Paranoïd Trip (ex : Belfast Parano, version retravaillée) Chapitre 1
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Paranoïd Trip (ex : Belfast Parano, version retravaillée) Chapitre 1
Chapitre 1.
James Connolly...
Ils venaient d’avoir leur première vraie grosse dispute… Une semaine de conflit larvé, une guerre de basse intensité, qui s’exprimait en silence... et qui était en train de sérieusement la miner… Elle n’arrivait plus à penser, cherchant comment… ça perturbait même son sommeil… et ses longues périodes diurnes de rêves éveillés… Ce ne pouvait donc signifier qu’une seule chose…
Amoureuse… merde… piégée…
Ils roulaient, en ce moment même, vers la maison de sa grand-tante Henriette, là où elle l’avait rencontré un an auparavant, presque jour pour jour. Blottie contre la portière, bercée par le ronron à peine perceptible du moteur, elle se laissait flotter dans les divagations habituelles de son intarissable boîte à souvenirs.
Une semaine plus tôt, son « Jim » s’était engueulé avec Henriette qui voulait l’entraîner dans l’un de ces énièmes coups tordus pour faire tomber Paul Santini. Elle avait besoin de lui pour s’infiltrer dans l’ordinateur personnel du vieux mafieux. Il avait clairement refusé. « Plus de risques idiots, avait-il dit, j’ai une vie maintenant »... Le ton avait fini par monter, devant la lourde insistance d’Henriette… Au point que les deux vieux amis avaient perdu tout contrôle. Elle lui avait hurlé qu'il n'était qu'un petit ingrat et qu’elle ne voulait plus rien avoir à faire avec lui ; il l'avait insultée et était parti en claquant la porte, laissant une Johanne abasourdie et une Henriette rouge de rage qui avait fini par planter, de toute ses forces déclinantes, un couteau à pain dans la table de la cuisine.
Et depuis Johanne lui en voulait. Il faut dire que traiter Henriette de « vieille pute » n’était pas bien malin… Si elle cherchait à se venger de la famille Santini, c’est justement parce qu’elle s’était retrouvée prostituée après que l’un des maquereaux de Paul Santini, le cousin de Jean, l’ai eue « recueillie » lors d’une fugue, à l’âge de seize ans… Elle avait pu se sortir de là grâce à Jean Santini, himself… qui avait promis la liberté à Henriette et sa meilleure amie, Julie, contre la mort de Paul Santini… Une fois son rival de cousin effacé, il avait tenté de faire descendre les deux jeunes prostituées, histoire de faire place nette. Les deux filles s’étaient réfugiées à Londres, en compagnie de deux autres call-girl qui avaient eu le malheur d’être témoin de l’exécution…
Toutes les quatre s’étaient rapidement lancées dans le braquage de banque, l’escroquerie et autres chantages. Pendant dix ans, tout avait roulé pour elles. L’une des filles, Rose, avait fini par décider de se retirer de la vie criminelle, pour se marier et fonder une famille ; l’autre, Odette, voulait faire de même après un gros coup. C’est à ce moment-là que James les avaient rencontrées… Elles avaient besoin d’un spécialiste des coffres-forts, capable d’en ouvrir un en moins de dix minutes… ce qui constituait le talent principal du jeune James, vingt ans, fils de serrurier,… ce premier gros coup fut aussi son premier gros ratage. Odette s’est fait descendre, Henriette, Julie et le jeune James se sont réfugiés en catastrophe à Paris. Après quelques années à se contenter de modestes cambriolages et chantages, les deux filles avaient décidé de redescendre à Marseille pour aller faire cracher ce vieux Jean au bassinet, pour racheter un peu de leurs vies bousillées… James avait suivi aveuglément… et le cercle infernal a débuté...
Vingt-cinq ans plus tard, voilà qu’Henriette voulait remettre ça… encore une fois. Devenue une vieille dame cardiaque, elle comptait sur ses « bras » pour mener à bien ses plans : James, qui s’était recyclé en hacker lors de son dernier séjour en prison, durant le boom économique irlandais ; et Ange, un jeune Corse, étudiant en droit, qu’Henriette avait pris sous son aile après son premier séjour en taule, et qui lui obéissait comme un brave petit toutou …
James réalisait bien que sa chère et tendre ne comprenait pas pourquoi il avait réagi aussi violemment. Elle ne lui faisait pas la tête, pire, elle le harcelait… Pour elle, James refusait à une vieille dame, dont la santé déclinait de plus en plus, l’ultime vengeance qui lui permettrait de partir en paix… Elle ne se rendait pas compte… Elle ne comprenait pas qu’il avait vu beaucoup trop de morts, que s’attaquer à des mafieux n’était pas que de l’adrénaline et de l’excitation comme dans ces foutus bouquins… que quand on se prend une balle c’est fini… on tombe,… on n’existe plus… et que parfois cela peut être encore pire que ça… Julie, qui avait été sa compagne pendant plus de cinq ans a disparu… tout bêtement… Rayée sans explication du grand registre de l'existence... il avait passé cinq ans à la chercher, en vain... Mais, bon, Henriette restait Henriette… Sa meilleure amie… celle qui l’avait aidé à s’installer en France quand il n’avait pas voulu rester dans cette Irlande post-processus de paix, toute tournée vers le grand capital, où il aurait subi un véritable ostracisme dû à son passé politique, celle qui lui avait sauvé la peau plus d'une fois au cours de sa tumultueuse existence……
Yes…, well, no…, je ne reviendrai pas sur ma décision de ne pas en être, mais il faut quand même que je m’excuse de lui avoir parlé comme ça…puis ça calmera peut-être Ma Panthère.… Après tout,…elle a quand même passé la semaine à nous convaincre, avec Henriette, de nous retrouver pour discuter… Je vais m’excuser, lui expliquer clairement pourquoi je ne veux pas participer et j’espère qu’elle comprendra… Elle aussi, elle tient à Johanne… Et puis si elles ne comprennent pas, l’Ange doit être rentré de Corse. Quand je lui expliquerai que la sécurité de Johanne est en jeu, il sera OK avec moi. Johanne doit être protégée à tout pris.
A la sortie d’Aix, au feu rouge, il tira le frein à main et se tourna vers la jeune femme. Celle-ci, les bras croisés, écouteurs dans les oreilles, fixait silencieusement le rétroviseur extérieur, comme si elle avait quelque chose de très grave à lui reprocher… Il lui enleva un écouteur de l'oreille :
- C'est bon, t'as gagné, je vais m’excuser. Je change pas d’avis sur le fond, mais j’avais pas à lui parler comme ça…
La bouche minuscule de la jeune femme s’étira en un immense sourire :
- Un peu de musique pour fêter ça ?
Elle brancha son lecteur MP3 sur l’autoradio de la BM, sembla hésiter, puis appuya sur Play. Les haut-parleurs dégueulèrent de gros riffs de guitare bientôt accompagnés d’une voix démoniaque :
« RRRRIIIIGHT NOOOWWW …. AHAHAHAHA ! I’m an….»
James coupa brutalement la prise auxiliaire, ce qui eut pour effet d’allumer la radio. Johanne baissa le volume.
- Qu’est-ce qui se passe ? Je croyais que le punk c'était toute ta jeunesse...
- Ah ouais… mais pas eux… State sponsored rebellion…
- Euh… c'est-à-dire ?
James se tourna vers elle, goguenard :
- Je vais casser l’un de tes mythes… ces petits cons de Sex Pistols ont accepté du fric de Londres pour aller jouer à Belfast…
Johanne, un peu incrédule, lui demanda :
- Mais, pourquoi ??
- Je ne sais pas… je pencherai pour l’appât du gain ou un manque de discernement dû à tout ce qu’ils avalaient, mais, les Brits, c’était pour tenter de détourner la jeunesse catholique du républicanisme… clairement… Quand on ne peut pas stopper une révolte,… on l’oriente…
- Alors ça… ça me troue le cul… Rassure-moi, les Clash ont pas fait pareil ?
James parti d’un gros rire devant la figure dépitée de Johanne :
- Non, ce mythes est sauf. Eux, ont toujours soutenu la cause... ils ont même réussi à se faire menacer de mort par les loyalistes ! Et ils ont continué malgré tout… Strummer était un type bien, lui...
Le jingle du journal de midi de France Intox retenti. « Aujourd’hui, l’Irlande du nord a fait un bond de près de dix ans dans le passé. Les habitants se sont réveillés sous le choc. Hier soir, deux soldats du régiment d'élite stationnés à la caserne de Massereene ont été abattus par un commando puissamment armé, au moment où ils réceptionnaient les pizzas qu’ils venaient de commander. Notre envoyé spécial, Stéphane Gouverneur… »
James, incrédule, freina légèrement et augmenta le son : « Hier soir, deux militaires du régiment d’élite stationné ici ont commandé des pizzas. C’est en sortant devant la porte de la caserne pour réceptionner leur repas qu’ils ont été abattus par un commando puissamment armé qui stationnait non loin de là. Les deux livreurs de la société Poker Pizza ont été blessés, de même que les deux soldats en faction qui ont tenté de venir au secours de leurs camarades. Les deux victimes, âgées respectivement de vingt et un et vingt-deux ans, allaient partir dans quelques jours pour l’Afghanistan. Un groupe armé dissident refusant les accords de paix, l’IRA Historique, aurait revendiqué l’attaque. Le provisional Sinn Fein a immédiatement condamné cet acte en déclarant qu’il n’émanait que d’une faction de bandits qui ne réussirait pas à mettre en péril la paix durement acquise. Des informations sur l’avancée de l’enquête dans notre prochaine édition. A Belfast pour France Intox, Stéphane Gouverneur. »
Un immense sourire se peignit sur le visage de James :
- Alors ça… c’est… inattendu ! Je savais qu’ils avaient repris les armes,… mais…
- Tu les connais ? demanda Johanne une lueur d’excitation sur le visage.
- Oui, enfin, je connais des gens qui en faisaient partie, ça s’est créée juste avant les accords de paix de 98, j’étais en prison… mais je ne sais pas si les gens que je connaissais en font encore partie… répondit James. Puis à mi-voix, il ajouta, they're completely crazy !…
En prononçant ces paroles, James sentit l’adrénaline se diffuser brusquement dans toutes les parties de son corps. Ses lèvres s’étirèrent en remontant le long de son visage, presque tous ses muscles se tendirent. Il n’avait plus connu ce genre de réaction chimique corporelle depuis plus de dix ans.
Calmos, Jim. L’action c’est bien beau dans l’immédiat, mais après ça se termine souvent à l’ombre…
Malgré tout, il aimerait bien être là-haut en ce moment… Ils doivent tirer une gueule, les Brits, et les provos1… hahaha...
Un coup comme ça… on n’en réussit pas tous les dix ans… ça porte la marque du Doc.… Pizza aux pruneaux pour les tueurs à gages mandatés par l’Etat…
Johanne frétillait sur son siège. Elle sortit machinalement une cigarette et l’alluma, avant de réaliser qu’elle était dans la sacro-sainte voiture de James. Elle ouvrit la fenêtre, se laissa gifler par l’air brûlant de ce mois de Juillet et aspira une profonde goulée de fumée. Elle se tenait prête à éteindre le cylindre de tabac incandescent pour éviter que ne se propage la flamme d’une nouvelle querelle, mais il ne lui fit aucune remarque, trop occupé à former des conjectures sur l’attaque de la caserne, un sourire rêveur et goguenard accroché au coin des lèvres.
James Connolly...
Ils venaient d’avoir leur première vraie grosse dispute… Une semaine de conflit larvé, une guerre de basse intensité, qui s’exprimait en silence... et qui était en train de sérieusement la miner… Elle n’arrivait plus à penser, cherchant comment… ça perturbait même son sommeil… et ses longues périodes diurnes de rêves éveillés… Ce ne pouvait donc signifier qu’une seule chose…
Amoureuse… merde… piégée…
Ils roulaient, en ce moment même, vers la maison de sa grand-tante Henriette, là où elle l’avait rencontré un an auparavant, presque jour pour jour. Blottie contre la portière, bercée par le ronron à peine perceptible du moteur, elle se laissait flotter dans les divagations habituelles de son intarissable boîte à souvenirs.
Une semaine plus tôt, son « Jim » s’était engueulé avec Henriette qui voulait l’entraîner dans l’un de ces énièmes coups tordus pour faire tomber Paul Santini. Elle avait besoin de lui pour s’infiltrer dans l’ordinateur personnel du vieux mafieux. Il avait clairement refusé. « Plus de risques idiots, avait-il dit, j’ai une vie maintenant »... Le ton avait fini par monter, devant la lourde insistance d’Henriette… Au point que les deux vieux amis avaient perdu tout contrôle. Elle lui avait hurlé qu'il n'était qu'un petit ingrat et qu’elle ne voulait plus rien avoir à faire avec lui ; il l'avait insultée et était parti en claquant la porte, laissant une Johanne abasourdie et une Henriette rouge de rage qui avait fini par planter, de toute ses forces déclinantes, un couteau à pain dans la table de la cuisine.
Et depuis Johanne lui en voulait. Il faut dire que traiter Henriette de « vieille pute » n’était pas bien malin… Si elle cherchait à se venger de la famille Santini, c’est justement parce qu’elle s’était retrouvée prostituée après que l’un des maquereaux de Paul Santini, le cousin de Jean, l’ai eue « recueillie » lors d’une fugue, à l’âge de seize ans… Elle avait pu se sortir de là grâce à Jean Santini, himself… qui avait promis la liberté à Henriette et sa meilleure amie, Julie, contre la mort de Paul Santini… Une fois son rival de cousin effacé, il avait tenté de faire descendre les deux jeunes prostituées, histoire de faire place nette. Les deux filles s’étaient réfugiées à Londres, en compagnie de deux autres call-girl qui avaient eu le malheur d’être témoin de l’exécution…
Toutes les quatre s’étaient rapidement lancées dans le braquage de banque, l’escroquerie et autres chantages. Pendant dix ans, tout avait roulé pour elles. L’une des filles, Rose, avait fini par décider de se retirer de la vie criminelle, pour se marier et fonder une famille ; l’autre, Odette, voulait faire de même après un gros coup. C’est à ce moment-là que James les avaient rencontrées… Elles avaient besoin d’un spécialiste des coffres-forts, capable d’en ouvrir un en moins de dix minutes… ce qui constituait le talent principal du jeune James, vingt ans, fils de serrurier,… ce premier gros coup fut aussi son premier gros ratage. Odette s’est fait descendre, Henriette, Julie et le jeune James se sont réfugiés en catastrophe à Paris. Après quelques années à se contenter de modestes cambriolages et chantages, les deux filles avaient décidé de redescendre à Marseille pour aller faire cracher ce vieux Jean au bassinet, pour racheter un peu de leurs vies bousillées… James avait suivi aveuglément… et le cercle infernal a débuté...
Vingt-cinq ans plus tard, voilà qu’Henriette voulait remettre ça… encore une fois. Devenue une vieille dame cardiaque, elle comptait sur ses « bras » pour mener à bien ses plans : James, qui s’était recyclé en hacker lors de son dernier séjour en prison, durant le boom économique irlandais ; et Ange, un jeune Corse, étudiant en droit, qu’Henriette avait pris sous son aile après son premier séjour en taule, et qui lui obéissait comme un brave petit toutou …
James réalisait bien que sa chère et tendre ne comprenait pas pourquoi il avait réagi aussi violemment. Elle ne lui faisait pas la tête, pire, elle le harcelait… Pour elle, James refusait à une vieille dame, dont la santé déclinait de plus en plus, l’ultime vengeance qui lui permettrait de partir en paix… Elle ne se rendait pas compte… Elle ne comprenait pas qu’il avait vu beaucoup trop de morts, que s’attaquer à des mafieux n’était pas que de l’adrénaline et de l’excitation comme dans ces foutus bouquins… que quand on se prend une balle c’est fini… on tombe,… on n’existe plus… et que parfois cela peut être encore pire que ça… Julie, qui avait été sa compagne pendant plus de cinq ans a disparu… tout bêtement… Rayée sans explication du grand registre de l'existence... il avait passé cinq ans à la chercher, en vain... Mais, bon, Henriette restait Henriette… Sa meilleure amie… celle qui l’avait aidé à s’installer en France quand il n’avait pas voulu rester dans cette Irlande post-processus de paix, toute tournée vers le grand capital, où il aurait subi un véritable ostracisme dû à son passé politique, celle qui lui avait sauvé la peau plus d'une fois au cours de sa tumultueuse existence……
Yes…, well, no…, je ne reviendrai pas sur ma décision de ne pas en être, mais il faut quand même que je m’excuse de lui avoir parlé comme ça…puis ça calmera peut-être Ma Panthère.… Après tout,…elle a quand même passé la semaine à nous convaincre, avec Henriette, de nous retrouver pour discuter… Je vais m’excuser, lui expliquer clairement pourquoi je ne veux pas participer et j’espère qu’elle comprendra… Elle aussi, elle tient à Johanne… Et puis si elles ne comprennent pas, l’Ange doit être rentré de Corse. Quand je lui expliquerai que la sécurité de Johanne est en jeu, il sera OK avec moi. Johanne doit être protégée à tout pris.
A la sortie d’Aix, au feu rouge, il tira le frein à main et se tourna vers la jeune femme. Celle-ci, les bras croisés, écouteurs dans les oreilles, fixait silencieusement le rétroviseur extérieur, comme si elle avait quelque chose de très grave à lui reprocher… Il lui enleva un écouteur de l'oreille :
- C'est bon, t'as gagné, je vais m’excuser. Je change pas d’avis sur le fond, mais j’avais pas à lui parler comme ça…
La bouche minuscule de la jeune femme s’étira en un immense sourire :
- Un peu de musique pour fêter ça ?
Elle brancha son lecteur MP3 sur l’autoradio de la BM, sembla hésiter, puis appuya sur Play. Les haut-parleurs dégueulèrent de gros riffs de guitare bientôt accompagnés d’une voix démoniaque :
« RRRRIIIIGHT NOOOWWW …. AHAHAHAHA ! I’m an….»
James coupa brutalement la prise auxiliaire, ce qui eut pour effet d’allumer la radio. Johanne baissa le volume.
- Qu’est-ce qui se passe ? Je croyais que le punk c'était toute ta jeunesse...
- Ah ouais… mais pas eux… State sponsored rebellion…
- Euh… c'est-à-dire ?
James se tourna vers elle, goguenard :
- Je vais casser l’un de tes mythes… ces petits cons de Sex Pistols ont accepté du fric de Londres pour aller jouer à Belfast…
Johanne, un peu incrédule, lui demanda :
- Mais, pourquoi ??
- Je ne sais pas… je pencherai pour l’appât du gain ou un manque de discernement dû à tout ce qu’ils avalaient, mais, les Brits, c’était pour tenter de détourner la jeunesse catholique du républicanisme… clairement… Quand on ne peut pas stopper une révolte,… on l’oriente…
- Alors ça… ça me troue le cul… Rassure-moi, les Clash ont pas fait pareil ?
James parti d’un gros rire devant la figure dépitée de Johanne :
- Non, ce mythes est sauf. Eux, ont toujours soutenu la cause... ils ont même réussi à se faire menacer de mort par les loyalistes ! Et ils ont continué malgré tout… Strummer était un type bien, lui...
Le jingle du journal de midi de France Intox retenti. « Aujourd’hui, l’Irlande du nord a fait un bond de près de dix ans dans le passé. Les habitants se sont réveillés sous le choc. Hier soir, deux soldats du régiment d'élite stationnés à la caserne de Massereene ont été abattus par un commando puissamment armé, au moment où ils réceptionnaient les pizzas qu’ils venaient de commander. Notre envoyé spécial, Stéphane Gouverneur… »
James, incrédule, freina légèrement et augmenta le son : « Hier soir, deux militaires du régiment d’élite stationné ici ont commandé des pizzas. C’est en sortant devant la porte de la caserne pour réceptionner leur repas qu’ils ont été abattus par un commando puissamment armé qui stationnait non loin de là. Les deux livreurs de la société Poker Pizza ont été blessés, de même que les deux soldats en faction qui ont tenté de venir au secours de leurs camarades. Les deux victimes, âgées respectivement de vingt et un et vingt-deux ans, allaient partir dans quelques jours pour l’Afghanistan. Un groupe armé dissident refusant les accords de paix, l’IRA Historique, aurait revendiqué l’attaque. Le provisional Sinn Fein a immédiatement condamné cet acte en déclarant qu’il n’émanait que d’une faction de bandits qui ne réussirait pas à mettre en péril la paix durement acquise. Des informations sur l’avancée de l’enquête dans notre prochaine édition. A Belfast pour France Intox, Stéphane Gouverneur. »
Un immense sourire se peignit sur le visage de James :
- Alors ça… c’est… inattendu ! Je savais qu’ils avaient repris les armes,… mais…
- Tu les connais ? demanda Johanne une lueur d’excitation sur le visage.
- Oui, enfin, je connais des gens qui en faisaient partie, ça s’est créée juste avant les accords de paix de 98, j’étais en prison… mais je ne sais pas si les gens que je connaissais en font encore partie… répondit James. Puis à mi-voix, il ajouta, they're completely crazy !…
En prononçant ces paroles, James sentit l’adrénaline se diffuser brusquement dans toutes les parties de son corps. Ses lèvres s’étirèrent en remontant le long de son visage, presque tous ses muscles se tendirent. Il n’avait plus connu ce genre de réaction chimique corporelle depuis plus de dix ans.
Calmos, Jim. L’action c’est bien beau dans l’immédiat, mais après ça se termine souvent à l’ombre…
Malgré tout, il aimerait bien être là-haut en ce moment… Ils doivent tirer une gueule, les Brits, et les provos1… hahaha...
Un coup comme ça… on n’en réussit pas tous les dix ans… ça porte la marque du Doc.… Pizza aux pruneaux pour les tueurs à gages mandatés par l’Etat…
Johanne frétillait sur son siège. Elle sortit machinalement une cigarette et l’alluma, avant de réaliser qu’elle était dans la sacro-sainte voiture de James. Elle ouvrit la fenêtre, se laissa gifler par l’air brûlant de ce mois de Juillet et aspira une profonde goulée de fumée. Elle se tenait prête à éteindre le cylindre de tabac incandescent pour éviter que ne se propage la flamme d’une nouvelle querelle, mais il ne lui fit aucune remarque, trop occupé à former des conjectures sur l’attaque de la caserne, un sourire rêveur et goguenard accroché au coin des lèvres.
Re: Paranoïd Trip (ex : Belfast Parano, version retravaillée) Chapitre 1
Ce début me paraît plus accrocheur que dans mon souvenir... une histoire intéressante, bourrée d'enfoirés comme on aime.
Ravie de vous voir revenir et d'apprendre que vous allez mieux, lillith !
Quelques remarques :
« après que l’un des maquereaux de Paul Santini, le cousin de Jean, l’avait (« après que » est suivi de l’indicatif et non du subjonctif) « recueillie » lors d’une fugue »
« C’est à ce moment-là que James les avait (et non « avaient ») rencontrées »
« ce mythe (et non « mythes ») est sauf »
« Le jingle du journal de midi de France Intox retentit »
« Le provisional (je ne comprends pas ce mot) Sinn Fein a immédiatement condamné cet acte »
« ça s’est créé (et non « créée ») juste avant les accords de paix »
Ravie de vous voir revenir et d'apprendre que vous allez mieux, lillith !
Quelques remarques :
« après que l’un des maquereaux de Paul Santini, le cousin de Jean, l’avait (« après que » est suivi de l’indicatif et non du subjonctif) « recueillie » lors d’une fugue »
« C’est à ce moment-là que James les avait (et non « avaient ») rencontrées »
« ce mythe (et non « mythes ») est sauf »
« Le jingle du journal de midi de France Intox retentit »
« Le provisional (je ne comprends pas ce mot) Sinn Fein a immédiatement condamné cet acte »
« ça s’est créé (et non « créée ») juste avant les accords de paix »
Invité- Invité
Re: Paranoïd Trip (ex : Belfast Parano, version retravaillée) Chapitre 1
Grand Merci Socque pour vos corrections toujours aussi avisées! Je pense que j'ai trouvé ma méthode de re-travail pour la prose : j'écris comme je le sens puis je taille dans la masse tous ce qui n'est pas essentiel à ma structure narrative... J'ai par contre encore des soucis de fautes d'orthographe et de grammaire...
Je poste ci-dessous le chapitre 1 sans les fautes de langues relevées par Socque. Chapitre 2 retaillé lui aussi dans le semaine prochaine.
Pas d'autres avis?
Je poste ci-dessous le chapitre 1 sans les fautes de langues relevées par Socque. Chapitre 2 retaillé lui aussi dans le semaine prochaine.
Pas d'autres avis?
Re: Paranoïd Trip (ex : Belfast Parano, version retravaillée) Chapitre 1
Chapitre 1.
James Connolly...
Ils venaient d’avoir leur première vraie grosse dispute… Une semaine de conflit larvé, une guerre de basse intensité, qui s’exprimait en silence... et qui était en train de sérieusement la miner… Elle n’arrivait plus à penser, cherchant comment… ça perturbait même son sommeil… et ses longues périodes diurnes de rêves éveillés… Ce ne pouvait donc signifier qu’une seule chose…
Amoureuse… piégée… et merde!
Ils roulaient, en ce moment même, vers la maison de sa grand-tante Henriette, là où elle l’avait rencontré un an auparavant, presque jour pour jour. Blottie contre la portière, bercée par le ronron à peine perceptible du moteur, elle se laissait flotter dans les divagations habituelles de son intarissable boîte à souvenirs.
Une semaine plus tôt, son « Jim » s’était engueulé avec Henriette qui voulait l’entraîner dans l’un de ces énièmes coups tordus pour faire tomber Paul Santini. Elle avait besoin de lui pour s’infiltrer dans l’ordinateur personnel du vieux mafieux. Il avait clairement refusé. « Plus de risques idiots, avait-il dit, j’ai une vie maintenant »... Le ton avait fini par monter, devant la lourde insistance d’Henriette… Au point que les deux vieux amis avaient perdu tout contrôle. Elle lui avait hurlé qu'il n'était qu'un petit ingrat et qu’elle ne voulait plus rien avoir à faire avec lui ; il l'avait insultée et était parti en claquant la porte, laissant une Johanne abasourdie et une Henriette rouge de rage qui avait fini par planter, de toute ses forces déclinantes, un couteau à pain dans la table de la cuisine.
Et depuis Johanne lui en voulait. Il faut dire que traiter Henriette de « vieille pute » n’était pas bien malin… Si elle cherchait à se venger de la famille Santini, c’est justement parce qu’elle s’était retrouvée prostituée après que l’un des maquereaux de Paul Santini, le cousin de Jean, l’avait « recueillie » lors d’une fugue, à l’âge de seize ans… Elle avait pu se sortir de là grâce à Jean Santini, himself… qui avait promis la liberté à Henriette et sa meilleure amie, Julie, contre la mort de Paul Santini… Une fois son rival de cousin effacé, il avait tenté de faire descendre les deux jeunes prostituées, histoire de faire place nette. Les deux filles s’étaient réfugiées à Londres, en compagnie de deux autres call-girl qui avaient eu le malheur d’être témoin de l’exécution…
Toutes les quatre s’étaient rapidement lancées dans le braquage de banque, l’escroquerie et autres chantages. Pendant dix ans, tout avait roulé pour elles. L’une des filles, Rose, avait fini par décider de se retirer de la vie criminelle, pour se marier et fonder une famille ; l’autre, Odette, voulait faire de même après un gros coup. C’est à ce moment-là que James les avait rencontrées… Elles avaient besoin d’un spécialiste des coffres-forts, capable d’en ouvrir un en moins de dix minutes… ce qui constituait le talent principal du jeune James, vingt ans, fils de serrurier,… ce premier gros coup fut aussi son premier gros ratage. Odette s’est fait descendre, Henriette, Julie et le jeune James se sont réfugiés en catastrophe à Paris. Après quelques années à se contenter de modestes cambriolages et chantages, les deux filles avaient décidé de redescendre à Marseille pour aller faire cracher ce vieux Jean au bassinet, pour racheter un peu de leurs vies bousillées… James avait suivi aveuglément… et le cercle infernal a débuté...
Vingt-cinq ans plus tard, voilà qu’Henriette voulait remettre ça… encore une fois. Devenue une vieille dame cardiaque, elle comptait sur ses « bras » pour mener à bien ses plans : James, qui s’était recyclé en hacker lors de son dernier séjour en prison, durant le boom économique irlandais ; et Ange, un jeune Corse, étudiant en droit, qu’Henriette avait pris sous son aile après son premier séjour en taule, et qui lui obéissait comme un brave petit toutou …
James réalisait bien que sa chère et tendre ne comprenait pas pourquoi il avait réagi aussi violemment. Elle ne lui faisait pas la tête, pire, elle le harcelait… Pour elle, James refusait à une vieille dame, dont la santé déclinait de plus en plus, l’ultime vengeance qui lui permettrait de partir en paix… Elle ne se rendait pas compte… Elle ne comprenait pas qu’il avait vu beaucoup trop de morts, que s’attaquer à des mafieux n’était pas que de l’adrénaline et de l’excitation comme dans ces foutus bouquins… que quand on se prend une balle c’est fini… on tombe,… on n’existe plus… et que parfois cela peut être encore pire que ça… Julie, qui avait été sa compagne pendant plus de cinq ans a disparu… tout bêtement… Rayée sans explication du grand registre de l'existence... il avait passé cinq ans à la chercher, en vain... Mais, bon, Henriette restait Henriette… Sa meilleure amie… celle qui l’avait aidé à s’installer en France quand il n’avait pas voulu rester dans cette Irlande post-processus de paix, toute tournée vers le grand capital, où il aurait subi un véritable ostracisme dû à son passé politique, celle qui lui avait sauvé la peau plus d'une fois au cours de sa tumultueuse existence……
Yes…, well, no…, je ne reviendrai pas sur ma décision de ne pas en être, mais il faut quand même que je m’excuse de lui avoir parlé comme ça…puis ça calmera peut-être Ma Panthère.… Après tout,…elle a quand même passé la semaine à nous convaincre, avec Henriette, de nous retrouver pour discuter… Je vais m’excuser, lui expliquer clairement pourquoi je ne veux pas participer et j’espère qu’elle comprendra… Elle aussi, elle tient à Johanne… Et puis si elles ne comprennent pas, l’Ange doit être rentré de Corse. Quand je lui expliquerai que la sécurité de Johanne est en jeu, il sera OK avec moi. Johanne doit être protégée à tout pris.
A la sortie d’Aix, au feu rouge, il tira le frein à main et se tourna vers la jeune femme. Celle-ci, les bras croisés, écouteurs dans les oreilles, fixait silencieusement le rétroviseur extérieur, comme si elle avait quelque chose de très grave à lui reprocher… Il lui enleva un écouteur de l'oreille :
- C'est bon, t'as gagné, je vais m’excuser. Je change pas d’avis sur le fond, mais j’avais pas à lui parler comme ça…
La bouche minuscule de la jeune femme s’étira en un immense sourire :
- Un peu de musique pour fêter ça ?
Elle brancha son lecteur MP3 sur l’autoradio de la BM, sembla hésiter, puis appuya sur Play. Les haut-parleurs dégueulèrent de gros riffs de guitare bientôt accompagnés d’une voix démoniaque :
« RRRRIIIIGHT NOOOWWW …. AHAHAHAHA ! I’m an….»
James coupa brutalement la prise auxiliaire, ce qui eut pour effet d’allumer la radio. Johanne baissa le volume.
- Qu’est-ce qui se passe ? Je croyais que le punk c'était toute ta jeunesse...
- Ah ouais… mais pas eux… State sponsored rebellion…
- Euh… c'est-à-dire ?
James se tourna vers elle, goguenard :
- Je vais casser l’un de tes mythes… ces petits cons de Sex Pistols ont accepté du fric de Londres pour aller jouer à Belfast…
Johanne, un peu incrédule, lui demanda :
- Mais, pourquoi ??
- Je ne sais pas… je pencherai pour l’appât du gain ou un manque de discernement dû à tout ce qu’ils avalaient, mais, les Brits, c’était pour tenter de détourner la jeunesse catholique du républicanisme… clairement… Quand on ne peut pas stopper une révolte,… on l’oriente…
- Alors ça… ça me troue le cul… Rassure-moi, les Clash ont pas fait pareil ?
James parti d’un gros rire devant la figure dépitée de Johanne :
- Non, ce mythe est sauf. Eux, ont toujours soutenu la cause... ils ont même réussi à se faire menacer de mort par les loyalistes ! Et ils ont continué malgré tout… Strummer était un type bien, lui...
Le jingle du journal de midi de France Intox retenti. « Aujourd’hui, l’Irlande du nord a fait un bond de près de dix ans dans le passé. Les habitants se sont réveillés sous le choc. Hier soir, deux soldats du régiment d'élite stationnés à la caserne de Massereene ont été abattus par un commando puissamment armé, au moment où ils réceptionnaient les pizzas qu’ils venaient de commander. Notre envoyé spécial, Stéphane Gouverneur… »
James, incrédule, freina légèrement et augmenta le son : « Hier soir, deux militaires du régiment d’élite stationné ici ont commandé des pizzas. C’est en sortant devant la porte de la caserne pour réceptionner leur repas qu’ils ont été abattus par un commando puissamment armé qui stationnait non loin de là. Les deux livreurs de la société Poker Pizza ont été blessés, de même que les deux soldats en faction qui ont tenté de venir au secours de leurs camarades. Les deux victimes, âgées respectivement de vingt et un et vingt-deux ans, allaient partir dans quelques jours pour l’Afghanistan. Un groupe armé dissident refusant les accords de paix, l’IRA Historique, aurait revendiqué l’attaque. Le provisional Sinn Fein a immédiatement condamné cet acte en déclarant qu’il n’émanait que d’une faction de bandits qui ne réussirait pas à mettre en péril la paix durement acquise. Des informations sur l’avancée de l’enquête dans notre prochaine édition. A Belfast pour France Intox, Stéphane Gouverneur. »
Un immense sourire se peignit sur le visage de James :
- Alors ça… c’est… inattendu ! Je savais qu’ils avaient repris les armes,… mais…
- Tu les connais ? demanda Johanne une lueur d’excitation sur le visage.
- Oui, enfin, je connais des gens qui en faisaient partie, ça s’est créé juste avant les accords de paix de 98, j’étais en prison… mais je ne sais pas si les gens que je connaissais en font encore partie… répondit James. Puis à mi-voix, il ajouta, they're completely crazy !…
En prononçant ces paroles, James sentit l’adrénaline se diffuser brusquement dans toutes les parties de son corps. Ses lèvres s’étirèrent en remontant le long de son visage, presque tous ses muscles se tendirent. Il n’avait plus connu ce genre de réaction chimique corporelle depuis plus de dix ans.
Calmos, Jim. L’action c’est bien beau dans l’immédiat, mais après ça se termine souvent à l’ombre…
Malgré tout, il aimerait bien être là-haut en ce moment… Ils doivent tirer une gueule, les Brits, et les provos… hahaha...
Un coup comme ça… on n’en réussit pas tous les dix ans… ça porte la marque du Doc.… Pizza aux pruneaux pour les tueurs à gages mandatés par l’Etat…
Johanne frétillait sur son siège. Elle sortit machinalement une cigarette et l’alluma, avant de réaliser qu’elle était dans la sacro-sainte voiture de James. Elle ouvrit la fenêtre, se laissa gifler par l’air brûlant de ce mois de Juillet et aspira une profonde goulée de fumée. Elle se tenait prête à éteindre le cylindre de tabac incandescent pour éviter que ne se propage la flamme d’une nouvelle querelle, mais il ne lui fit aucune remarque, trop occupé à former des conjectures sur l’attaque de la caserne, un sourire rêveur et goguenard accroché au coin des lèvres.
James Connolly...
Ils venaient d’avoir leur première vraie grosse dispute… Une semaine de conflit larvé, une guerre de basse intensité, qui s’exprimait en silence... et qui était en train de sérieusement la miner… Elle n’arrivait plus à penser, cherchant comment… ça perturbait même son sommeil… et ses longues périodes diurnes de rêves éveillés… Ce ne pouvait donc signifier qu’une seule chose…
Amoureuse… piégée… et merde!
Ils roulaient, en ce moment même, vers la maison de sa grand-tante Henriette, là où elle l’avait rencontré un an auparavant, presque jour pour jour. Blottie contre la portière, bercée par le ronron à peine perceptible du moteur, elle se laissait flotter dans les divagations habituelles de son intarissable boîte à souvenirs.
Une semaine plus tôt, son « Jim » s’était engueulé avec Henriette qui voulait l’entraîner dans l’un de ces énièmes coups tordus pour faire tomber Paul Santini. Elle avait besoin de lui pour s’infiltrer dans l’ordinateur personnel du vieux mafieux. Il avait clairement refusé. « Plus de risques idiots, avait-il dit, j’ai une vie maintenant »... Le ton avait fini par monter, devant la lourde insistance d’Henriette… Au point que les deux vieux amis avaient perdu tout contrôle. Elle lui avait hurlé qu'il n'était qu'un petit ingrat et qu’elle ne voulait plus rien avoir à faire avec lui ; il l'avait insultée et était parti en claquant la porte, laissant une Johanne abasourdie et une Henriette rouge de rage qui avait fini par planter, de toute ses forces déclinantes, un couteau à pain dans la table de la cuisine.
Et depuis Johanne lui en voulait. Il faut dire que traiter Henriette de « vieille pute » n’était pas bien malin… Si elle cherchait à se venger de la famille Santini, c’est justement parce qu’elle s’était retrouvée prostituée après que l’un des maquereaux de Paul Santini, le cousin de Jean, l’avait « recueillie » lors d’une fugue, à l’âge de seize ans… Elle avait pu se sortir de là grâce à Jean Santini, himself… qui avait promis la liberté à Henriette et sa meilleure amie, Julie, contre la mort de Paul Santini… Une fois son rival de cousin effacé, il avait tenté de faire descendre les deux jeunes prostituées, histoire de faire place nette. Les deux filles s’étaient réfugiées à Londres, en compagnie de deux autres call-girl qui avaient eu le malheur d’être témoin de l’exécution…
Toutes les quatre s’étaient rapidement lancées dans le braquage de banque, l’escroquerie et autres chantages. Pendant dix ans, tout avait roulé pour elles. L’une des filles, Rose, avait fini par décider de se retirer de la vie criminelle, pour se marier et fonder une famille ; l’autre, Odette, voulait faire de même après un gros coup. C’est à ce moment-là que James les avait rencontrées… Elles avaient besoin d’un spécialiste des coffres-forts, capable d’en ouvrir un en moins de dix minutes… ce qui constituait le talent principal du jeune James, vingt ans, fils de serrurier,… ce premier gros coup fut aussi son premier gros ratage. Odette s’est fait descendre, Henriette, Julie et le jeune James se sont réfugiés en catastrophe à Paris. Après quelques années à se contenter de modestes cambriolages et chantages, les deux filles avaient décidé de redescendre à Marseille pour aller faire cracher ce vieux Jean au bassinet, pour racheter un peu de leurs vies bousillées… James avait suivi aveuglément… et le cercle infernal a débuté...
Vingt-cinq ans plus tard, voilà qu’Henriette voulait remettre ça… encore une fois. Devenue une vieille dame cardiaque, elle comptait sur ses « bras » pour mener à bien ses plans : James, qui s’était recyclé en hacker lors de son dernier séjour en prison, durant le boom économique irlandais ; et Ange, un jeune Corse, étudiant en droit, qu’Henriette avait pris sous son aile après son premier séjour en taule, et qui lui obéissait comme un brave petit toutou …
James réalisait bien que sa chère et tendre ne comprenait pas pourquoi il avait réagi aussi violemment. Elle ne lui faisait pas la tête, pire, elle le harcelait… Pour elle, James refusait à une vieille dame, dont la santé déclinait de plus en plus, l’ultime vengeance qui lui permettrait de partir en paix… Elle ne se rendait pas compte… Elle ne comprenait pas qu’il avait vu beaucoup trop de morts, que s’attaquer à des mafieux n’était pas que de l’adrénaline et de l’excitation comme dans ces foutus bouquins… que quand on se prend une balle c’est fini… on tombe,… on n’existe plus… et que parfois cela peut être encore pire que ça… Julie, qui avait été sa compagne pendant plus de cinq ans a disparu… tout bêtement… Rayée sans explication du grand registre de l'existence... il avait passé cinq ans à la chercher, en vain... Mais, bon, Henriette restait Henriette… Sa meilleure amie… celle qui l’avait aidé à s’installer en France quand il n’avait pas voulu rester dans cette Irlande post-processus de paix, toute tournée vers le grand capital, où il aurait subi un véritable ostracisme dû à son passé politique, celle qui lui avait sauvé la peau plus d'une fois au cours de sa tumultueuse existence……
Yes…, well, no…, je ne reviendrai pas sur ma décision de ne pas en être, mais il faut quand même que je m’excuse de lui avoir parlé comme ça…puis ça calmera peut-être Ma Panthère.… Après tout,…elle a quand même passé la semaine à nous convaincre, avec Henriette, de nous retrouver pour discuter… Je vais m’excuser, lui expliquer clairement pourquoi je ne veux pas participer et j’espère qu’elle comprendra… Elle aussi, elle tient à Johanne… Et puis si elles ne comprennent pas, l’Ange doit être rentré de Corse. Quand je lui expliquerai que la sécurité de Johanne est en jeu, il sera OK avec moi. Johanne doit être protégée à tout pris.
A la sortie d’Aix, au feu rouge, il tira le frein à main et se tourna vers la jeune femme. Celle-ci, les bras croisés, écouteurs dans les oreilles, fixait silencieusement le rétroviseur extérieur, comme si elle avait quelque chose de très grave à lui reprocher… Il lui enleva un écouteur de l'oreille :
- C'est bon, t'as gagné, je vais m’excuser. Je change pas d’avis sur le fond, mais j’avais pas à lui parler comme ça…
La bouche minuscule de la jeune femme s’étira en un immense sourire :
- Un peu de musique pour fêter ça ?
Elle brancha son lecteur MP3 sur l’autoradio de la BM, sembla hésiter, puis appuya sur Play. Les haut-parleurs dégueulèrent de gros riffs de guitare bientôt accompagnés d’une voix démoniaque :
« RRRRIIIIGHT NOOOWWW …. AHAHAHAHA ! I’m an….»
James coupa brutalement la prise auxiliaire, ce qui eut pour effet d’allumer la radio. Johanne baissa le volume.
- Qu’est-ce qui se passe ? Je croyais que le punk c'était toute ta jeunesse...
- Ah ouais… mais pas eux… State sponsored rebellion…
- Euh… c'est-à-dire ?
James se tourna vers elle, goguenard :
- Je vais casser l’un de tes mythes… ces petits cons de Sex Pistols ont accepté du fric de Londres pour aller jouer à Belfast…
Johanne, un peu incrédule, lui demanda :
- Mais, pourquoi ??
- Je ne sais pas… je pencherai pour l’appât du gain ou un manque de discernement dû à tout ce qu’ils avalaient, mais, les Brits, c’était pour tenter de détourner la jeunesse catholique du républicanisme… clairement… Quand on ne peut pas stopper une révolte,… on l’oriente…
- Alors ça… ça me troue le cul… Rassure-moi, les Clash ont pas fait pareil ?
James parti d’un gros rire devant la figure dépitée de Johanne :
- Non, ce mythe est sauf. Eux, ont toujours soutenu la cause... ils ont même réussi à se faire menacer de mort par les loyalistes ! Et ils ont continué malgré tout… Strummer était un type bien, lui...
Le jingle du journal de midi de France Intox retenti. « Aujourd’hui, l’Irlande du nord a fait un bond de près de dix ans dans le passé. Les habitants se sont réveillés sous le choc. Hier soir, deux soldats du régiment d'élite stationnés à la caserne de Massereene ont été abattus par un commando puissamment armé, au moment où ils réceptionnaient les pizzas qu’ils venaient de commander. Notre envoyé spécial, Stéphane Gouverneur… »
James, incrédule, freina légèrement et augmenta le son : « Hier soir, deux militaires du régiment d’élite stationné ici ont commandé des pizzas. C’est en sortant devant la porte de la caserne pour réceptionner leur repas qu’ils ont été abattus par un commando puissamment armé qui stationnait non loin de là. Les deux livreurs de la société Poker Pizza ont été blessés, de même que les deux soldats en faction qui ont tenté de venir au secours de leurs camarades. Les deux victimes, âgées respectivement de vingt et un et vingt-deux ans, allaient partir dans quelques jours pour l’Afghanistan. Un groupe armé dissident refusant les accords de paix, l’IRA Historique, aurait revendiqué l’attaque. Le provisional Sinn Fein a immédiatement condamné cet acte en déclarant qu’il n’émanait que d’une faction de bandits qui ne réussirait pas à mettre en péril la paix durement acquise. Des informations sur l’avancée de l’enquête dans notre prochaine édition. A Belfast pour France Intox, Stéphane Gouverneur. »
Un immense sourire se peignit sur le visage de James :
- Alors ça… c’est… inattendu ! Je savais qu’ils avaient repris les armes,… mais…
- Tu les connais ? demanda Johanne une lueur d’excitation sur le visage.
- Oui, enfin, je connais des gens qui en faisaient partie, ça s’est créé juste avant les accords de paix de 98, j’étais en prison… mais je ne sais pas si les gens que je connaissais en font encore partie… répondit James. Puis à mi-voix, il ajouta, they're completely crazy !…
En prononçant ces paroles, James sentit l’adrénaline se diffuser brusquement dans toutes les parties de son corps. Ses lèvres s’étirèrent en remontant le long de son visage, presque tous ses muscles se tendirent. Il n’avait plus connu ce genre de réaction chimique corporelle depuis plus de dix ans.
Calmos, Jim. L’action c’est bien beau dans l’immédiat, mais après ça se termine souvent à l’ombre…
Malgré tout, il aimerait bien être là-haut en ce moment… Ils doivent tirer une gueule, les Brits, et les provos… hahaha...
Un coup comme ça… on n’en réussit pas tous les dix ans… ça porte la marque du Doc.… Pizza aux pruneaux pour les tueurs à gages mandatés par l’Etat…
Johanne frétillait sur son siège. Elle sortit machinalement une cigarette et l’alluma, avant de réaliser qu’elle était dans la sacro-sainte voiture de James. Elle ouvrit la fenêtre, se laissa gifler par l’air brûlant de ce mois de Juillet et aspira une profonde goulée de fumée. Elle se tenait prête à éteindre le cylindre de tabac incandescent pour éviter que ne se propage la flamme d’une nouvelle querelle, mais il ne lui fit aucune remarque, trop occupé à former des conjectures sur l’attaque de la caserne, un sourire rêveur et goguenard accroché au coin des lèvres.
Re: Paranoïd Trip (ex : Belfast Parano, version retravaillée) Chapitre 1
Pour ce qui est des "Provos", il s'agit du Provisionnal Sinn Feinn et du Provisionnal IRA , comprendre Sinn Fein et IRA provisoire. Il s'agit du groupe républicain majoritaire qui a mené la lutte armé pendant 30 ans en Irlande du nord avant de signer des accords de paix et de siéger au parlement. Une partie non négligeable de leur troupes, politiqe comme militaire, a refusé les accords de paix et a rejoins des groupes dissident refusant de rendre les armes, mais refusant aussi d'utiliser les tactiques qui ont pu être utilisée avant les accord de paix pour faire pression (bombes à l'aveugle dans les rues, ect...).
L'on retrouve aussi dans ces groupes des ancien de l'INLA, groupe d'extreme gauche qui avait pris les armes à la même époque, et dont a fait parti mon personnage de James.
L'on retrouve aussi dans ces groupes des ancien de l'INLA, groupe d'extreme gauche qui avait pris les armes à la même époque, et dont a fait parti mon personnage de James.
Re: Paranoïd Trip (ex : Belfast Parano, version retravaillée) Chapitre 1
C'est du tout bon, ça me semble plus direct plus vif plus nerveux que la première mouture.
A bientôt pour la suite...haletante I hope...
A bientôt pour la suite...haletante I hope...
Rebecca- Nombre de messages : 12502
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Date d'inscription : 30/08/2009
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