APPEL A TEXTES : 1500 - Q.V. 1962

Vingt ans ! Deux décennies qu’elle les avait gardées, cachées, enfouies au tréfonds du buffet : deux bouteilles, achetées l’année de ma naissance –un millésime exceptionnel, sans rire –
La première, un pur rubis de Lussac, un Saint-Emilion, la seconde étant un blanc moelleux de Sainte-Croix-du-Mont, qui avait sa préférence. Pas de Jurançon, trop voisin, trop sucré aussi.
Vingt ans de clin d’œil, de plaisir anticipé chaque fois qu’elle ouvrait le buffet pour sortir la vaisselle du dimanche. « Quand la petite sera femme, vous deux, on vous boira ! » Et hop !Les assiettes du service. Enfants et petits-enfants viennent de Bordeaux, c’est la fête. Plus tard, cette visite rituelle aux grands-parents se résumerait dans la mémoire de ces derniers à un interminable repas illustrant, à lui seul, toute la gastronomie du Sud-Ouest…
Etrangement, le lapin y était rare, on croquait « plume », voilà tout ! Non que grand-mère n’eût pas su le cuisiner en civet ou gibelotte, mais grand-père ignorait jusqu’à l’existence de la coriandre (« du co .quoi ? »), et c’était lui le producteur exclusif de légumes , d’aromates et de fleurs. Le grand prêtre jardinier: «How*, Le Père! Tu iras nous chercher une salade et de la ciboulette ! » Lui le rouge, elle le blanc, lui yin, elle yang…notre enfance tournait comme un manège.
En ce dimanche de nappe blanche, nos élixirs magiques, les vins de garde, changent de fonction, et célèbrent tout à la fois mes vingt ans et leurs vains temps. Elle est morte .

Un texte efficace, la chute est bonne, mais je ne comprends pas pourquoi le fait que le grand-père ignore la coriandre empêcherait de cuisiner autre chose que des volailles ? Le lapin peut s'accommoder sans coriandre, me semble-t-il...

Je n'y connais que pouic en vins et en gastronomie, je l'avoue. Mais j'ai dégusté ce petit texte simple comme un bon apéro tapas qui m'a ouvert l'appétit. C'est bien enlevé, pour un texte si court. Haute voltige !

Muchas gracias.

Ubik.

J'aime beaucoup et pas seulement les vins cités :
La cuvée certes, mais surtout ce texte bien posé qui en dit si long sur le plaisir et la fragilité d'une table familiale.
La chute est parfaite

Tout d'abord. 62, très grand millésime, pas exceptionnel. Sans doute fais -tu l'amalgame avec toi ?
Le Jurançon, trop sucré ? Celui de Casino peut-être : il y a de fort méchants Sainte-Croix-du Mont, comme des Sauternes à faire dégueuler un rat, tout dépend du maître de chai.
Le lapin qui ne peut se manger sans coriandre ? Même à son corps consentant ? Parce que les recettes, c'est pas ça qui manque, pour le lapin...
Un doux parfum de bergamote -elle n'en avait pas, sous les serviettes ? - et de nappe à carreaux, bluesy et doux-amer. Je n'ai pas tout compris, car tu te parles avant-tout à toi-même, mais bien aimé quand même.

J'attendais que quelqu'un le dise.. Merci Silene. Parce que moi non plus je ne suis pas absolument sûre d'avoir compris, la chronologie.
Ceci :
« Quand la petite sera femme, vous deux, on vous boira ! » Et hop !Les assiettes du service. Enfants et petits-enfants viennent de Bordeaux, c’est la fête.

par rapport à cela :

En ce dimanche de nappe blanche, nos élixirs magiques, les vins de garde, changent de fonction, et célèbrent tout à la fois mes vingt ans et leurs vains temps. Elle est morte .

S'est-il écoulé donc 20 ans entre les deux ?
C'est dommage, parce que hormis ce détail capital, j'aime l'écriture nerveuse, sèche, qui convient si bien à l'exercice. J'aurais aimé pouvoir apprécier pleinement ce récit dont on sent qu'il en faudrait bien peu pour qu'il soit parfait.

Joli texte tendre.
Le Sainte-Croix du Mont est pour moi associé à un souvenir de piballes et le mélange causa grand dol à mon pauvre estomac !

joli texte, vif, qui sent bon les temps anciens, un récit qui met de bonne humeur

Un texte qui n’est pas écrit en vain,
Pour dire la vie et le vin,
( le divin breuvage )
Fête de vie et célébration du vingt,
Chiffre du bel âge de la vie,
Deux bouteilles, comme deux dizaines,
Parce qu’à vingt ans on prend de la bouteille.
Deux parce qu’ils étaient deux : lui rouge, elle blanc
Deux : yin et yang.
Deux en vin
Deux pour faire vingt
Mais pas deux en vain.
Deux plumes, zéro lapin.
Mais les vins de garde ne gardent rien.
Et tout se perd, en vain.
Restent de vifs souvenirs
Lie de vin.

Bravo Polixène. ( je n’ai pas dit brav ' eau, vingt dieu ! )

C'est bien mené, mais de ci de là, ça se perd peut-être dans quelques détails, entraînant le lecteur dans une balade qu'il ne lui sera pas permis d'achever en raison du format. Il y a peut-être un autre dosage à trouver à ce niveau, qui rééquilibrerait le rythme du texte.

L’idée est bonne. Le récit vivant. Quelques accrocs dans les tournures entravent une lecture limpide.

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