Héra se lient, on se protège des trompettes de la renommée.
Tu as réussi a inclure un message d'avertissement pour sensibiliser l'esprit innocent que je suis.
Dis-moi toi qui voit dans l'avenir, ça se passe vraiment comme ça en 2012 ?

J'ai bien aimé, lu au calme. Le propos fait preuve d'un grand sérieux, heureusement que le méthane vient enrubanner la fin d'un sourire. Plutôt pas mal. J'ai bien aimé les trompettistes aussi. Un texte plus riche qu'il n'y parait .

Je me suis un peu perdue au milieu de tout ceci, tentant de m'accrocher à un fil, mais sans succès, désolée.
L'écriture est certes soignée, rien à redire là-dessus, mais je pense ne pas avoir tout compris et ça m'a tenue éloignée du texte. Il y a pourtant de ci de là quelques belles idées, donc j'y reviendrai, plus tard.