À la Cité des anges
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elea
Jean
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À la Cité des anges
Petit roman ou grande nouvelle d'atmosphère/anticipation/SF commencé il y a quelques jours pour voir où ça peut mener. Si les commentaires sont positifs, je vais faire en sorte de poster l'histoire sous la forme d'un feuilleton à fréquence si possible d'un chapitre par semaine. Merci d'avance pour vos critiques et j'espère une bonne lecture à tous/toutes.
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Chapitre I : Adieu et premiers contacts
Joseph, adossé contre le mur près de la fenêtre, observa longtemps le visage contracté de sa compagne, qu’un jet de lumière d’un réverbère proche de la maison éclairait partiellement. La femme, jeune encore et habillée d’une beauté pâle, respirait fort dans son sommeil, s’agitait beaucoup défaisant la couverture et laissant apparaître un sein frêle ainsi qu’une jambe longue et fine qui se frottait contre le drap. La lumière, de plus en plus intense tandis que le soir s’affirmait, s’infiltrait au centre de la pièce et caressait avec douceur le corps de l’endormie.
Il fallut un long moment avant que Joseph ne se décidât à rabattre les tentures ; il resta encore quelques instants le visage sombre et tendu à contempler la jeune femme, puis s’en alla discrètement de la chambre en refermant avec précaution la porte derrière lui. Il descendit les escaliers, se dirigea d’un pas lent mais ferme vers la porte d’entrée, endossa un épais manteau et sortit de la maison.
Le soir, glacial et silencieux en ce début d’hiver, promenait son ombre sur la rue désertée qui se perdait au loin. La lumière jaunâtre des réverbères disposés à intervalle régulier le long du trottoir formait une série de grands cercles symétriques, qui, mélangée avec l’humidité ambiante et un brouillard naissant, donnait au paysage l’aspect d’une peinture cubiste que contempla Joseph sur le pas de la porte. Prenant soudain conscience de l’air froid qui s’immisçait dans son corps, il s’emmitoufla soigneusement dans son manteau, se mit en marche et disparut très vite quelques réverbères plus loin, absorbé par le brouillard.
Joseph marcha pendant deux heures, peut-être trois, lorsque la fatigue et le picotement du vent commencèrent à lui devenir pénibles. À peine croisa-t-il sur son chemin quelques chats errants ainsi qu’un renard affamé qui l'ignora, occupé qu’il était au pied d’un chêne touffu à frotter la terre avec vigueur pour dénicher de la nourriture. Les maisons se faisaient rares le long de la route, délabrées et toutes d’apparence inhabitées ; pas une voiture ou le son d’un moteur ne vint gêner le silence de la nuit, que seul perturbait le bruit faible et métronome de ses pas sur l’asphalte. Les arbres de part et d’autre de la route se densifiaient au fil du temps, masquaient une grande partie du ciel, au sein duquel on pouvait tout de même encore distinguer de sombres nuages s’amonceler.
Enfin, Joseph atteignit une zone plus large et dégagée. Devant lui, la route se séparait en deux segments : le principal continuait droit vers une immense masse sombre qui semblait être celle d’une forêt ; l’autre plus étroit virait vers l’Ouest en direction d’un amas de bâtiments éclairés situé à un kilomètre au plus du lieu où se tenait Joseph. Il se dirigea vers ce dernier tout en pressant le pas.
Très vite, il arriva près de l’entrée d’un grand complexe. À sa droite, un champ de maïs laissé à l’abandon se prolongeait vers l’Est jusqu’à la lisière de la forêt. À son approche, des chiens attachés à un poteau se mirent à aboyer. Quelques individus armés de fusils sortirent du premier bâtiment et le regardèrent. Ils attendirent que Joseph fût assez proche, puis le plus grand du groupe pointa son arme sur lui et l’interpella.
« – Votre arme et le but de votre venue.
– Je ne suis pas armé. Je cherche juste un endroit où loger cette nuit.
– Restez sur place et laissez vos mains en évidence.
Ils approchèrent et fouillèrent minutieusement Joseph.
– Bien, vous pouvez passer. Sixième bâtiment sur votre droite. Entrez sans frapper. »
Joseph s’écarta et avança vers le bâtiment indiqué. Les gardes l’observèrent jusqu’à ce qu’il y fût entré.
À l’intérieur, un petit corridor débouchait sur une pièce mal éclairée. Sur la gauche, des escaliers menaient aux étages supérieurs. Au centre, un comptoir avait été improvisé derrière lequel un vieil homme ridé et grisonnant était assis et plongé dans la lecture du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley. Ce n’est seulement que lorsque Joseph atteignit le comptoir que l’homme posa le livre sur la table et se tourna vers lui en souriant.
« – Vous désirez ?
– Une chambre pour une seule nuit. N’importe laquelle me convient et votre prix sera le mien.
Le vieil homme inspecta Joseph et rit un bon coup.
– Voilà qui est bien dit, jeune homme ! C’est que si tous nos visiteurs étaient comme vous, je pourrais me permettre quelques extras. Et soit dit entre nous, à l’époque où nous vivons ce ne serait pas de refus.
L’aubergiste lui fit un clin d’œil mais Joseph se contenta de le fixer.
– Heureusement pour vous, ajouta-il, ce n’est pas le genre de la maison. Ce sera donc le prix habituel, pour une seule nuit très bien. Puisque vous n’êtes pas difficile, la chambre N°4 du deuxième étage qui s’est libérée la nuit dernière devrait je pense vous convenir. Vous faut-il autre chose tant qu’on y est ?
– Oui. Il me faudrait, si possible prête pour demain matin, une voiture en bon état avec trois bidons d’essence supplémentaires en vue d’un long voyage.
Sur ces paroles, le vieil homme perdit son sourire. Il fronça les sourcils et prit un ton plus méfiant.
– Très peu de voitures sont disponibles en ce moment vous savez, et celles qui le sont nous sont très utiles. Je ne dis pas que ce sera impossible à obtenir, mais je vous préviens déjà qu’il faudra y mettre le prix. Je vais voir ce que je peux faire pour vous. Juste une petite question si vous le permettez. C’est que vous semblez bien pressé et déterminé dites-moi… Où comptez-vous vous rendre si je réussissais à vous en trouver une ?
Joseph hésita quelques instants.
– A la Cité. J’ai des choses à y faire qui me sont personnelles.
L’aubergiste s’étonna et scruta attentivement Joseph.
– A la Cité vous dites ? Ou bien vous êtes fou et inconscient, ou bien vous n’écoutez plus la radio depuis le mois dernier. La Cité et ses alentours sont placés en quarantaine. Ordre de l’armée. On ne sait pas vraiment ce qu’il s’y passe mais je gage que ce n’est pas beau à voir. Je peux vous assurer que s’en approcher est pratiquement impossible à l’heure actuelle, aussi loin sommes-nous d’elle dans cette région-ci ; et d’après les infos qui me sont parvenues, il paraîtrait que la quitter une fois à l’intérieur l’est plus encore. En tout état de cause mon bon ami, votre entreprise est une pure folie. Si vous voulez mon avis, il me semble que plus on s’en tient éloignés en ce moment, mieux ça vaut pour chacun de nous.
Joseph ne répondit pas à l’aubergiste et continua de le fixer de manière impassible. Les deux hommes se regardèrent un bon moment sans parler. On entendait seulement les aboiements des bêtes qui s’amplifiaient à l’extérieur. Enfin, le vieil homme soupira et finit par rompre le silence.
– Au moins je vous aurai prévenu. Si vous êtes toujours décidé demain matin, rendez-vous à six heures ici-même, il se peut que j’aie quelque chose pour vous. Voici les clés de votre chambre. Vous me la réglerez demain. Bonne nuit à vous. »
Joseph prit les clés, remercia l’aubergiste et monta les escaliers. Le vieil homme resta longtemps l’air songeur à contempler la couverture du livre étendu sur le comptoir. Enfin il se calma et reprit le roman où il l’avait laissé.
Dehors, le fracas du tonnerre et le clapotement des premières gouttes de pluie sur l'asphalte et l'acier se mêlèrent bientôt au grognement des animaux.
Il fallut un long moment avant que Joseph ne se décidât à rabattre les tentures ; il resta encore quelques instants le visage sombre et tendu à contempler la jeune femme, puis s’en alla discrètement de la chambre en refermant avec précaution la porte derrière lui. Il descendit les escaliers, se dirigea d’un pas lent mais ferme vers la porte d’entrée, endossa un épais manteau et sortit de la maison.
Le soir, glacial et silencieux en ce début d’hiver, promenait son ombre sur la rue désertée qui se perdait au loin. La lumière jaunâtre des réverbères disposés à intervalle régulier le long du trottoir formait une série de grands cercles symétriques, qui, mélangée avec l’humidité ambiante et un brouillard naissant, donnait au paysage l’aspect d’une peinture cubiste que contempla Joseph sur le pas de la porte. Prenant soudain conscience de l’air froid qui s’immisçait dans son corps, il s’emmitoufla soigneusement dans son manteau, se mit en marche et disparut très vite quelques réverbères plus loin, absorbé par le brouillard.
Joseph marcha pendant deux heures, peut-être trois, lorsque la fatigue et le picotement du vent commencèrent à lui devenir pénibles. À peine croisa-t-il sur son chemin quelques chats errants ainsi qu’un renard affamé qui l'ignora, occupé qu’il était au pied d’un chêne touffu à frotter la terre avec vigueur pour dénicher de la nourriture. Les maisons se faisaient rares le long de la route, délabrées et toutes d’apparence inhabitées ; pas une voiture ou le son d’un moteur ne vint gêner le silence de la nuit, que seul perturbait le bruit faible et métronome de ses pas sur l’asphalte. Les arbres de part et d’autre de la route se densifiaient au fil du temps, masquaient une grande partie du ciel, au sein duquel on pouvait tout de même encore distinguer de sombres nuages s’amonceler.
Enfin, Joseph atteignit une zone plus large et dégagée. Devant lui, la route se séparait en deux segments : le principal continuait droit vers une immense masse sombre qui semblait être celle d’une forêt ; l’autre plus étroit virait vers l’Ouest en direction d’un amas de bâtiments éclairés situé à un kilomètre au plus du lieu où se tenait Joseph. Il se dirigea vers ce dernier tout en pressant le pas.
Très vite, il arriva près de l’entrée d’un grand complexe. À sa droite, un champ de maïs laissé à l’abandon se prolongeait vers l’Est jusqu’à la lisière de la forêt. À son approche, des chiens attachés à un poteau se mirent à aboyer. Quelques individus armés de fusils sortirent du premier bâtiment et le regardèrent. Ils attendirent que Joseph fût assez proche, puis le plus grand du groupe pointa son arme sur lui et l’interpella.
« – Votre arme et le but de votre venue.
– Je ne suis pas armé. Je cherche juste un endroit où loger cette nuit.
– Restez sur place et laissez vos mains en évidence.
Ils approchèrent et fouillèrent minutieusement Joseph.
– Bien, vous pouvez passer. Sixième bâtiment sur votre droite. Entrez sans frapper. »
Joseph s’écarta et avança vers le bâtiment indiqué. Les gardes l’observèrent jusqu’à ce qu’il y fût entré.
À l’intérieur, un petit corridor débouchait sur une pièce mal éclairée. Sur la gauche, des escaliers menaient aux étages supérieurs. Au centre, un comptoir avait été improvisé derrière lequel un vieil homme ridé et grisonnant était assis et plongé dans la lecture du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley. Ce n’est seulement que lorsque Joseph atteignit le comptoir que l’homme posa le livre sur la table et se tourna vers lui en souriant.
« – Vous désirez ?
– Une chambre pour une seule nuit. N’importe laquelle me convient et votre prix sera le mien.
Le vieil homme inspecta Joseph et rit un bon coup.
– Voilà qui est bien dit, jeune homme ! C’est que si tous nos visiteurs étaient comme vous, je pourrais me permettre quelques extras. Et soit dit entre nous, à l’époque où nous vivons ce ne serait pas de refus.
L’aubergiste lui fit un clin d’œil mais Joseph se contenta de le fixer.
– Heureusement pour vous, ajouta-il, ce n’est pas le genre de la maison. Ce sera donc le prix habituel, pour une seule nuit très bien. Puisque vous n’êtes pas difficile, la chambre N°4 du deuxième étage qui s’est libérée la nuit dernière devrait je pense vous convenir. Vous faut-il autre chose tant qu’on y est ?
– Oui. Il me faudrait, si possible prête pour demain matin, une voiture en bon état avec trois bidons d’essence supplémentaires en vue d’un long voyage.
Sur ces paroles, le vieil homme perdit son sourire. Il fronça les sourcils et prit un ton plus méfiant.
– Très peu de voitures sont disponibles en ce moment vous savez, et celles qui le sont nous sont très utiles. Je ne dis pas que ce sera impossible à obtenir, mais je vous préviens déjà qu’il faudra y mettre le prix. Je vais voir ce que je peux faire pour vous. Juste une petite question si vous le permettez. C’est que vous semblez bien pressé et déterminé dites-moi… Où comptez-vous vous rendre si je réussissais à vous en trouver une ?
Joseph hésita quelques instants.
– A la Cité. J’ai des choses à y faire qui me sont personnelles.
L’aubergiste s’étonna et scruta attentivement Joseph.
– A la Cité vous dites ? Ou bien vous êtes fou et inconscient, ou bien vous n’écoutez plus la radio depuis le mois dernier. La Cité et ses alentours sont placés en quarantaine. Ordre de l’armée. On ne sait pas vraiment ce qu’il s’y passe mais je gage que ce n’est pas beau à voir. Je peux vous assurer que s’en approcher est pratiquement impossible à l’heure actuelle, aussi loin sommes-nous d’elle dans cette région-ci ; et d’après les infos qui me sont parvenues, il paraîtrait que la quitter une fois à l’intérieur l’est plus encore. En tout état de cause mon bon ami, votre entreprise est une pure folie. Si vous voulez mon avis, il me semble que plus on s’en tient éloignés en ce moment, mieux ça vaut pour chacun de nous.
Joseph ne répondit pas à l’aubergiste et continua de le fixer de manière impassible. Les deux hommes se regardèrent un bon moment sans parler. On entendait seulement les aboiements des bêtes qui s’amplifiaient à l’extérieur. Enfin, le vieil homme soupira et finit par rompre le silence.
– Au moins je vous aurai prévenu. Si vous êtes toujours décidé demain matin, rendez-vous à six heures ici-même, il se peut que j’aie quelque chose pour vous. Voici les clés de votre chambre. Vous me la réglerez demain. Bonne nuit à vous. »
Joseph prit les clés, remercia l’aubergiste et monta les escaliers. Le vieil homme resta longtemps l’air songeur à contempler la couverture du livre étendu sur le comptoir. Enfin il se calma et reprit le roman où il l’avait laissé.
Dehors, le fracas du tonnerre et le clapotement des premières gouttes de pluie sur l'asphalte et l'acier se mêlèrent bientôt au grognement des animaux.
Jean- Nombre de messages : 162
Age : 35
Localisation : dans un pays qu'On ne gouverne pas.
Date d'inscription : 08/05/2010
Re: À la Cité des anges
J’ai eu un petit peu de mal à entrer dedans en lisant les premiers paragraphes. En revanche dès l’arrivée au grand complexe je n’ai plus lâché, de plus en plus accrochée. Je trouve que c’est un bon début, avec la juste dose de mystère et une écriture agréable à lire. Je suis cliente pour la suite en épisodes.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: À la Cité des anges
L'écriture me plaît, ample et souple, l'intrigue est ... intrigante ! Il y a d'ores et déjà une atmosphère et on a d'emblée quelque idée du personnage central.
Un bon début, je trouve.
Un bon début, je trouve.
Invité- Invité
Re: À la Cité des anges
coline Dé a écrit:L'écriture me plaît, ample et souple,
Hi hi, Coline, une écriture ample et souple, ne serait-ce pas le synonyme de "fluide" ?
Personnellement, je trouve que c'est une très bonne entrée en matière. Pour le style, un déroulé lent, avec de belles images poétiques. Attention tout de même à la longueur des phrases, cela peut nuire au rythme et à la longue finir par ennuyer. Par exemple, deux ou trois phrases du début pourraient être scindées en deux. Tu gagnerais en dynamisme, à mon avis.
Sinon, j'ai trouvé que le dialogue est un petit peu trop littéraire, pas assez oral, j'ai un peu de mal à imaginer un aubergiste parlant ainsi.
Mais bon, l'intrigue, le personnage, l'atmosphère et l'histoire sont plantées, on entre facilement dans ce récit. C'est donc pour moi une réussite. J'attends la suite avec impatience
Invité- Invité
Re: À la Cité des anges
vincent M. a écrit:coline Dé a écrit:L'écriture me plaît, ample et souple,
Mais bon, l'intrigue, le personnage, l'atmosphère et l'histoire sont plantées, on entre facilement dans ce récit. C'est donc pour moi une réussite. J'attends la suite avec impatience
Je rectifie. Les dialogues sont très bons. J'avais lu ce texte hier et ne l'ai pas relu aujourd'hui, j'ai écrit mon commentaire par rapport à mon souvenir, et je me suis trompé. Je viens de relire et en fait, ça fonctionne très bien : je ne sais pas pourquoi j'avais le souvenir d'un dialogue pas très vivant... Désolé
Invité- Invité
Re: À la Cité des anges
Un début bien mystérieux qui donne envie d'en savoir plus .
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: À la Cité des anges
Un bon début, outre le fait que la tirade de l'aubergiste à un inconnu me semble peu crédible ...
J'apprécie énormément le soin apporté à l'écriture.
Un petite erreur de langue ici, une redondance : Ce n’est seulement que lorsque Joseph atteignit le comptoir que l’homme posa le livre sur la table et se tourna vers lui en souriant.
, "C'est seulement lorsque..." ou "Ce n'est que lorsque..."
J'apprécie énormément le soin apporté à l'écriture.
Un petite erreur de langue ici, une redondance : Ce n’est seulement que lorsque Joseph atteignit le comptoir que l’homme posa le livre sur la table et se tourna vers lui en souriant.
, "C'est seulement lorsque..." ou "Ce n'est que lorsque..."
Invité- Invité
Re: À la Cité des anges
Merci à tous pour vos commentaires ! Je prends note des erreurs et des remarques concernant le dialogue (même quand elles varient d'un jour à l'autre pour un même individu :-)) et au-delà de ça je suis très content que ce début d'histoire vous plaise à l'unanimité. J'avais prévu un chapitre par semaine, mais comme je viens ce matin de finaliser mon second chapitre et que je ne vois pas trop comment le retravailler pour l'instant, autant le poster déjà maintenant pour ne pas que l'histoire se dilue trop. Par contre, vous pouvez prendre tout votre temps pour le commenter car je ne pense pas que le troisième soit pour bientôt. Encore merci et bonne lecture (j'espère) !
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Chapitre II : Proposition et rencontre avec une baleine blanche
Notre voyage commence par un adieu : les jambes tremblent un peu, la poitrine respire fort, les bras s’agitent nerveusement, les mains caressent une peau moite, le visage se crispe, les yeux tentent un sourire… mais ce dernier sonne faux. On attend, on s’impatiente ; on parle, on touche, on imagine ; le pouls qui s’accélère, les minutes qui se traînent : on hésite à faire le premier pas vers notre éloignement. Les lèvres murmurent un long silence, on se résigne, on fait ce signe qui ne trompe pas ; le corps finit par se tourner, on se met en marche. Peu à peu de la distance se crée autour de nous, l’espace se trouble, la lumière s’éteint en un instant ; il ne reste qu’une place vide, juste là tout près si près, que jamais rien ne comblera.
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Au dehors, le ciel, comme une sainte en deuil, pleura toute la nuit. Un orage lourd et gras s’abattit sur la région ; l’eau, mêlée au brouillard et à la lumière des néons disposés autour des bâtiments, s’infiltra partout, jaune et froide et surréelle. On aurait pu croire que, sous l’effet de la pluie et du brouillard confondus, tout le décor était en train de s’évanouir, et proche à se disloquer au gré du vent ; que la peinture dont était composé ce tableau monumental se liquéfiait lentement, heure après heure, pour, tôt ou tard, se voir emportée sous les flots de sa propre substance. Bientôt pourtant, après une nuit de pluie intense, l’orage finit par se calmer : les nuages se firent moins denses et une pluie fine tomba sur la contrée. Les néons s’éteignirent dans un même mouvement, tandis qu’à l’Est, les premières lueurs d’un soleil gris transperçaient le ciel à l’horizon.
Joseph, à cause du peu qu’il eut dormi cette nuit-là, se sentait affreusement mal ; son teint était pâle, ses joues creusées, ses yeux cernés, et il avait une faim atroce. A six heures moins cinq il s’habilla vite fait, prit les clés posées sur la table de chevet, sortit en fermant la porte à double tour, puis il descendit les escaliers et déboucha dans la salle d’accueil.
L’aubergiste ne s’y trouvait pas. Assis sur le comptoir à quelques pas de lui, le petit bouddha d’Huxley, sans cesse à méditer dans son éprouvette, le regardait d’un air indifférent. Joseph s’appuya contre le mur et attendit.
Très vite, des pas se firent entendre à l’extérieur et la porte d’entrée s’ouvrit à la volée.
– « Ah, jeune homme ! Vous êtes ponctuel dites-moi. Très bien, veuillez me suivre s’il vous plait. J’ai parlé cette nuit de votre cas au capitaine et il aimerait beaucoup s’entretenir avec vous.
Joseph tendit les clés à l’aubergiste.
– Oh, vous pouvez les poser sur le comptoir, ça ira. Et concernant le loyer, m’est avis que vous n’aurez rien à me régler, mais nous verrons cela plus tard. Par contre, permettez-moi de vous dire que vous vous trouvez dans un sale état mon bon monsieur. Je vais demander à Frank de vous préparer un déjeuner. Le capitaine nous attend justement dans les cuisines. Mais suivez-moi je vous prie ! »
Joseph remercia le vieil homme et sortit à sa suite du bâtiment.
Ils marchèrent en silence, et longeant les façades en acier qui se succédaient sur leur droite pour se protéger de la pluie qui tombait averse. Ils arrivèrent finalement au sein d’une zone plus large. Joseph distingua alors deux grands hangars qu’il n’avait pas remarqués la nuit dernière. Arrivés devant le premier des deux, qui était aussi le plus petit, le vieil homme poussa une lourde porte d’acier et invita Joseph à le suivre à l’intérieur. Ce qu’il y vit et entendit l’étonna énormément.
Un brouhaha immense émana du hangar dès que l’aubergiste avait ouvert la porte, dû à la présence d’une bonne trentaine de personnes qui causaient et riaient autour de trois longues tables, disposées en parallèle sur toute l’étendue de la pièce. Tout au fond, une grande cuisine ainsi qu’un buffet avaient été arrangés à la va vite, derrière lesquels s’afféraient quelques cuistots. L’aubergiste emmena Joseph auprès d’un groupe qui discutait à l’écart, et il s’adressa à un homme d’une stature impressionnante.
– « Voici le jeune homme d’hier soir, capitaine. Je vais de ce pas voir Frank pour lui dire de s’occuper de notre hôte, ensuite je me rendrai auprès de la petite pour l’arranger un peu. Sauf imprévu, elle sera certainement prête d’ici un jour ou deux. Si je peux faire encore quelque chose pour vous...
L’homme lui dit que non et il le remercia. Il ordonna ensuite aux personnes à ses côtés d’aller vérifier l’état de son poussin, puis il se tourna vers Joseph et le dévisagea quelques instants. Il se mit tout à coup à rire et lui tendit une main de géant.
– Bonjour à vous ! J’espère que vous me pardonnerez mon accueil d’hier soir. Mes éclaireurs m’avaient signalé des mouvements suspects dans la forêt, et vous comprendrez que je me dois d’être vigilant pour le bien de mon groupe. Nous travaillons depuis plus d’une année sur ma chérie et nous en arrivons maintenant aux dernières touches de finition. Autant vous dire que tout le monde est assez tendu et excité. Mais plutôt que de rester ainsi, que dites-vous si on allait s’asseoir pour parler plus calmement ? De plus, je me sens affamé, et à voir votre apparence je crois que vous l’êtes aussi. Frank est un vrai cordon bleu, il va nous concocter un de ses plats dont vous me direz des nouvelles. »
Il lui sourit, et avant que Joseph ait eu le temps de réagir, il lui passa un de ses larges bras autour de la taille, puis le mena en direction de deux places encore libres situées à l’extrémité de la table centrale.
Une fois assis, la première chose que fit Joseph fut de faire part au capitaine de son étonnement et de lui demander comment il se faisait que depuis l’extérieur on n’entendait absolument rien de l’insupportable chahut qui régnait dans le hangar. Le capitaine afficha un grand sourire et il lui répondit :
– « Je constate que vous avez l’oreille jeune homme ! Pour tout vous dire, ces hangars sont conçus avec une isolation phonique très particulière ; je me suis moi-même chargé de leur conception, il va donc de soi que vous n’en trouverez aucune de plus fiable dans la région. Il n’y a peut-être qu’à la Cité où quelques-uns de mes anciens collègues seraient capables d’égaler les miennes. – Il continua de sourire, puis soudainement pencha sa grosse tête vers Joseph et prit un ton plus grave. – Et c’est une chance voyez-vous ! Faire preuve de discrétion est tout à fait capital où nous nous trouvons, il ne faudrait surtout pas encourir le moindre risque d’être inquiétés pendant que nous bossons à nos petits projets. Mais ça, je suppose que je ne vous apprendrai rien...
Il releva alors la tête aussi vite qu’il avait baissée et se mit à rire si bruyamment que de nombreux regards se tournèrent vers lui. Il continua :
– Je pourrais vous en dire plus, mais avant j’ai une petite question. D’après le rapport du vieux Tom, il paraîtrait que vous comptez vous rendre à la Cité ; hélas, le pauvre homme passe sans doute trop de temps dans ses bouquins pour avoir encore les idées claires... Il ne déraillait donc pas dites-moi ?
Joseph lui fit signe que le vieux avait raison.
– Eh bien eh bien, voilà qui est plus que curieux à une période où la plupart des gens tentent plutôt de la fuir à tout prix. Bien entendu, je ne me permettrais pas de vous en demander les raisons ; toujours est-il que lorsque Tom m’en a fait part, vous m’avez intéressé et je lui ai demandé à ce qu’il vous traite spécialement bien. C’est que voyez-vous… – Il fit une pause comme pour chercher ses mots. – C’est que voyez-vous je me suis fait pas mal d’ennemis ces dernières années, ennemis qui sont plutôt du genre à ne pas vouloir que quiconque s’approche de la Cité. Bien sûr, cela ne m’a pas empêché de tenter le coup. Aussi, il faut que vous me croyez sur parole lorsque je vous dis que si moi, le capitaine, je ne suis pas parvenu ces dix dernières années à m’en approcher à moins de cent kilomètres sans avoir de sérieux ennuis en retour, il me paraît très peu probable – ce qui signifie impossible, entendons-nous bien, – que vous-même aujourd’hui parveniez à y accéder sans encourir très vite une mort certaine. D’autant que comme vous devez le savoir elle est officiellement en quarantaine depuis un mois…
Le capitaine s’arrêta alors de parler et attendit que Joseph répondît quelque chose. Mais comme ce dernier resta de marbre, il continua :
– Bref. Si c’est une voiture que vous cherchez, je vous avoue tout de suite qu’il n’y en a aucune de disponible vu qu’elles sont toutes en maintenance depuis un certain temps. Peut-être que ça changera dans une semaine si vous vous montrez patient. Par contre, pour l’essence ça va être plus délicat… Nous sommes justement quasi en rupture de stock et je ne crois pas en obtenir ces prochains jours. Et même si j'acceptais de me séparer de mettons deux ou trois bidons, autant vous prévenir que vous n’irez pas bien loin avec cela avant de tomber à sec. Par contre, si vous le souhaitez je peux vous proposer un arrangement. Demain ou après-demain, moi et une grande partie de mon groupe comptons nous rendre à la ville de Stel pour y faire quelques achats. Si vous acceptez d’embarquer avec nous, vous pourrez peut-être y dénicher ce que vous cherchez. Entre-temps je vous trouverai une ou deux occupations utiles pas bien méchantes et on conviendra ensuite que nous sommes quittes. Qu’en dites-vous ?
– Nous rendre à Stel ? Ce n’est pas la porte à côté. Or vous venez de dire que vous n’avez aucune voiture de disponible.
– En effet, nous n'irons à l'aide que seul véhicule.
– Trente personnes dans un seul véhicule ?
– Oh non ! Rassurez-vous, cela est impossible. Et puis, il faut bien que quelques hommes restent sur place pour veiller au complexe. En fait, nous ne serons tout au plus qu’une petite vingtaine…
Le capitaine afficha alors un grand sourire. Joseph voulut répliquer mais à ce moment-là un petit gaillard, la peau mate et le visage amical, vint auprès d’eux avec de grandes assiettes.
– Salut Frank ! Qu’as-tu préparé de bon ce matin ? Je meurs de faim. Que dites-vous jeune homme qu’on remette cette discussion à plus tard et qu'on avale tout ça ? J’aimerais vous montrer quelque chose quand nous aurons fini. Et par la suite vous aurez tout le temps de réfléchir à ma proposition. »
Joseph accepta volontiers et ils mangèrent tout deux avec grand appétit. Une fois qu’ils furent bien rassasié, le capitaine convia Joseph à se lever et ils sortirent ensemble des cuisines.
Dehors, la pluie avait cessé depuis très peu de temps. Un soleil rouge commençait à se dévoiler haut dans le ciel et promenait paresseusement ses rayons sur le complexe et ses alentours. Les deux hommes se dirigèrent vers le second hangar et le capitaine fit signe à Joseph de pénétrer en premier à l’intérieur. Il ouvrit la porte, et lorsqu’il entra Joseph ne put s’empêcher un sursaut d’étonnement.
Prenant presque la totalité de l’espace que dispose le hangar, ce qui semblait être un énorme char d’assaut longiligne, ou un avion de commerce sans ailerons, ou un navire monté sur chaînes à la forme anguleuse et baroque, au teint composé d’un mélange de gris et de vert, trônait majestueusement la face tournée vers les deux hommes et rugissait dans un bruit de métal.
– « Monstrueux, s’exclama Joseph.
– Elle est magnifique, n’est-ce pas ? s’émut le capitaine. Une vraie merveille. Le vieux Tom nous a même déniché un nom de baptême. Très cher, laissez-moi vous présenter ma Moby Dick. »
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Au dehors, le ciel, comme une sainte en deuil, pleura toute la nuit. Un orage lourd et gras s’abattit sur la région ; l’eau, mêlée au brouillard et à la lumière des néons disposés autour des bâtiments, s’infiltra partout, jaune et froide et surréelle. On aurait pu croire que, sous l’effet de la pluie et du brouillard confondus, tout le décor était en train de s’évanouir, et proche à se disloquer au gré du vent ; que la peinture dont était composé ce tableau monumental se liquéfiait lentement, heure après heure, pour, tôt ou tard, se voir emportée sous les flots de sa propre substance. Bientôt pourtant, après une nuit de pluie intense, l’orage finit par se calmer : les nuages se firent moins denses et une pluie fine tomba sur la contrée. Les néons s’éteignirent dans un même mouvement, tandis qu’à l’Est, les premières lueurs d’un soleil gris transperçaient le ciel à l’horizon.
Joseph, à cause du peu qu’il eut dormi cette nuit-là, se sentait affreusement mal ; son teint était pâle, ses joues creusées, ses yeux cernés, et il avait une faim atroce. A six heures moins cinq il s’habilla vite fait, prit les clés posées sur la table de chevet, sortit en fermant la porte à double tour, puis il descendit les escaliers et déboucha dans la salle d’accueil.
L’aubergiste ne s’y trouvait pas. Assis sur le comptoir à quelques pas de lui, le petit bouddha d’Huxley, sans cesse à méditer dans son éprouvette, le regardait d’un air indifférent. Joseph s’appuya contre le mur et attendit.
Très vite, des pas se firent entendre à l’extérieur et la porte d’entrée s’ouvrit à la volée.
– « Ah, jeune homme ! Vous êtes ponctuel dites-moi. Très bien, veuillez me suivre s’il vous plait. J’ai parlé cette nuit de votre cas au capitaine et il aimerait beaucoup s’entretenir avec vous.
Joseph tendit les clés à l’aubergiste.
– Oh, vous pouvez les poser sur le comptoir, ça ira. Et concernant le loyer, m’est avis que vous n’aurez rien à me régler, mais nous verrons cela plus tard. Par contre, permettez-moi de vous dire que vous vous trouvez dans un sale état mon bon monsieur. Je vais demander à Frank de vous préparer un déjeuner. Le capitaine nous attend justement dans les cuisines. Mais suivez-moi je vous prie ! »
Joseph remercia le vieil homme et sortit à sa suite du bâtiment.
Ils marchèrent en silence, et longeant les façades en acier qui se succédaient sur leur droite pour se protéger de la pluie qui tombait averse. Ils arrivèrent finalement au sein d’une zone plus large. Joseph distingua alors deux grands hangars qu’il n’avait pas remarqués la nuit dernière. Arrivés devant le premier des deux, qui était aussi le plus petit, le vieil homme poussa une lourde porte d’acier et invita Joseph à le suivre à l’intérieur. Ce qu’il y vit et entendit l’étonna énormément.
Un brouhaha immense émana du hangar dès que l’aubergiste avait ouvert la porte, dû à la présence d’une bonne trentaine de personnes qui causaient et riaient autour de trois longues tables, disposées en parallèle sur toute l’étendue de la pièce. Tout au fond, une grande cuisine ainsi qu’un buffet avaient été arrangés à la va vite, derrière lesquels s’afféraient quelques cuistots. L’aubergiste emmena Joseph auprès d’un groupe qui discutait à l’écart, et il s’adressa à un homme d’une stature impressionnante.
– « Voici le jeune homme d’hier soir, capitaine. Je vais de ce pas voir Frank pour lui dire de s’occuper de notre hôte, ensuite je me rendrai auprès de la petite pour l’arranger un peu. Sauf imprévu, elle sera certainement prête d’ici un jour ou deux. Si je peux faire encore quelque chose pour vous...
L’homme lui dit que non et il le remercia. Il ordonna ensuite aux personnes à ses côtés d’aller vérifier l’état de son poussin, puis il se tourna vers Joseph et le dévisagea quelques instants. Il se mit tout à coup à rire et lui tendit une main de géant.
– Bonjour à vous ! J’espère que vous me pardonnerez mon accueil d’hier soir. Mes éclaireurs m’avaient signalé des mouvements suspects dans la forêt, et vous comprendrez que je me dois d’être vigilant pour le bien de mon groupe. Nous travaillons depuis plus d’une année sur ma chérie et nous en arrivons maintenant aux dernières touches de finition. Autant vous dire que tout le monde est assez tendu et excité. Mais plutôt que de rester ainsi, que dites-vous si on allait s’asseoir pour parler plus calmement ? De plus, je me sens affamé, et à voir votre apparence je crois que vous l’êtes aussi. Frank est un vrai cordon bleu, il va nous concocter un de ses plats dont vous me direz des nouvelles. »
Il lui sourit, et avant que Joseph ait eu le temps de réagir, il lui passa un de ses larges bras autour de la taille, puis le mena en direction de deux places encore libres situées à l’extrémité de la table centrale.
Une fois assis, la première chose que fit Joseph fut de faire part au capitaine de son étonnement et de lui demander comment il se faisait que depuis l’extérieur on n’entendait absolument rien de l’insupportable chahut qui régnait dans le hangar. Le capitaine afficha un grand sourire et il lui répondit :
– « Je constate que vous avez l’oreille jeune homme ! Pour tout vous dire, ces hangars sont conçus avec une isolation phonique très particulière ; je me suis moi-même chargé de leur conception, il va donc de soi que vous n’en trouverez aucune de plus fiable dans la région. Il n’y a peut-être qu’à la Cité où quelques-uns de mes anciens collègues seraient capables d’égaler les miennes. – Il continua de sourire, puis soudainement pencha sa grosse tête vers Joseph et prit un ton plus grave. – Et c’est une chance voyez-vous ! Faire preuve de discrétion est tout à fait capital où nous nous trouvons, il ne faudrait surtout pas encourir le moindre risque d’être inquiétés pendant que nous bossons à nos petits projets. Mais ça, je suppose que je ne vous apprendrai rien...
Il releva alors la tête aussi vite qu’il avait baissée et se mit à rire si bruyamment que de nombreux regards se tournèrent vers lui. Il continua :
– Je pourrais vous en dire plus, mais avant j’ai une petite question. D’après le rapport du vieux Tom, il paraîtrait que vous comptez vous rendre à la Cité ; hélas, le pauvre homme passe sans doute trop de temps dans ses bouquins pour avoir encore les idées claires... Il ne déraillait donc pas dites-moi ?
Joseph lui fit signe que le vieux avait raison.
– Eh bien eh bien, voilà qui est plus que curieux à une période où la plupart des gens tentent plutôt de la fuir à tout prix. Bien entendu, je ne me permettrais pas de vous en demander les raisons ; toujours est-il que lorsque Tom m’en a fait part, vous m’avez intéressé et je lui ai demandé à ce qu’il vous traite spécialement bien. C’est que voyez-vous… – Il fit une pause comme pour chercher ses mots. – C’est que voyez-vous je me suis fait pas mal d’ennemis ces dernières années, ennemis qui sont plutôt du genre à ne pas vouloir que quiconque s’approche de la Cité. Bien sûr, cela ne m’a pas empêché de tenter le coup. Aussi, il faut que vous me croyez sur parole lorsque je vous dis que si moi, le capitaine, je ne suis pas parvenu ces dix dernières années à m’en approcher à moins de cent kilomètres sans avoir de sérieux ennuis en retour, il me paraît très peu probable – ce qui signifie impossible, entendons-nous bien, – que vous-même aujourd’hui parveniez à y accéder sans encourir très vite une mort certaine. D’autant que comme vous devez le savoir elle est officiellement en quarantaine depuis un mois…
Le capitaine s’arrêta alors de parler et attendit que Joseph répondît quelque chose. Mais comme ce dernier resta de marbre, il continua :
– Bref. Si c’est une voiture que vous cherchez, je vous avoue tout de suite qu’il n’y en a aucune de disponible vu qu’elles sont toutes en maintenance depuis un certain temps. Peut-être que ça changera dans une semaine si vous vous montrez patient. Par contre, pour l’essence ça va être plus délicat… Nous sommes justement quasi en rupture de stock et je ne crois pas en obtenir ces prochains jours. Et même si j'acceptais de me séparer de mettons deux ou trois bidons, autant vous prévenir que vous n’irez pas bien loin avec cela avant de tomber à sec. Par contre, si vous le souhaitez je peux vous proposer un arrangement. Demain ou après-demain, moi et une grande partie de mon groupe comptons nous rendre à la ville de Stel pour y faire quelques achats. Si vous acceptez d’embarquer avec nous, vous pourrez peut-être y dénicher ce que vous cherchez. Entre-temps je vous trouverai une ou deux occupations utiles pas bien méchantes et on conviendra ensuite que nous sommes quittes. Qu’en dites-vous ?
– Nous rendre à Stel ? Ce n’est pas la porte à côté. Or vous venez de dire que vous n’avez aucune voiture de disponible.
– En effet, nous n'irons à l'aide que seul véhicule.
– Trente personnes dans un seul véhicule ?
– Oh non ! Rassurez-vous, cela est impossible. Et puis, il faut bien que quelques hommes restent sur place pour veiller au complexe. En fait, nous ne serons tout au plus qu’une petite vingtaine…
Le capitaine afficha alors un grand sourire. Joseph voulut répliquer mais à ce moment-là un petit gaillard, la peau mate et le visage amical, vint auprès d’eux avec de grandes assiettes.
– Salut Frank ! Qu’as-tu préparé de bon ce matin ? Je meurs de faim. Que dites-vous jeune homme qu’on remette cette discussion à plus tard et qu'on avale tout ça ? J’aimerais vous montrer quelque chose quand nous aurons fini. Et par la suite vous aurez tout le temps de réfléchir à ma proposition. »
Joseph accepta volontiers et ils mangèrent tout deux avec grand appétit. Une fois qu’ils furent bien rassasié, le capitaine convia Joseph à se lever et ils sortirent ensemble des cuisines.
Dehors, la pluie avait cessé depuis très peu de temps. Un soleil rouge commençait à se dévoiler haut dans le ciel et promenait paresseusement ses rayons sur le complexe et ses alentours. Les deux hommes se dirigèrent vers le second hangar et le capitaine fit signe à Joseph de pénétrer en premier à l’intérieur. Il ouvrit la porte, et lorsqu’il entra Joseph ne put s’empêcher un sursaut d’étonnement.
Prenant presque la totalité de l’espace que dispose le hangar, ce qui semblait être un énorme char d’assaut longiligne, ou un avion de commerce sans ailerons, ou un navire monté sur chaînes à la forme anguleuse et baroque, au teint composé d’un mélange de gris et de vert, trônait majestueusement la face tournée vers les deux hommes et rugissait dans un bruit de métal.
– « Monstrueux, s’exclama Joseph.
– Elle est magnifique, n’est-ce pas ? s’émut le capitaine. Une vraie merveille. Le vieux Tom nous a même déniché un nom de baptême. Très cher, laissez-moi vous présenter ma Moby Dick. »
Jean- Nombre de messages : 162
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Re: À la Cité des anges
Du mal à m'immerger (intro passive) mais bien lorsque on est dans le bain.
J'ai du mal avec la mise en page, l'espace entre les paragraphes est utilisé seulement lorsqu'il y a rupture de temps ou de lieu, sinon alinéa. Voir ici :
https://vosecrits.1fr1.net/t166-important-a-lire-par-les-nouveaux#252327
Écriture soignée, plaisante, surabondance des que qu'
Bref j'attends la suite et la fin, je mets en page et je me lis tout d'un trait.
J'ai du mal avec la mise en page, l'espace entre les paragraphes est utilisé seulement lorsqu'il y a rupture de temps ou de lieu, sinon alinéa. Voir ici :
https://vosecrits.1fr1.net/t166-important-a-lire-par-les-nouveaux#252327
Écriture soignée, plaisante, surabondance des que qu'
Bref j'attends la suite et la fin, je mets en page et je me lis tout d'un trait.
Yali- Nombre de messages : 8624
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Re: À la Cité des anges
Je trouve aussi des lourdeurs induites par l'emploi du "que". Un exemple typique : Que dites-vous jeune homme qu’on remette cette discussion à plus tard et qu'on avale tout ça ?
Sinon, ok, ça suit. Je me demande quand même bien ce qu'il a de spécial ce Joseph pour bénéficier d'un tel traitement de faveur (sûrement, son souhait de visiter la Cité ne justifie pas tout ?).
Dans le détail :
Ils marchèrent en silence, et longeant les façades en acier qui se succédaient sur leur droite pour se protéger de la pluie qui tombait averse (à verse).
– « Je constate que vous avez l’oreille jeune homme ! (adjectif manquant ?)
vous m’avez intéressé et je lui ai demandé à ce qu’il vous traite spécialement bien. (je lui ai demandé qu'il...)
Aussi, il faut que vous me croyez (croyiez = subjonctif) sur parole lorsque je vous dis que si moi,
– En effet, nous n'irons à l'aide que seul véhicule. (un mot manquant ?)
Une fois qu’ils furent bien rassasiés,
et lorsqu’il entra Joseph ne put s’empêcher un sursaut d’étonnement. (soit : "ne put s'empêcher de sursauter" ; soit " ne put empêcher un sursaut d'étonnement")
Prenant presque la totalité de l’espace que dispose le hangar, ("dont" et pour la concordance des temps : "disposait")
Sinon, ok, ça suit. Je me demande quand même bien ce qu'il a de spécial ce Joseph pour bénéficier d'un tel traitement de faveur (sûrement, son souhait de visiter la Cité ne justifie pas tout ?).
Dans le détail :
Ils marchèrent en silence, et longeant les façades en acier qui se succédaient sur leur droite pour se protéger de la pluie qui tombait averse (à verse).
– « Je constate que vous avez l’oreille jeune homme ! (adjectif manquant ?)
vous m’avez intéressé et je lui ai demandé à ce qu’il vous traite spécialement bien. (je lui ai demandé qu'il...)
Aussi, il faut que vous me croyez (croyiez = subjonctif) sur parole lorsque je vous dis que si moi,
– En effet, nous n'irons à l'aide que seul véhicule. (un mot manquant ?)
Une fois qu’ils furent bien rassasiés,
et lorsqu’il entra Joseph ne put s’empêcher un sursaut d’étonnement. (soit : "ne put s'empêcher de sursauter" ; soit " ne put empêcher un sursaut d'étonnement")
Prenant presque la totalité de l’espace que dispose le hangar, ("dont" et pour la concordance des temps : "disposait")
Invité- Invité
Re: À la Cité des anges
Easter(Island) a écrit:
Sinon, ok, ça suit. Je me demande quand même bien ce qu'il a de spécial ce Joseph pour bénéficier d'un tel traitement de faveur (sûrement, son souhait de visiter la Cité ne justifie pas tout ?).
Eh eh, les gens sont rarement si enclins à aider autrui sans quelque idée cachée derrière la tête. Faudrait pas les croire naïfs sur ce coup-là, même si c'est sans doute la faute au dialogue qui le suggère de trop et de fait doit encore un peu être affiné... Mais bref, j'en dis pas plus. Je m'en voudrais de baisser le voile trop vite à ce sujet. Question d'équilibre : gardons un peu de rebondissements pour le moment propice. :-)
Concernant les fautes, j'avais repéré moi-aussi le "d'un" manquant et le "croyiez" après ma demande de correction, mais pour le reste 'avais zappé ! Donc grand merci à Easter de les avoir signalées.
Et merci aussi à Yali pour le lien. Je ne connaissais pas cette astuce. Aussi, les espaces entre les paragraphes correspondent surtout ici à des pauses pour aérer le texte et laisser le lecteur respirer. Mais maintenant que j'ai lu comment faire les alinéas je m'en servirai pour la suite. :-)
Je note également pour les "que". Vous avez raison, Je vais essayer de moins en abuser dorénavant.
Jean- Nombre de messages : 162
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Date d'inscription : 08/05/2010
Re: À la Cité des anges
Dans l’ensemble j’aime bien, ce chapitre me donne tout autant envie de lire la suite et je le trouve bien dosé entre une part de mystère préservée et de nouvelles informations données. Et je trouve chouette de faire passer la personnalité des personnages dans leur ton, notamment pour le vieil aubergiste et le capitaine. Ça les rend vivants.
Dans le détail y’a des petits trucs qui me chagrinent :
- les intitulés des chapitres : dans les deux cas j’enlèverai bien ce qui se trouve avant le "et" C'est une histoire de goût mais ça fonctionne à mon sens très bien sans, c'est plus fort, plus d'impact.
- des phrases me semblent améliorables, pas beaucoup mais assez pour casser par moment l’écriture d’ensemble plutôt bonne et agréable, et notamment quelques concordances de temps. Quelques exemples.
Joseph, à cause du peu qu’il eut dormi cette nuit-là, se sentait affreusement mal
Ce qu’il y vit et entendit l’étonna énormément. Pas faux mais formule lourde pour moi.
Un brouhaha immense émana du hangar dès que l’aubergiste avait ouvert la porte
il ne faudrait surtout pas encourir le moindre risque
sans encourir très vite une mort certaine, déjà encourir me semble lourd dans le cas du risque et c'est utilisé de manière assez rapproché.
Que dites-vous jeune homme qu’on remette cette discussion à plus tard et qu'on avale tout ça - de remettre et d'avaler ?
- des dialogues un peu bavards par moment, ou un peu longs, je pense que tu pourrais donner les mêmes infos en les raccourcissant un peu et peut-être faire intervenir Joseph aussi, il ne se demande pas qui est la chérie ou le poussin ?
- ça se fait ça entre hommes de prendre un inconnu par la taille ? L’épaule ou le bras ok, la taille j’ai tiqué, mais peut-être…
Dans le détail y’a des petits trucs qui me chagrinent :
- les intitulés des chapitres : dans les deux cas j’enlèverai bien ce qui se trouve avant le "et" C'est une histoire de goût mais ça fonctionne à mon sens très bien sans, c'est plus fort, plus d'impact.
- des phrases me semblent améliorables, pas beaucoup mais assez pour casser par moment l’écriture d’ensemble plutôt bonne et agréable, et notamment quelques concordances de temps. Quelques exemples.
Joseph, à cause du peu qu’il eut dormi cette nuit-là, se sentait affreusement mal
Ce qu’il y vit et entendit l’étonna énormément. Pas faux mais formule lourde pour moi.
Un brouhaha immense émana du hangar dès que l’aubergiste avait ouvert la porte
il ne faudrait surtout pas encourir le moindre risque
sans encourir très vite une mort certaine, déjà encourir me semble lourd dans le cas du risque et c'est utilisé de manière assez rapproché.
Que dites-vous jeune homme qu’on remette cette discussion à plus tard et qu'on avale tout ça - de remettre et d'avaler ?
- des dialogues un peu bavards par moment, ou un peu longs, je pense que tu pourrais donner les mêmes infos en les raccourcissant un peu et peut-être faire intervenir Joseph aussi, il ne se demande pas qui est la chérie ou le poussin ?
- ça se fait ça entre hommes de prendre un inconnu par la taille ? L’épaule ou le bras ok, la taille j’ai tiqué, mais peut-être…
elea- Nombre de messages : 4894
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Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: À la Cité des anges
[quote="Jean"][i]Je prends note des erreurs et des remarques concernant le dialogue (même quand elles varient d'un jour à l'autre pour un même individu :-)) [quote]
-> euh... Je ne sais pas pourquoi j'avais noté au crayon "dialogues trop longs et trop littéraires". Alors j'ai écrit ce que j'avais noté, mais en relisant, je me suis rendu compte que c'était surtout trop longs, mais avec un ton adéquat. Pour ce nouveau chapitre c'est la même chose, les interventions orales me semblent écrites avec un ton correct, mais elles sont trop longues pour faire vrai.
Ce nouveau chapitre -> j'ai beaucoup aimé l'en-tête qui nous parle des départs, et aussi, en général, tes description, très poétiques. A part le soleil rouge qui promène paresseusement ses rayons, là je trouve ça trop lyrique et peu original finalement.
Sinon, on pénètre peu à peu dans l'atmosphère, il y a un bon équilibre entre informations données et suspense, on a effectivement envie de savoir la suite, et on ne s'ennuie pas, donc de ce côté, c'est gagné.
Quelques maladresses à mon avis :
Joseph, à cause du peu qu’il eut dormi cette nuit-là -> qu'il avait dormi, ce serait peut-être mieux, mais tu peux écourter. A cause du manque de sommeil, par exemple.
Arrivés devant le premier des deux, qui était aussi le plus petit -> tu peux faire plus simple : "devant le premier, le plus petit" (en général tu peux simplifier beaucoup de phrases, je trouve, ce qui évitera d'employer les pronoms relatifs à tout bout de champ)
énormément -> terme que personnellement je trouve trop "familier" par rapport au ton de la narration.
Un brouhaha immense -> pareillement, "immense", tu peux trouver mieux que cet adjectif passe-partout.
dès que l’aubergiste avait ouvert la porte, dû à la présence -> construction trop lourde, à mon avis
avant que Joseph ait eu le temps de réagir -> avant que Joseph n'ait eu (ne "explétif"),
il lui passa un de ses larges bras autour de la taille -> ça m'a étonné, passer le bras autour de la taille, mais bon.
la première chose que fit Joseph fut de faire -> euh.... trois fois le verbe "faire", ça ne le "fait" pas, surtout que dans la même phrase tu mets "lui demander comment il se faisait que"
Il releva alors la tête aussi vite qu’il L'avait baissée
Joseph lui fit signe que le vieux avait raison. -> pas très bien formulé, à mon avis
tout deux -> tous deux
de pénétrer en premier à l’intérieur -> pénétrer à l'intérieur, je trouve que c'est un peu comme monter en haut, un pléonasme.
Voilà. Je me suis permis de reprendre tous ces éléments qui m'ont un peu dérangés au niveau stylistique (mais sans doute certains de ces éléments sont discutables, attention !). Il y a certaines phrases qui peuvent être écourtées sans aucun problème. Sinon, j'aime le style et l'histoire pour l'instant, même si on ne sait pas encore très bien où ça va nous mener tout ça. J'attends la suite !
Invité- Invité
A la cité des anges
Bonjour,
J'ai lu les deux chapitres. J'y ressens un certain suspens. C'est pourquoi, j'attends avec plaisir la suite de cette histoire.
Pourtant, j'ai une petite remarque. Il serait intéressant de faire des phrases plus courtes au lieu de les ponctuer de point virgule. La valeur du texte n'en serait pas gâchée bien au contraire. Cela pourrait même donner plus ditensité à votre texte.
Je vous souhaite un bon courage pour la suite.
Que va-t-il se passer ?
J'ai lu les deux chapitres. J'y ressens un certain suspens. C'est pourquoi, j'attends avec plaisir la suite de cette histoire.
Pourtant, j'ai une petite remarque. Il serait intéressant de faire des phrases plus courtes au lieu de les ponctuer de point virgule. La valeur du texte n'en serait pas gâchée bien au contraire. Cela pourrait même donner plus ditensité à votre texte.
Je vous souhaite un bon courage pour la suite.
Que va-t-il se passer ?
RICHARD2- Nombre de messages : 160
Age : 64
Date d'inscription : 27/08/2010
Re: À la Cité des anges
Un bon début et une suite qui l'est tout autant. Le personnage central est intéressant, même si on en sait peu de choses. Tout en étant ainsi abordé d'un point de vue narratif extérieur, tu réussis à lui donner de la consistance et à le faire aimer par le lecteur (enfin, je parle pour moi, bien sûr).
Idem pour l'aubergiste, la Cité, le voile de mystère qui entoure tout cela... c'est habilement dosé et tu ne joues pas avec les pirouettes qui voudraient capter l'attention du lecteur à tout prix. Non, tout s'écoule avec légèreté et fluidité pour construire une histoire aux accents dramatiques; c'est bien vu.
Idem pour l'aubergiste, la Cité, le voile de mystère qui entoure tout cela... c'est habilement dosé et tu ne joues pas avec les pirouettes qui voudraient capter l'attention du lecteur à tout prix. Non, tout s'écoule avec légèreté et fluidité pour construire une histoire aux accents dramatiques; c'est bien vu.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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