Lendemain de fête
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Re: Lendemain de fête
Bonsoir Ombre,
La littérature nous emmène sur un chemin que nous connaissons déjà, d'infimes détails que nous avons oubliés ou d'autres que, comme nous, l'auteur a relevé nous ravissent ... ou bien elle nous conduit à travers un univers qui nous est étranger. Boulevard Charles Monselet, rue Félibien, place Viarmes, rue Mercoeur ... deux fois par jour pour arriver au lycée Jules Verne et grimper quatre à quatre les marches du perron sous l'oeil sévère du proviseur ... ensuite Clem's en prépa, en pension ... peu d'émois ou de souffles d'air tiède sous les blouses blanches mais pas question d'aller en fac dans la déliquescence de ces années d'immédiat après-soixante-huit !
Tout est bon ... Ne rien raccourcir ... Wish you were here, même ce subjonctif infredonnable a une saveur délicieusement surannée ...
Hélas, le Passage Pommeraye a perdu sa Librairie ... Beaufreton, Beaufripon pour ceux qui devaient y vendre leurs manuels scolaires d'occasion ... et en acheter des neufs !
J'attends moi aussi décembre avec impatience, mais nous ne sommes qu'en mai !
Amicalement,
midnightrambler
La littérature nous emmène sur un chemin que nous connaissons déjà, d'infimes détails que nous avons oubliés ou d'autres que, comme nous, l'auteur a relevé nous ravissent ... ou bien elle nous conduit à travers un univers qui nous est étranger. Boulevard Charles Monselet, rue Félibien, place Viarmes, rue Mercoeur ... deux fois par jour pour arriver au lycée Jules Verne et grimper quatre à quatre les marches du perron sous l'oeil sévère du proviseur ... ensuite Clem's en prépa, en pension ... peu d'émois ou de souffles d'air tiède sous les blouses blanches mais pas question d'aller en fac dans la déliquescence de ces années d'immédiat après-soixante-huit !
Tout est bon ... Ne rien raccourcir ... Wish you were here, même ce subjonctif infredonnable a une saveur délicieusement surannée ...
Hélas, le Passage Pommeraye a perdu sa Librairie ... Beaufreton, Beaufripon pour ceux qui devaient y vendre leurs manuels scolaires d'occasion ... et en acheter des neufs !
J'attends moi aussi décembre avec impatience, mais nous ne sommes qu'en mai !
Amicalement,
midnightrambler
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
Age : 71
Localisation : Alpes de Haute-Provence laclefdeschamps66@hotmail.fr
Date d'inscription : 10/01/2010
Suite...
Aujourd’hui ce ne sont plus les souvenirs qui s’imposent à moi, c’est moi qui vais les chercher dans les tréfonds d’une mémoire trop sélective. J’ai décidé de ne plus me laisser faire, de reprendre les choses en main pour ne plus subir les assauts intempestif de mon passé nauséabond. Parce que j’en ai marre d’être malheureuse. Parce que j’aimerais bien de nouveau être en mesure de donner. J’aimerais enfin pouvoir arrêter de me regarder le nombril et de me morfondre sur le-grand-méchant-qui-a-fait-de-ma-vie-un-chant-de ruine. Et pour ça j’ai besoin d’arrêter de me mentir. Mais merde… mes souvenirs restent bloqués sur cette rencontre, comme si je ne pouvais avancer. Je me rends compte en fouillant ma mémoire et en examinant chaque souvenir au microscope à quel point j’ai été bête, naïve à en pleurer... Tout ça crevait les yeux, tous ces signaux que j’ai refusé de voir. Quelle conne... La jeunesse et son océan de possibilité. Mais quelle blague ! Et je n’arrive pas à avancer. La rencontre. Les premiers mois tournent en boucle dans ma tête. La suite est sans doute trop douloureuse, trop honteuse… J’avais grandi dans un petit univers protégé, je n’avais rien vu du monde. Je m’imaginais anticonformiste et pourtant j’avais cru rencontrer le prince charmant. Je me croyais toute puissante. Je pensais pouvoir réparer une enfance. J’étais assez géniale pour effacer la douleur de toute une vie. Le syndrome du St Bernard : toujours à la recherche d’une personne en détresse. Pour mieux oublier ce qui ne va pas chez soi. Et puis je le trouvais exceptionnel. S’il était avec moi c’est que je l’étais aussi. J’avais donc besoin de lui pour l’être. Seule je ne valais plus rien…
J’ai du mal à accepter tout ce que j’ai pu faire pour cet homme que je ne connaissais finalement pas. Un homme qui ne m’aimait pas et baisait chaque nuit la petite poupée désarticulée que j’étais devenue. Sans doute en pensant à d’autres. Aux autres. Un homme qui vidait allègrement mon compte en banque au rythme de ses virées nocturnes. Je refusais de voir. J’ai honte aujourd’hui d’avoir tant donné. De mon plein gré, me persuadant au fil des années que je n’avais pas tort, que tout ça en valait la peine. J’attendais peut-être un retour sur investissement après tout. Tant d’énergie, tant d’argent dépensés. Tant de concessions faites. Et toutes ses promesses aussi…
C’est difficile de croire qu’un être à peu près censé soit capable de tant de crédulité. C’en est presque fascinant. Un jour à Paris, alors que je me débattais depuis des mois dans les affres de la dépression, j’ai consulté un psy…
- Entrez je vous en prie.
L’imposant médecin en costume noire et cravate fuchsia se tient de l’autre côté de la porte, il me tend la main. Je m’attarde un instant sur son allure de dandy obèse. Quelques fractions de seconde seulement, je suis un peu polie quand même. Je m’avance timidement. Les psys m’ont toujours impressionnée. J’en suis une aujourd’hui mais pas une vraie comme celui-là, je n’ai pas étudié la psy clinique moi. J’ai juste un diplôme de psycho du travail. Rien à voir avec les psychoses, les névroses, ni aucune méthode de thérapie. C’est souvent difficile à expliquer. Les gens fantasment énormément sur les psys. J’ai toujours droit aux mêmes questions, pourtant je n’ai pas encore trouvé de réponse satisfaisante… Non je ne peux pas deviner ta personnalité comme ça… non je ne peux pas non plus décrypter les signaux implicites que tu envoies avec ton corps. Ah non j’te jure que je suis incapable de lire dans tes pensées ! Mmm… oui en effet, ton rêve était intéressant, fascinant même, mais on ne peut pas l’interpréter comme ça tu sais... Et puis j’ai pas vraiment étudié Freud en plus alors… Non j’ai un master en psycho du travail, je bosse dans les RH tu vois, rien à voir… Ben si je suis psy quand même… Mais psy du travail, c’est pas pareil… Réponse décevante ou suspecte. Je me dissimule peut-être pour mieux les étudier à leur insu. Ou alors j’use de ce titre abusivement, qui sait… Quelque soit leur conclusion, je sors toujours perdante de ce bombardement de questions. Je cherche donc encore LA réponse. En attendant je n’annonce plus que je suis psy. Je suis consultante RH. Ce qui ne veut absolument rien dire. Mais ça a le mérite de désamorcer toute forme d’intérêt, même poli, pour ma vie professionnelle… Bref je m’égare. Le docteur attend toujours, la main tendue vers le vide.
- Bonjour. Dr Le Bordais.
- Bonjour Docteur, Anne-Lise Brissac. J’ai rendez-vous à 18h30.
- Entrez. Asseyez-vous…
- Ici, sur ce fauteuil ?
- Oui.
- C’est le docteur Palet, mon généraliste qui m’a recommandé de venir vous voir.
- …
- Il exerce dans le 11ème.
Le psy saisie son bloc et gribouille quelques mots. Mon nom et mon prénom sans doute. La date peut-être.
- Et qu’est ce qui a amené le Dr Palet à vous conseiller de venir me voir ?
- Je ne me sentais pas très en forme. Très fatiguée, épuisée même… Et dans son cabinet j’ai pas pu lui expliquer, j’ai commencé à pleurer. J’ai pas pu m’arrêter de pleurer… Je ne pouvais plus parler. Toute cette tristesse en moi…
Je recommence à pleurer dans le bureau du psy. Ça va me coûter 50 euros et je vais même pas réussir à en placer une. J’essaie de me ressaisir tout en saisissant le kleenex qu’il me tend. Pas facile. J’entrevois le masque de l’empathie sur son visage. Il sourit sans sourire et me regarde avec un maximum de neutralité, de non jugement et de bienveillance. J’y crois pas une seconde, j'arrête de pleurer. Ce psy est con. Ça me rassure.
- Pourriez-vous m’en dire un peu plus sur vous… Quel âge avez-vous ? Quelle est votre profession ?
- J’ai 27 ans, je suis coordinatrice pédagogique. Psychologue de formation… C’est drôle non ?
- Hum... Vous vivez à Paris depuis longtemps ?
- Depuis 6 mois, j’étais à Toulouse avant.
- Ah, vous n’avez pas l’accent…
Je commence à m’ennuyer. J’explique que j’ai grandi à Nantes, que j’ai deux petits frères, des parents non divorcés et un chat noir que j’adore.
- Avez-vous déjà connu des épisodes dépressifs ?
- Oui j’ai été traitée au Prozac puis au Zoloft pendant 2 ans, quand je vivais à Toulouse. Une dépression réactionnelle suite à la mort de mon ex selon mon médecin.
- Vous étiez encore en couple avec lui ?
- Non.
- Y a-t-il eu d’autres évènements marquants dans votre vie ?
- Je peux vous trouver ça… la mort de mon oncle dans un accident de voiture quand j’avais 12 ans, la noyade de ma petite voisine de 13 ans 6 mois plus tard... dans la piscine municipale suite à un malaise. Le suicide du père de ma voisine, pendu dans son hangar quelques années plus tard. Un accident de voiture assez grave avec mon ex en 1997…
- Vous vous êtes sentie coupable de la mort de votre ex petit ami ?
Blablabla…
Je ne sais pas comment j’ai réussi à lui raconter autant de chose en 60 minutes… Il faut dire qu’il ne m’a plus interrompue. J’aurais bien aimé pouvoir lire ce qu’il gribouillait pendant mon long monologue. En notant notre prochain rendez-vous sur son agenda Cartier en cuir rouge, un peu tape à l’œil pour un psy, il m’a simplement recommandé un bouquin : La haine de l’amour. Je ne l’ai jamais lu, ayant oublié son titre presque aussitôt. Il m’est revenu à l’esprit il y a quelques mois. Et sur Amazon, j’ai découvert qu’il traitait de la perversion dans le couple. Si je l’avais lu à l’époque, il m’aurait peut-être évité plusieurs années de calvaire en m’ouvrant les yeux… Je pense que je le savais, c’est sans doute pour ça que je ne suis jamais revenue voir ce spy - Oh ! Un lapsus de clavier... - J’en ai trouvé un autre, plus pépère, qui ne me renvoyait rien de déplaisant pendant nos séances. Je m’écoutais parler, travaillait mes tournures de phrases puis quittais son cabinet délestée de mes soixante euros, mais très satisfaite de ma prestation orale.
Je rentrais chez moi, enfin chez nous. Le sourire aux lèvres, anesthésiée par les antidépresseurs. Je retournais tranquillement dans mon enfer, heureuse d'y retrouver mon bourreau. La poupée masochiste était de nouveau opérationnelle. Prête à encaisser sarcasmes et coups de boutoir. Sans rien dire.
Parfois en pleurant un peu quand même.
Mais convaincue... J'étais la femme de sa vie. Le reste n'avait aucune importance.
Con. Vaincue.
J’ai du mal à accepter tout ce que j’ai pu faire pour cet homme que je ne connaissais finalement pas. Un homme qui ne m’aimait pas et baisait chaque nuit la petite poupée désarticulée que j’étais devenue. Sans doute en pensant à d’autres. Aux autres. Un homme qui vidait allègrement mon compte en banque au rythme de ses virées nocturnes. Je refusais de voir. J’ai honte aujourd’hui d’avoir tant donné. De mon plein gré, me persuadant au fil des années que je n’avais pas tort, que tout ça en valait la peine. J’attendais peut-être un retour sur investissement après tout. Tant d’énergie, tant d’argent dépensés. Tant de concessions faites. Et toutes ses promesses aussi…
C’est difficile de croire qu’un être à peu près censé soit capable de tant de crédulité. C’en est presque fascinant. Un jour à Paris, alors que je me débattais depuis des mois dans les affres de la dépression, j’ai consulté un psy…
- Entrez je vous en prie.
L’imposant médecin en costume noire et cravate fuchsia se tient de l’autre côté de la porte, il me tend la main. Je m’attarde un instant sur son allure de dandy obèse. Quelques fractions de seconde seulement, je suis un peu polie quand même. Je m’avance timidement. Les psys m’ont toujours impressionnée. J’en suis une aujourd’hui mais pas une vraie comme celui-là, je n’ai pas étudié la psy clinique moi. J’ai juste un diplôme de psycho du travail. Rien à voir avec les psychoses, les névroses, ni aucune méthode de thérapie. C’est souvent difficile à expliquer. Les gens fantasment énormément sur les psys. J’ai toujours droit aux mêmes questions, pourtant je n’ai pas encore trouvé de réponse satisfaisante… Non je ne peux pas deviner ta personnalité comme ça… non je ne peux pas non plus décrypter les signaux implicites que tu envoies avec ton corps. Ah non j’te jure que je suis incapable de lire dans tes pensées ! Mmm… oui en effet, ton rêve était intéressant, fascinant même, mais on ne peut pas l’interpréter comme ça tu sais... Et puis j’ai pas vraiment étudié Freud en plus alors… Non j’ai un master en psycho du travail, je bosse dans les RH tu vois, rien à voir… Ben si je suis psy quand même… Mais psy du travail, c’est pas pareil… Réponse décevante ou suspecte. Je me dissimule peut-être pour mieux les étudier à leur insu. Ou alors j’use de ce titre abusivement, qui sait… Quelque soit leur conclusion, je sors toujours perdante de ce bombardement de questions. Je cherche donc encore LA réponse. En attendant je n’annonce plus que je suis psy. Je suis consultante RH. Ce qui ne veut absolument rien dire. Mais ça a le mérite de désamorcer toute forme d’intérêt, même poli, pour ma vie professionnelle… Bref je m’égare. Le docteur attend toujours, la main tendue vers le vide.
- Bonjour. Dr Le Bordais.
- Bonjour Docteur, Anne-Lise Brissac. J’ai rendez-vous à 18h30.
- Entrez. Asseyez-vous…
- Ici, sur ce fauteuil ?
- Oui.
- C’est le docteur Palet, mon généraliste qui m’a recommandé de venir vous voir.
- …
- Il exerce dans le 11ème.
Le psy saisie son bloc et gribouille quelques mots. Mon nom et mon prénom sans doute. La date peut-être.
- Et qu’est ce qui a amené le Dr Palet à vous conseiller de venir me voir ?
- Je ne me sentais pas très en forme. Très fatiguée, épuisée même… Et dans son cabinet j’ai pas pu lui expliquer, j’ai commencé à pleurer. J’ai pas pu m’arrêter de pleurer… Je ne pouvais plus parler. Toute cette tristesse en moi…
Je recommence à pleurer dans le bureau du psy. Ça va me coûter 50 euros et je vais même pas réussir à en placer une. J’essaie de me ressaisir tout en saisissant le kleenex qu’il me tend. Pas facile. J’entrevois le masque de l’empathie sur son visage. Il sourit sans sourire et me regarde avec un maximum de neutralité, de non jugement et de bienveillance. J’y crois pas une seconde, j'arrête de pleurer. Ce psy est con. Ça me rassure.
- Pourriez-vous m’en dire un peu plus sur vous… Quel âge avez-vous ? Quelle est votre profession ?
- J’ai 27 ans, je suis coordinatrice pédagogique. Psychologue de formation… C’est drôle non ?
- Hum... Vous vivez à Paris depuis longtemps ?
- Depuis 6 mois, j’étais à Toulouse avant.
- Ah, vous n’avez pas l’accent…
Je commence à m’ennuyer. J’explique que j’ai grandi à Nantes, que j’ai deux petits frères, des parents non divorcés et un chat noir que j’adore.
- Avez-vous déjà connu des épisodes dépressifs ?
- Oui j’ai été traitée au Prozac puis au Zoloft pendant 2 ans, quand je vivais à Toulouse. Une dépression réactionnelle suite à la mort de mon ex selon mon médecin.
- Vous étiez encore en couple avec lui ?
- Non.
- Y a-t-il eu d’autres évènements marquants dans votre vie ?
- Je peux vous trouver ça… la mort de mon oncle dans un accident de voiture quand j’avais 12 ans, la noyade de ma petite voisine de 13 ans 6 mois plus tard... dans la piscine municipale suite à un malaise. Le suicide du père de ma voisine, pendu dans son hangar quelques années plus tard. Un accident de voiture assez grave avec mon ex en 1997…
- Vous vous êtes sentie coupable de la mort de votre ex petit ami ?
Blablabla…
Je ne sais pas comment j’ai réussi à lui raconter autant de chose en 60 minutes… Il faut dire qu’il ne m’a plus interrompue. J’aurais bien aimé pouvoir lire ce qu’il gribouillait pendant mon long monologue. En notant notre prochain rendez-vous sur son agenda Cartier en cuir rouge, un peu tape à l’œil pour un psy, il m’a simplement recommandé un bouquin : La haine de l’amour. Je ne l’ai jamais lu, ayant oublié son titre presque aussitôt. Il m’est revenu à l’esprit il y a quelques mois. Et sur Amazon, j’ai découvert qu’il traitait de la perversion dans le couple. Si je l’avais lu à l’époque, il m’aurait peut-être évité plusieurs années de calvaire en m’ouvrant les yeux… Je pense que je le savais, c’est sans doute pour ça que je ne suis jamais revenue voir ce spy - Oh ! Un lapsus de clavier... - J’en ai trouvé un autre, plus pépère, qui ne me renvoyait rien de déplaisant pendant nos séances. Je m’écoutais parler, travaillait mes tournures de phrases puis quittais son cabinet délestée de mes soixante euros, mais très satisfaite de ma prestation orale.
Je rentrais chez moi, enfin chez nous. Le sourire aux lèvres, anesthésiée par les antidépresseurs. Je retournais tranquillement dans mon enfer, heureuse d'y retrouver mon bourreau. La poupée masochiste était de nouveau opérationnelle. Prête à encaisser sarcasmes et coups de boutoir. Sans rien dire.
Parfois en pleurant un peu quand même.
Mais convaincue... J'étais la femme de sa vie. Le reste n'avait aucune importance.
Con. Vaincue.
ombre77- Nombre de messages : 37
Age : 47
Localisation : Beyrouth
Date d'inscription : 10/02/2011
Re: Lendemain de fête
Pas si polie que ça en fait... Oublié de vous remercier pour vos commentaires avant de poster la suite.
Merci donc à Elea, Chako, Easter, Midnight et Bôgendre pour vos lectures et conseils.
Chako : je crains que la lumière pose un lapin à la St Patrick... Mais merci pour la comparaison avec Bret Easton Ellis ^^
Bôgendre : je ne pensais pas que cette pauvre narratrice puisse être débectante à ce point, aussi nonchalante et insouciante soit-elle mais je suis heureuse qu'elle soit en mesure de donner une si vive impression !
Midnight : Beaufreton, j'avais complètement oublié cette librairie ! Je faisais pourtant partie des fripons ;-)
Merci donc à Elea, Chako, Easter, Midnight et Bôgendre pour vos lectures et conseils.
Chako : je crains que la lumière pose un lapin à la St Patrick... Mais merci pour la comparaison avec Bret Easton Ellis ^^
Bôgendre : je ne pensais pas que cette pauvre narratrice puisse être débectante à ce point, aussi nonchalante et insouciante soit-elle mais je suis heureuse qu'elle soit en mesure de donner une si vive impression !
Midnight : Beaufreton, j'avais complètement oublié cette librairie ! Je faisais pourtant partie des fripons ;-)
ombre77- Nombre de messages : 37
Age : 47
Localisation : Beyrouth
Date d'inscription : 10/02/2011
Re: Lendemain de fête
Juste et rapidement pour dire que si - à force de lire par épisodes ?- je me perds un peu dans la chronologie, j'ai beaucoup apprécié ces deux ajouts et notamment l'avant-dernier passage pour la précision du vocabulaire et la façon très efficace dont la narratrice rend compte de ses émotions et réactions, sa lucidité après coup.
Invité- Invité
Re: Lendemain de fête
Pas grand-chose de constructif à dire, je te lis avec plaisir, et j’attends la suite avec impatience parce que je me suis attachée à la narratrice et à son histoire.
Ah si, j'ai bien aimé le passage avec le psy et la pensée magique que les gens accordent à ceux qui ont suivi des études de psy. C'est probablement aussi ce qui me plait dans ton histoire, tout sonne vrai et c'est bien raconté.
Ah si, j'ai bien aimé le passage avec le psy et la pensée magique que les gens accordent à ceux qui ont suivi des études de psy. C'est probablement aussi ce qui me plait dans ton histoire, tout sonne vrai et c'est bien raconté.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Lendemain de fête
Le plus surprenant dans ton histoire, si ce n'est de la pure fiction, c'est ta capacité à te livrer sans fard ni ambages. Tu n'hésites pas à te dévoiler complètement, à nous montrer tes émotions comme tes sentiments les plus intimes. Jamais je ne pourrais me déshabiller comme ça, j'aurais trop peur de perdre mon anonymat, de donner ma personnalité en pâture.
Il y a donc une forme d'exhibition dans ta démarche, à mettre en relation avec ce besoin narcissique que tu exprimes par ailleurs, ce qui rend le tout passionnant. Peu de gens sont capables de se décrire avec autant de finesse et de détachement, sans pudeur, et les lecteurs sont sensibles à cette authenticité. Il y a un effet de miroir. Ce que tu oses, d'autres n'osent pas le faire mais se reconnaissent en toi. Au bout du compte cette identification rassure, on s'aperçoit finalement que nos états d'âmes sont partagés par beaucoup d'autres.
Il y a donc une forme d'exhibition dans ta démarche, à mettre en relation avec ce besoin narcissique que tu exprimes par ailleurs, ce qui rend le tout passionnant. Peu de gens sont capables de se décrire avec autant de finesse et de détachement, sans pudeur, et les lecteurs sont sensibles à cette authenticité. Il y a un effet de miroir. Ce que tu oses, d'autres n'osent pas le faire mais se reconnaissent en toi. Au bout du compte cette identification rassure, on s'aperçoit finalement que nos états d'âmes sont partagés par beaucoup d'autres.
Jano- Nombre de messages : 1000
Age : 55
Date d'inscription : 06/01/2009
Lendemain de fête, suite
Nantes, mars 1999.
Quelques jours plus tard, il me déclare presque solennellement être convaincu d’avoir trouvé son double féminin. Il l’a longtemps cherché, il n’y croyait plus. Et je suis là, face à lui ! Il remercie son grand-père d’avoir permis cette rencontre. Il a le sentiment qu’ensemble nous pourrons aller très loin, que nous pourrons déplacer des montagnes... Je me sens chavirer intérieurement. Cette sensation d’être unique et de ne faire qu’un avec l’autre… C’est nouveau et délicieux.
Il me répète sans cesse que je suis belle. Si belle. Il me prend en photo, souvent, parfois même pendant mon sommeil. Je suis la plus belle, il ne s’en lasse pas. Grisée par ses déclarations, je me laisse faire malgré la gêne. Je suis à l’aise avec mon physique mais je ne m’adore pas non plus. En tout cas pas au point de ne pas être embarrassée par cet objectif sans cesse braqué sur moi… Mon profil en particulier me pose problème. Je lui confie que j’envisage depuis longtemps une petite rhinoplastie. Il s’indigne. Non ! Ne fais jamais ça, ton nez est parfait ! Je ne te reconnaitrais plus ! Puis, tenant mon visage entre ses mains, il murmure : ne change rien, tu es parfaite, c’est comme ça que je t’aime…
Erwan, que j’ai quitté à peine un an auparavant, ne savait pas faire ce genre de déclaration. On ne m’a jamais autant complimentée, flattée, rassurée. Je me sens particulière, unique, précieuse. Je m’enivre de ces petites phrases intelligemment distillées tout au long de la journée. Je deviens plus narcissique. Je nous observe de l’extérieur et admire ce couple si bien assorti. Je commence à me demander ce que les gens pensent de nous quand ils nous croisent dans la rue. Ils nous admirent certainement… Les jours s’écoulent et il devient évident que notre histoire ne s’arrêtera pas avec le départ du grand-père.
Il me raconte le Maroc et le Liban, sa famille compliquée. Très compliquée. Parents divorcés, famille divisée entre trois pays. Frères, sœurs, demi-sœurs… Garde disputée, arrachée. Passeports dissimulés sous les matelas avant la fuite. Chantage affectif, enlèvements, déracinement… Plusieurs années qu’il n’a pas revu sa petite sœur du Maroc. Elle doit avoir tellement grandit... Il se montre soudain mélancolique puis se ressaisit et me parle de la somptueuse villa de sa mère à Rabat. Elle est comédienne. Incroyablement belle. C'est aussi une redoutable manipulatrice. Il l’aime autant qu’il la craint. De l’exotique, du romanesque, du dramatique… Il ne m’en faut pas plus pour devenir complètement accro. Je commence à comprendre son besoin de contrôle, la fragilité qui affleure derrière ses discours affirmés. Je commence à éprouver l’envie de réparer cette enfance malmenée, écartelée.
Il passe la semaine complète chez moi. Je ne lui demande pas s’il repart à Angers pour le weekend, j’essaie juste de ne pas y penser. Le vendredi après-midi, il sort s’isoler un moment sur le parking de mon immeuble. Piquée par la curiosité, j’ose jeter un œil par la fenêtre et le vois parler au téléphone. Il fait le tour des rangées de voitures à grandes enjambées, fait d’amples gestes avec son bras gauche. Je sens mon cœur battre. A l’autre bout du fil je devine sa copine Lætitia. Nous n’avons plus parlé d’elle mais je n’ai pas oublié son visage d’ange vulnérable sur la photo. Il rentre une demi-heure plus tard, l’air calme, et m’annonce avec un petit sourire satisfait que tout est fini. Qu’il a envie de passer le weekend avec moi… et bien plus encore. Je me blottie dans ses bras, à la fois surprise par la brutalité de cette rupture téléphonique et comblée de ne plus avoir à le partager.
Allongés sur le lit, je me délecte de sa présence, de sa voix, de ses caresses. Sa façon de me toucher, comme s’il pétrissait mon corps, de goûter chaque centimètre carré de ma peau... Tu sens le miel et la vanille, tu as si bon goût… je pourrais te dévorer ! Je ris, laissant les dents du carnassier affamé mordiller les lobes de mes oreilles puis mordre, doucement puis plus fermement, mon cou, mes épaules, mes cuisses… Comme s’ils avaient été conçus sur mesure l’un pour l’autre, nos corps s’emboitent parfaitement, chaque courbe en épouse une autre sans effort. Comme une évidence. Nos jambes s’entrelacent, nos souffles se mêlent. Deux corps affamés l’un de l’autre qui semblent ne plus vouloir se séparer, comme pour rattraper le temps perdu l’un sans l’autre.
Les jours suivants se déroulent comme une chanson de Coldplay. Sans surprise mais tellement agréable. Le spectre de la séparation semble s’être définitivement éloigné. Une seule chose me trouble encore. Un détail pourtant… Je n’aime pas ses mains. Elles me paraissent courtaudes, en rupture avec le reste de son physique élancé, tout en longueur. Ses longues jambes, son bassin étroit, son buste fin, son cou gracile, la finesse de son visage… Non, ses mains ne vont pas avec le reste. Elles sont petites, ses doigts trop courts. Je ne parviens pas à expliquer cette espèce de dissonance qui perturbe l’harmonie générale… Mais j’oublie rapidement cette bizarrerie physique, je me fais sans doute des idées. Une petite fixette, comme celle que j’ai habituellement pour les chaussures…
C’est moi qui le retrouve à Angers le weekend suivant. Je n’ai jamais mis les pieds dans cette ville, pourtant voisine. L’occasion ne s’est pas présentée. Il souhaite me faire découvrir son univers. C’est son tour. Il me présente à ses amis. Des angevins, mais aussi des malgaches, des franco-marocains… J’avoue que mon environnement social était jusqu’ici essentiellement franco-français, européen à la limite. Mes amis sont presque tous nantais. A peu de choses près, leurs parents appartiennent à la même catégorie socioéconomique que les miens : artisans, enseignants, cadres de la fonction publique… Je découvre un autre univers, plus citadin, plus aisé. Ses amis sont presque tous fils de médecins et habitent des appartements chics sur la place du Ralliement. Ceux dont les parents vivent à l’étranger occupent des chambres dans la cité universitaire St Serge, bâtiment flambant neuf sur le campus des Sciences Sociales. C’est le cas de mon nouveau copain.
La cité a des airs d’exercice architectural, le moindre détail est esthétique et bien pensé. J'observe minutieusement les lieux. Son studio est impeccable, gris et blanc, propre, bien agencé, design. Une énorme affiche des Pink Floyd occupe le mur face au lit, six filles nues assises de dos au bord d’un bassin. Sur leurs corps ont été peintes les pochettes des six albums du groupe. J’observe la photo, essayant de comprendre le sentiment qu’elle éveille en moi. Ces filles n’ont pas de visage, pas d’expression… Ce ne sont que des supports esthétiques. Un support roux, un blond, un noir, un blanc… Je parviens à détacher mon attention de l’affiche pour poursuivre ma promenade visuelle dans la garçonnière. Quelques livres, un ordinateur portable sur le bureau, une guitare classique posée dans un coin, une salle d’eau étincelante de propreté… J’adore immédiatement, c’est son univers à lui et je le découvre enfin. Mon petit appartement en rez-de-chaussée, que je chéris pourtant, fait soudain pâle figure en comparaison. Chez moi tout n’est que bricolage et décoration kitch : guirlandes colorés, patchwork de photos sur les murs, tables peintes en rose, affiches de Dominique A et des Tri Yann décollées dans la rue…
Nous nous dirigeons vers le Bar du Centre. De toute évidence leur QG. Tout le monde s’y connait. Je ne me sens pas à l’aise. Je m’efforce de ne pas trop me faire remarquer. Je suis consciente de ne pas avoir tous les codes. Les repères de mon microcosme me manquent un peu. Un petit groupe local joue des reprises des Doors et des Cranberries dans un coin du bar. C'est la première fois que j’écoute ce genre de groupe sans connaitre personnellement au moins un de ses membres. Ils me paraissent prétentieux. J’observe tous ces nouveaux visages, ces lieux que je ne connais pas encore. Je me demande si Lætitia venait ici elle aussi. Les filles portent des petits foulards Burberry et d’élégants cardigans en cachemire. Mon look néo-punk me paraît totalement décalé, je cache mes docs et mes bas rayés rouge et noir sous la table. Tout le monde semble curieux de me rencontrer, ils sont agréables, volubiles. Je sens beaucoup de connivence entre eux et beaucoup de respect envers mon ami. J’ai l’impression que le tout le monde tourne autour de lui, un peu comme s’il était la mascotte du groupe. A l’aise, il rit, plaisante, revient de temps en temps vers moi pour s’assurer que tout va bien puis se lance avec passion dans une nouvelle discussion. Je reste discrète.
Je commence à avoir peur de le décevoir.
Nous rentrons chez lui. Il a l’air content de sa soirée, il se dit fier d’avoir pu me présenter à ses amis. Ils t’ont tous trouvé très belle et douce… Tu les as vraiment impressionnés ! Je t’aime vraiment tu sais… Allez maintenant laisse moi voir un peu tes fesses ! J’éclate de rire en me jetant sur lui. Nous faisons l’amour longuement. A sa façon à lui. J’aime.
Le lendemain, il me fait visiter son université. Habituée à ma vieille fac défraichie, je suis impressionnée par la modernité des équipements. Écrans plasma, grandes baies vitrées sur la Loire, salle informatique dernier cri… Dans les couloirs, nous croisons des filles que je trouve trop jolies, ils m’en présentent certaines. Je me demande si elles ne sont pas un peu amoureuses de lui... Nous retrouvons enfin son meilleur ami Mickaël dans l’énorme hall d’entrée puis sortons diner tous les trois. Je me sens lasse, parle peu mais ils ne semblent pas s’en rendre compte. Je reprends le train en milieu de soirée. Mon ami me raccompagne à la gare. En m’enlaçant, il me promet de venir le weekend prochain et me livre quelques recommandations. Fais bien attention à toi et sois sage hein… Je le quitte à regret, lui promets en souriant de ne pas faire de bêtises en son absence.
Dans le TGV défilent les images du weekend. Je ressens un léger malaise mais je n’arrive pas à saisir ce qui me tracasse. Ces deux jours ont pourtant été agréables… Je n’ai pas le temps d’y réfléchir plus longuement. La nuit précédente a été courte, le sommeil me gagne rapidement et je m’éveille dans la gare de Nantes. Le dernier tramway m’amène jusqu’à chez moi. Je suis heureuse d’être de retour. Je regarde les reflets des réverbères sur l’Erdre qui longe les voies. Nantes by night. Ma ville adorée... Mon studio me parait pourtant fade, les couleurs des tentures passées, la moquette élimée...
Cette fois, j’ai du mal à trouver le sommeil.
Quelques jours plus tard, il me déclare presque solennellement être convaincu d’avoir trouvé son double féminin. Il l’a longtemps cherché, il n’y croyait plus. Et je suis là, face à lui ! Il remercie son grand-père d’avoir permis cette rencontre. Il a le sentiment qu’ensemble nous pourrons aller très loin, que nous pourrons déplacer des montagnes... Je me sens chavirer intérieurement. Cette sensation d’être unique et de ne faire qu’un avec l’autre… C’est nouveau et délicieux.
Il me répète sans cesse que je suis belle. Si belle. Il me prend en photo, souvent, parfois même pendant mon sommeil. Je suis la plus belle, il ne s’en lasse pas. Grisée par ses déclarations, je me laisse faire malgré la gêne. Je suis à l’aise avec mon physique mais je ne m’adore pas non plus. En tout cas pas au point de ne pas être embarrassée par cet objectif sans cesse braqué sur moi… Mon profil en particulier me pose problème. Je lui confie que j’envisage depuis longtemps une petite rhinoplastie. Il s’indigne. Non ! Ne fais jamais ça, ton nez est parfait ! Je ne te reconnaitrais plus ! Puis, tenant mon visage entre ses mains, il murmure : ne change rien, tu es parfaite, c’est comme ça que je t’aime…
Erwan, que j’ai quitté à peine un an auparavant, ne savait pas faire ce genre de déclaration. On ne m’a jamais autant complimentée, flattée, rassurée. Je me sens particulière, unique, précieuse. Je m’enivre de ces petites phrases intelligemment distillées tout au long de la journée. Je deviens plus narcissique. Je nous observe de l’extérieur et admire ce couple si bien assorti. Je commence à me demander ce que les gens pensent de nous quand ils nous croisent dans la rue. Ils nous admirent certainement… Les jours s’écoulent et il devient évident que notre histoire ne s’arrêtera pas avec le départ du grand-père.
Il me raconte le Maroc et le Liban, sa famille compliquée. Très compliquée. Parents divorcés, famille divisée entre trois pays. Frères, sœurs, demi-sœurs… Garde disputée, arrachée. Passeports dissimulés sous les matelas avant la fuite. Chantage affectif, enlèvements, déracinement… Plusieurs années qu’il n’a pas revu sa petite sœur du Maroc. Elle doit avoir tellement grandit... Il se montre soudain mélancolique puis se ressaisit et me parle de la somptueuse villa de sa mère à Rabat. Elle est comédienne. Incroyablement belle. C'est aussi une redoutable manipulatrice. Il l’aime autant qu’il la craint. De l’exotique, du romanesque, du dramatique… Il ne m’en faut pas plus pour devenir complètement accro. Je commence à comprendre son besoin de contrôle, la fragilité qui affleure derrière ses discours affirmés. Je commence à éprouver l’envie de réparer cette enfance malmenée, écartelée.
Il passe la semaine complète chez moi. Je ne lui demande pas s’il repart à Angers pour le weekend, j’essaie juste de ne pas y penser. Le vendredi après-midi, il sort s’isoler un moment sur le parking de mon immeuble. Piquée par la curiosité, j’ose jeter un œil par la fenêtre et le vois parler au téléphone. Il fait le tour des rangées de voitures à grandes enjambées, fait d’amples gestes avec son bras gauche. Je sens mon cœur battre. A l’autre bout du fil je devine sa copine Lætitia. Nous n’avons plus parlé d’elle mais je n’ai pas oublié son visage d’ange vulnérable sur la photo. Il rentre une demi-heure plus tard, l’air calme, et m’annonce avec un petit sourire satisfait que tout est fini. Qu’il a envie de passer le weekend avec moi… et bien plus encore. Je me blottie dans ses bras, à la fois surprise par la brutalité de cette rupture téléphonique et comblée de ne plus avoir à le partager.
Allongés sur le lit, je me délecte de sa présence, de sa voix, de ses caresses. Sa façon de me toucher, comme s’il pétrissait mon corps, de goûter chaque centimètre carré de ma peau... Tu sens le miel et la vanille, tu as si bon goût… je pourrais te dévorer ! Je ris, laissant les dents du carnassier affamé mordiller les lobes de mes oreilles puis mordre, doucement puis plus fermement, mon cou, mes épaules, mes cuisses… Comme s’ils avaient été conçus sur mesure l’un pour l’autre, nos corps s’emboitent parfaitement, chaque courbe en épouse une autre sans effort. Comme une évidence. Nos jambes s’entrelacent, nos souffles se mêlent. Deux corps affamés l’un de l’autre qui semblent ne plus vouloir se séparer, comme pour rattraper le temps perdu l’un sans l’autre.
Les jours suivants se déroulent comme une chanson de Coldplay. Sans surprise mais tellement agréable. Le spectre de la séparation semble s’être définitivement éloigné. Une seule chose me trouble encore. Un détail pourtant… Je n’aime pas ses mains. Elles me paraissent courtaudes, en rupture avec le reste de son physique élancé, tout en longueur. Ses longues jambes, son bassin étroit, son buste fin, son cou gracile, la finesse de son visage… Non, ses mains ne vont pas avec le reste. Elles sont petites, ses doigts trop courts. Je ne parviens pas à expliquer cette espèce de dissonance qui perturbe l’harmonie générale… Mais j’oublie rapidement cette bizarrerie physique, je me fais sans doute des idées. Une petite fixette, comme celle que j’ai habituellement pour les chaussures…
C’est moi qui le retrouve à Angers le weekend suivant. Je n’ai jamais mis les pieds dans cette ville, pourtant voisine. L’occasion ne s’est pas présentée. Il souhaite me faire découvrir son univers. C’est son tour. Il me présente à ses amis. Des angevins, mais aussi des malgaches, des franco-marocains… J’avoue que mon environnement social était jusqu’ici essentiellement franco-français, européen à la limite. Mes amis sont presque tous nantais. A peu de choses près, leurs parents appartiennent à la même catégorie socioéconomique que les miens : artisans, enseignants, cadres de la fonction publique… Je découvre un autre univers, plus citadin, plus aisé. Ses amis sont presque tous fils de médecins et habitent des appartements chics sur la place du Ralliement. Ceux dont les parents vivent à l’étranger occupent des chambres dans la cité universitaire St Serge, bâtiment flambant neuf sur le campus des Sciences Sociales. C’est le cas de mon nouveau copain.
La cité a des airs d’exercice architectural, le moindre détail est esthétique et bien pensé. J'observe minutieusement les lieux. Son studio est impeccable, gris et blanc, propre, bien agencé, design. Une énorme affiche des Pink Floyd occupe le mur face au lit, six filles nues assises de dos au bord d’un bassin. Sur leurs corps ont été peintes les pochettes des six albums du groupe. J’observe la photo, essayant de comprendre le sentiment qu’elle éveille en moi. Ces filles n’ont pas de visage, pas d’expression… Ce ne sont que des supports esthétiques. Un support roux, un blond, un noir, un blanc… Je parviens à détacher mon attention de l’affiche pour poursuivre ma promenade visuelle dans la garçonnière. Quelques livres, un ordinateur portable sur le bureau, une guitare classique posée dans un coin, une salle d’eau étincelante de propreté… J’adore immédiatement, c’est son univers à lui et je le découvre enfin. Mon petit appartement en rez-de-chaussée, que je chéris pourtant, fait soudain pâle figure en comparaison. Chez moi tout n’est que bricolage et décoration kitch : guirlandes colorés, patchwork de photos sur les murs, tables peintes en rose, affiches de Dominique A et des Tri Yann décollées dans la rue…
Nous nous dirigeons vers le Bar du Centre. De toute évidence leur QG. Tout le monde s’y connait. Je ne me sens pas à l’aise. Je m’efforce de ne pas trop me faire remarquer. Je suis consciente de ne pas avoir tous les codes. Les repères de mon microcosme me manquent un peu. Un petit groupe local joue des reprises des Doors et des Cranberries dans un coin du bar. C'est la première fois que j’écoute ce genre de groupe sans connaitre personnellement au moins un de ses membres. Ils me paraissent prétentieux. J’observe tous ces nouveaux visages, ces lieux que je ne connais pas encore. Je me demande si Lætitia venait ici elle aussi. Les filles portent des petits foulards Burberry et d’élégants cardigans en cachemire. Mon look néo-punk me paraît totalement décalé, je cache mes docs et mes bas rayés rouge et noir sous la table. Tout le monde semble curieux de me rencontrer, ils sont agréables, volubiles. Je sens beaucoup de connivence entre eux et beaucoup de respect envers mon ami. J’ai l’impression que le tout le monde tourne autour de lui, un peu comme s’il était la mascotte du groupe. A l’aise, il rit, plaisante, revient de temps en temps vers moi pour s’assurer que tout va bien puis se lance avec passion dans une nouvelle discussion. Je reste discrète.
Je commence à avoir peur de le décevoir.
Nous rentrons chez lui. Il a l’air content de sa soirée, il se dit fier d’avoir pu me présenter à ses amis. Ils t’ont tous trouvé très belle et douce… Tu les as vraiment impressionnés ! Je t’aime vraiment tu sais… Allez maintenant laisse moi voir un peu tes fesses ! J’éclate de rire en me jetant sur lui. Nous faisons l’amour longuement. A sa façon à lui. J’aime.
Le lendemain, il me fait visiter son université. Habituée à ma vieille fac défraichie, je suis impressionnée par la modernité des équipements. Écrans plasma, grandes baies vitrées sur la Loire, salle informatique dernier cri… Dans les couloirs, nous croisons des filles que je trouve trop jolies, ils m’en présentent certaines. Je me demande si elles ne sont pas un peu amoureuses de lui... Nous retrouvons enfin son meilleur ami Mickaël dans l’énorme hall d’entrée puis sortons diner tous les trois. Je me sens lasse, parle peu mais ils ne semblent pas s’en rendre compte. Je reprends le train en milieu de soirée. Mon ami me raccompagne à la gare. En m’enlaçant, il me promet de venir le weekend prochain et me livre quelques recommandations. Fais bien attention à toi et sois sage hein… Je le quitte à regret, lui promets en souriant de ne pas faire de bêtises en son absence.
Dans le TGV défilent les images du weekend. Je ressens un léger malaise mais je n’arrive pas à saisir ce qui me tracasse. Ces deux jours ont pourtant été agréables… Je n’ai pas le temps d’y réfléchir plus longuement. La nuit précédente a été courte, le sommeil me gagne rapidement et je m’éveille dans la gare de Nantes. Le dernier tramway m’amène jusqu’à chez moi. Je suis heureuse d’être de retour. Je regarde les reflets des réverbères sur l’Erdre qui longe les voies. Nantes by night. Ma ville adorée... Mon studio me parait pourtant fade, les couleurs des tentures passées, la moquette élimée...
Cette fois, j’ai du mal à trouver le sommeil.
ombre77- Nombre de messages : 37
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Re: Lendemain de fête
Bonsoir Ombre,
Fascinant ... en lisant, j'ai gribouillé sur mon bloc-notes : envoyerdeux bouteilles de champagne au docteur Palet ... non, trois ...
Amicalement,
midnightrambler
Fascinant ... en lisant, j'ai gribouillé sur mon bloc-notes : envoyer
Amicalement,
midnightrambler
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
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Re: Lendemain de fête
Oui, c'est toujours aussi bien du point de vue de l'écriture et je continue à beaucoup apprécier ; j'ai pourtant l'impression plus ou moins nette qu'on tourne quand même un peu en rond, ou alors que l'histoire progresse par répétitions, par cercles concentriques. En fait je me demande où tout cela nous mène, ma curiosité est piquée depuis le début et je doute qu'elle soit bientôt satisfaite.
Invité- Invité
Re: Lendemain de fête
J’aime bien la ballade dans le temps, elle permet d’apprendre des choses qui éclairent les passages suivants ou du moins permettent de les lire de manière différente. C’est vrai que ça fait un peu du sur-place, pour le moment ça ne me gêne pas parce que la lecture est agréable et que ça permet d’entrer dans le cœur des choses.
elea- Nombre de messages : 4894
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Re: Lendemain de fête
Bonsoir Ombre,
Les "Lendemain de fête" sont en vogue ...
Amicalement,
midnightrambler
Les "Lendemain de fête" sont en vogue ...
Amicalement,
midnightrambler
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
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Date d'inscription : 10/01/2010
Lendemain de fete, suite...
Merci encore pour vos commentaires et encouragements, tout particulierement a Elea, Easter et Midnightrambler. Je poste seulement aujourd'hui la suite de mon texte, desolee pour ceux qui suivaient les deambulations mnesiques de la narratrice et qui ont du perdre le fil depuis longtemps... L'histoire reprend ou elle en etait : en 1999, a Nantes, aux fondations d'une relation de couple.
ombre77- Nombre de messages : 37
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Re: Lendemain de fête
Les mois suivants forment une suite d’aller-retour entre Nantes et Angers. Il passe quelques jours chez moi, je le rejoins le week-end suivant. Je ne vois plus beaucoup mes amis. Anne me fait un peu la tête. Elle a toujours été possessive, je n’y prête pas vraiment attention. Mon petit groupe de copains semble éviter le sujet. Ils s’étonnent seulement de me voir si peu et regrettent mes absences le week-end. Je manque de trop nombreuses soirées, les concerts de certains, l’anniversaire d’un autre… Je me sens pourtant toujours aussi bien parmi eux. Mais lorsqu’il n’est pas là, je ne me sens pas tout à fait complète. Nous passons toutes les soirées de la semaine au téléphone, je lui écris des lettres. Sans m’en rendre compte, je deviens de plus en plus exclusive, tout ce qui ne le concerne pas directement cesse peu à peu de m’intéresser. Je ne regarde plus les autres hommes et je ne cherche plus leur regard. Je n’ai besoin de rien d’autre que son regard à lui.
Un jour, je reçois une nouvelle carte de Djamil pour mon anniversaire. Un niçois de passage, rencontré dans un bar quelques semaines avant le soir de la St Patrick. Nous avions passé ensemble une nuit torride. Il repartait le lendemain pour Paris où des amis l’attendaient. Je n’ai jamais su s’il avait fait exprès d’oublier sa montre sur ma table de nuit... Il m’a rappelée de Paris, a décliné ma proposition de lui envoyer par Chronopost. Non, non, c’est une montre bien trop chère... Je viens la chercher, on se voit demain ! Nous sommes restés enfermés trois jours dans mon studio. A faire l’amour, manger des pizzas, regarder la télé, refaire l’amour. Nous avons énormément rit aussi. Je me sentais bien avec lui. Puis je l’ai raccompagné à la gare. Comme dans les films, nous nous sommes tenus immobiles sur le quai. Il tenait mes mains entre les siennes, son regard plongé dans le mien. Il n’était pas vraiment question de nous revoir. C’était juste une parenthèse joyeuse dans nos vies respectives. Nous étions d’accord tous les deux. Et pourtant, ma gorge s’est serrée… Dans un souffle, il m’a murmuré qu’il ne parviendrait pas à partir si je continuais à le regarder comme ça. J’ai baissé les yeux. Il a posé un baiser sur mon front et s’est éloigné. Je me pouvais plus retenir mes larmes en sortant de la gare. Pour la première fois depuis très longtemps, je me sentais terriblement seule. Je me suis précipitée chez Anne qui a su me consoler, en habituée des cœurs brisées.
Je me suis vite remise, mettant mes larmes du dernier soir sur le compte de la fatigue. Nous nous écrivons quand même de temps en temps. Il m’envoie des cartes géantes avec Donald ou Grominet, toujours pleines de fautes d’orthographe. C‘est vraiment mignon. Nous plaisantons en projetant de nous retrouver bientôt à mi-chemin, aux alentours de Clermont-Ferrand… Nous passons encore quelques soirées au téléphone, il me raconte des histoires drôles et je ris toujours. Je cherche tout de même à espacer ces conversations depuis que je suis officiellement de nouveau en couple.
Cette dernière carte retrouvée entre les coussins du clic clac ne plaît pas du tout à mon ami. Je l’entends gronder pour la première fois. La jalousie lui fait perdre un peu de son self-control. Je lui promets de mettre un terme à cette correspondance, tout en lui assurant qu’elle est innocente. Plus innocente en tout cas que ce qu’il semble soupçonner…
C’est ainsi que Djamil sort définitivement de ma vie. Il ne sera pas le dernier. Loin de là. Mais l’emprise est déjà forte, je ne me rendrai pas compte avant longtemps du vide qui s’organise peu à peu autour de moi. Pourquoi craindre les murs que l’on bâtit soi-même ? Ne sont-ils pas là pour nous protéger justement ?
Celui qui est devenu en quelques mois mon influence la plus forte critique parfois, l’air de rien, mon mode de vie. Je sors un peu trop, mon pantalon imprimé python est quand même un poil provocant… Et je n’ai pas l’air de m’en rendre compte mais la plupart de mes amis sont amoureux de moi. Ils n’attendent tous qu’une chose : me mettre dans leur lit. Ca lui crève les yeux. Et moi qui suis tellement naïve, il se demande si je ne joue pas parfois un peu de cette candeur... Je le rassure, lui promets de faire attention. Je ne veux pas le voir mal à l’aise et surtout je ne veux pas qu’il pense que je prends notre relation à la légère… Je deviens donc plus sage, calculant mes regards et réglant mon comportement. Je commence sans m’en rendre compte à censurer ma vie sociale, à me méfier des autres garçons et des opinions de mes amis.
Semaine après semaine, s’opèrent ainsi à mon insu de profonds changements. Je modifie mes habitudes, ma façon de parler, de bouger... et surtout de penser. Je commence à percevoir mes amis et ma famille un peu différemment aussi. Je ne me perçois plus de la même façon non plus, un peu comme si je devenais quelqu’un d’autre. Et j’aime ce sentiment : pouvoir se façonner soi-même pour devenir meilleur, plus accompli…
Pour encore mieux coller à l’image que l’autre projette en nous. Mais ça, je ne l’avais pas encore compris.
Sa peau et ses discours me passionnent chaque jour un peu plus. Je lis ses livres, écoute sa musique, plonge totalement dans son univers qui me parait plus chaud, plus lucide, plus intense que le mien. Je commence à lire Courrier International et Le Monde Diplomatique. Mes préoccupations de jeune étudiante nantaise me semblent bien dérisoires face à la politique de Milosevic au Kosovo, les bouleversements climatiques que commence à connaitre notre planète ou la reprise de la guerre civile en Guinée Bissau… Je partage sa fascination pour Jacques Verges, l’avocat de la terreur. Il me fait lire Joe Saco et je découvre avec effroi les injustices et les humiliations dont souffre le peuple palestinien. Il me parle du Maroc, de ses plages et de la famille d’Hassan II que sa mère connait bien. J’ai l’impression de m’ouvrir au monde. Il devient en fait peu à peu mon unique préoccupation, s’installant confortablement dans le moindre recoin de mon cerveau. Surtout lorsqu’il n’est pas là.
A l’époque, l’UGC Apollo vend encore ses tickets à dix francs et propose régulièrement des rétrospectives. Ce concept permet aux étudiants de forger leur culture cinématographique à moindre coût. Nous y allons au moins deux ou trois fois par semaine. C’est dans une de ces salles qu’il me confie un soir qu’il aimerait beaucoup m’emmener au Maroc pour les vacances. Il veut me présenter à sa famille, à ses amis. Je sens de nouveau le petit tourbillon dans mon ventre. C’est bon. Et je meurs d’envie de découvrir ce pays. J’accepte avec enthousiasme. Je ne vois pas la fin du film. Dans ma tête défilent des images exotiques, les plages de la côte atlantique, les palmiers de Marrakech, les immenses salons et les plafonds en stucs de la villa de Rabat…
Un jour, je reçois une nouvelle carte de Djamil pour mon anniversaire. Un niçois de passage, rencontré dans un bar quelques semaines avant le soir de la St Patrick. Nous avions passé ensemble une nuit torride. Il repartait le lendemain pour Paris où des amis l’attendaient. Je n’ai jamais su s’il avait fait exprès d’oublier sa montre sur ma table de nuit... Il m’a rappelée de Paris, a décliné ma proposition de lui envoyer par Chronopost. Non, non, c’est une montre bien trop chère... Je viens la chercher, on se voit demain ! Nous sommes restés enfermés trois jours dans mon studio. A faire l’amour, manger des pizzas, regarder la télé, refaire l’amour. Nous avons énormément rit aussi. Je me sentais bien avec lui. Puis je l’ai raccompagné à la gare. Comme dans les films, nous nous sommes tenus immobiles sur le quai. Il tenait mes mains entre les siennes, son regard plongé dans le mien. Il n’était pas vraiment question de nous revoir. C’était juste une parenthèse joyeuse dans nos vies respectives. Nous étions d’accord tous les deux. Et pourtant, ma gorge s’est serrée… Dans un souffle, il m’a murmuré qu’il ne parviendrait pas à partir si je continuais à le regarder comme ça. J’ai baissé les yeux. Il a posé un baiser sur mon front et s’est éloigné. Je me pouvais plus retenir mes larmes en sortant de la gare. Pour la première fois depuis très longtemps, je me sentais terriblement seule. Je me suis précipitée chez Anne qui a su me consoler, en habituée des cœurs brisées.
Je me suis vite remise, mettant mes larmes du dernier soir sur le compte de la fatigue. Nous nous écrivons quand même de temps en temps. Il m’envoie des cartes géantes avec Donald ou Grominet, toujours pleines de fautes d’orthographe. C‘est vraiment mignon. Nous plaisantons en projetant de nous retrouver bientôt à mi-chemin, aux alentours de Clermont-Ferrand… Nous passons encore quelques soirées au téléphone, il me raconte des histoires drôles et je ris toujours. Je cherche tout de même à espacer ces conversations depuis que je suis officiellement de nouveau en couple.
Cette dernière carte retrouvée entre les coussins du clic clac ne plaît pas du tout à mon ami. Je l’entends gronder pour la première fois. La jalousie lui fait perdre un peu de son self-control. Je lui promets de mettre un terme à cette correspondance, tout en lui assurant qu’elle est innocente. Plus innocente en tout cas que ce qu’il semble soupçonner…
C’est ainsi que Djamil sort définitivement de ma vie. Il ne sera pas le dernier. Loin de là. Mais l’emprise est déjà forte, je ne me rendrai pas compte avant longtemps du vide qui s’organise peu à peu autour de moi. Pourquoi craindre les murs que l’on bâtit soi-même ? Ne sont-ils pas là pour nous protéger justement ?
Celui qui est devenu en quelques mois mon influence la plus forte critique parfois, l’air de rien, mon mode de vie. Je sors un peu trop, mon pantalon imprimé python est quand même un poil provocant… Et je n’ai pas l’air de m’en rendre compte mais la plupart de mes amis sont amoureux de moi. Ils n’attendent tous qu’une chose : me mettre dans leur lit. Ca lui crève les yeux. Et moi qui suis tellement naïve, il se demande si je ne joue pas parfois un peu de cette candeur... Je le rassure, lui promets de faire attention. Je ne veux pas le voir mal à l’aise et surtout je ne veux pas qu’il pense que je prends notre relation à la légère… Je deviens donc plus sage, calculant mes regards et réglant mon comportement. Je commence sans m’en rendre compte à censurer ma vie sociale, à me méfier des autres garçons et des opinions de mes amis.
Semaine après semaine, s’opèrent ainsi à mon insu de profonds changements. Je modifie mes habitudes, ma façon de parler, de bouger... et surtout de penser. Je commence à percevoir mes amis et ma famille un peu différemment aussi. Je ne me perçois plus de la même façon non plus, un peu comme si je devenais quelqu’un d’autre. Et j’aime ce sentiment : pouvoir se façonner soi-même pour devenir meilleur, plus accompli…
Pour encore mieux coller à l’image que l’autre projette en nous. Mais ça, je ne l’avais pas encore compris.
Sa peau et ses discours me passionnent chaque jour un peu plus. Je lis ses livres, écoute sa musique, plonge totalement dans son univers qui me parait plus chaud, plus lucide, plus intense que le mien. Je commence à lire Courrier International et Le Monde Diplomatique. Mes préoccupations de jeune étudiante nantaise me semblent bien dérisoires face à la politique de Milosevic au Kosovo, les bouleversements climatiques que commence à connaitre notre planète ou la reprise de la guerre civile en Guinée Bissau… Je partage sa fascination pour Jacques Verges, l’avocat de la terreur. Il me fait lire Joe Saco et je découvre avec effroi les injustices et les humiliations dont souffre le peuple palestinien. Il me parle du Maroc, de ses plages et de la famille d’Hassan II que sa mère connait bien. J’ai l’impression de m’ouvrir au monde. Il devient en fait peu à peu mon unique préoccupation, s’installant confortablement dans le moindre recoin de mon cerveau. Surtout lorsqu’il n’est pas là.
A l’époque, l’UGC Apollo vend encore ses tickets à dix francs et propose régulièrement des rétrospectives. Ce concept permet aux étudiants de forger leur culture cinématographique à moindre coût. Nous y allons au moins deux ou trois fois par semaine. C’est dans une de ces salles qu’il me confie un soir qu’il aimerait beaucoup m’emmener au Maroc pour les vacances. Il veut me présenter à sa famille, à ses amis. Je sens de nouveau le petit tourbillon dans mon ventre. C’est bon. Et je meurs d’envie de découvrir ce pays. J’accepte avec enthousiasme. Je ne vois pas la fin du film. Dans ma tête défilent des images exotiques, les plages de la côte atlantique, les palmiers de Marrakech, les immenses salons et les plafonds en stucs de la villa de Rabat…
ombre77- Nombre de messages : 37
Age : 47
Localisation : Beyrouth
Date d'inscription : 10/02/2011
Re: Lendemain de fête
mais alors moi qui découvre aujourd'hui tout ça, je suis scotchée.
L'écriture un peu sèche et, du coup, hyper efficace, le propos, l'alcool, la maladie à venir ou pas, tout me parle et me plaît.
C'est très long sur un écran, j'ai parfois juste survolé mais il est certain que j'y reviendrai, et c'est déjà un plaisir à venir
L'écriture un peu sèche et, du coup, hyper efficace, le propos, l'alcool, la maladie à venir ou pas, tout me parle et me plaît.
C'est très long sur un écran, j'ai parfois juste survolé mais il est certain que j'y reviendrai, et c'est déjà un plaisir à venir
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Lendemain de fête
Long time no read ombre77 !
J'ai raccroché les wagons, repris le fil de la lecture. En me disant - mal à l'aise - que si ça marche c'est sûrement qu'il y a un côté un peu voyeur là-dedans... En tout cas, le sentiment de pénétrer en toute impunité et même avec la bénédiction de la narratrice dans son espace privé. Je pense que le côté "documentaire" fonctionne aussi, celui qui fait appel à la mémoire collective, le texte faisant retour sur une époque, sur des évènements qu'on a oubliés.
Mais bien sûr, et heureusement, tout cela n'est que littérature.
Une coquille relevée au passage : "Nous avons énormément rit aussi." (ri)
J'ai raccroché les wagons, repris le fil de la lecture. En me disant - mal à l'aise - que si ça marche c'est sûrement qu'il y a un côté un peu voyeur là-dedans... En tout cas, le sentiment de pénétrer en toute impunité et même avec la bénédiction de la narratrice dans son espace privé. Je pense que le côté "documentaire" fonctionne aussi, celui qui fait appel à la mémoire collective, le texte faisant retour sur une époque, sur des évènements qu'on a oubliés.
Mais bien sûr, et heureusement, tout cela n'est que littérature.
Une coquille relevée au passage : "Nous avons énormément rit aussi." (ri)
Invité- Invité
Re: Lendemain de fête
Oui, c'est un texte excellent. C'est vraiment dommage que l'auteur soit parti vers d'autres horizons, nous laissant en suspens.
Jano- Nombre de messages : 1000
Age : 55
Date d'inscription : 06/01/2009
Re: Lendemain de fête
J’ai replongé avec plaisir dans ce bout de suite où, peu à peu, les choses se dessinent, et ce que l’on pressent de ce qui va arriver s’approche.
Le ton, le rythme, l’introspection sont toujours là et emportent toujours.
Re-bienvenue !
Le ton, le rythme, l’introspection sont toujours là et emportent toujours.
Re-bienvenue !
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Lendemain de fête
Bonsoir,
Une écriture courte et serrée, très efficace, au service d'une analyse quasi-clinique des symptômes que provoquent la rencontre et la relation nouvelle.
Durera-t-elle trois ans ?
Amicalement,
midnightrambler
Une écriture courte et serrée, très efficace, au service d'une analyse quasi-clinique des symptômes que provoquent la rencontre et la relation nouvelle.
Durera-t-elle trois ans ?
Amicalement,
midnightrambler
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
Age : 71
Localisation : Alpes de Haute-Provence laclefdeschamps66@hotmail.fr
Date d'inscription : 10/01/2010
Re: Lendemain de fête
Le week-end suivant, je suis très fière de le présenter à ma famille.
Il se montre parfaitement à l’aise chez mes parents. Je repense un instant à Erwan, assis sur le bout du fauteuil devant la cheminée d’architecte. Son regard fuyant, impressionné par mon père, par notre maison… J’observe mon nouveau copain, confortablement installé dans le canapé. Il plaisante avec mes frères, parle politique internationale avec ma mère, s’intéresse à la collection de bonsaï de mon père… J’ai l’impression que tout le monde tombe sous le charme. Je suis moi-même en admiration devant tant d’aisance. J’aimerais être capable de parler avec cette facilité, de me déplacer dans l’espace avec autant de naturel. Lui, si parfaitement à l’aise, s’adaptant à n’importe quelle situation… En fait il semble être en mesure de séduire n’importe qui.
Nous rentrons chez moi le dimanche soir, il doit reprendre le train le lendemain matin. Je commence à me lasser de ces allers et retours. J’ai l’impression que ma vie s’arrête lorsqu’il n’est pas là. Et je me pose de plus en plus de questions sur sa vie à Angers, les filles qu’il croise à la fac, les soirées au bar du Centre… Ma jalousie se réveille peu à peu mais je n’essaie pas de la refouler, pour moi elle est normalement associée à l’amour que je ressens maintenant pour lui. Et cette jalousie, il me la rend bien. Ce qui finalement me rassure.
Assis sur le tapis, autour de ma table basse en carton, nous parlons de nos études. J’envisage de quitter la fac pour intégrer l’école de Travail Social. Selon lui, je devrais poursuivre au moins jusqu’au DESS. Je dois viser plus haut… Il m’explique calmement pourquoi les enfants des classes moyennes n’envisagent jamais de longues études. Ca leur paraît inaccessible, ils n’ont aucun modèle de réussite dans leur environnement, parfois ils ne connaissent ni les filières, ni les débouchés. Il suffit pourtant de se lancer, rien n’est inaccessible à partir du moment où on est capable de se projeter... Je bois littéralement ses paroles, soudainement convaincue que je dois rompre avec ce schéma de reproduction sociale, que je peux sortir du lot en dépassant le simple Bac + 3 que je visais jusqu’ici. Exit la formation d’éducateur spécialisé, trop classe moyenne, trop proche de mon milieu d’origine… Je peux et je dois faire mieux que ça, je mérite bien plus.
Il semble avoir tellement confiance en moi. Dans son regard, je me sens supérieure, tandis que ma famille et mes amis me semblent de plus en plus ternes, enfermés dans un univers presque étriqué. Mon monde à moi se veut bien plus vaste, moins convenu, plus inattendu. Peu à peu j’adopte ses discours snobs, son orgueil a peine dissimulée, son mépris envers tout ce qui n’est pas Lui. Il a dopé mon ego, qui n’attendait que ça. Réveillé la créature narcissique qui fuit son propre vide. Mes parents et mes amis me trouveront bientôt insupportable. J’abandonnerai sciemment ces derniers dans quelques mois. Puis les regretterai amèrement de longues années plus tard. Trop tard. Je verserai des larmes sur les vieilles lettres de ma fidèle amie Anne. Je lui écrirai un jour pour lui dire que je pense toujours à elle. Elle ne me répondra pas.
Tout ça je ne le sais pas encore. Mon présent palpite, euphorique. Nous parlons enfin de nous installer ensemble, cela fait trois mois déjà que nous nous connaissons et il parait évident que nous continuerons ainsi. Peut-être même toute la vie. J’ai envie de rester avec toi… jusqu’à ce que tous tes cheveux soient blancs. Sa phrase me fait rire. Je ne me suis encore jamais imaginée avec des cheveux blancs. Oui, nous avons la vie entière devant nous.
Il m’annonce qu’il n’a pas l’intention de rester à Angers. Mon cœur se réchauffe à l’idée qu’il pourrait venir s’installer à Nantes. Mais non, il a envie de poursuivre ses études ailleurs, plutôt dans une ville du sud de la France. Je n’y ai jamais songé pour moi-même mais l’idée me paraît extraordinaire. Bien sûr ! Pourquoi pas ? Démarrer une nouvelle vie ensemble, sous un ciel un peu moins gris. Rencontrer de nouvelles personnes, nous faire des amis communs. Il évoque Bordeaux, Toulouse et Marseille. La mer, le soleil… Nous passons la soirée à imaginer cette nouvelle vie : aller ensemble à la fac, faire du sport en plein air, cocooner dans notre appartement dont les murs seraient recouverts de livres… Nous nous endormons serrés l’un contre l’autre, des rêves communs plein la tête. Je me fiche finalement du lieu où nous pourrions vivre, je le suivrais n’importe où. Pour moi, le creux de ses bras représente l’unique endroit au monde où je souhaite indéfiniment me trouver. Sa chaleur rassurante, son souffle sur ma nuque... Il me semble que cela me suffirait pour une vie entière.
La semaine suivante, nous discutons de notre projet chaque soir au téléphone. Lorsqu’il revient pour le week-end, nous étudions la carte de France. Y a-t-il d’autres villes qui pourraient nous convenir ? Montpellier ? Nice ? Trop petit peut-être… Alors Bordeaux ? Pas assez au sud ? Et Marseille ? Pourquoi pas, mais peut-être un peu trop grand finalement… Toulouse nous met tous les deux d’accord. La ville rose. Je ne l’ai jamais visitée mais ce surnom me semble plein de promesses. Une ville d’étudiants, plusieurs grands campus, un métro flambant neuf, une localisation idéale entre les Pyrénées, la Méditerranée et l’Atlantique, non loin de l’Espagne… La décision est prise. Il ne reste qu’à convaincre mes parents.
Ce fût beaucoup moins facile que je pensais. Ma mère prend très mal cette décision. Elle s’inquiete de me voir partir si loin avec ce garçon que je « connais à peine ». Je pensais pourtant qu’il lui avait beaucoup plu… Mes parents refusent donc dans un premier temps. Mais face à ma détermination, ils finissent par, partiellement, plier. Quelques semaines plus tard, ma mère m’annonce que je peux partir mais qu’ils ne me donneront pas un sou de plus. Je devrai donc me débrouiller pour acheter ce que je ne pourrai plus piquer dans leur frigo et les billets de train pour rentrer à Nantes le plus souvent possible. A leurs avis, cela ne serait pas possible de joindre les deux bouts avec si peu d’argent. Ils pensent sans doute que je reviendrai sur ma décision.
J’en parle à mon copain qui trouve injuste leur réaction. Tu es leur fille, ils n’ont pas le droit. C’est du chantage ! C’est une chance pour toi de vivre ailleurs, de t’ouvrir un peu plus au monde, ils devraient comprendre ça et t’appuyer plutôt que chercher à te retenir ici ! C’est égoïste ! Puis il se radoucit. C’est pas grave, mon père nous aidera quand on sera installés là-bas. Ne t’en fais pas. On n’a pas besoin de tes parents.
La décision fût donc prise de partir un week-end à Toulouse pour chercher un appartement et nous inscrire à la fac. L’été débutait, nous avons pris nos billets de train pour la fin du mois de juillet. Je trepignais d'impatience.
Il se montre parfaitement à l’aise chez mes parents. Je repense un instant à Erwan, assis sur le bout du fauteuil devant la cheminée d’architecte. Son regard fuyant, impressionné par mon père, par notre maison… J’observe mon nouveau copain, confortablement installé dans le canapé. Il plaisante avec mes frères, parle politique internationale avec ma mère, s’intéresse à la collection de bonsaï de mon père… J’ai l’impression que tout le monde tombe sous le charme. Je suis moi-même en admiration devant tant d’aisance. J’aimerais être capable de parler avec cette facilité, de me déplacer dans l’espace avec autant de naturel. Lui, si parfaitement à l’aise, s’adaptant à n’importe quelle situation… En fait il semble être en mesure de séduire n’importe qui.
Nous rentrons chez moi le dimanche soir, il doit reprendre le train le lendemain matin. Je commence à me lasser de ces allers et retours. J’ai l’impression que ma vie s’arrête lorsqu’il n’est pas là. Et je me pose de plus en plus de questions sur sa vie à Angers, les filles qu’il croise à la fac, les soirées au bar du Centre… Ma jalousie se réveille peu à peu mais je n’essaie pas de la refouler, pour moi elle est normalement associée à l’amour que je ressens maintenant pour lui. Et cette jalousie, il me la rend bien. Ce qui finalement me rassure.
Assis sur le tapis, autour de ma table basse en carton, nous parlons de nos études. J’envisage de quitter la fac pour intégrer l’école de Travail Social. Selon lui, je devrais poursuivre au moins jusqu’au DESS. Je dois viser plus haut… Il m’explique calmement pourquoi les enfants des classes moyennes n’envisagent jamais de longues études. Ca leur paraît inaccessible, ils n’ont aucun modèle de réussite dans leur environnement, parfois ils ne connaissent ni les filières, ni les débouchés. Il suffit pourtant de se lancer, rien n’est inaccessible à partir du moment où on est capable de se projeter... Je bois littéralement ses paroles, soudainement convaincue que je dois rompre avec ce schéma de reproduction sociale, que je peux sortir du lot en dépassant le simple Bac + 3 que je visais jusqu’ici. Exit la formation d’éducateur spécialisé, trop classe moyenne, trop proche de mon milieu d’origine… Je peux et je dois faire mieux que ça, je mérite bien plus.
Il semble avoir tellement confiance en moi. Dans son regard, je me sens supérieure, tandis que ma famille et mes amis me semblent de plus en plus ternes, enfermés dans un univers presque étriqué. Mon monde à moi se veut bien plus vaste, moins convenu, plus inattendu. Peu à peu j’adopte ses discours snobs, son orgueil a peine dissimulée, son mépris envers tout ce qui n’est pas Lui. Il a dopé mon ego, qui n’attendait que ça. Réveillé la créature narcissique qui fuit son propre vide. Mes parents et mes amis me trouveront bientôt insupportable. J’abandonnerai sciemment ces derniers dans quelques mois. Puis les regretterai amèrement de longues années plus tard. Trop tard. Je verserai des larmes sur les vieilles lettres de ma fidèle amie Anne. Je lui écrirai un jour pour lui dire que je pense toujours à elle. Elle ne me répondra pas.
Tout ça je ne le sais pas encore. Mon présent palpite, euphorique. Nous parlons enfin de nous installer ensemble, cela fait trois mois déjà que nous nous connaissons et il parait évident que nous continuerons ainsi. Peut-être même toute la vie. J’ai envie de rester avec toi… jusqu’à ce que tous tes cheveux soient blancs. Sa phrase me fait rire. Je ne me suis encore jamais imaginée avec des cheveux blancs. Oui, nous avons la vie entière devant nous.
Il m’annonce qu’il n’a pas l’intention de rester à Angers. Mon cœur se réchauffe à l’idée qu’il pourrait venir s’installer à Nantes. Mais non, il a envie de poursuivre ses études ailleurs, plutôt dans une ville du sud de la France. Je n’y ai jamais songé pour moi-même mais l’idée me paraît extraordinaire. Bien sûr ! Pourquoi pas ? Démarrer une nouvelle vie ensemble, sous un ciel un peu moins gris. Rencontrer de nouvelles personnes, nous faire des amis communs. Il évoque Bordeaux, Toulouse et Marseille. La mer, le soleil… Nous passons la soirée à imaginer cette nouvelle vie : aller ensemble à la fac, faire du sport en plein air, cocooner dans notre appartement dont les murs seraient recouverts de livres… Nous nous endormons serrés l’un contre l’autre, des rêves communs plein la tête. Je me fiche finalement du lieu où nous pourrions vivre, je le suivrais n’importe où. Pour moi, le creux de ses bras représente l’unique endroit au monde où je souhaite indéfiniment me trouver. Sa chaleur rassurante, son souffle sur ma nuque... Il me semble que cela me suffirait pour une vie entière.
La semaine suivante, nous discutons de notre projet chaque soir au téléphone. Lorsqu’il revient pour le week-end, nous étudions la carte de France. Y a-t-il d’autres villes qui pourraient nous convenir ? Montpellier ? Nice ? Trop petit peut-être… Alors Bordeaux ? Pas assez au sud ? Et Marseille ? Pourquoi pas, mais peut-être un peu trop grand finalement… Toulouse nous met tous les deux d’accord. La ville rose. Je ne l’ai jamais visitée mais ce surnom me semble plein de promesses. Une ville d’étudiants, plusieurs grands campus, un métro flambant neuf, une localisation idéale entre les Pyrénées, la Méditerranée et l’Atlantique, non loin de l’Espagne… La décision est prise. Il ne reste qu’à convaincre mes parents.
Ce fût beaucoup moins facile que je pensais. Ma mère prend très mal cette décision. Elle s’inquiete de me voir partir si loin avec ce garçon que je « connais à peine ». Je pensais pourtant qu’il lui avait beaucoup plu… Mes parents refusent donc dans un premier temps. Mais face à ma détermination, ils finissent par, partiellement, plier. Quelques semaines plus tard, ma mère m’annonce que je peux partir mais qu’ils ne me donneront pas un sou de plus. Je devrai donc me débrouiller pour acheter ce que je ne pourrai plus piquer dans leur frigo et les billets de train pour rentrer à Nantes le plus souvent possible. A leurs avis, cela ne serait pas possible de joindre les deux bouts avec si peu d’argent. Ils pensent sans doute que je reviendrai sur ma décision.
J’en parle à mon copain qui trouve injuste leur réaction. Tu es leur fille, ils n’ont pas le droit. C’est du chantage ! C’est une chance pour toi de vivre ailleurs, de t’ouvrir un peu plus au monde, ils devraient comprendre ça et t’appuyer plutôt que chercher à te retenir ici ! C’est égoïste ! Puis il se radoucit. C’est pas grave, mon père nous aidera quand on sera installés là-bas. Ne t’en fais pas. On n’a pas besoin de tes parents.
La décision fût donc prise de partir un week-end à Toulouse pour chercher un appartement et nous inscrire à la fac. L’été débutait, nous avons pris nos billets de train pour la fin du mois de juillet. Je trepignais d'impatience.
ombre77- Nombre de messages : 37
Age : 47
Localisation : Beyrouth
Date d'inscription : 10/02/2011
Re: Lendemain de fête
Il y a ce passage que je conteste un peu :
Mes parents et mes amis me trouveront bientôt insupportable. J’abandonnerai sciemment ces derniers dans quelques mois. Puis les regretterai amèrement de longues années plus tard. Trop tard. Je verserai des larmes sur les vieilles lettres de ma fidèle amie Anne. Je lui écrirai un jour pour lui dire que je pense toujours à elle. Elle ne me répondra pas.
Je n'aime personnellement pas la technique (déjà employée ici il me semble) qui consiste à faire appel à l'emploi du futur antérieur (ou "passé dans le futur") pour avertir, informer par avance des conséquences du présent ; chaque chose en son temps... ;-)
Sinon quelques remarques orthographiques :
s’intéresse à la collection de bonsaï de mon père… (bonsaïs)
son orgueil a peine dissimulée, (dissimulé)
Ma mère prend très mal cette décision. Elle s’inquiete (s'inquiète)
La décision fût donc prise de partir un week-end (fut)
Je trepignais d'impatience. (trépignais)
Mes parents et mes amis me trouveront bientôt insupportable. J’abandonnerai sciemment ces derniers dans quelques mois. Puis les regretterai amèrement de longues années plus tard. Trop tard. Je verserai des larmes sur les vieilles lettres de ma fidèle amie Anne. Je lui écrirai un jour pour lui dire que je pense toujours à elle. Elle ne me répondra pas.
Je n'aime personnellement pas la technique (déjà employée ici il me semble) qui consiste à faire appel à l'emploi du futur antérieur (ou "passé dans le futur") pour avertir, informer par avance des conséquences du présent ; chaque chose en son temps... ;-)
Sinon quelques remarques orthographiques :
s’intéresse à la collection de bonsaï de mon père… (bonsaïs)
son orgueil a peine dissimulée, (dissimulé)
Ma mère prend très mal cette décision. Elle s’inquiete (s'inquiète)
La décision fût donc prise de partir un week-end (fut)
Je trepignais d'impatience. (trépignais)
Invité- Invité
Re: Lendemain de fête
Les choses se mettent en place, implacablement, qui vont mener à ce qui a déjà été évoqué et l’est encore un peu (la coupure de la famille et des amis).
J’ai l’impression de lire le pourquoi du comment, tout cet engrenage qui conduit à une situation donnée. Une sorte de plongée dans la chronique d’un drame annoncé.
Peut-être faire attention à ne pas faire trop long, risque d'essoufflement.
J’ai l’impression de lire le pourquoi du comment, tout cet engrenage qui conduit à une situation donnée. Une sorte de plongée dans la chronique d’un drame annoncé.
Peut-être faire attention à ne pas faire trop long, risque d'essoufflement.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Lendemain de fête
Au contraire d'Easter j'aime bien cet emploi du futur antérieur. D'une part je trouve qu'il faut être sûr de son écriture pour l'utiliser - pas toujours évident - d'autre part ce saut dans le futur rend la situation présente plus critique. On appréhende mieux les conséquences des actes de la narratrice qui, par ailleurs, semble prise dans un engrenage.
Toujours aussi bien écrit mais j'ai l'impression qu'il manque quelque chose ; un grain de folie, de passion, un cri qui viennent secouer cette morne description, cette descente aux enfers que l'on devine trop aisément. Quand la description de la réalité est trop froide, énumérative, elle finit par ennuyer.
Toujours aussi bien écrit mais j'ai l'impression qu'il manque quelque chose ; un grain de folie, de passion, un cri qui viennent secouer cette morne description, cette descente aux enfers que l'on devine trop aisément. Quand la description de la réalité est trop froide, énumérative, elle finit par ennuyer.
Jano- Nombre de messages : 1000
Age : 55
Date d'inscription : 06/01/2009
Re: Lendemain de fête
Bonsoir Ombre,
Un nouveau texte très bien écrit, très précis et très dense. Il ne se passe rien mais on sent les tensions se mettre en place. La relation a quitté la sphère de l'intime pour se frotter au monde extérieur. On se rassure de ces détails franco-français - canapé, Bar du Centre, fac, DESS, villes de la Loire, villes du sud - mais on sent que la confrontation mettra en jeu des identités nationales, des modes de vie et des cultures.
Amicalement,
midnightrambler
Un nouveau texte très bien écrit, très précis et très dense. Il ne se passe rien mais on sent les tensions se mettre en place. La relation a quitté la sphère de l'intime pour se frotter au monde extérieur. On se rassure de ces détails franco-français - canapé, Bar du Centre, fac, DESS, villes de la Loire, villes du sud - mais on sent que la confrontation mettra en jeu des identités nationales, des modes de vie et des cultures.
Amicalement,
midnightrambler
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
Age : 71
Localisation : Alpes de Haute-Provence laclefdeschamps66@hotmail.fr
Date d'inscription : 10/01/2010
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