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Le temps d'une nuit

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Message  mentor Lun 2 Aoû 2010 - 20:18

AVANT-PROPOS

Ce texte est inspiré de La Nuit des Temps de René Barjavel.
Nous l'avons écrit à deux, Lyra Will et moi-même, il y a déjà un certain temps, et j'ai eu envie de le présenter ici à cause d'Eléa, membre de VE et admiratrice de Barjavel.

Une mission scientifique polaire a découvert sous 1000 mètres de glace une sphère dans laquelle dort depuis 900 000 ans un couple d’humains en hibernation.
La femme, Eléa, a été ranimée par le Dr Simon et la mission se déroule, notamment, grâce à une machine - la Traductrice - qui facilite les échanges.
Notre imagination va quelque peu perturber cette mission historique…


-----------------------------------------------------------

Tout était redevenu calme dans l’œuf.
Depuis plusieurs jours déjà.
Dehors, le docteur Simon et toute l’équipe des scientifiques se démenaient pour éluder et comprendre le grand mystère.

Tandis qu’à l’intérieur, le cercle bleu continuait de tourner, diffusant sa lumière dans l’ambiance dorée. Le premier socle d’or où Eléa avait dormi pendant 900 000 ans était désormais vide, comme nu, dépossédé de la Beauté, démuni de son plus beau trésor.

Le deuxième socle offrait encore à l’homme un lit éternel, l’enlaçant de glace, traversée elle aussi par une multitude de rayons bleutés.

Tout au fond de la pièce, sur le mur où s’étalaient mystérieusement les signes de la langue Gonda, se dessinait une légère fissure, ou plutôt une ligne, incurvée, de forme ovale.

A peine visible, dissimulée sous les « mots » qui défilaient, cette courbe semblait être une ouverture, une porte, sans poignée apparente.

A l’intérieur, derrière le mur, une petite fille se débattait.

Elle devait avoir une dizaine d’années, les cheveux noirs, aux reflets dorés. Chacune de ses longues mèches était bouclée, comme une vague qui s’apprête à se briser, suivie d’une deuxième, et d’une troisième, jusqu’à la dernière, qui elle, s’étendait jusqu’à la pointe de la beauté. Elles retombaient en cascade sur son visage innocent, éclairé de ses yeux d’un vert profond, et d’un regard à la fois intelligent, interrogateur, et enfantin.

Un cercle transparent soulignait son cou et quelques lettres d’or, en langage Gonda, lui donnaient le prénom d’Elika.

La fillette déployait de grands efforts pour libérer son esprit de son infinie léthargie.
Ses yeux brillants observaient la pièce confinée.
Elle réfléchissait.
Intensément.

Son regard se dirigea vers la paroi translucide qui lui faisait face : elle y distinguait nettement les inscriptions qui défilaient, mais à l’envers. Elle y reconnut pourtant les « mots », ceux de SON langage.

Au delà de cette sorte de ce mur-écran elle vit alors nettement les deux socles : l’un vide, l’autre occupé…
Son esprit tout à coup clairvoyant la fit sauter au bas de son propre support.
Sans forces, elle trébucha aussitôt et se rattrapa sans mal au volant d’ouverture de son réduit. Elle parvint à le faire pivoter et se retrouva dans la grande pièce silencieuse.
Des messages défilaient toujours, auxquels elle ne prêta pas attention. Derrière ces mots, la pièce qu’elle venait de quitter était parfaitement invisible…
Son intérêt était entièrement dirigé vers l’être étendu sur le socle et dont la poitrine se soulevait régulièrement.
Un masque cachait ses traits.
C’était ce masque, le but de la jeune Elika.
Elle s’approcha du bloc de glace transparent, effleura de la main son fin collier, ce qui eut pour effet, l’espace de quelques secondes, de rendre translucide la matière qui recouvrait le visage de l’homme endormi.

- Païkan !!!

Son cri, strident, interminable, venu du tréfonds des âges, s’étouffa dans un sanglot.
Instinctivement elle sut qu’elle ne devait pas se manifester « dehors ».
Sa mémoire lancée à grande vitesse lui faisait maintenant revivre les événements qui avaient précédé sa mise en hibernation et celle d’Eléa.
Ce qu’elle ne comprenait pas encore clairement, c’était la présence de Païkan sur le socle.
Pourquoi Païkan et non Coban ?!

Elle reprit calmement ses esprits, consciente de la situation, sachant très bien que céder à la panique n’arrangerait rien.
Elle avait reconnu Païkan, aucun doute, c’était bien lui et non Coban sur le socle… mais… Coban, s’il n’était pas là… ou pouvait-il être ?

Une voix la rappela à la réalité, c'est-à-dire au monde d’aujourd’hui, un univers inconnu, où il faudrait peut-être re-créer une réalité en oubliant l’autre.

- « Il n’y a que Coban qui puisse déchiffrer l’équation de Zoran ? »

Il n’en fallut pas plus pour que l’attention de la petite fille se porte vers l’écran géant.
Elle ne comprenait pas ce que cet homme disait, à l’exception de deux mots : « Coban » et « Zoran ».
Mais la traduction dans Son langage défilait sous les images.
Zoran… elle s’amusait souvent à résoudre cette équation, enfin, moins maintenant, parce qu’à force, elle la connaissait par cœur.

Elle releva la tête vers l’écran...

- Eléa ?!!?

Elle s’approcha, posa les deux mains sur le bas de la cloison pour sentir sa présence… mais ce n’était qu’une cloison de matière synthétique sur laquelle étaient projetées des images.

Elle fit quelques pas en arrière.

- Eléa...

Les yeux plein de larmes, elle luttait pour qu’aucune d’elle ne franchisse la limite qu’elle s’était imposée par fierté, et continuait de fixer l’écran en silence.
La jeune femme parlait, mais ce n’était pas sa voix, elle était traduite dans une autre langue, la même que celle de l’homme en face d’elle.

- « Seulement Coban ? »

Eléa hocha la tête pour toute réponse.

- « Très bien… voilà ce que nous allons faire… »

Mais Eléa, déjà, n’écoutait plus, elle semblait regarder la caméra avec insistance, comme pour retenir un regard quelque part…
Où ? Elle seule le savait. Tout comme elle était seule à savoir qu’une petite fille restait endormie dans l’œuf… il fallait la protéger, Elika, ils pourraient lui faire du mal…

La fillette sut à cet instant ce qu’elle avait à faire.
Elle s’assit en tailleur face à l’écran où le ravissant visage d’Eléa continuait de la fixer avec insistance. Son interlocuteur, visible en arrière plan, continuait à parler, la traduction mentionnant des mots techniques qu’Elika ne cherchait même pas à lire.
Rassemblant tout son sang froid, elle concentra son attention, son énergie mentale, sa puissance de pensée sur l’image d’Eléa.
Son regard d’enfant se transforma en un véritable émetteur de rayons multicolores couvrant tout le spectre chromatique. Le double laser visait les yeux d’Eléa, semblait traverser le mur-écran, pénétrer le crâne de la jeune femme, fouiller les circonvolutions de ses pensées les plus profondes.
Elika communiquait. Elika s’exprimait, au sens premier du terme. Elika entrait peu à peu dans le cerveau d’Eléa.
Le contact s’établit !
La fillette en eut la certitude au sourire radieux qui éclaira le beau visage sur l’écran.
La symbiose des deux esprits était bel et bien réalisée malgré les 900 000 années de séparation psychique qui venaient de s’écouler.
Il suffisait dès lors de conserver ce lien. Pour cela, Elika effleura à nouveau son collier aux lettres d’or. Les deux faisceaux aux couleurs de l’arc-en-ciel qui émanaient de ses yeux s’éteignirent.

- Elika ?... C’est bien toi ? Tu es réveillée ?!

La voix d’Eléa emplissait le cerveau de la fillette, résonnait comme dans une chambre à échos. Elle dut se concentrer à nouveau pour en atténuer les fréquences les plus basses.
Elle voyait toujours le visage de la jeune femme, la gaieté qui illuminait ses yeux. Mais ses lèvres étaient immobiles, seules ses pensées envoyaient leurs informations télépathiques.

- Oui maman, c’est moi. Je suis seule, ne t’en fais pas. J’ai vu Païkan sous la glace, tu es au courant ?!
- Qu’est ce que tu dis ? Païkan… !!? Sous la glace… !!!
- Oui, maman, je t’assure, je ne comprends pas…

Eléa bondit de son siège.
Heureuse, inquiète, bouleversée, le regard perdu, nuit étoilée en dehors de cette nouvelle réalité, elle ne songeait plus qu’à retrouver une partie de l’ancienne. Païkan…

Elle se dirigea vers la porte, l’ouvrit violemment, et, à la grande surprise du docteur Simon, s’enfuit en courant.
Elle prenait le chemin de la sortie, celle qui menait au puits permettant aux chercheurs de descendre dans l’œuf.
Simon tentait de l’arrêter :

- Eléa ! Attendez ! Vous ne pouvez pas… vous ne pouvez pas sortir dans cette tempête de neige, vous ne feriez pas trois mètres…

Mais la jeune femme avait déjà retiré l’oreillette qui lui traduisait la langue du docteur Simon et de tous les autres médecins et chercheurs de nationalités différentes.
Il la rattrapa juste à temps, sur le pas de la porte, et lui serra le bras.

- Eléa…

Il lui tendit l’oreillette qu’il avait ramassée à la hâte dans sa course. Elle hésita, regarda rapidement la porte, puis remit finalement son écouteur.
Simon lui expliqua la situation en quelques mots : elle ne devait pas sortir ainsi, elle gèlerait, puis les violences du vent la briseraient en mille morceaux comme une statue de verre.
Elle se ravisa.

- Simon, il faut absolument que j’aille dans l’œuf, comment faire pour y accéder ?

Simon réfléchit un quart de seconde, et, devant les yeux d’Eléa, implorants comme la nuit demanderait au jour de l’aider à retrouver une étoile, il dit :

- Très bien, nous irons. Laissez-moi le temps de prendre les combinaisons, mais il y a une trentaine de mètres entre cette porte et l’autre qui mène au puits, si on se perd dans la neige…

- On ne se perdra pas…

****

Pendant ce temps, la petite Elika réfléchissait à la manière la plus rapide de décongeler Païkan. Elle s’approcha des machines aux formes étranges, intelligences artificielles, déesses de génie qui avaient permis à un homme, une femme, et un enfant de conserver un souffle de vie pendant plus de 900 000 ans.

Elle souriait, un air de malice au coin des yeux… quelle bonne surprise si elle parvenait à remettre Païkan sur pieds avant que sa mère n’arrive…
Elle était sûre de pouvoir le faire, ça ne devait pas être si compliqué… après tout, si Coban y arrivait…
Elle déchiffra les quelques mots gondas inscrits sur une machine, alors que celle-ci semblait plutôt fonctionner à l’aide de dessins. Elle commença à manipuler toutes sortes de boutons et leviers, avec cette lueur d’intelligence dans les yeux qu’elle tenait de sa mère…

****

Simon revint les bras chargés des deux combinaisons, l’une pour lui, l’autre, moins volumineuse, pour Eléa. Un sourire illumina son visage, le genre de sourire à faire oublier le monde, la terre, la neige, juste la regarder, dormir près d’elle, 900 000 ans, une si belle éternité…

Les trente mètres dont avait parlé Simon furent franchis en plus d’une heure ! Ils durent ramper, rouler, s’accrocher tant bien que mal aux moindres aspérités gelées. Le blizzard fou changeait de direction sans arrêt. Les congères glacées se formaient, se désintégraient ou se brisaient pour devenir autant de projectiles tranchants. La visibilité était quasi nulle. Seul l’instinct de Simon leur permit d’atteindre in extremis la margelle d’inox salvatrice. Ils purent enfin accéder aux premières marches de l’échelle à crinoline en refermant l’orifice au-dessus d’eux.

Ils amorcèrent alors leur descente dans le noir complet et un silence total.

****

Elika observait les résultats de ses manipulations avant d’en entreprendre de nouvelles. Des messages encourageants défilaient sur de petits écrans individuels, l’invitant à poursuivre la procédure. Satisfaite, elle s’apprêtait à entrer un code lorsqu’une sorte de gyrophare rouge se mit à clignoter tandis qu’un signal sonore d’alerte retentissait dans le local.
Inquiète, la fillette put déchiffrer :

« ERREUR FATALE ADMINISTRATEUR SYSTÈME - ALGORITHME ERRONÉ – OPÉRATION IRRÉVERSIBLE – PROCÉDURE D’HIBERNATION AMORCÉE ».

Incrédule, Elika sentit son cœur bondir et le sang refluer dans ses veines. Qu’avait-elle fait ? Pourtant elle était sûre... Pourvu que... Elle ne voulait pas croire, se rendre à l’évidence, admettre que le pire venait de se produire.

Elle n’eut pas le temps de réfléchir plus longtemps : le sas de l’abri s’ouvrait avec fracas. Eléa et Simon firent irruption, ce dernier ouvrant des yeux incrédules à la vue de la fillette.
Eléa vit le flash rouge, entendit l’alarme et comprit aussitôt :

- Elika ! Pourquoi as-tu touché à tout ça ? Chérie…

Elika se précipita dans les bras d’Eléa qui la serra tendrement tandis que Simon observait l’ensemble de la scène avec incompréhension et curiosité.

Sur le mur-écran, les images aussi s’animaient. Des personnages en blouses blanches gesticulaient, couraient en tous sens. On pouvait distinguer des appareils électroniques d’où se dégageait une fumée noire. Le son renvoyait des cris, des bruits de sirènes...

Le chaos total… Simon regardait ses confrères lutter contre ce qui semblait être un séisme, non, pire que ça, un… un quoi ? Qu’est-ce qu’il se passait là-haut au juste ?
Il regardait Eléa avec effarement, essayait de trouver un semblant de réponse dans ses yeux qui paraissaient aussi perdus que les siens.

- Elika, pousse-toi ma chérie, mets-toi près du docteur Simon.

Eléa se précipita vers les machines, déchiffra rapidement le message inscrit sur le cadran.

- Oh mon dieu… Elika...

La petite regardait alternativement sa mère, le docteur Simon, le socle de Païkan, elle comprenait son erreur, en mesurait les conséquences terribles…

Pendant ce temps-là Simon restait le regard fixé sur la paroi-écran : la salle était à moitié détruite, le plafond écroulé. Ses confrères avaient eu le temps de sortir à temps. Il soupira de soulagement. Triste répit. Dés qu’il releva les yeux, il vit le ciel à travers le trou formé par l’effondrement. Il prenait feu. Il tournait de bleu polaire à rouge crépitant, et l’air autour semblait également devenir écarlate et épais de fumée, sans doute la couleur était-elle reflétée massivement par la glace.
Mais la glace ? Elle devait fondre ? Les hommes… qu’allaient-il devenir là haut, ils ne pourraient jamais rejoindre un hélicoptère et évacuer le pôle avant qu’il ne soit trop tard ?
Il ne pouvait pas les laisser mourir…

Il lâcha la main de la petite, fit volte face, et commença à remonter les escaliers en direction du puits. Eléa le rattrapa au dernier moment :

- Simon !!!!!!!
- Je ne peux pas Eléa, je ne peux pas les laisser mourir comme ça, il faut que je les aide.
- Impossible, c’est trop tard, bien trop tard. Si vous sortez vous mourrez comme les autres. Restez-là Simon, je vous en prie, dehors ils ne survivront pas. Avec ou sans vous, dehors c’est fini, pour la Terre, une nouvelle fois, c’est terminé.

Le docteur Simon se retourna, dépité.

- Mais Eléa, ce n’est pas possible…
- Je vous assure que si. Coban avait prévu cette arme de défense au cas où les choses tourneraient mal pour nous. Il suffit d’actionner certains boutons dans un ordre précis et complexe, et l’arme se déclenche. On ne peut plus l’arrêter.

La petite pleurait. Simon la rassura comme il put, bien qu’il lui en voulait de mettre ainsi le monde en péril. Mais ce n’était qu’une enfant, et elle se sentait déjà assez mal comme ça.

Eléa reprit :

- Ecoutez Simon, après la mise en route de l’arme, il nous reste exactement vingt minutes pour nous recongeler. Chacun reprend sa place et ne forme plus qu’un avec son socle. Il nous faut faire vite, voici comment nous allons procéder…

A cet instant quelque chose attira leur attention dans l’écran : des éclats de feu volaient de part et d’autre dans le ciel. L’un d’entre eux venait d’atterrir dans le labo, achevant les dernières machines encore en fonction, un deuxième, plus lourd encore, coupa toute communication avec le monde extérieur.
L’image s’évanouit.

- Eléa, se congeler… mais, je n’ai pas de socle ?
- … ?

Eléa débita des mots à une vitesse hallucinante, totalement incompréhensibles.
Simon la regarda.

- Les oreillettes, la traductrice, plus rien ne marche !…

Eléa, si elle ne comprenait pas sa langue, comprenait au moins son regard.
Elle fut prise de panique à son tour, se hâta de réactiver la congélation de Païkan, de hisser de nouveau le dôme de glace que la manœuvre d’Elika avait tout de même réussi à entamer.

Elle dit alors, en langage Gonda :

- C’est à toi, ma chérie, retourne de l’autre côté de la paroi, je vais actionner le mécanisme une fois que tu seras bien installée.

La petite Elika serra de ses bras le grand monsieur qu’elle ne verrait peut-être plus, geste d’excuse aussi, excuse d’avoir détruit tout ce qui faisait son monde, sa vie.
Le docteur Simon passa sa main dans ses boucles brunes, en un geste rassurant et compréhensif, il n’y avait plus de place ni de temps pour les regrets.

La petite se précipita dans les bras de sa mère, qui l’enlaça de toute sa tendresse.

- On se revoit quand maman ?
- Dans une nuit ma chérie, on va dormir un peu, et puis demain matin on sera de nouveau réunis, toi, moi, Païkan… et le docteur Simon.

Elika se dirigea lentement vers son réduit, se retournant sans arrêt pour voir le sourire protecteur de sa mère.
Simon la regardait tristement s’éloigner et traverser la cloison par la petite porte. Il ne la reverrait plus, comme il ne reverrait plus jamais Eléa, ni qui que ce soit d’ailleurs.
Il lui sourit une dernière fois, puis la petite disparut, on n’entendait plus que ses mouvements rapides qui remettaient en place tout le système respiratoire.

- Je suis prête maman !
- Bonne nuit ma chérie.

Eléa remit le processus en route.
Simon regardait maintenant Eléa, qui semblait chercher une solution.
Une solution à quoi ?
Il n’y avait pas de problème. Elle se congèlerait une nouvelle fois, et lui allait mourir. Aucune autre possibilité ne se présentait, il n’y avait pas de calcul plus rapide.

Elle le savait aussi bien que lui. Elle s’assit contre la surface d’une machine, les larmes aux yeux.
Simon vint la rejoindre, lui caressa tendrement la joue, et lui murmura des « ce n’est pas grave » qu’elle comprit très bien. Pas besoin de la traductrice pour comprendre ce langage là.

Elle le regarda dans les yeux, son seul ami sur cette nouvelle Terre qui n’était déjà plus.
Elle regarda son visage et s’attarda quelques secondes sur ses lèvres.
Elle se leva brusquement, lueur d’intelligence dans les yeux, expression d’un mathématicien qui viendrait de trouver le x d’une équation irrésolue depuis des siècles.

Eléa fit signe au docteur Simon de se lever, l’entraîna près du socle et le fit asseoir.
L’homme eut un mouvement de recul, que faisait-elle ? Elle n’allait quand même pas… ?
Eléa le rassura du regard, fit non de la tête, et l’apaisa d’un geste de la main.
Elle sortit un petit objet tranchant d’une de ses poches, et se fit une légère entaille dans le bras. Elle récupéra quelques gouttes de sang du bout de la lame, et les posa délicatement sur le socle.
Elle recommença la même opération sur le bras du docteur Simon, et introduisit, sous le regard incompréhensif de l’homme, quelques gouttes de son sang brun-doré dans la petite coupure.

Simon se sentit aussitôt doté de nouvelles forces, revigoré, empli d’une nouvelle vie. Il ne le savait pas, mais Eléa savait elle, que sans cette potion qui permettait de conserver le corps intact pour l’éternité, il n’aurait pas pu survivre dans l’œuf.

Il ne restait évidemment plus de potion depuis 900 000 ans, mais elle espérait que quelques gouttes de son sang suffiraient à le maintenir en vie jusqu’au prochain réveil.

Elle fit signe à son ami de s’allonger sur le socle, sur le coté. Il s’exécuta.

Pendant ce temps, elle alla régler la machine, afin qu’elle déclenche le processus automatiquement une dizaine de minutes plus tard.
Elle déposa un baiser sur le dôme où Païkan reposait, murmura quelques mots d’amour.
Elle s’approcha alors du socle, s’allongea à son tour sur le côté. Ils se regardaient, face à face, pas de la même manière, au désespoir du docteur Simon, mais avec une certaine complicité, malgré tout…
Elle tenta de lui faire comprendre son idée, et lui montra successivement le masque respiratoire, l’embouchure en plastique, ses lèvres, et puis les siennes.
Le docteur comprit finalement.
L’idée d’Eléa était de partager le tube respiratoire, de joindre leurs lèvres pour recevoir l’un et l’autre de quoi rester en vie pendant plusieurs millénaires.
La glace qui les couvrirait entièrement comblerait l’espace lèvres-tube si besoin, et parviendrait à maintenir solidement l’embout au coin de leurs bouches.

Simon la regarda, souriant de la voir sourire.
Elle devint grave quelques secondes, et dit, en langage Gonda :

- Je suis à Païkan…

Simon, bien que la traductrice ne lui soit plus d’aucun secours, saisit totalement le sens de cette phrase pour l’avoir entendue une bonne centaine de fois.
Il répondit, pour elle, parce qu’il savait qu’elle comprendrait, mais surtout pour lui :

- Je sais, Eléa, je sais…

Elle lui sourit de nouveau, déposa un baiser sur sa joue, prit le tube, et le positionna.
Leurs lèvres se rejoignirent.
Les deux dernières minutes passèrent, ils se regardèrent une dernière fois dans les yeux, puis s’endormirent à l’instant même ou le processus se mit en marche.

Tout était redevenu calme dans l’œuf.
La terre aussi semblait apaisée. Bien que déserte…
Pour combien de temps ?

Eléa s’était réveillée le temps d’une nuit, et se rendormait en compagnie de Païkan, Elika, et d’un nouvel occupant de l’arche, Simon.
Ils se rendormaient jusqu’à demain, le temps d’une nuit, la nuit des temps.

FIN
.

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Message  elea Lun 2 Aoû 2010 - 20:39

Alors : d’abord il y a cette jubilation, celle de la lectrice fan dont le rêve se réalise un peu, voir revivre ses personnages adorés l’espace d’une petite nuit supplémentaire.
L’hommage est bien rendu, dans la description de la petite notamment qui rappelle bien le style Barjavel et on replonge direct dans l’œuf, la traductrice, la situation et l’ambiance.
Un grand sourire joyeux donc.
Et puis ensuite il y a ce sentiment que c’est agréable à la première bouchée mais que finalement ça dénature un peu le goût d’origine.
Une sorte de fin heureuse ou en suspend qui ne colle pas tout à fait à l’esprit du roman, à ce qui le rend déchirant et tellement cruel et émouvant, ce qui fait son essence finalement, au-delà des mots et du style, du genre et de la narration (bien rendus, je me répète et avec une idée sympa en plus).
Un parallèle un peu hasardeux me fait penser à la suite D’autant en emporte le vent, j’avais eu la même sensation, jouissif de retrouver les personnages et de faire un bout de lecture neuve avec eux et puis une petite déception à la fin que tout finisse bien (désolée pour ceux qui ne l’auraient pas lu et voudraient le faire!).
Bon ceci dit, j’ai lu ce texte d’une traite et avide de chaque phrase alors je ne vais pas bouder mon plaisir.
C’était chouette.

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Message  Invité Mar 3 Aoû 2010 - 7:15

Dans l'ensemble, je trouve la narration assez maladroite, oscillant entre scolaire et appuyé jusqu'au pléonasme. Le ton correspond assez bien au bouquin si je me le rappelle suffisamment, avec ce côté solennel... peut-être un peu trop en l'occurrence.

Mes remarques :
Pour introduire les répliques de dialogue, le trait d’union « - » ne suffit pas, il faut utiliser le tiret demi-cadratin « – » ou le format au-dessus « — »
« Les yeux pleins de larmes »
« elle luttait pour qu’aucune d’elle ne franchisse la limite qu’elle s’était imposée par fierté » : je trouve ce bout de phrase lourd
« le ravissant visage d’Eléa continuait à la fixer avec insistance » : « fixer avec insistance », c’est beaucoup, je trouve
« visible en arrière plan » : je pense qu’on écrit plutôt « arrière-plan »
« rayons multicolores couvrant tout le spectre chromatique » : l’expression me paraît tirer sur le pléonasme
« seules ses pensées envoyaient leurs informations télépathiques » : « informations télépathiques », pour des pensées, je trouve l’expression redondante
« Ses confrères avaient eu le temps de sortir à temps » : maladroit, je trouve
« fit volte-face (trait d’union) »
« Restez-là Simon » : je pense qu’il n’y a pas de trait d’union
« bien qu’il lui en veuille (« bien que » est suivi du subjonctif et non de l’indicatif) de mettre ainsi le monde en péril »
« pour comprendre ce langage-(trait d’union) »
« s’allonger sur le socle, sur le côté »
« elle alla régler la machine, afin qu’elle déclenche le processus automatiquement une dizaine de minutes plus tard » : je trouve ce bout de phrase lourd, et suis un peu gênée que les deux occurrences de « elle » dans la même phrase ne désignent pas la même chose

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Message  Invité Sam 13 Aoû 2011 - 12:18

Une histoire qui tient en haleine du début jusqu'à la fin.

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