Exo journal : ^^

Cher blog…

Y a pas à dire, je vais avoir du mal à commencer. J’ai eu du mal hier, déjà, quand j’ai voulu donner à ma page de blog une touche cool. T’as beau essayer toutes les combinaisons, chaque fois tu te retrouves avec des trucs ringards, genre papier peint couleurs chiées, gerbe de pluie d’étoiles, dégueuli de cœurs, et moi, mon cœur, aujourd’hui, il est plutôt d’humeur tête de mort et tsunami.

Je ne sais même pas si c’est l’idée du siècle de créer ce blog, mais j’ai trop de truc à gueuler, je sature grave. Je veux me faire la peau de ce petit con, et je ne tiens pas à me le faire dans l’intimité, je vais le faire souffrir grande échelle, worldwide. Je veux crier à l’injustice, retrouver ma vie d’avant, oublier ce trimestre de schizo.

J’avais déjà mal commencé l’année.

Avant les vacances, j’étais limite star au bahut, genre, je faisais la couv. Mais en septembre, comme ça, pour rien, les potes me l’ont jouée « je te nie ». Je suis passée de la couv aux pages pratiques, coincée entre une recette de cuisine et un sudoku. Ça m’a foutu les glandes, d’accord, mais ce que je ne savais pas c’est que j’aurais dû m’estimer heureuse. J’ignorais encore que j’allais finir dans les petites annonces, genre www.grossetepu.conne.

C’est papa qui m’a mis la puce à l’oreille hier, quand il a déboulé dans ma chambre vénère, façon Attila et compagnie. « C’est quoi ce groupe facebook » qu’il m’a lancé. Et moi, le truc, je savais même pas qu’il connaissait Facebook, et puis je voyais pas où il voulait en venir. Pas encore.

Eh ben la môme, t'as pas dû en voir beaucoup des putes dans ta vie ! Tu devrais faire un tour dans mon coin, tu te frotterais un peu à la vie, la vraie. Pas tes conneries d'ado, pour sûr. Tu sais que rien qu'à te lire on comprend tout comment ça marche dans ta tête ? Bon, je te recroiserai dans le coin.

P.S. : T'as déjà vu le loup péter sur la pierre de bois ? Parce que si non, j'ai peut-être un voyage à te proposer. Ton père te ferait plus chier, et moi je suis pas le gars exigeant.

ça me fait trop marrer les vieux, ils ont des expressions, tu pleures tellement c'est mort. ^^

PS : j'ai demandé à mon père s'il pouvait m'avoir des billets par son CE de la brigade des mineurs

Hé petite, tu me trottes dans la tête et ailleurs, figure-toi. Je sais pas si ça se fait encore dans ton monde de Tamagochi, mais je t'ai écrit un poème. Ouais, un vrai et tout, qui rime et qu'on compte les pieds tout bien. Pour te préciser, je vadrouille entre la Birmanie et la Thaïlande et je couche dans la jungle, au milieu des sales bêtes ! Bonnard, hein ? Alors j'ai trouvé le cyber-café sous le fromager géant et je t'envoie ça. C'est pas de la balle ?

Dans la jungle, la chambre où je couche le soir
A comme mur des troncs et comme toit des feuilles.
La lune au-dessus luit, une clairière au seuil
Bruit, gronde. La nature immense fait sa foire.

Homme triste, fourbu, perdu dans cette gloire,
Je ne peux pas dormir. Mon esprit las recueille
Les impressions d’une journée tissée de deuil ;
Pour trame isolement, chaîne boue. Sale moire !

Un moustique railleur stridule et m’exaspère,
Je me crois enfermé dans un cercueil – ma bière.
Mon cœur impuissant coule au milieu du désastre.

Pourtant un souffle doux murmure à mon oreille
La raison qui me fait espérer le soleil :
Ton visage, aussi pur que le plus beau des astres.

"Je veux me faire la peau de ce petit con"
J'ai lu ça et tout de suite ça a tilté.
Ton père, il te donne combien comme argent de poche ?

J’espère qu’avec le printemps tu ne bourgeonnes pas petite graine de rebelle !

Ben mon gamin, t'es mal barré, j'peux rien pour toi, sauf te filer un coup de gnôle.

Slt. Wouah trop coool ton blog LOL

Tiens, une prépubère postpisseuse qui connaît l'orthographe ? Pas banal, ça..

Empathie, tu dis ?
Ou dédoublement de la personnalité ?

Chouette, une histoire de cyber-pétasse. Voyons ce blog, ça doit suinter un max.

Je n’ai rien écrit hier. Trop en colère. J’ai dû subir la réunion familiale, style, on-se-dit-tout.

Ça a duré des heures, j’ai eu droit à toutes les leçons de morale, les conseils amicaux, violons et menaces pas voilées. Ma belle-mère n’a pas beaucoup parlé, mon frère a trouvé des solutions radicales, genre « je vais leur péter la gueule » - parfois, je soupçonne qu’il existe un rite secret dans les maternités qui consiste à célébrer la naissance des enfants mâles en leur cognant la tête contre les murs. Sinon, quoi ? - et moi, comme d’hab, j’ai absorbé comme une peau super sèche sur laquelle on passe de la crème hydratante. Je n’avais même pas envie de mentir, et puis j’aurais eu du mal, mon erreur passait quand même en boucle sur le web.
J’avais juste envie d’aller dans ma chambre, de m’allonger et de poser ma joue, là, juste où le chat réchauffe l’oreiller chaque soir.
Papa a fini la réunion en soufflant : « comment t’as pu me faire ça ? », et moi ça m’a tué qu’il rapporte encore tout à lui, genre, le Big-bang c’est le début de son histoire à lui… J’ai eu envie de lui dire : « eh papa ! Ça concerne que moi ! Quand t’as couché avec la voisine, c’est pas grand-père que maman a traité d’enfoiré ».
Mais je l’ai fermée, comme d’hab. Je sais bien que tout ce que mes parents m’ont inculqué en matière d’honnêteté c’est du bidon, dans la vie faut juste savoir la fermer, ou, bien baratiner.

En gros, voilà ! Je n’ai rien écrit hier parce que j’étais en colère contre le monde, ma famille, mes anciens potes, contre…
Tiens ! Comme je suis toujours en colère, et que je n’ai plus rien envie de dire, je vais coller ici le sonnet pourri que j’ai écrit avant hier pour le cours de théâtre auquel je ne suis finalement pas allée.


J’écoute le silence, le désespoir venir.
Je n’aurai plus jamais l’image de la poupée
Optimiste naïve qui parle aux fleurs coupées,
Admire en chaque étoile l’ombre d’un souvenir.

A quoi bon graffiter sur les murs salopés,
Noircis d’amours déçus, de rêves et de désirs,
De vies rêvées emplies d’amours et d’avenir ?
Mon petit désespoir est moins qu’une épopée.

A traverser les gens on s’égare trop souvent
On observe la vie s’éloigner dans le vent,
Et on perd les beaux jours au joug des allusions.

Plutôt que de crier, je sais que tout au bout,
La mort est magicienne, la vie son illusion.
Je glisse au bord de rien et je reviens de tout.

On y croit à cette histoire. Tout sonne juste y compris le sonnet de l'adolescente désespérée et incomprise. Oui tu fais fort question empathie. Cette "cyber pétasse" post pisseuse a toute ma sympathie.

c'est criant de vérité ! Je n'en ai pas dans mon entourage ( ou plus vieux ou beaucoup plus jeunes) mais j'en écoute parfois parler entre elles, et c'est exactement ça !

Une ado intelligente, philosophe et rebelle à l’intérieur, j’adore ! C’est très bien fait et raconté, dans le ton comme dans les pensées.
Chouette sonnet, j’en retiens notamment ça, j’adore :
A traverser les gens on s’égare trop souvent

J’ai menti.
Dès le début, j’ai menti.
Je sais pourquoi mes potes m’ont snobée à la rentrée. Et c’était pas pour rien. Faudrait dire : presque rien, en fait. Un bisou. C’est juste que ce bisou, je l’ai donné, au mois de juin dernier, au petit copain de Nath. Mais bon, j’avais des excuses. La première c’est que le mec est vraiment canon ; la seconde… Ben Nath, j’en ai rien à foutre. Nath, c’est juste une pétasse à grande gueule. Je ne l’ai jamais aimée. C’est le genre de filles à histoire. Avec elle, t’envisage rapide la possibilité du Diable, même si tu ne crois pas en Dieu. Elle en impose, c’est clair, genre, elle entre dans une pièce, t’as l’impression d’être le shérif d’un bled du Texas à l’arrivée du FBI, mais la comparaison s’arrête là. Cette meuf c’est juste un fléau.
J’ai vite réalisé que j’avais fait une belle erreur, j’avais mis ma langue dans la bouche du mec et un pied en enfer.
Là où j’ai vraiment, mais vraiment déconné, c’est quand je l’ai laissé m’embarquer chez lui. C’était la semaine dernière. Je ne comprends pas encore comment j’ai pu faire ça. D’abord j’étais vierge. Pas le genre à attendre le prince charmant, le mariage ou toute autre tradition ringarde, j’étais juste vierge par manque d’opportunité, et de courage peut-être. Mais voilà, il a su me convaincre.
Ça c’est même pas bien passé. On était dans sa chambre, ses vieux étaient absents. J’avais juste l’angoisse qu’ils rentrent plus tôt que prévu. J’étais concentré sur ça et sur le poster d’un catcheur qui couvrait presque tout le mur au-dessus de son bureau. J’étais vraiment en mode parano, avec en plus des effluves de trucs de mec plein les narines. Impossible de me concentrer, je ne crois même pas avoir fait semblant, c’était juste grotesque. Le désir, ça doit être bien quand c’est partagé, sinon ça craint. Le désir c’est laid sur une gueule d’ado, je parle même pas des bruits.
J’ai dit que j’étais en mode parano, j’ai pas dit que j’aurais du l’être plus encore, oublier les parents qui pouvaient débouler à tout moment, lâcher les yeux du catcheur grimaçant et regarder autour de moi, sur le bureau, au-dessus de l’ordi, la webcam… Mon enfer.

Un conseil ma belle enfant - quoique ce soit trop tard maintenant - toujours boire un verre d'alcool fort avant de se faire déflorer.
Ceci dit, plus sérieusement, c'est sacrément bien vu mon cher Grieg !

"j’avais mis ma langue dans la bouche du mec et un pied en enfer." joli zeugme...la deuxième contrainte : la fin d'un cycle d'une époque ? Oui c'est vraiment ce qui s'appelle se faire déniaiser c'te histoire.
Du bon boulot, tout est crédible jusqu'à la façon d'écrire

C’est pas possible, tu as demandé à une ado de ta connaissance d’écrire ce journal ou tu lui as piqué le sien, enfin bref, il y a forcément une explication logique à autant de justesse. Le talent sans doute…

Oui, je viens de tout lire à la suite, c'est fort. Je trouve que ton personnage évolue rapidement. Au départ, tu étais dans la caricature sauvage, elle était "kevina" à donf, et puis, depuis deux épisodes, elle n'est plus aussi superficielle. Je crois que tu commences à bien l'aimer, cette petite, non ?

C'est fini ? Quand on a mon âge, ce genre de truc ravigote. Ça console de ne plus être jeune !