Maître Oriental : Histoire du Charlatan
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Maître Oriental : Histoire du Charlatan
Allez... une petite pour fêter la nouvelle année. Qu'elle vous soit propice à tous.
HISTOIRE DU CHARLATAN
- Ne m’as-tu pas dit un jour que ton Palais regorgeait de charlatans en robe de médecin ?
- En effet, Maître. Ma Cour était pleine à craquer de riches vieillards qui n’avaient pas envie de vieillir d'avantage, de riches bien portants qui ne voulaient pas tomber malades, et de riches idiots qui ne voulaient pas mourir.
- Personne ne veut mourir. Pas besoin d’être idiot pour cela. Ce qui est idiot c’est de croire qu’on peut l’éviter.
- Pourtant tu me répètes inlassablement que le Sage ne craint pas la mort.
- Il ne la craint ni ne la souhaite. Pour le Sage, la mort n’existe pas.
- Comment est-ce possible, Maître ?
- Lorsque tu auras compris cela, tu pourras quitter ce lieu.
- Alors je préfère ne pas comprendre. Je me sens bien ici, avec toi.
- C’est gentil. Pour te récompenser, je vais te narrer l’histoire d’un grand charlatan qui était aussi le meilleur médecin du Monde à l’occasion. Pourquoi prends-tu en note toutes mes divagations ?
- Pour qu’elles ne soient pas perdues et profitent à d’autres, Maître.
- Hum…les histoires profitent principalement à ceux qui les racontent. Et elles ne valent que par leur talent. Note quand même, cela te fera un bon exercice d’écriture. Il était une fois un Roi très vieux, très méchant, et très couard.
- Oui, cela ressemble bien aux rois que j’ai connus.
- N’est-ce pas ? Ce Roi vivait perpétuellement dans la peur. La peur de ses proches, la peur de la maladie, la peur de la défaite, la peur de la ruine, la peur de la mort. La peur de la peur. Cent médecins, physiciens et mages prenaient soin de sa santé, et parvenaient à maintenir en activité sa vieille carcasse vermoulue. Mais ils ne pouvaient le guérir de la peur.
- Dis plutôt, Maître, qu’ils ne le souhaitaient pas : il n’aurait plus eu besoin d’eux.
- Assurément. Aussi prenaient-ils bien soin d’entretenir sournoisement ses craintes. A peine remis d’une affection, ils l’accablaient de médecines pour prévenir la suivante. De la sorte, notre Roi, toujours guéri, n’était pourtant jamais bien portant.
- N’y avait-il pas à sa cour un sage pour l’arracher à l’emprise de ces suceurs de sang ?
- Il n’y a pas de sage à la Cour de cette sorte de prince. La sagesse commande de fuir au plus vite un tel maître. En revanche, il se trouvait là un charlatan très habile.
- Je suppose, Maître, que ses confrères ne l’étaient pas moins.
- Celui-là les dépassait de cent coudées. Il avait réussi à acquérir un trésor que les autres ne possédaient pas : la confiance du Roi. Ce n’était pas chose aisée : le vieux tyran se méfiait de tous, son propre pas le plongeait dans la terreur. A peine avait-il absorbé les remèdes de l’un de ses médecins, qu’il se hâtait d’en consulter dix autres pour en neutraliser les effets.
- Cela ne devait pas convenir à ton charlatan, Maître. Cette sorte de gens ne prise guère la concurrence.
- Il la prisait d’autant moins qu’il avait pour ambition de devenir l’unique médecin du Roi et qu’il avait des vues sur la ravissante princesse héritière à qui le projet ne déplaisait pas, ce diable de charlatan étant jeune et ma foi fort bien fait de sa personne.
- Ce n’était pas toi, tout de même, Maître ?
- Je t’ai dit que j’avais exercé la médecine, pas que j’étais un charlatan qui voulait épouser des héritières.
- Pardonne-moi, Maître, mais tu embrouilles parfois si merveilleusement les choses qu’à t’entendre, on pourrait croire tout et son contraire.
- C’est le début de l’humilité. Mais ce n’est pas moi qui embrouille tout, c’est l’existence. Quoi qu’il en soit, il ne s’agissait pas de moi, mais de l’un de mes amis étudiants. Certains d’entre nous choisissaient la voie reposante et simple du renoncement, tandis que d’autres, plus aventureux, voulaient se faire une place dans le Monde. Mon ami savait qu’il ne serait pas le Bouddha. Il voulut donc être roi.
- C’est une folie !
- On ne le sait que lorsqu’on y a goûté. Et l’on ne s’en lasse que s’il n’a pas fallu se battre pour y parvenir. Tu n’as pas plus de mérite à avoir renoncé à ton trône que tu n’en as eu à t’asseoir dessus.
- Je l’avoue, Maître. Mais c’est aussi pour cela que je ne le regrette pas.
- C’est ce que tu dis. En tous cas, mon ami le charlatan, lui, avait fort envie du trône et de la belle princesse.
- Mais pour cela il fallait guérir son père !
- Qui te parle de guérir ? Seule la Nature guérit, te dis-je ! Et puis pour le guérir, il aurait fallu découvrir de quoi le roi était malade, et savoir comment soigner cette maladie.
- Le roi était-il malade, Maître ?
- Assurément, il l’était. Les rois, surtout quand ils sont vieux, sont toujours malades. Mais de là à savoir de quoi…
- Ton charlatan le savait-il, Maître ?
- Bien sûr que non, puisque c’était un charlatan. Et l’aurait-il su qu’il n’aurait tout de même pas su comment l’en guérir. Et pourtant il a épousé la princesse et hérité du trône de son beau-père.
- Comment s’y est-il pris, Maître ?
- Je t’ai déjà dit que le gaillard était habile. Comme praticien, il ne valait pas un clou, mais comme charlatan, il n’avait pas de rival. Il suggéra au roi de rassembler tous ses médecins, mages, sorciers et autres guérisseurs, et de les mettre face à un défi. Chacun d’entre eux avait le droit de proposer un remède original, dont on jugerait l’effet sur trois jours. Celui qui parviendrait à améliorer l’état du souverain gagnerait la main de sa fille et hériterait de son trône. Comme ils étaient cent, l’expérience pouvait durer presque un an. Bien entendu, tout le monde prétendit passer en tête : celui qui guérirait le roi en premier remporterait la récompense. Mon ami, modeste, accepta d’être le dernier.
- Pas fou, le charlatan, il savait bien que les autres ne le guériraient pas.
- Lui non plus. Mais son calcul était le suivant : après trois cent jours de soins intensifs à l’aide de cent remèdes différents, le roi ne pourrait aller mieux. Encore heureux s’il était encore en vie ! C’est bien ce qu’il advint. Après quatre-vingt-dix-neuf traitements plus saugrenus les uns que les autres, le malheureux monarque, épuisé, amaigri et à bout de désespoir, semblait s’être résolu à sa fin prochaine. Comme il était resté vindicatif, il ordonna qu’on fasse mettre à mort juste après son décès les imposteurs qui n’avaient pas su le sauver. Seul mon ami n’avait pas encore exercé ses talents sur lui.
- Que pouvait-il faire de plus ?
- Rien. Mais cela a suffi. Lorsque ses collègues se rendirent compte que le trépas du Roi serait suivi du leur, ils se rendirent en gémissant chez mon ami, et bien que le sachant absolument incompétent, le supplièrent de tenter l’impossible pour améliorer l’état du roi. Il se fit prier. Comment, messeigneurs, leur dit-il, après qu’autant d’illustres savants tels que vous ont renoncé, pourrais-je, moi si jeune et inexpérimenté, réussir où vous avez échoué ? Ils se récrièrent avec un bel ensemble qu’ils avaient toujours eu confiance en lui, et que leur sort à tous était désormais entre ses mains. Il n’accepta qu’à condition qu’ils s’engageassent à quitter le Palais s’il guérissait le roi. Bien entendu, ils promirent tout ce qu’il voulait. S’il échouait, ils mourraient tous, et s’il réussissait, il serait toujours temps de s’en attribuer le mérite et de renier leur promesse. Puis il se rendit chez le roi pour lui administrer son remède personnel.
- Quel était ce remède ?
- Peu importe. Du bouillon de poule, de l’infusion de camomille, du sirop de gingembre, que sais-je. Mon ami n’avait pas son pareil pour vendre une tasse de thé au prix d’une potion rarissime. A la stupéfaction générale, le roi s’en trouva mieux.
- Suite à presque trois cent jours de traitements barbares, cela n’a rien d’étonnant, Maître.
- C’était aussi le raisonnement de mon ami.
- Je suppose que les autres médecins ont crié au scandale et exigé qu’il révèle la nature de ses prétendus remèdes. Ils savaient bien ce que valaient les leurs !
- Les autres médecins étaient trop soulagés d’avoir échappé au pal pour ouvrir leur bec. Non content d’être vindicatif, le vieux roi était cruel.
- L’un ne va pas sans l’autre, Maître. Une vengeance sans cruauté est comme un gâteau sans crème ou une courtisane sans poitrine. On y perd la moitié du plaisir.
- Tu n’étais pas si mauvais roi que ça, après tout.
- On se lasse aussi de la cruauté. Comment ton roi a-t-il été dupe du stratagème de ton charlatan ? Il n’était pas né de la dernière mousson, pourtant.
- C’est sans doute qu’il souhaitait être dupé. Il était las d’être soigné, et n’aspirait plus qu’à une médecine rassurante. Et quant à sa fille, il préférait donner sa main à cet habile gaillard qu’elle aimait plutôt qu’à l’un des princes dégénérés qui lui faisaient leur cour. Sa clairvoyance fut récompensée. Le charlatan, devenu roi, fit preuve de sagesse, de justice, et de magnanimité. Il vécut longtemps, eut de nombreux enfants, et renforça considérablement son royaume. Cent chroniqueurs chantent ses louanges, mille peintres ont brossé son portrait, et ses millions de sujets remerciaient chaque jour la Providence de leur avoir accordé un souverain si aimable.
- Encore une histoire qui finit bien, Maître.
- Pourquoi dis-tu cela ?
- Eh bien il me semble qu’elle se termine dans l’harmonie.
- C’est ce que tu crois. Quand le charlatan devenu roi mourut, ses enfants s’entr’étripèrent pour le royaume, ses sujets se soulevèrent contre son administration et une puissante armée étrangère envahit le pays en proie au chaos.
- C’est toujours la même chose, Maître. Si l’on va jusqu’au bout, toutes les histoires finissent mal.
- Il en va de même de l’existence. C’est pourquoi le sage et le bon conteur s’arrêtent à temps.
Gobu
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 70
Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Maître Oriental : Histoire du Charlatan
Maitre Gobu, on gagne toujours à vous fréquenter. En sagesse et en plaisir, qui sont les deux faces d'une même chose.
Invité- Invité
Re: Maître Oriental : Histoire du Charlatan
Bien entendu, Dame Dé a raison.
Il y a cependant quelque phrases aux harmoniques difficiles, un peu moins fluides.
Ponctuation quelquefois étrange; qu'en sais-je ? Celui-là serait celui-ci (pour la musique).
Une liste de broutilles que je te ferai parvenir demain.
Il y a cependant quelque phrases aux harmoniques difficiles, un peu moins fluides.
Ponctuation quelquefois étrange; qu'en sais-je ? Celui-là serait celui-ci (pour la musique).
Une liste de broutilles que je te ferai parvenir demain.
Invité- Invité
Re: Maître Oriental : Histoire du Charlatan
J'ai trouvé ça magistral : c'est burlesque, poétique et philosophique à la fois. Que demande le peuple ! D'autres comme ça !
Invité- Invité
Re: Maître Oriental : Histoire du Charlatan
Bien aimé ce conte remanié, modernisé en lui donnant la forme d’un dialogue entre le conteur et son élève. Lu avec un sourire parce que c’est un écrit malin. Après, histoire de goût personnel, la morale ou le côté philosophique justement m’a moins plu.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Maître Oriental : Histoire du Charlatan
Un texte intéressant, mais ce sage oriental aurait beaucoup à apprendre, me semble-t-il, de la sagesse occidentale.
« Personne ne veut mourir. Pas besoin d’être idiot pour cela » dit le sage. Pas très sage, ce discours du sage ! Ne devrait-il pas suivre l’enseignement du maître stoïcien qui lui apprendrait que la sagesse consiste à vouloir le destin, c'est-à-dire l’accepter et le comprendre, or la mort est notre destin, destin fatal de tout être vivant ? Ne pas vouloir mourir, c’est se mettre en contradiction avec l’ordre des choses, contre lequel nous n’avons aucun pouvoir ; c’est aussi peu sage que de ne pas vouloir qu’il pleuve, qu’il neige ou que les marées cessent d’agiter l’océan. Qui, sinon l’idiot, peut crier face au vent : je ne veux pas que tu souffles ; face au soleil : je ne veux pas de ta lumière aveuglante ; face à l’automne qui vient : je ne veux pas de toi, saison dégueulasse, je veux du printemps, je veux du printemps… Bien sûr, dans notre part de folie, nous désirons ne pas mourir, nous désirons l’impossible, mais de là à le vouloir, l’impossible… pas
« Pour le Sage, la mort n’existe pas. » affirme-t-il encore, mais sans s’expliquer.
Il pourrait apprendre de la sagesse d’Epicure que « La mort n’est rien pour nous… ». Mais pourquoi affirme-t-il cela ? S’il est oriental, apparemment bouddhiste, (« Mon ami savait qu’il ne serait pas le Bouddha. Il voulut donc être roi. ») il s’adresse à des orientaux qui, communément, sages ou pas, croient dans le saṃsāra, le cycle des renaissances multiples.
Le roi dont l’histoire est contée par la suite, lui, manque singulièrement de sagesse : il est tout puissant, mais son pouvoir ne l’empêche pas d’être soumis aux craintes qui l’assaillent, et, en particulier, à la plus grande d’entre elles, celle de la mort. Le roi est malade de ses craintes, et, de plus, il est parano.
Il est la victime d’un charlatan.
Ce charlatan illustre assez bien le personnage du sophiste, puisque son habileté rhétorique lui a permis de gagner la confiance du roi. Il est l’image aussi de l’homme plein de ressources, d’une intelligence rusée, digne fils de Métis. Sophiste encore en ce qu’il met cette intelligence au service de son avidité de pouvoir ( il veut être roi ) plutôt qu’à celui de la vérité.
Mais que signifie son stratagème ? Il utilise l’ignorance, l’incompétence, et l’échec inévitable des pseudo-médecins pour faire croire en ses capacités. Il sait que les autres ne savent pas, il sait que lui-même ne sait pas, quelle est la maladie du roi, et quels sont les remèdes, c’est là ce qui fait sa supériorité, alors que ses rivaux croient savoir, et ne savent pas. Il joue alors de cette ignorance et la transforme en un instrument de pouvoir.
Le texte laisse entendre que le roi pourtant, n’est pas si dupe. Roi de l’habileté, il fait croire qu’il a été trompé. Il est, lui, le véritable charlatan. Il a vu, chez l’homme rusé, son digne successeur. Il sait, Machiavel avant l’heure, que la ruse et la tromperie sont les vertus de l’homme de pouvoir.
Mais quelle leçon de sagesse dans tout cela ?
Savoir en finir avec l’existence avant qu’elle ne tourne mal, comme cela est suggéré à la fin du texte ? Qu’est-ce que « finir à temps » pour un oriental ?!
C’est pour le moins trop peu explicite. Et trop peu, ça l’est aussi pour un occidental. La leçon semble donc insuffisante.
Peut-être ce sage serait-il plus intéressant, s’il exprimait des koan à la façon du bouddhisme zen. Comme celui-ci : « Lorsqu'il n'y a plus à faire à faire, que faites-vous ? »
Quelques remarques de langue :
Vieillir davantage et non « vieillir d'avantage »
« découvrir de quoi le roi était malade » pas très heureux, d’autant plus que ce « de quoi » est répété plusieurs fois.
« Et l’aurait-il su qu’il n’aurait tout de même pas su comment l’en guérir » : la répétition de « su » n’est pas d’un très bon effet.
« Encore heureux s’il était encore... » : cette fois c’est la répétition de « encore » qui n’est pas heureuse.
« Personne ne veut mourir. Pas besoin d’être idiot pour cela » dit le sage. Pas très sage, ce discours du sage ! Ne devrait-il pas suivre l’enseignement du maître stoïcien qui lui apprendrait que la sagesse consiste à vouloir le destin, c'est-à-dire l’accepter et le comprendre, or la mort est notre destin, destin fatal de tout être vivant ? Ne pas vouloir mourir, c’est se mettre en contradiction avec l’ordre des choses, contre lequel nous n’avons aucun pouvoir ; c’est aussi peu sage que de ne pas vouloir qu’il pleuve, qu’il neige ou que les marées cessent d’agiter l’océan. Qui, sinon l’idiot, peut crier face au vent : je ne veux pas que tu souffles ; face au soleil : je ne veux pas de ta lumière aveuglante ; face à l’automne qui vient : je ne veux pas de toi, saison dégueulasse, je veux du printemps, je veux du printemps… Bien sûr, dans notre part de folie, nous désirons ne pas mourir, nous désirons l’impossible, mais de là à le vouloir, l’impossible… pas
« Pour le Sage, la mort n’existe pas. » affirme-t-il encore, mais sans s’expliquer.
Il pourrait apprendre de la sagesse d’Epicure que « La mort n’est rien pour nous… ». Mais pourquoi affirme-t-il cela ? S’il est oriental, apparemment bouddhiste, (« Mon ami savait qu’il ne serait pas le Bouddha. Il voulut donc être roi. ») il s’adresse à des orientaux qui, communément, sages ou pas, croient dans le saṃsāra, le cycle des renaissances multiples.
Le roi dont l’histoire est contée par la suite, lui, manque singulièrement de sagesse : il est tout puissant, mais son pouvoir ne l’empêche pas d’être soumis aux craintes qui l’assaillent, et, en particulier, à la plus grande d’entre elles, celle de la mort. Le roi est malade de ses craintes, et, de plus, il est parano.
Il est la victime d’un charlatan.
Ce charlatan illustre assez bien le personnage du sophiste, puisque son habileté rhétorique lui a permis de gagner la confiance du roi. Il est l’image aussi de l’homme plein de ressources, d’une intelligence rusée, digne fils de Métis. Sophiste encore en ce qu’il met cette intelligence au service de son avidité de pouvoir ( il veut être roi ) plutôt qu’à celui de la vérité.
Mais que signifie son stratagème ? Il utilise l’ignorance, l’incompétence, et l’échec inévitable des pseudo-médecins pour faire croire en ses capacités. Il sait que les autres ne savent pas, il sait que lui-même ne sait pas, quelle est la maladie du roi, et quels sont les remèdes, c’est là ce qui fait sa supériorité, alors que ses rivaux croient savoir, et ne savent pas. Il joue alors de cette ignorance et la transforme en un instrument de pouvoir.
Le texte laisse entendre que le roi pourtant, n’est pas si dupe. Roi de l’habileté, il fait croire qu’il a été trompé. Il est, lui, le véritable charlatan. Il a vu, chez l’homme rusé, son digne successeur. Il sait, Machiavel avant l’heure, que la ruse et la tromperie sont les vertus de l’homme de pouvoir.
Mais quelle leçon de sagesse dans tout cela ?
Savoir en finir avec l’existence avant qu’elle ne tourne mal, comme cela est suggéré à la fin du texte ? Qu’est-ce que « finir à temps » pour un oriental ?!
C’est pour le moins trop peu explicite. Et trop peu, ça l’est aussi pour un occidental. La leçon semble donc insuffisante.
Peut-être ce sage serait-il plus intéressant, s’il exprimait des koan à la façon du bouddhisme zen. Comme celui-ci : « Lorsqu'il n'y a plus à faire à faire, que faites-vous ? »
Quelques remarques de langue :
Vieillir davantage et non « vieillir d'avantage »
« découvrir de quoi le roi était malade » pas très heureux, d’autant plus que ce « de quoi » est répété plusieurs fois.
« Et l’aurait-il su qu’il n’aurait tout de même pas su comment l’en guérir » : la répétition de « su » n’est pas d’un très bon effet.
« Encore heureux s’il était encore... » : cette fois c’est la répétition de « encore » qui n’est pas heureuse.
Louis- Nombre de messages : 458
Age : 69
Date d'inscription : 28/10/2009
Ne bouddhons pas notre plaisir
Sur le fond, on ne peut que souscrire au décorticage de Louis ; le thalweg est délicat dans la conduite de ce genre de concepts, et il faut bien que l'auteur se détermine, et soit dans une certaine cohérence de son propos. Rien de l'empêche d'utiliser des dei ex machina si ça l'amuse, mais il me semble que, s'étant fixé un cadre, il faudra bien qu'il s'y tienne, ou le transgresse, mais dans un but précis.
Pour la forme, qui est tout de même le sucre et le miel d'un texte, c'est du Gobu, patte hautement appréciée pour ses très nombreuses et riches qualités expressives, son érudition et son humour. J'avouerai ne pas être ébloui par la conduite générale du dialogue, que, tant qu'à faire, j'aurais préféré un peu plus décoré d'orientalismes pittoresques.
Cela dit, ça se lit très bien.
Pour la forme, qui est tout de même le sucre et le miel d'un texte, c'est du Gobu, patte hautement appréciée pour ses très nombreuses et riches qualités expressives, son érudition et son humour. J'avouerai ne pas être ébloui par la conduite générale du dialogue, que, tant qu'à faire, j'aurais préféré un peu plus décoré d'orientalismes pittoresques.
Cela dit, ça se lit très bien.
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 67
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Maître Oriental : Histoire du Charlatan
S'il est une chose difficile pour un auteur, un artiste, c'est de créer une atmosphère.
S'il est une chose sécurisante pour un lecteur, c'est de retrouver une atmosphère appartenant à l'auteur, à l'artiste.
J'aime aussi les surprises du genre : "mince, je ne m'y attendais pas".
Pour l'instant tu réussis sur tous les tableaux, avec plus ou moins de maîtrise, mais chaque fois, avec du "métier".
C'est ce qu'il a de bon chez toi. Peut-on dire une "valeur sûre" ?
Oui, je le crois.
S'il est une chose sécurisante pour un lecteur, c'est de retrouver une atmosphère appartenant à l'auteur, à l'artiste.
J'aime aussi les surprises du genre : "mince, je ne m'y attendais pas".
Pour l'instant tu réussis sur tous les tableaux, avec plus ou moins de maîtrise, mais chaque fois, avec du "métier".
C'est ce qu'il a de bon chez toi. Peut-on dire une "valeur sûre" ?
Oui, je le crois.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Maître Oriental : Histoire du Charlatan
Gobu a écrit:
- Encore une histoire qui finit bien, Maître.
- Pourquoi dis-tu cela ?
- Eh bien il me semble qu’elle se termine dans l’harmonie.
- C’est ce que tu crois. Quand le charlatan devenu roi mourut, ses enfants s’entr’étripèrent pour le royaume, ses sujets se soulevèrent contre son administration et une puissante armée étrangère envahit le pays en proie au chaos.
- C’est toujours la même chose, Maître. Si l’on va jusqu’au bout, toutes les histoires finissent mal.
- Il en va de même de l’existence. C’est pourquoi le sage et le bon conteur s’arrêtent à temps.
Gobu
J'aime particulièrement cette fin !
boc21fr- Nombre de messages : 4770
Age : 54
Localisation : Grugeons, ville de culture...de vin rouge et de moutarde
Date d'inscription : 03/01/2008
Re: Maître Oriental : Histoire du Charlatan
Allez hop, la fouilleuse que je suis reprend son boulot et fait remonter, car beaucoup ne se sont pas encore frottés au maître oriental de Gobu (allez zyeuter au catalogue, si si !)
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Maître Oriental : Histoire du Charlatan
J'aime toujours autant, même si cette fois, la bonne moralité de la fin me laisse un peu de côté, je la trouve un brin trop politiquement correcte et je préfère le subversif que tu as pu déployer dans d'autres textes.
Comme d'hab, j'adore ce disciple qui interrompt en permanence son maître, dont on devine aisément l'agacement et dont la sagesse l'oblige à demeurer stoïque. C'est toujours plein de bon sens et j'apprécie de voir la sagesse ancestrale prendre un peu de plomb de l'aile, qu'elle soit ou non orientale.
Comme d'hab, j'adore ce disciple qui interrompt en permanence son maître, dont on devine aisément l'agacement et dont la sagesse l'oblige à demeurer stoïque. C'est toujours plein de bon sens et j'apprécie de voir la sagesse ancestrale prendre un peu de plomb de l'aile, qu'elle soit ou non orientale.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Maître Oriental : Histoire du Charlatan
"Valeur sûre", c'est le mot juste en parlant de tes deux gugusses d'Asie. On connait d'avance l'humour cynique du sage (quoique le propos purement Epicurien du début m'a un peu étonné) et puis, oui, voilà, le contenu que ces personnages déjà connus nous donnent toujours envie de découvrir.
Chako Noir- Nombre de messages : 5442
Age : 34
Localisation : Neverland
Date d'inscription : 08/04/2008
Re: Maître Oriental : Histoire du Charlatan
Tiens, ça n'a pas trop de rapport avec ton texte, mais j'ai eu une subite envie de..
Chako Noir- Nombre de messages : 5442
Age : 34
Localisation : Neverland
Date d'inscription : 08/04/2008
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